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18/12/2020 | FRANCE | N°20NT02164

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 4ème chambre, 18 décembre 2020, 20NT02164


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... A... a demandé au tribunal administratif de Nantes, d'une part, d'annuler les arrêtés du 2 juin 2020 par lesquels le préfet de Maine-et-Loire a décidé de la transférer aux autorités espagnoles et de l'assigner à résidence dans le département de Maine-et-Loire pour une durée de 45 jours et, d'autre part, d'enjoindre au préfet de Maine-et-Loire, à titre principal, de lui délivrer une attestation de demande d'asile, à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa situation dans un délai

de quinze jours, sous astreinte de 100 euros par jour de retard.

Par un jugement...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... A... a demandé au tribunal administratif de Nantes, d'une part, d'annuler les arrêtés du 2 juin 2020 par lesquels le préfet de Maine-et-Loire a décidé de la transférer aux autorités espagnoles et de l'assigner à résidence dans le département de Maine-et-Loire pour une durée de 45 jours et, d'autre part, d'enjoindre au préfet de Maine-et-Loire, à titre principal, de lui délivrer une attestation de demande d'asile, à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa situation dans un délai de quinze jours, sous astreinte de 100 euros par jour de retard.

Par un jugement n° 2006280 du 9 juillet 2020, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 21 juillet 2020, Mme A..., représentée par Me C..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes en date du 9 juillet 2020 ;

2°) d'annuler les arrêtés du 2 juin 2020 par lesquels le préfet de Maine-et-Loire a décidé de la transférer aux autorités espagnoles et de l'assigner à résidence dans le département de Maine-et-Loire pour une durée de 45 jours ;

3°) d'enjoindre au préfet de Maine-et-Loire, à titre principal, de lui délivrer une attestation de demande d'asile, à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa situation dans un délai de quinze jours, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 800 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- la décision de transfert est insuffisamment motivée ; elle viole l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 dès lors que seules les pages de garde des brochures d'information lui ont été remises ; l'article 5 du même règlement a été violé dès lors que l'entretien prévu par cet article n'a pas eu lieu et qu'à supposer qu'il ait eu lieu, il n'a pas été mené avec un interprète, de manière confidentielle et n'a pas donné lieu à un compte-rendu ; l'arrêté est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors qu'elle est enceinte de 5 mois ;

- la décision portant assignation à résidence est insuffisamment motivée ; elle repose sur une décision de transfert illégale ; sa situation n'a pas été examinée ; une erreur manifeste d'appréciation a été commise dès lors qu'elle est enceinte et ne peut se soumettre à un pointage si régulier.

Par des mémoires, enregistrés le 10 septembre 2020 et le 28 septembre 2020, le préfet de Maine-et-Loire conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 3 août 2020.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. B... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A..., ressortissante guinéenne née le 1er juillet 1997, a demandé la reconnaissance de la qualité de réfugié auprès des services de la préfecture de Maine-et-Loire le 14 février 2020. Estimant que l'Espagne devait la prendre en charge, le préfet de Maine-et-Loire a adressé une demande en ce sens aux autorités de cet Etat. Cette demande a été accueillie expressément le 9 mars 2020. Par deux arrêtés du 2 juin 2020, le préfet de Maine-et-Loire a alors décidé de transférer Mme A... aux autorités espagnoles et de l'assigner à résidence dans le département de Maine-et-Loire pour une durée de 45 jours. Par un jugement du 9 juillet 2020, dont il est relevé appel, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté la demande présentée par Mme A... tendant à l'annulation de ces arrêtés.

Sur l'arrêté de transfert :

2. En premier lieu, la requérante reprend en appel les moyens invoqués en première instance et tirés de l'insuffisance de motivation de l'arrêté de transfert, de la violation de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 et de la méconnaissance de l'article 5 du même règlement. Il y a lieu d'écarter ces moyens par les mêmes motifs que ceux retenus à bon droit par le premier juge, respectivement aux points 2, 5 et 7 du jugement attaqué.

3. En second lieu, aux termes de l'article 17 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque État membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. / L'État membre qui décide d'examiner une demande de protection internationale en vertu du présent paragraphe devient l'État membre responsable et assume les obligations qui sont liées à cette responsabilité. (...) ".

4. En l'espèce, il ressort certes des pièces du dossier que la requérante était enceinte de plus de trois mois à la date de l'arrêté de transfert. Toutefois, il n'est pas établi que cette grossesse, qui n'était pas pathologique, ait été, à elle seule, de nature à faire obstacle à un voyage vers l'Espagne. Par ailleurs, il n'est pas établi, alors que les autorités espagnoles ont donné leur accord exprès à la prise en charge de l'intéressée, qu'elles ne pouvaient lui offrir les soins et la protection adaptés à son état. Dans ces conditions, et en l'absence d'autres éléments justifiant que les autorités françaises examinent, dans les conditions dérogatoires prévues par l'article 17 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013, la demande de protection internationale de Mme A..., celle-ci n'est pas fondée à soutenir que le préfet aurait commis une erreur manifeste d'appréciation, notamment au regard de ces dispositions, en la transférant en Espagne.

Sur la décision d'assignation à résidence :

5. En premier lieu, l'exception d'illégalité de l'arrêté de transfert doit, compte tenu de ce qui vient d'être dit, être écartée.

6. En second lieu, la requérante reprend en appel les moyens invoqués en première instance et tirés de l'insuffisance de motivation de l'arrêté d'assignation à résidence, du défaut d'examen de sa situation et d'une erreur manifeste d'appréciation. Il y a lieu d'écarter ces moyens par les mêmes motifs que ceux retenus à bon droit par le premier juge, respectivement aux points 11, 12 et 14 du jugement attaqué.

7. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande. Par suite, sa requête, y compris les conclusions relatives aux frais liés au litige, doit être rejetée.

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... A... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée, pour information, au préfet de Maine-et-Loire.

Délibéré après l'audience du 1er décembre 2020, à laquelle siégeaient :

- M. Lainé, président de chambre,

- M. Rivas, président assesseur,

- M. B..., premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 18 décembre 2020.

Le rapporteur,

T. B...Le président,

L. Lainé

Le greffier,

V. Desbouillons

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 20NT02164

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 20NT02164
Date de la décision : 18/12/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LAINE
Rapporteur ?: M. Thurian JOUNO
Rapporteur public ?: M. BESSE
Avocat(s) : KADDOURI

Origine de la décision
Date de l'import : 08/01/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2020-12-18;20nt02164 ?
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