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08/01/2021 | FRANCE | N°20NT01274

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 6ème chambre, 08 janvier 2021, 20NT01274


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... E... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler les arrêtés du 28 novembre 2019 par lesquels le préfet de Maine-et-Loire a décidé son transfert aux autorités italiennes et l'a assigné à résidence pour une durée de quarante-cinq jours, d'enjoindre à cette autorité de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour d'une durée minimale d'un mois, dans un délai de huit jours à compter de la notification du jugement, et de transmettre sa demande d'asile à l'Office français d

e protection des réfugiés et apatrides pour examen, enfin, de mettre à la charge d...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... E... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler les arrêtés du 28 novembre 2019 par lesquels le préfet de Maine-et-Loire a décidé son transfert aux autorités italiennes et l'a assigné à résidence pour une durée de quarante-cinq jours, d'enjoindre à cette autorité de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour d'une durée minimale d'un mois, dans un délai de huit jours à compter de la notification du jugement, et de transmettre sa demande d'asile à l'Office français de protection des réfugiés et apatrides pour examen, enfin, de mettre à la charge de l'Etat les dépens ainsi que la somme de 1 800 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Par un jugement n° 1913625 du 19 décembre 2019, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 9 avril 2020, M. D... E..., représenté par Me C... demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler les arrêtés du 28 novembre 2019 du préfet de Maine-et-Loire ;

3°) d'enjoindre à cette autorité de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour d'une durée minimale d'un mois, dans un délai de huit jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, et de transmettre sa demande d'asile à l'Office français de protection des réfugiés et apatrides pour examen ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 800 euros, à verser à son conseil, sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- la décision ordonnant son transfert aux autorités italiennes méconnait les dispositions de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;

- la décision ordonnant son transfert aux autorités espagnoles est entachée d'un vice de procédure au regard des dispositions de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ; les autorités italiennes sont confrontées à un afflux massif de migrants, entraînant de grandes difficultés pour traiter les demandes d'asiles correspondantes ; alors que depuis le 26 septembre 2017 les mesures dérogatoires de l'Union européenne dites de " relocalisation " ont pris fin, l'Italie connait des dysfonctionnements sérieux dans le traitement de ces demandes présentées par des personnes vulnérables ; à son retour en Italie, il n'a reçu aucun accompagnement social ou médical ; il est désormais suivi par le service hépato-gastrique au centre hospitalier universitaire de Nantes ; pour les mêmes motifs, la décision ordonnant son transfert aux autorités italiennes méconnaît le paragraphe 2 de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ainsi que l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision ordonnant son transfert aux autorités italiennes méconnait les dispositions du paragraphe 7 de l'article 22 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;

- la décision ordonnant son transfert aux autorités italiennes est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de l'application de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;

- la décision portant assignation à résidence est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant transfert aux autorités italiennes.

Par un mémoire en défense, enregistré le 27 mai 2020, le préfet de Maine-et-Loire conclut au prononcé d'un non-lieu à statuer sur les conclusions dirigées contre l'arrêté du 28 novembre 2019 portant transfert de M. E... aux autorités italiennes et au rejet du surplus de la requête.

Il fait valoir, d'une part, que l'arrêté portant transfert de l'intéressé aux autorités italiennes n'ayant pas été exécuté dans le délai de six mois à compter de la notification du jugement attaqué, l'Italie est désormais libérée de son obligation de prise en charge et, d'autre part, que l'unique moyen dirigé contre la décision d'assignation à résidence tiré de l'exception d'illégalité de l'arrêté portant transfert aux autorités italiennes n'est pas fondé, cet arrêté n'étant entaché d'aucune illégalité.

M. E... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 11 mars 2020.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu la décision du 16 novembre 2020 par laquelle le président de la cour a, en application des dispositions des articles R 222-24 et R.222-32 du code de justice administrative, désigné M. A... pour exercer temporairement les fonctions de rapporteur public à l'audience du 11 décembre 2020 de la 6ème chambre.

Vu :

- l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. B... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. D... E..., de nationalité soudanaise, né le 21 mai 1994, est entré une première fois sur le territoire français le 13 juillet 2018 et a fait l'objet d'une procédure de transfert en Italie le 11 juin 2019. Il est de nouveau entré en France le 9 août 2019 et a présenté une demande d'asile auprès de la préfecture de Loire-Atlantique le 24 septembre 2019. La consultation du fichier Eurodac a alors révélé que ses empreintes digitales avaient été enregistrées par les autorités italiennes le 9 juin 2018 au titre d'un franchissement irrégulier des frontières de cet Etat. Le préfet de Maine-et-Loire a sollicité le 26 septembre 2019 sa prise en charge par les autorités italiennes, lesquelles l'ont implicitement acceptée. Le 14 octobre 2019, un constat d'accord implicite a été adressé aux autorités italiennes. Par les arrêtés du 28 novembre 2019, le préfet de Maine-et-Loire a décidé, d'une part, le transfert aux autorités italiennes de M. E..., et, d'autre part, son assignation à résidence pour une durée de quarante-cinq jours dans le département de Loire-Atlantique. M. E... relève appel du jugement du 19 décembre 2019 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces arrêtés du 28 novembre 2019.

Sur les conclusions tendant à l'annulation du jugement attaqué en tant qu'il a rejeté les conclusions dirigées contre l'arrêté de transfert :

2. D'une part, aux termes de l'article 29 du règlement n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil en date du 26 juin 2013 : " Le transfert du demandeur ou d'une autre personne visée à l'article 18, paragraphe 1, point c) ou d), de l'Etat membre requérant vers l'Etat membre responsable s'effectue conformément au droit national de l'Etat membre requérant, après concertation entre les Etats membres concernés, dès qu'il est matériellement possible et, au plus tard, dans un délai de six mois à compter de l'acceptation par un autre Etat membre de la requête aux fins de prise en charge ou de reprise en charge de la personne concernée ou de la décision définitive sur le recours ou la révision lorsque l'effet suspensif est accordé conformément à l'article 27, paragraphe 3. /2. Si le transfert n'est pas exécuté dans le délai de six mois, l'Etat membre responsable est libéré de son obligation de prendre en charge ou de reprendre en charge la personne concernée et la responsabilité est alors transférée à l'Etat membre requérant. Ce délai peut être porté à un an au maximum s'il n'a pas pu être procédé au transfert en raison d'un emprisonnement de la personne concernée ou à dix-huit mois au maximum si la personne concernée prend la fuite. ".

3. D'autre part, l'introduction d'un recours devant le tribunal administratif contre la décision de transfert a pour effet d'interrompre le délai de six mois fixé à l'article 29 du règlement (UE) n° 604/2013, qui courait à compter de l'acceptation du transfert par l'Etat requis, délai qui recommence à courir intégralement à compter de la date à laquelle le tribunal administratif statue au principal sur cette demande, quel que soit le sens de sa décision. Ni un appel, ni d'ailleurs le sursis à exécution du jugement accordé par le juge d'appel sur une demande présentée en application de l'article R. 811-15 du code de justice administrative n'ont pour effet d'interrompre ce nouveau délai. Son expiration a pour conséquence qu'en application des dispositions du paragraphe 2 de l'article 29 du règlement, l'Etat requérant devient responsable de l'examen de la demande de protection internationale.

4. Le délai initial de six mois dont disposait le préfet de Maine-et-Loire pour procéder à l'exécution du transfert de M. E... vers l'Italie a été interrompu par la saisine du magistrat désigné du tribunal administratif de Nantes. Ce délai a recommencé à courir à compter de la notification à l'administration du jugement du 19 décembre 2019 rendu par ce dernier. Il ressort des pièces du dossier, en particulier du mémoire présenté le 27 mai 2020 par le préfet que ce délai n'a pas fait l'objet d'une prolongation et que cet arrêté n'a pas reçu exécution pendant sa période de validité, circonstance permettant, ainsi que le souligne l'administration, de libérer l'Italie de son obligation de reprise en charge. Par suite, la décision de transfert contestée du 28 novembre 2019 est devenue caduque sans avoir reçu de commencement d'exécution à la date du présent arrêt. La France est donc devenue responsable de la demande d'asile sur le fondement des dispositions du 2 de l'article 29 du règlement n° 604/2013 rappelées ci-dessus. Le litige ayant perdu son objet, il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de M. E... tendant à l'annulation du jugement du 19 décembre 2019 en tant qu'il a rejeté ses conclusions dirigées contre l'arrêté du 28 novembre 2019 portant transfert vers l'Italie.

Sur les conclusions tendant à l'annulation du jugement attaqué en tant qu'il a rejeté les conclusions dirigées contre l'arrêté portant assignation à résidence :

5. L'arrêté portant assignation à résidence de M. E... ayant été exécuté et ayant produit des effets, il y a lieu de se prononcer sur sa légalité.

En ce qui concerne l'exception d'illégalité de l'arrêté de transfert :

6. En premier lieu, aux termes de l'article 21 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. L'État membre auprès duquel une demande de protection internationale a été introduite et qui estime qu'un autre État membre est responsable de l'examen de cette demande peut, dans les plus brefs délais et, en tout état de cause, dans un délai de trois mois à compter de la date de l'introduction de la demande au sens de l'article 20, paragraphe 2, requérir cet autre État membre aux fins de prise en charge du demandeur. / Nonobstant le premier alinéa, en cas de résultat positif ("hit") Eurodac avec des données enregistrées en vertu de l'article 14 du règlement (UE) n° 603/2013, la requête est envoyée dans un délai de deux mois à compter de la réception de ce résultat positif en vertu de l'article 15, paragraphe 2, dudit règlement. / (...) 2. L'État membre requérant peut solliciter une réponse en urgence dans les cas où la demande de protection internationale a été introduite à la suite d'un refus d'entrée ou de séjour, d'une arrestation pour séjour irrégulier ou de la signification ou de l'exécution d'une mesure d'éloignement. / La requête indique les raisons qui justifient une réponse urgente et le délai dans lequel une réponse est attendue. Ce délai est d'au moins une semaine. / (...) ". Aux termes de l'article 22 du règlement : " 1. L'Etat membre requis procède aux vérifications nécessaires et statue sur la requête aux fins de prise en charge d'un demandeur dans un délai de deux mois à compter de la réception de la requête. / (...) 7. L'absence de réponse à l'expiration du délai de deux mois mentionné au paragraphe 1 (...) équivaut à l'acceptation de la requête et entraîne l'obligation de prendre en charge la personne concernée, y compris l'obligation d'assurer une bonne organisation de son arrivée ".

7. Il ressort des pièces versées au dossier, en particulier de la requête de prise en charge de M. E... que les autorités italiennes ont été saisies par le préfet de Maine-et-Loire d'une demande de prise en charge avec réponse urgente à une date fixée au 14 octobre 2019 dès lors que l'intéressé avait déjà fait l'objet d'une première mesure d'éloignement mise à exécution ainsi que cela a été rappelé au premier point de l'arrêt. Cette demande s'inscrivait donc dans le cadre d'une procédure d'urgence prévue par les dispositions précitées du paragraphe 2 de l'article 21 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013. Dans ces conditions, le requérant n'est pas fondé à soutenir qu'aucun accord implicite n'était né à la date 14 octobre 2019, et que les dispositions du paragraphe 7 de l'article 22 citées au point précédent auraient été méconnues, faisant obstacle à l'édiction de la décision de transfert contestée.

8. En deuxième lieu, aux termes du paragraphe 2 de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " Lorsqu'il est impossible de transférer un demandeur vers l'Etat membre initialement désigné comme responsable parce qu'il y a de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet Etat membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, l'Etat membre procédant à la détermination de l'Etat membre responsable poursuit l'examen des critères énoncés au chapitre III afin d'établir si un autre Etat membre peut être désigné comme responsable. Lorsqu'il est impossible de transférer le demandeur en vertu du présent paragraphe vers un Etat membre désigné sur la base des critères énoncés au chapitre III ou vers le premier Etat membre auprès duquel la demande a été introduite, l'Etat membre procédant à la détermination de l'Etat membre responsable devient l'Etat membre responsable. ". Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. ".

9. Il résulte de ces dispositions que la présomption selon laquelle un Etat " Dublin " respecte ses obligations découlant de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales est renversée en cas de défaillances systémiques de la procédure d'asile et des conditions d'accueil des demandeurs d'asile dans l'Etat membre responsable, impliquant un traitement inhumain ou dégradant subi par ces derniers.

10. M. E... soutient que les autorités italiennes sont confrontées à un afflux massif de migrants, sans précédent, entraînant de grandes difficultés pour traiter les demandes d'asiles correspondantes et que l'Italie connait des dysfonctionnements sérieux dans le traitement de ces demandes présentées par des personnes vulnérables. Toutefois, l'Italie est un Etat membre de l'Union européenne et partie tant à la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés, complétée par le protocole de New-York, qu'à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Il doit alors être présumé que le traitement réservé aux demandeurs d'asile dans cet Etat membre est conforme aux exigences de ces deux conventions internationales. Si cette présomption peut être renversée lorsqu'il y a lieu de craindre qu'il existe des défaillances systémiques de la procédure d'asile et des conditions d'accueil des demandeurs d'asile dans l'Etat membre responsable, impliquant un traitement inhumain ou dégradant, M. E... n'établit pas l'existence de défaillances en Italie qui constitueraient des motifs sérieux et avérés de croire que sa demande d'asile ne serait pas traitée par les autorités italiennes dans des conditions conformes à l'ensemble des garanties exigées par le respect du droit d'asile. Par ailleurs, si le requérant se réfère à des rapports émanant d'organisations non gouvernementales - l'Organisation suisse d'aide aux réfugiés et la Danish Refugee Council - respectivement établis les 16 août 2016 et 9 février 2017 ainsi qu'aux constatations faites dans un rapport de février 2018 de l'organisation Médecins sans frontières qui révèlent l'existence d'une situation extrêmement tendue et problématique en Italie, ces informations qui ne sont pas, au demeurant, actualisées ne concernent que la gestion matérielle de l'accueil initial des flux de réfugiés arrivant dans certaines zones saturées du territoire. Ainsi ces difficultés ne sont pas structurelles, de sorte qu'elles ne sauraient être regardées comme révélant une défaillance systémique. Par suite, les circonstances invoquées par M. E... ne suffisent pas à établir que le préfet de Maine-et-Loire aurait ainsi méconnu les dispositions du paragraphe 2 de l'article 3 précité du règlement (UE) du 26 juin 2013. Pour les mêmes motifs, la décision ordonnant son transfert aux autorités italiennes ne méconnaît pas les articles 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

11. En troisième lieu, en vertu de l'article 17 du règlement du 26 juin 2013 : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque Etat membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement (...) 2. L'Etat membre dans lequel une demande de protection internationale est présentée et qui procède à la détermination de l'Etat membre responsable, ou l'Etat membre responsable, peut à tout moment, avant qu'une première décision soit prise sur le fond, demander à un autre Etat membre de prendre un demandeur en charge pour rapprocher tout parent pour des raisons humanitaires fondées, notamment, sur des motifs familiaux ou culturels, même si cet autre Etat membre n'est pas responsable au titre des critères définis aux articles 8 à 11 et 16. (...) ". Pour soutenir que la décision ordonnant son transfert aux autorités italiennes serait intervenue en violation de ces dispositions, M. E... invoque, d'une part, les mêmes circonstances que celles mettant en cause le dispositif de traitement de sa demande d'asile en Italie évoquées au point précédent, circonstances dont il n'est pas établi pour les motifs rappelés ci-dessus qu'elles le placeraient dans une situation de particulière vulnérabilité imposant d'instruire sa demande d'asile en France. D'autre part, le requérant soutient qu'il sera renvoyé au Soudan en conséquence de l'arrêté contesté. Toutefois, l'arrêté litigieux du 28 novembre 2019 n'a ni pour objet ni pour effet de le renvoyer dans son pays d'origine mais seulement en Italie. Le requérant ne produit aucun élément précis de nature à établir qu'il sera renvoyé au Soudan par les autorités italiennes avant que ces dernières aient mené à son terme l'examen, administratif et juridictionnel, de sa demande de protection internationale. Enfin, si M. E... se prévaut de son état de santé en indiquant qu'il a dû se rendre à plusieurs reprises aux urgences et qu'il est désormais suivi par le service hépato-gastrique au centre hospitalier universitaire de Nantes, les documents médicaux versés au dossier, faisant état à ce stade de problèmes de constipation et d'infections intestinales, ne permettent cependant pas d'établir l'impossibilité de voyager sans risque vers l'Italie ni l'impossibilité d'une prise en charge médicale appropriée dans ce pays. Ils ne permettent pas davantage d'établir que le requérant se trouverait dans un état de vulnérabilité tel qu'il ne pourrait pas obtenir les soins et le suivi exigés par son état de santé en Italie. Par suite, le préfet n'a pas entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle au regard des dispositions de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013.

12. Pour le surplus, M. E... se borne à reprendre devant le juge d'appel les mêmes moyens que ceux invoqués en première instance sans plus de précisions ou de justifications et sans l'assortir d'éléments nouveaux. Il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs retenus par le premier juge et tirés de ce que l'arrêté du 28 novembre 2019 ne méconnait pas les articles 4 et 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013.

13. M. E... n'est pas fondé, compte tenu de ce qui a été dit précédemment aux points 6 à 12, à exciper de l'illégalité de la décision de transfert contre la décision l'assignant à résidence.

14. M. E... ne soulève aucun moyen tiré des vices propres de l'arrêté du 28 novembre 2019 l'assignant à résidence. Par suite, ses conclusions dirigées contre cet arrêté ne peuvent qu'être rejetées.

15. Il résulte de tout ce qui précède que M. E... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 28 novembre 2019 l'assignant à résidence. Par voie de conséquence doivent être rejetées les conclusions du requérant aux fins d'injonction et celles tendant au bénéfice des dispositions des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L.761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête de M. E... tendant à l'annulation du jugement du tribunal administratif de Nantes du 19 décembre 2019 rejetant sa demande d'annulation de l'arrêté du 28 novembre 2019 par lequel le préfet de Maine-et-Loire a décidé son transfert aux autorités italiennes.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de M. E... est rejeté.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... E... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera transmise pour information au préfet de Maine-et-Loire.

Délibéré après l'audience du 11 décembre 2020, à laquelle siégeaient :

- M. Gaspon, président de chambre,

- M. B..., président-assesseur,

- Mme Gélard, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe de la juridiction le 8 janvier 2021.

Le rapporteur

O. B...Le président

O. GASPON

La greffière

E. HAUBOIS

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 20NT01274 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 20NT01274
Date de la décision : 08/01/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. GASPON
Rapporteur ?: M. Olivier COIFFET
Rapporteur public ?: M. PONS
Avocat(s) : RODRIGUES-DEVESAS

Origine de la décision
Date de l'import : 27/01/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2021-01-08;20nt01274 ?
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