Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme D... A... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision implicite par laquelle le président du conseil départemental de Maine-et-Loire a refusé son avancement au grade de rédacteur principal de deuxième classe au titre de l'année 2015 et de condamner le département de Maine-et-Loire à lui verser une indemnité de 5 000 euros en réparation du préjudice subi.
Par un jugement n° 1603256 du 19 décembre 2018, le tribunal administratif de Nantes a annulé la décision implicite refusant d'inscrire Mme A... au tableau d'avancement au grade de rédacteur principal de deuxième classe (article 1er), a condamné le département de Maine-et-Loire à verser une indemnité de 3 000 euros à Mme A... (article 2), a rejeté le surplus des conclusions de Mme A... et les conclusions présentées par le département de Maine-et-Loire au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative (article 3).
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 19 février 2019, le département de Maine-et-Loire, représenté par Me F..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de rejeter la demande de Mme A... ;
3°) de mettre à la charge de Mme A... une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- c'est à tort que les premiers juges ont éludé l'analyse des mérites comparés de Mme A... avec les autres agents candidats à l'avancement ; la reconnaissance de la faute d'avoir déplacé son poste de travail à l'entrée du bâtiment ne crée par un droit à l'avancement, d'autant que le tribunal a écarté toute situation de harcèlement moral ;
- le refus d'avancement résulte d'une procédure claire et objective et repose sur un rejet clair par la commission administrative paritaire ;
- sa décision n'est entachée d'aucune erreur manifeste d'appréciation, eu égard aux difficultés relationnelles de Mme A... et au vote de la commission administrative paritaire ;
- la situation de harcèlement moral avait déjà fait l'objet d'un jugement en date du 16 mai 2018 ;
- à titre subsidiaire, les préjudices ne sont pas établis et en lien direct et exclusif avec l'objet de sa demande dès lors que sa demande indemnitaire n'est pas liée au refus d'avancement ;
- l'effet de la publicité accordée, justifiant l'indemnisation du préjudice moral, est inexistant.
Par un mémoire en défense, enregistré le 9 juin 2020, Mme A..., représentée par Me C..., conclut au rejet de la requête et demande, par la voie de l'appel incident, de condamner le département de Maine-et-Loire à lui verser la somme de 5 389 euros et, en toutes hypothèses, de mettre à la charge du département de Maine-et-Loire une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
-le refus de l'inscrire au tableau d'avancement ne devait être examiné qu'au regard de ses propres mérites dès lors qu'il ne ressortait pas des pièces du dossier que le nombre maximal d'agents pouvant bénéficier de l'avancement aurait été atteint ; en tout état de cause, le département de Maine-et-Loire ne démontre pas que les candidats promus auraient présenté un parcours et des compétences supérieurs à ceux de Mme A... ;
-l'appréciation ne pouvait être fondée sur le compte-rendu d'évaluation professionnelle de l'année 2014, annulée par le tribunal administratif, dès lors qu'elle n'avait pas été mise à même d'exercer pleinement ses missions et que les difficultés relationnelles ne sauraient lui être imputées alors qu'elle se trouvait dans une situation de harcèlement moral ;
- sa demande de réparation des préjudices financiers, de carrière et moral est en lien avec la décision de refus d'avancement ;
- son préjudice de carrière est caractérisé par la perte de chance sérieuse d'accéder au grade de rédacteur principal de deuxième classe ;
- ce refus l'a affectée, lui causant un préjudice moral, et a porté atteinte à sa réputation professionnelle ;
- si la cour réforme le jugement, elle portera le montant des sommes allouées à hauteur de la somme globale de 5 389 euros, correspondant à la somme de 2 389 euros au titre de la perte de chance et du préjudice de carrière et à la somme de 3 000 euros au titre des troubles dans les conditions d'existence et du préjudice moral.
Par lettre du 27 novembre 2020, les parties ont été, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, informées que la cour était susceptible de relever d'office le moyen d'ordre public tiré de l'irrecevabilité des conclusions aux fins d'indemnisation de Mme A... à hauteur de 389 euros.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu la décision du 16 novembre 2020 par laquelle le président de la cour a, en application des dispositions des articles R 222-24 et R.222-32 du code de justice administrative, désigné M. B... pour exercer temporairement les fonctions de rapporteur public à l'audience du 11 décembre 2020 de la 6ème chambre.
Vu :
- la loi n°83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n°84-16 du 11 janvier 1984 ;
- le décret n°2010-329 du 22 mars 2010 ;
- le décret n°2012-924 du 30 juillet 2012 :
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme G...,
- les conclusions de M. B..., rapporteur public,
- et les observations de Me E..., représentant Mme A....
Une note en délibéré, présentée pour Mme A..., a été enregistrée le 17 décembre 2020.
Considérant ce qui suit :
1. Mme A..., rédactrice territoriale alors employée au conseil général de Maine-et-Loire, a été admise le 12 décembre 2014 à l'examen professionnel d'avancement au grade de rédacteur principal de deuxième classe. Elle a sollicité, par courrier du 19 décembre 2014, son inscription au tableau annuel d'avancement. Par courrier du 22 janvier 2015, le chef de service des ressources humaines lui a confirmé que son éventuel avancement devait être examiné par la commission administrative paritaire. Cette commission a examiné, en sa séance du 24 septembre 2015, le tableau d'avancement au grade de rédacteur principal de deuxième classe, dont la candidature de Mme A..., qui a recueilli un vote favorable, trois abstentions et quatre votes défavorables. Par courrier du 17 décembre 2015, Mme A..., constatant le rejet implicite de sa demande d'inscription au tableau d'avancement, sollicitait la réparation des préjudices financiers, de carrière et moral qu'elle estimait subir en conséquence. Cette demande étant restée sans réponse expresse, elle a demandé au tribunal administratif de Nantes l'annulation de cette décision et la condamnation du conseil départemental du Maine-et-Loire à lui verser la somme de 5 000 euros. Par un jugement du 19 décembre 2018, ce tribunal a fait droit à sa demande d'annulation (article 1er), a condamné le département de Maine-et-Loire à lui verser une indemnité de 3 000 euros (article 2), a rejeté le surplus de ses conclusions et les conclusions présentées par le département de Maine-et-Loire au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative (article 3). Le département de Maine-et-Loire relève appel de ce jugement tandis que Mme A... sollicite, par la voie de l'appel incident, la réformation de l'article 2 de ce jugement pour porter le montant de la condamnation à la somme de 5 389 euros.
Sur les conclusions aux fins d'annulation de la décision de refus d'inscription au tableau d'avancement au grade de rédacteur territorial de deuxième classe :
2. D'une part, aux termes de l'article 79 de la loi du 11 janvier 1984 : " L'avancement de grade a lieu de façon continue d'un grade au grade immédiatement supérieur. Il peut être dérogé à cette règle dans les cas où l'avancement est subordonné à une sélection professionnelle. / Il a lieu suivant l'une ou plusieurs des modalités ci-après : / 1° Soit au choix par voie d'inscription à un tableau annuel d'avancement, établi après avis de la commission administrative paritaire, par appréciation de la valeur professionnelle et des acquis de l'expérience professionnelle des agents ; / 2° Soit par voie d'inscription à un tableau annuel d'avancement, établi après avis de la commission administrative paritaire, après une sélection par voie d'examen professionnel ; (...) ". Aux termes de l'article 80 de cette même loi : " Le tableau annuel d'avancement mentionné au 1° et au 2° de l'article 79 est arrêté par l'autorité territoriale dans les conditions fixées par chaque statut particulier. (...) L'avancement est prononcé par l'autorité territoriale parmi les fonctionnaires inscrits sur un tableau d'avancement. Les fonctionnaires d'une collectivité ou d'un établissement ne peuvent être promus par cette collectivité ou cet établissement que dans l'ordre du tableau. L'avancement de grade est subordonné à l'acceptation par le fonctionnaire de l'emploi qui lui est assigné dans son nouveau grade. ". Aux termes du I de l'article 25 du décret n°2010-329 du 22 mars 2010, applicable aux rédacteurs territoriaux en application de l'article 1er du décret n°2012-924 du 30 juillet 2012 : " I. _ Peuvent être promus au deuxième grade de l'un des cadres d'emplois régis par le présent décret : / 1° Par la voie d'un examen professionnel, les fonctionnaires justifiant d'au moins un an dans le 4e échelon du premier grade et d'au moins trois années de services effectifs dans un corps, cadre d'emplois ou emploi de catégorie B ou de même niveau ; / 2° Par la voie du choix, après inscription sur un tableau d'avancement établi après avis de la commission administrative paritaire, les fonctionnaires ayant au moins atteint le 7e échelon du premier grade et justifiant d'au moins cinq années de services effectifs dans un corps, cadre d'emplois ou emploi de catégorie B ou de même niveau. / Le nombre de promotions susceptibles d'être prononcées au titre du 1° ou du 2° ne peut être inférieur au quart du nombre total des promotions. ".
3. D'autre part, aux termes de l'alinéa 2 de l'article 49 de la loi du 26 janvier 1984 dans sa rédaction applicable : " Le nombre maximum de fonctionnaires appartenant à l'un des cadres d'emplois ou corps régis par la présente loi, à l'exception du cadre d'emplois des agents de police municipale, pouvant être promus à l'un des grades d'avancement de ce cadre d'emplois ou de ce corps est déterminé par application d'un taux de promotion à l'effectif des fonctionnaires remplissant les conditions pour cet avancement de grade. Ce taux de promotion est fixé par l'assemblée délibérante après avis du comité technique. ". Par délibération du 22 juin 2015, le conseil départemental de Maine-et-Loire a retenu, au titre des dispositions relatives aux ratios d'avancement de grade pour les années 2015, 2016 et 2017, un taux d'avancement théorique à 100%, un taux d'avancement plancher, indicatif à 20% et un avancement hors quota pour toutes les catégories des lauréats d'un examen professionnel sous réserve que la manière de servir le justifie et qu'il y ait compatibilité entre les fonctions exercées et le grade d'avancement.
4. Il ressort du mémoire en défense produit devant le tribunal administratif de Nantes, confirmé par les écritures en appel, que le département de Maine-et-Loire a refusé d'inscrire Mme A... au tableau d'avancement de rédacteur principal de deuxième classe en raison, d'une part, de sa manière de servir dès lors que son évaluation professionnelle au titre de l'année 2014 révélait qu'elle n'avait pas atteint les objectifs qui lui avaient été assignés ainsi que des difficultés relationnelles avec ses collègues et sa hiérarchie et, d'autre part, de la perspective de sa mobilité externe au 30 septembre 2015.
5. En premier lieu, le motif tiré de ce que Mme A... avait accepté une mutation externe avec prise d'effet au 1er octobre 2015 n'était pas au nombre de ceux pouvant légalement justifier un refus d'inscription au tableau d'avancement.
6. En deuxième lieu, les appréciations portées sur la manière de servir de Mme A... résultent uniquement, en l'absence de toute référence aux procédures de notation ou d'évaluation antérieures à 2014 ou à la rédaction éventuelle d'une fiche relative à l'avancement produite au dossier, des mentions portées dans le compte rendu d'évaluation professionnelle pour l'année 2014. Or, ce compte-rendu a été annulé par jugement du 16 mai 2018 du tribunal administratif de Nantes devenu définitif.
7. En troisième lieu, aucun élément n'est produit au débat justifiant de ce que les objectifs fixés à Mme A... n'ont pas été atteints en raison de ses carences dans sa manière de servir. Par ailleurs, les difficultés relationnelles ne sont pas davantage étayées par la seule production d'un extrait du compte-rendu d'évaluation qui, ainsi qu'il a été dit au point précédent, a fait l'objet d'une annulation.
8. En dernier lieu, il n'est ni établi ni même allégué et ne ressort donc pas des pièces du dossier que la manière de servir et les mérites de Mme A... se distinguaient particulièrement, et de manière défavorable, de ceux des autres lauréats de l'examen professionnel qui ont tous été inscrits sur le tableau d'avancement.
9. Il résulte de ce qui a été dit aux points 5 à 8 qu'aucun des motifs avancés par le département de Maine-et-Loire, qui ne pouvait pas davantage se prévaloir de l'avis non motivé de la commission administrative paritaire à l'égard duquel il n'est pas lié, ne pouvait justifier le refus qu'il a opposé à la demande de Mme A.... Par suite, le département de Maine-et-Loire n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a annulé la décision implicite de refus de sa demande d'inscription au tableau d'avancement de rédacteur principal de deuxième classe.
Sur les conclusions aux fins d'indemnisation :
10. Mme A... est fondée à demander l'indemnisation des préjudices en lien direct et certain avec l'illégalité fautive commise par le département de Maine-et-Loire mentionnée au point 9.
11. En premier lieu, dès lors que l'inscription au tableau d'avancement n'emporte pas nomination automatique dans le grade de rédacteur principal de deuxième classe, le refus d'inscription à ce tableau n'emporte pas de manière certaine la perte de rémunération, au titre de l'année 2015, correspondant au complément indiciaire attribué à un rédacteur principal de deuxième classe, réclamée par Mme A....
12. En deuxième lieu, Mme A... soutient également que cette décision illégale lui a causé un préjudice de carrière consistant en une perte de chance sérieuse d'accéder au grade de rédacteur principal de deuxième classe. Toutefois, eu égard au court délai entre la tenue de la séance de la commission administrative paritaire du 24 septembre 2015 et son départ des effectifs du département de Maine-et-Loire en raison d'un recrutement externe au 30 septembre 2015, Mme A... n'avait aucune chance sérieuse d'accéder à ce grade par nomination dans un emploi assigné à ce nouveau grade au sein de cette collectivité. En revanche, et compte tenu du fait que le département de Loire-Atlantique, qui l'a employée à compter du 1er octobre 2015 l'a inscrite au tableau d'avancement de rédacteur principal de deuxième classe par décision du 8 février 2016 prise après avis de la commission administrative paritaire réunie le 26 janvier 2016, elle est fondée à soutenir qu'elle a perdu une perte de chance sérieuse d'être employée par cette collectivité à ce nouveau grade pour la période du mois d'octobre au mois de décembre 2015. Il sera fait une juste appréciation de ce préjudice, qui est en lien direct avec l'illégalité fautive évoquée ci-dessus, en fixant sa réparation à la somme de 600 euros.
13. En troisième lieu, si le préjudice d'atteinte à l'honneur et à la réputation que Mme A... invoque du fait de la publication large d'un tableau d'avancement sur lequel son nom n'apparaissait pas n'est pas établi dès lors qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que cette publication a eu lieu avant son départ des effectifs du département de Maine-et-Loire, ce refus illégal lui a causé un préjudice moral et des troubles dans les conditions d'existence. Le tribunal administratif n'a pas fait une insuffisante appréciation de ce préjudice en fixant sa réparation à la somme de 1 500 euros.
14. Il résulte de ce qui a été dit aux points 11 à 13 que la somme accordée par le tribunal administratif au titre de la réparation des préjudices résultant directement de l'illégalité fautive doit être ramenée à la somme de 2 100 euros. Le département de Maine-et-Loire est donc fondé à demander la réformation de l'article 2 du jugement attaqué, tandis que les conclusions présentées par Mme A... par la voie de l'appel incident et tendant à la majoration de l'indemnité allouée doivent être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
15. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de rejeter la demande présentée par le département de Maine-et-Loire tendant à l'application à son bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de mettre à sa charge le versement à Mme A..., partie gagnante pour l'essentiel, de la somme de 1 500 euros au titre de ces dispositions.
DECIDE :
Article 1er : La somme de 3 000 euros que le département de Maine-et-Loire a été condamné à verser à Mme A... par le jugement attaqué est ramenée à 2 100 euros.
Article 2 : Le jugement n° 1603256 du 19 décembre 2018 du tribunal administratif de Nantes est réformé en ce qu'il a de contraire à l'article 1er.
Article 3 : Le département de Maine-et-Loire versera à Mme A... une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions du département de Maine-et-Loire et des conclusions de Mme A... est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié au département de Maine-et-Loire et à Mme D... A....
Délibéré après l'audience du 11 décembre 2020, à laquelle siégeaient :
- M. Gaspon, président de chambre,
- M. Coiffet, président assesseur,
- Mme G..., premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 8 janvier 2021.
Le rapporteur,
F. G...Le président,
O. Gaspon
La greffière,
E. Haubois
La République mande et ordonne à la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales en ce qui la concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 19NT00718 2
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