Vu la procédure suivante :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 8 août 2019 et 13 mars 2020, M. A... E..., en sa qualité de maire de la commune de Sorigny, et la communauté de communes Touraine Vallée de l'Indre, représentés par la SELARL Walter et Garance avocats, demandent à la cour, dans le dernier état de leurs écritures :
1°) d'annuler la décision du 7 juin 2019 par laquelle le maire de Sorigny a tacitement rejeté la demande de permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale présentée par la société LVV le 16 juin 2018 en vue de la création d'un village de marques dénommé " Loire Valley Village " à Sorigny ;
2°) d'annuler l'avis défavorable du 23 juillet 2018 de la commission départementale d'aménagement commercial d'Indre-et-Loire émis sur le projet de la société LVV ;
3°) d'annuler l'avis défavorable du 22 novembre 2018 de la Commission nationale d'aménagement commercial émis sur ce même projet ;
4°) d'autoriser ce projet ou, à défaut, d'enjoindre à la commission départementale d'aménagement commercial ou à la Commission nationale d'aménagement commercial de statuer à nouveau sur le projet de la société LVV dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir.
Ils soutiennent que :
- ils justifient d'un intérêt leur donnant qualité pour agir contre la décision attaquée ;
- la décision attaquée est entachée d'un vice de procédure ; en effet, les dispositions des articles R. 752-34 et R. 752-35 du code de commerce n'ont pas été respectées préalablement à l'émission de l'avis de la Commission nationale d'aménagement commercial ; les dispositions des articles R. 752-13 n'ont pas été respectées préalablement à l'émission de l'avis de la commission départementale d'aménagement commercial ;
- la décision attaquée est fondée sur un avis de la Commission nationale d'aménagement commercial qui retient à tort que le projet n'est pas compatible avec les objectifs du document d'orientation et d'objectifs du schéma de cohérence territoriale de l'agglomération tourangelle ;
- la décision attaquée est fondée sur un avis de la Commission nationale d'aménagement commercial qui est entachée d'une inexacte application des dispositions de l'article L. 752-6 du code de commerce.
Par un mémoire, enregistré le 20 janvier 2020, la commune de Sorigny, représentée par Me B..., demande à la cour de faire droit aux conclusions de la requête.
Elle soutient que les moyens soulevés par les requérants sont fondés.
La requête a été communiquée à la Commission nationale d'aménagement commercial, qui n'a pas produit de mémoire en défense.
La requête a été communiquée pour observations à la société LVV, qui n'a pas produit d'observations.
Les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur des moyens relevés d'office, tirés de ce que :
" 1) Les conclusions à fin d'annulation de l'avis du 23 juillet 2018 de la commission départementale d'aménagement commercial d'Indre-et-Loire ne sont pas recevables, dès lors que l'avis du 22 novembre 2018 de la Commission nationale d'aménagement commercial s'y est substitué.
2) Les conclusions à fin d'annulation de la décision de refus de permis de construire valant autorisation d'équipement commercial, présentées par la communauté de communes Touraine Vallée de l'Indre, sont irrecevables dès lors que la communauté de communes n'a pas exercé le recours administratif préalable obligatoire devant la Commission nationale d'aménagement commercial, prévu par les dispositions de l'article L. 752-17 du code de commerce, contre l'avis de la commission départementale d'aménagement commercial d'Indre-et-Loire.
3) Les conclusions à fin d'annulation de l'avis du 22 novembre 2018 de la Commission nationale d'aménagement commercial, présentées par la communauté de communes Touraine Vallée de l'Indre, sont irrecevables dès lors que cet acte préparatoire ne lui fait pas grief. "
Par un mémoire enregistré le 9 novembre 2020, le maire de Sorigny et la communauté de communes Touraine Vallée de l'Indre ont présenté des observations en réponse à la communication des moyens susceptibles d'être relevés d'office par la cour.
Ils soutiennent que ces moyens ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de commerce ;
- le code de l'urbanisme ;
- le décret no 2015-165 du 12 février 2015 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. D...,
- les conclusions de M. Mas, rapporteur public,
- et les observations de Me C... substituant Me F..., représentant le maire de Sorigny et la communauté de communes Touraine Vallée de l'Indre.
Considérant ce qui suit :
1. La société LVV a déposé en mairie de Sorigny, le 16 juin 2018, une demande de permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale en vue de créer un village de marques dénommé " Loire Valley Village ", d'une surface de vente de 22 555 mètres carrés, sur un terrain cadastré section YS nos 88P, 7P et 38P et section YI nos 38P et 480, situé avenue Régis Ramage à Sorigny, sur le site de la zone d'aménagement concerté " Isoparc ". Le 23 juillet 2018, la commission départementale d'aménagement commercial d'Indre-et-Loire a rendu un avis défavorable au projet de la société LVV. Par un avis du 22 novembre 2018, la Commission nationale d'aménagement commercial a rejeté le recours formé par la société LVV contre l'avis défavorable de la commission départementale. Par une décision du 7 juin 2019, le maire de Sorigny, se trouvant en situation de compétence liée, a tacitement rejeté la demande de permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale présentée par la société LVV. Le maire de Sorigny, en sa qualité de maire de la commune d'implantation et de membre de la commission départementale d'aménagement commercial, et la communauté de communes Touraine Vallée de l'Indre, qui se prévaut également de sa qualité de membre de la commission départementale, demandent à la cour d'annuler la décision du 7 juin 2019 du maire de Sorigny ainsi que les avis de la commission départementale d'aménagement commercial d'Indre-et-Loire et de la Commission nationale d'aménagement commercial.
Sur la recevabilité des conclusions des requérants tendant à l'annulation de l'avis de la commission départementale d'aménagement commercial d'Indre-et-Loire et des conclusions de la communauté de communes Touraine Vallée de l'Indre tendant à l'annulation de l'avis de la
Commission nationale d'aménagement commercial et de la décision du 7 juin 2019 du maire de
Sorigny :
2. Aux termes de l'article L. 425-4 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction issue de l'article 39 de la loi du 18 juin 2014 relative à l'artisanat, au commerce et aux très petites entreprises : " Lorsque le projet est soumis à autorisation d'exploitation commerciale au sens de l'article L. 752-1 du code de commerce, le permis de construire tient lieu d'autorisation dès lors que la demande de permis a fait l'objet d'un avis favorable de la commission départementale d'aménagement commercial ou, le cas échéant, de la Commission nationale d'aménagement commercial. (...) / À peine d'irrecevabilité, la saisine de la commission nationale par les personnes mentionnées à l'article L. 752-17 du même code est un préalable obligatoire au recours contentieux dirigé contre la décision de l'autorité administrative compétente pour délivrer le permis de construire. "
3. Aux termes de l'article L. 752-17 du code de commerce : " I. - Conformément à l'article L. 425-4 du code de l'urbanisme, le demandeur, le représentant de l'État dans le département, tout membre de la commission départementale d'aménagement commercial, tout professionnel dont l'activité, exercée dans les limites de la zone de chalandise définie pour chaque projet, est susceptible d'être affectée par le projet ou toute association les représentant peuvent, dans le délai d'un mois, introduire un recours devant la Commission nationale d'aménagement commercial contre l'avis de la commission départementale d'aménagement commercial. / La Commission nationale d'aménagement commercial émet un avis sur la conformité du projet aux critères énoncés à l'article L. 752-6 du présent code, qui se substitue à celui de la commission départementale. En l'absence d'avis exprès de la commission nationale dans le délai de quatre mois à compter de sa saisine, l'avis de la commission départementale d'aménagement commercial est réputé confirmé. / À peine d'irrecevabilité, la saisine de la commission nationale par les personnes mentionnées au premier alinéa du présent I est un préalable obligatoire au recours contentieux dirigé contre la décision de l'autorité administrative compétente pour délivrer le permis de construire. Le maire de la commune d'implantation du projet et le représentant de l'État dans le département ne sont pas tenus d'exercer ce recours préalable. (...) ". Ces dispositions sont entrées en vigueur le 15 février 2015, en application de l'article 6 du décret du 12 février 2015 relatif à l'aménagement commercial.
4. Aux termes de l'article R. 424-1 du code de l'urbanisme : " À défaut de notification d'une décision expresse dans le délai d'instruction déterminé comme il est dit à la section IV du chapitre III ci-dessus, le silence gardé par l'autorité compétente vaut, selon les cas : (...) / b) Permis de construire (...) ". Aux termes de l'article R. 424-2 du même code : " Par exception au b de l'article R. 424-1, le défaut de notification d'une décision expresse dans le délai d'instruction vaut décision implicite de rejet dans les cas suivants : (...) / h) Lorsque le projet relève de l'article L. 425-4 ou a été soumis pour avis à la commission départementale d'aménagement commercial sur le fondement de l'article L. 752-4 du code de commerce et que la commission départementale d'aménagement commercial ou, le cas échéant, la Commission nationale d'aménagement commercial a rendu un avis défavorable ; (...) ".
5. D'une part, il résulte des dispositions citées aux points 2 et 3 que l'avis du 22 novembre 2018 de la Commission nationale d'aménagement commercial s'est substitué à l'avis du 23 juillet 2018 de la commission départementale d'aménagement commercial d'Indre-et-Loire. Dès lors, les conclusions du maire de Sorigny et de la communauté de communes Touraine Vallée de l'Indre tendant à l'annulation de cet avis de la commission départementale ne sont pas recevables.
6. D'autre part, il résulte des dispositions citées aux points 2 à 4 que l'avis de la Commission nationale d'aménagement commercial a désormais le caractère d'un acte préparatoire à la décision prise par l'autorité administrative sur la demande de permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale, seule décision susceptible de recours contentieux. Il en va ainsi que l'avis de la Commission nationale d'aménagement commercial soit favorable ou qu'il soit défavorable. Dans ce dernier cas, la décision susceptible de recours contentieux est la décision, le cas échéant implicite en application des dispositions citées au point 4, de rejet de la demande de permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale.
7. Dès lors, les conclusions de la communauté de communes Touraine Vallée de l'Indre tendant à l'annulation de l'avis du 22 novembre 2018 de la Commission nationale d'aménagement commercial ne sont pas recevables.
8. Enfin, lorsqu'un texte a subordonné le recours contentieux tendant à l'annulation d'un acte administratif à un recours administratif préalable, une personne soumise à cette obligation n'est, sauf disposition contraire, recevable à présenter un recours contentieux contre la décision rendue par l'autorité saisie à ce titre, qui confirme la décision initiale en se substituant à celle-ci, que si elle a elle-même exercé le recours préalable.
9. Il ressort des pièces du dossier que la communauté de communes Touraine Vallée de l'Indre n'a pas exercé le recours préalable devant la Commission nationale d'aménagement commercial contre l'avis défavorable du 23 juillet 2018 de la commission départementale d'aménagement commercial d'Indre-et-Loire. Si les dispositions précitées de l'article L. 752-17 du code de commerce dispensent le maire de la commune d'implantation du projet et le représentant de l'État dans le département d'exercer ce recours, elles n'en dispensent pas la communauté de communes d'implantation du projet ni les autres membres de la commission départementale. Par ailleurs, ni la circonstance que la société pétitionnaire ait exercé un recours devant la Commission nationale d'aménagement commercial contre l'avis du 23 juillet 2018 de la commission départementale, ni la circonstance que le maire de Sorigny, commune d'implantation du projet, soit également le président de la communauté de communes Touraine Vallée de l'Indre, ne dispensait pas cette dernière de saisir elle-même la Commission nationale d'aménagement commercial préalablement à un éventuel recours contentieux contre la décision de l'autorité administrative compétente pour délivrer le permis de construire. Dès lors, les conclusions de la communauté de communes Touraine Vallée de l'Indre tendant à l'annulation de la décision du 7 juin 2019 du maire de Sorigny ne sont pas recevables.
Sur les conclusions du maire de Sorigny tendant à l'annulation de l'avis de la Commission nationale d'aménagement commercial et à l'annulation de la décision de rejet de la demande de permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale :
En ce qui concerne la procédure suivie devant la commission départementale d'aménagement commercial d'Indre-et-Loire :
10. Il résulte des dispositions des articles L. 425-4 du code de l'urbanisme et L. 752-17 du code de commerce que l'avis de la Commission nationale d'aménagement commercial se substitue à celui de la commission départementale d'aménagement commercial. Dès lors, le maire de Sorigny ne peut utilement soutenir que l'avis de la commission départementale d'aménagement commercial d'Indre-et-Loire a été rendu au terme d'une procédure irrégulière.
En ce qui concerne la procédure suivie devant la Commission nationale d'aménagement commercial :
11. En premier lieu, aux termes de l'article R. 752-34 du code de commerce, dans sa version applicable au litige : " (...) Quinze jours au moins avant la réunion de la commission nationale, les parties sont convoquées à la réunion et informées que la commission nationale ne tiendra pas compte des pièces qui seraient produites moins de dix jours avant la réunion, à l'exception des pièces émanant des autorités publiques. "
12. D'une part, si le maire de Sorigny soutient qu'il n'est pas justifié que les " membres de la commission départementale concernés " aient été convoqués, les dispositions précitées de l'article R. 752-34 du même code, dans leur version applicable au litige, n'imposaient pas la convocation d'un membre de la commission départementale chargé d'exposer la position de cette commission devant la Commission nationale.
13. D'autre part, il ne ressort pas des pièces du dossier que les parties aient été convoquées à la réunion de la Commission nationale d'aménagement commercial du 22 novembre 2018 quinze jours au moins avant celle-ci, ni qu'elles aient été informées de ce que la Commission nationale ne tiendrait pas compte des pièces qui seraient produites moins de dix jours avant la réunion, à l'exception des pièces émanant des autorités publiques.
14. Toutefois, si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et les règlements, un vice affectant le déroulement d'une procédure administrative préalable n'est de nature à entacher d'illégalité la décision prise que s'il ressort des pièces du dossier qu'il a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou s'il a privé les intéressés d'une garantie.
15. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier que la Commission nationale d'aménagement commercial a auditionné, lors de sa séance du 22 novembre 2018, onze personnes, dont le président de la société LVV, auteur du recours devant cette commission. Dès lors, le non-respect des dispositions termes de l'article R. 752-34 du code de commerce n'est pas susceptible d'avoir exercé, en l'espèce, une influence sur le sens de la décision prise et n'a, en tout état de cause, pas privé les intéressés d'une garantie.
16. En second lieu, les articles L. 751-5 et L. 751-6 du code de commerce prévoient que la Commission nationale d'aménagement commercial comprend douze membres. En application de l'article R. 751-6 du même code, chaque autorité de nomination désigne, en même temps que le membre titulaire, un membre suppléant. Aux termes de l'article R. 752-35 de ce code : " La commission nationale se réunit sur convocation de son président. Cinq jours au moins avant la réunion, chacun des membres reçoit, par tout moyen, l'ordre du jour ainsi que, pour chaque dossier : 1° L'avis ou la décision de la commission départementale ; 2° Le procès-verbal de la réunion de la commission départementale ; 3° Le rapport des services instructeurs départementaux ; 4° Le ou les recours à l'encontre de l'avis ou de la décision ; 5° Le rapport du service instructeur de la commission nationale. "
17. D'une part, il ressort des pièces du dossier, notamment du tableau annexé à " l'attestation de convocation ", qu'une convocation à la réunion de la Commission nationale du 22 novembre 2018, au cours de laquelle a été examiné le recours de la société LVV contre l'avis de la commission départementale d'aménagement commercial d'Indre-et-Loire sur le projet litigieux, a été adressée par la voie électronique, le 7 novembre 2018, c'est-à-dire quinze jours avant la réunion, à onze membres titulaires de la Commission nationale. Il ressort également des pièces du dossier que cette convocation était assortie de l'ordre du jour de la réunion du 22 novembre 2018, qui a donc été reçu par ces onze membres de la Commission nationale plus de cinq jours avant cette réunion. En revanche, il ne ressort pas des pièces du dossier que le membre titulaire de la Commission désigné par le président du Sénat aurait été rendu destinataire d'une convocation à la réunion en cause. Aucune impossibilité de le convoquer n'étant établie, ni même alléguée, la convocation des membres de la Commission est dès lors entachée d'une irrégularité au regard de l'article R. 752-35 du code de commerce.
18. Toutefois, il ressort des pièces du dossier, notamment du procès-verbal de la séance, que dix membres de la Commission nationale d'aménagement commercial, tous régulièrement convoqués, ont participé à la réunion du 22 novembre 2018, et que neuf membres de celle-ci étaient présents lors de l'examen du recours présenté par la société LVV. Ce nombre étant supérieur au quorum de six membres fixé par l'article R. 752-37 du code de commerce, la Commission a pu valablement délibérer. En outre, le projet de la société LVV a recueilli un avis défavorable par sept voix défavorables, une voix favorable et une abstention. Dans ces conditions, il ne ressort d'aucun des éléments du dossier soumis à la cour que l'absence de convocation à la séance de l'un des membres de la Commission aurait été susceptible d'avoir exercé, en l'espèce, une influence sur le sens de la décision prise ni, en tout état de cause, n'a été de nature à priver les intéressés d'une garantie.
19. D'autre part, il ressort des pièces du dossier que l'ordre du jour annexé à la convocation, adressée par voie électronique le 7 novembre 2018 à onze membres titulaires de la Commission nationale, indiquait que les documents visés à l'article R. 752-35 du code de commerce, relatifs aux dossiers figurant à l'ordre du jour, seraient " disponibles sur la plateforme de téléchargement 5 jours au moins avant la tenue de la séance ". Le maire de Sorigny n'apporte aucun élément permettant de mettre en doute la réalité de cette mise à disposition par voie électronique cinq jours au moins avant la réunion de la Commission nationale.
20. Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de ce que l'arrêté attaqué aurait été pris sur le fondement d'un avis irrégulièrement adopté par la Commission nationale d'aménagement commercial doit être écarté.
En ce qui concerne le respect par le projet des critères fixés par l'article L. 752-6 du code de commerce :
21. Aux termes du troisième alinéa de l'article 1er de la loi du 27 décembre 1973 d'orientation du commerce et de l'artisanat : " Les pouvoirs publics veillent à ce que l'essor du commerce et de l'artisanat permette l'expansion de toutes les formes d'entreprises, indépendantes, groupées ou intégrées, en évitant qu'une croissance désordonnée des formes nouvelles de distribution ne provoque l'écrasement de la petite entreprise et le gaspillage des équipements commerciaux et ne soit préjudiciable à l'emploi ". Aux termes de l'article L. 750-1 du code de commerce : " Les implantations, extensions, transferts d'activités existantes et changements de secteur d'activité d'entreprises commerciales et artisanales doivent répondre aux exigences d'aménagement du territoire, de la protection de l'environnement et de la qualité de l'urbanisme. Ils doivent en particulier contribuer au maintien des activités dans les zones rurales et de montagne ainsi qu'au rééquilibrage des agglomérations par le développement des activités en centre-ville et dans les zones de dynamisation urbaine. Dans le cadre d'une concurrence loyale, ils doivent également contribuer à la modernisation des équipements commerciaux, à leur adaptation à l'évolution des modes de consommation et des techniques de commercialisation, au confort d'achat du consommateur et à l'amélioration des conditions de travail des salariés. ". Enfin, aux termes de l'article L. 752-6 du même code, dans sa rédaction alors applicable : " L'autorisation d'exploitation commerciale mentionnée à l'article L. 7521 est compatible avec le document d'orientation et d'objectifs des schémas de cohérence territoriale ou, le cas échéant, avec les orientations d'aménagement et de programmation des plans locaux d'urbanisme intercommunaux comportant les dispositions prévues au dernier alinéa de l'article L. 151-6 du code de l'urbanisme. / La commission départementale d'aménagement commercial prend en considération : / 1° En matière d'aménagement du territoire : / a) La localisation du projet et son intégration urbaine ; / b) La consommation économe de l'espace, notamment en termes de stationnement ; / c) L'effet sur l'animation de la vie urbaine, rurale et dans les zones de montagne et du littoral ; / d) L'effet du projet sur les flux de transports et son accessibilité par les transports collectifs et les modes de déplacement les plus économes en émission de dioxyde de carbone ; / 2° En matière de développement durable : / a) La qualité environnementale du projet, notamment du point de vue de la performance énergétique, du recours le plus large qui soit aux énergies renouvelables et à l'emploi de matériaux ou procédés éco-responsables, de la gestion des eaux pluviales, de l'imperméabilisation des sols et de la préservation de l'environnement ; / b) L'insertion paysagère et architecturale du projet, notamment par l'utilisation de matériaux caractéristiques des filières de production locales ; / c) Les nuisances de toute nature que le projet est susceptible de générer au détriment de son environnement proche. (...) / 3° En matière de protection des consommateurs : / a) L'accessibilité, en termes, notamment, de proximité de l'offre par rapport aux lieux de vie ; / b) La contribution du projet à la revitalisation du tissu commercial, notamment par la modernisation des équipements commerciaux existants et la préservation des centres urbains ; / c) La variété de l'offre proposée par le projet, notamment par le développement de concepts novateurs et la valorisation de filières de production locales : / d) Les risques naturels, miniers et autres auxquels peut être exposé le site d'implantation du projet, ainsi que les mesures propres à assurer la sécurité des consommateurs. / (...) ".
22. Il résulte de ces dispositions combinées que l'autorisation d'aménagement commercial ne peut être refusée que si, eu égard à ses effets, le projet contesté compromet la réalisation des objectifs énoncés par la loi. Il appartient aux commissions d'aménagement commercial, lorsqu'elles statuent sur les dossiers de demande d'autorisation, d'apprécier la conformité du projet à ces objectifs, au vu des critères d'évaluation mentionnés à l'article L. 752-6 du code de commerce.
S'agissant de l'aménagement du territoire :
23. Il ressort des pièces du dossier que le projet litigieux vise à créer un " village de marques " de 20 555 mètres carrés de surface de vente, comprenant 9 moyennes surfaces de commerce non alimentaire d'une surface de vente totale de 5 896 mètres carrés et 100 boutiques d'une surface de vente totale de 14 659 mètres carrés.
24. D'une part, ce projet prendra place au sein de la zone d'aménagement concerté Isoparc, destinée aux activités industrielles, commerciales ou artisanales, sur le territoire de la commune de Sorigny, à 20 kilomètres de la commune de Tours. Le projet se situe en zone UCz2 du plan local d'urbanisme de la commune de Sorigny, destinée aux activités économiques. Cette zone d'aménagement concerté prend place au milieu de vastes espaces agricoles et naturels, sans continuité urbaine avec le centre-bourg de Sorigny situé à 1 kilomètre ainsi qu'avec les autres zones urbaines environnantes.
25. D'autre part, le projet litigieux s'étendra sur une emprise foncière de 22,9 hectares composée principalement d'espaces agricoles, naturels ou boisés. 11,3 hectares, soit 49 % de l'emprise foncière du projet, seront laissés à l'état naturel ou agricole, notamment par la conservation de l'espace boisé classé situé au nord-est du terrain d'assiette du projet et l'aménagement d'autres espaces boisés, de vignes, de vergers, de jardins et de parcelles agricoles, ainsi que par la végétalisation de certaines surfaces de stationnement. Si les surfaces urbanisées ne représenteront que 30 % de l'emprise foncière du projet, elles s'étendront néanmoins sur 6,9 hectares, avec une faible densité liée à l'organisation de la plupart des cellules de vente sur un seul niveau. Les surfaces de vente, de 20 555 mètres carrés, s'étendront ainsi sur 3,15 hectares environ de surface de plancher. Le projet prévoit enfin 54 433 mètres carrés de surfaces de stationnement, dont 27 276 mètres carrés de surfaces bâties sur une emprise au sol de 20 687 mètres carrés, par la création d'un parking en silo sur trois niveaux et deux parkings extérieurs qui comprendront des places de stationnement non imperméabilisées. Dès lors, en prévoyant l'artificialisation de 6,9 hectares pour une surface de vente de seulement 2 hectares, le projet ne se traduira pas par une consommation économe de l'espace.
26. Enfin, il ressort des pièces du dossier que les flux de véhicules générés par le projet n'auront pas d'impact notable sur les axes routiers environnants (l'A10, la RD 910 et la RD 84) compte tenu de leurs réserves de capacités. Cependant, le projet, situé en dehors des agglomérations existantes, sera peu desservi par les transports en commun. Deux lignes de bus au départ de Tours n'assurent en effet qu'un passage toutes les heures environ, entre 7h et 19h, tandis qu'aucun projet concret de renforcement des transports collectifs n'est envisagé. De même, le projet sera très peu accessible aux piétons et aux cyclistes, en dépit d'une réflexion sur l'aménagement du chemin vicinal permettant de relier les communes de Montbazon et Sorigny. Au demeurant, compte-tenu de la localisation du projet et de l'étendue particulièrement importante de sa zone de chalandise, plus de 90 % de ses clients s'y rendront en voiture individuelle.
27. Par conséquent, alors même que le projet est susceptible de contribuer positivement à l'animation de la vie urbaine et rurale en attirant des touristes étrangers et des consommateurs des départements et régions limitrophes à séjourner en Touraine, il est de nature à compromettre la réalisation des objectifs énoncés par la loi en matière d'aménagement du territoire.
S'agissant de la protection des consommateurs :
28. D'une part, comme il a été dit, le projet, situé en dehors des agglomérations existantes et se destinant notamment à une clientèle de touristes et de personnes vivant dans des départements et régions limitrophes, ne sera pas situé à proximité des lieux de vie et ne sera aisément accessible qu'en voiture individuelle.
29. D'autre part, il ressort des pièces du dossier que le projet vise à offrir à la vente des " produits de marques " dans les domaines du prêt-à-porter et des accessoires, issus des collections précédentes ou présentant des défauts de conception, qui feront en conséquence l'objet de remises importantes. La zone de chalandise du projet, qui aura vocation à accueillir des consommateurs et des touristes à la demi-journée ou à la journée, s'étendra sur neuf départements (Indre-et-Loire, Cher, Indre, Loir-et-Cher, Loiret, Maine-et-Loire, Sarthe, Deux-Sèvres, Vienne), correspondant à un temps de voiture compris entre 20 et 90 minutes. Si le requérant soutient que les commerces du projet ne viseront pas la même clientèle que celle des magasins " traditionnels " situés notamment en centre-ville, il indique également que " la sensation de pouvoir réaliser de très bonnes affaires incite ainsi de nombreux consommateurs à parcourir une longue distance et à consacrer un long moment à leurs achats, souvent une journée complète ". Dès lors, la création de ce pôle commercial d'une centaine de boutiques, dont beaucoup correspondront à des enseignes généralement implantées en centre-ville, ne contribuera pas à la revitalisation du tissu commercial existant ni à la préservation des centres urbains, notamment de ceux de plusieurs communes concernées par le plan " Action coeur de ville " (en particulier Chinon, Châtellerault, Blois, Bourges, Châteauroux et Poitiers).
30. Enfin, si le projet litigieux sera relativement novateur dès lors qu'il s'agira du premier " village de marques " installé en région Centre-Val-de-Loire, au positionnement haut-de-gamme, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il valorisera des filières de productions locales.
31. Dans ces conditions, le projet litigieux est de nature à compromettre la réalisation des objectifs énoncés par la loi en matière de protection des consommateurs.
32. Il résulte de ce qui précède qu'eu égard à ses effets, le projet contesté compromet la réalisation des objectifs énoncés par la loi en matière d'aménagement du territoire et de protection des consommateurs, même si les objectifs en matière de développement durable seront globalement atteints. Dès lors, le moyen tiré de ce que l'avis de la Commission nationale d'aménagement commercial serait entaché d'une inexacte application des dispositions de l'article L. 752-6 du code de commerce doit être écarté.
En ce qui concerne la compatibilité du projet avec le schéma de cohérence territoriale de l'agglomération tourangelle :
33. En vertu de l'article L. 142-1 du code de l'urbanisme, les permis de construire tenant lieu d'autorisation d'exploitation commerciale prévus à l'article L. 752-6 du code du commerce doivent être compatibles avec le document d'orientation et d'objectifs du schéma de cohérence territoriale. Il appartient aux commissions d'aménagement commercial non de vérifier la conformité des projets d'exploitation commerciale qui leur sont soumis aux énonciations des schémas de cohérence territoriale, mais d'apprécier la compatibilité de ces projets avec les orientations générales et les objectifs qu'ils définissent.
34. D'une part, le document d'orientation et d'objectifs du schéma de cohérence territoriale de l'agglomération tourangelle, approuvé le 27 septembre 2013, comporte notamment pour orientation de " faire grandir la ville de l'intérieur pour moins consommer d'espace ". Il fixe à cette fin pour objectif de " donner la priorité au renouvellement urbain " afin de limiter la consommation d'espaces agricoles et naturels et d'" encadrer les conditions d'extension de la ville ", notamment en " priorisant les extensions dans des secteurs préférentiels de développement identifiés dans le SCOT ". Ces objectifs rejoignent ceux fixés dans le cadre de l'orientation de " faire le pari du commerce en ville ", en implantant les nouveaux commerces dans les localisations préférentielles constituées par les centralités (centre-ville ou centre-bourg) et les zones d'aménagement commercial (ZACOM). En particulier, le document d'orientation et d'objectifs précise que " les nouvelles implantations d'activités commerciales de plus de 1 000 m2 de surface de vente non délimitées en ZACOM mais adossées à un projet urbain mixte (de renouvellement ou d'extension) peuvent être admises. " D'autres orientations visent à " promouvoir un développement commercial économe en foncier ", en favorisant la densité des aménagements commerciaux dans les ZACOM dans une logique d'économie d'espace, et à " veiller à un développement maîtrisé, au bon endroit ", notamment en permettant " la mixité des fonctions dans les tissus urbains " et en encourageant " les projets urbains mixtes en renouvellement et en extension ".
35. Or il ressort des pièces du dossier que le projet litigieux ne sera pas situé dans le centre-bourg de Sorigny, ni même en continuité avec lui, ni compris dans une zone d'aménagement commercial. Il ne sera donc pas implanté dans une des localisations préférentielles identifiées par le document d'orientation et d'objectifs du schéma de cohérence territoriale de l'agglomération tourangelle. Il ne sera pas davantage adossé à un projet urbain mixte, puisqu'il sera situé dans une zone d'aménagement concerté isolée qui ne comportera aucun logement. En outre, le projet litigieux, ainsi qu'il a été dit, se traduira par l'artificialisation de 6,9 hectares pour une surface de vente de seulement 2 hectares, et contrariera donc l'orientation de " promouvoir un développement commercial économe en foncier ".
36. D'autre part, le projet litigieux, compte-tenu de sa localisation et de la faiblesse de la desserte en transports en commun, contrariera l'orientation tendant à " orienter les développements commerciaux sur des secteurs bien desservis par les transports en commun " ainsi celle de " produire des formes urbaines favorisant les mobilités durables ", notamment en urbanisant en priorité les secteurs desservis par les transports collectifs performants.
37. Enfin, si le maire de Sorigny fait valoir que le projet contribuera à l'orientation tendant à " conforter le rayonnement et l'attractivité commerciale de l'agglomération tourangelle en opérant un saut qualitatif ", cette orientation s'adresse en priorité à l'amélioration des zones commerciales existantes et se traduit, outre par un objectif d'améliorer la qualité architecturale et l'intégration paysagère des équipements commerciaux, par l'objectif de limiter l'impact environnemental des équipements commerciaux, notamment par une réduction des émissions de gaz à effet de serre. Or le projet litigieux, malgré sa qualité architecturale et des efforts notables d'intégration paysagère, se traduira par une importante artificialisation de terres aujourd'hui non bâties. De même, en dépit de mesures importantes pour réduire la consommation énergétique du projet, la circonstance que le projet sera presque exclusivement accessible en véhicules individuels ne contribuera pas à la réduction des émissions de gaz à effet de serre.
38. Dès lors, le projet litigieux n'est pas compatible avec le document d'orientation et d'objectifs du schéma de cohérence territoriale.
39. Il résulte de ce tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la recevabilité de ses conclusions, que le maire de Sorigny n'est pas fondé à demander l'annulation de l'avis du 22 novembre 2018 de la Commission nationale d'aménagement commercial et de sa décision du 7 juin 2019 par laquelle il a tacitement rejeté la demande de permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale présentée par la société LVV.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
40. Dès lors que le présent arrêt rejette les conclusions à fin d'annulation présentées par les requérants, il n'appelle aucune mesure d'exécution. Par conséquent, leurs conclusions à fin d'injonction doivent être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête du maire de Sorigny et de la communauté de communes Touraine Vallée de l'Indre est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié au maire de Sorigny, à la communauté de communes Touraine Vallée de l'Indre, au ministre de l'économie, des finances et de la relance (Commission nationale d'aménagement commercial) et à la société LVV.
Délibéré après l'audience du 4 décembre 2020, à laquelle siégeaient :
- M. Célérier, président de chambre,
- Mme Buffet, président-assesseur,
- M. D..., premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 22 décembre 2020.
Le rapporteur,
F.-X. D...Le président,
T. Célérier
Le greffier,
C. Popsé
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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No 19NT03415