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22/12/2020 | FRANCE | N°19NT03786

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 5ème chambre, 22 décembre 2020, 19NT03786


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme F... A... C... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a implicitement rejeté le recours dirigé contre la décision du 16 octobre 2018 par laquelle les autorités consulaires françaises à Rabat (Maroc) ont refusé de lui délivrer un visa de long séjour.

Par un jugement no 1903543 du 26 juillet 2019, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure

devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 24 septembre 2019 et 3 ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme F... A... C... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a implicitement rejeté le recours dirigé contre la décision du 16 octobre 2018 par laquelle les autorités consulaires françaises à Rabat (Maroc) ont refusé de lui délivrer un visa de long séjour.

Par un jugement no 1903543 du 26 juillet 2019, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 24 septembre 2019 et 3 juillet 2020, Mme A... C..., représentée par Me B..., demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France ;

3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de lui délivrer le visa sollicité, dans un délai de quinze jours à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'État une somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- elle a sollicité un visa de long séjour en qualité d'ascendante de Français et non en tant que visiteur ;

- la décision de la commission de recours est entachée d'erreur manifeste d'appréciation dès lors qu'elle est ascendante à charge de son fils français ;

- elle porte une atteinte disproportionnée à son droit à mener une vie privée et familiale normale garanti par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense, enregistré le 24 juin 2020, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. D... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A... C..., ressortissante marocaine née le 1er janvier 1948, a demandé aux autorités consulaires françaises à Rabat (Maroc) de lui délivrer un visa de long séjour en qualité d'ascendante de son fils, M. E..., ressortissant français. Par une décision du 16 octobre 2018, les autorités consulaires françaises à Rabat ont rejeté sa demande. Le silence gardé par la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a fait naître une décision implicite de rejet de son recours dirigé contre la décision consulaire. Mme A... C... relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande d'annulation de la décision implicite de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. Il ressort du mémoire en défense produit par le ministre de l'intérieur devant le tribunal administratif de Nantes que, pour rejeter la demande de visa de Mme A... C..., la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France s'est fondée sur les motifs tirés, d'une part, de ce qu'elle ne pouvait être regardée comme étant à charge de son fils de nationalité française pour obtenir un visa de long séjour en qualité d'ascendante à charge d'un ressortissant français et, d'autre part, de ce qu'elle ne justifie pas de ressources suffisantes pour obtenir un visa de long séjour valant titre de séjour en qualité de visiteur.

3. Lorsqu'elle est saisie d'un recours tendant à la délivrance d'un visa de long séjour au bénéfice d'un ressortissant étranger qui fait état de sa qualité d'ascendant de ressortissant français, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France peut légalement fonder sa décision de refus sur la circonstance que l'intéressé ne saurait être regardé ni comme visiteur, dès lors qu'il ne justifie pas de moyens d'existence suffisants, ni comme étant à la charge de son descendant, dès lors qu'il dispose de ressources propres lui permettant de subvenir aux besoins de la vie courante dans des conditions décentes, que son descendant de nationalité française ne pourvoit pas régulièrement à ses besoins ou qu'il ne justifie pas des ressources nécessaires pour le faire.

4. Il ressort des pièces du dossier, d'une part, que Mme A... C... bénéficie d'une pension de retraite de 905 dirhams marocains et d'une pension de réversion de 2 224,44 dirhams marocains, soit l'équivalent total d'environ 288 euros, selon la conversion non contestée du ministre de l'intérieur. Si ce dernier soutient que ce revenu doit être regardé comme suffisant pour vivre au Maroc sans aide financière, il n'apporte aucun élément concret de nature à étayer ses allégations, alors que Mme A... C... justifie que ses dépenses mensuelles pour le seul achat des médicaments requis par son état de santé s'élèvent à 2 718 dirhams marocains, c'est-à-dire à un montant presque équivalent à ses ressources propres. En outre, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'intéressée aurait perçu des revenus en qualité de gérante d'une société au Maroc, dont elle a d'ailleurs démissionné postérieurement à la décision contestée. Dès lors, Mme A... C... ne peut être regardée comme disposant de ressources personnelles qui lui permettraient de vivre de manière décente dans son pays d'origine. D'autre part, il ressort des pièces du dossier que son fils de nationalité française, M. E..., verse à Mme A... C... depuis mai 2014 une pension alimentaire mensuelle d'un montant compris entre 1 500 et 1 800 euros. Enfin, M. E... dispose de revenus salariés supérieurs à 10 000 euros par mois, ainsi que de revenus de capitaux mobiliers, qui constituent des ressources suffisantes pour prendre en charge sa mère en plus de son épouse et de leurs quatre enfants. Il en résulte qu'en estimant que Mme A... C... ne pouvait être regardée comme étant à charge de son fils de nationalité française pour obtenir un visa de long séjour en qualité d'ascendante à charge d'un ressortissant français, la commission de recours a entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation.

5. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que Mme A... C... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

6. Le présent arrêt implique, eu égard aux motifs qui le fondent, que le ministre de l'intérieur fasse droit à la demande de Mme A... C.... Par suite, il y a lieu d'enjoindre au ministre de l'intérieur de délivrer à la requérante un visa de long séjour en qualité d'ascendante à charge d'un ressortissant français dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt. Il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les frais liés au litige :

7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'État la somme de 1 200 euros à verser à Mme A... C... au titre des frais liés à l'instance.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nantes du 26 juillet 2019 et la décision née du silence gardé par la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France contre le recours formé par Mme A... C... contre la décision du 16 octobre 2018 des autorités consulaires françaises à Rabat (Maroc) sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au ministre de l'intérieur de délivrer à Mme A... C... un visa de long séjour en qualité d'ascendant étranger d'un ressortissant français dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : L'État versera à Mme A... C... une somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de Mme A... C... est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme F... A... C... et au ministre de l'intérieur.

Délibéré après l'audience du 4 décembre 2020, à laquelle siégeaient :

- M. Célérier, président de chambre,

- Mme Buffet, président-assesseur,

- M. D..., premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 22 décembre 2020.

Le rapporteur,

F.-X. D...Le président,

T. Célérier

Le greffier,

C. Popsé

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

No 19NT03786


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 19NT03786
Date de la décision : 22/12/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. CELERIER
Rapporteur ?: M. François-Xavier BRECHOT
Rapporteur public ?: M. MAS
Avocat(s) : BLANDIN

Origine de la décision
Date de l'import : 16/01/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2020-12-22;19nt03786 ?
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