La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

18/12/2020 | FRANCE | N°19NT03831

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 4ème chambre, 18 décembre 2020, 19NT03831


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le centre hospitalier de Bourges a demandé au tribunal administratif d'Orléans, à titre principal, de condamner solidairement les sociétés Architecture, Sogeti ingénierie, Klein Francis, Qualiconsult, ICB Dagallier Foucher, SPIE Ouest Centre et Morini, M. G... et les compagnies d'assurances Allianz France Iard, Axa France Iard, Mutuelles du Mans assurances Iard et Euromaf SA à lui verser la somme de 262 470,05 euros, assortie des intérêts moratoires à compter de la date de réalisation des préjudices et

de leur capitalisation, en conséquence de divers désordres faisant suite à...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le centre hospitalier de Bourges a demandé au tribunal administratif d'Orléans, à titre principal, de condamner solidairement les sociétés Architecture, Sogeti ingénierie, Klein Francis, Qualiconsult, ICB Dagallier Foucher, SPIE Ouest Centre et Morini, M. G... et les compagnies d'assurances Allianz France Iard, Axa France Iard, Mutuelles du Mans assurances Iard et Euromaf SA à lui verser la somme de 262 470,05 euros, assortie des intérêts moratoires à compter de la date de réalisation des préjudices et de leur capitalisation, en conséquence de divers désordres faisant suite à l'extension et à la restructuration du centre hospitalier et, à titre subsidiaire, d'ordonner une expertise avant dire droit.

Par un jugement n° 1700681 du 31 juillet 2019, le tribunal administratif d'Orléans a donné acte du désistement des conclusions des Mutuelles du Mans assurances et des conclusions de la société Axa France Iard (article 1er), a rejeté les conclusions du centre hospitalier de Bourges contre les sociétés Allianz, Mutuelles du Mans assurances, Axa France et Euromaf SA comme portées devant une juridiction incompétente pour en connaître (article 2), a condamné solidairement les sociétés Archi-tecture, Sogeti ingénierie et Qualiconsult à verser au centre hospitalier de Bourges la somme de 200 899,43 euros TTC en réparation des désordres au titre de leur responsabilité contractuelle, avec intérêts au taux légal à compter du 1er mars 2017, déterminés en appliquant le second taux de l'intérêt légal mentionné au deuxième alinéa de l'article L. 313-2 du code monétaire et financier, et capitalisation des intérêts au 1er mars 2018 et à chaque échéance annuelle (article 3), a rejeté les conclusions d'appel en garantie de la société Allianz France Iard dirigées contre les sociétés Axa France Iard, Mutuelles du Mans assurances Iard, Euromaf SA et SMA SA, les conclusions d'appel en garantie des sociétés Archi-tecture, ICB Dagallier Foucher et Euromaf SA dirigées contre les sociétés Allianz France Iard, Axa France Iard et Mutuelles du Mans assurances Iard, les conclusions d'appel en garantie de la société SPIE Tertiaire et Industrie dirigées contre la société Allianz Iard et les conclusions d'appel en garantie de la société Qualiconsult à l'encontre des assureurs des sociétés Archi-tecture, ICB Dagallier Foucher, Projelec, Klein Francis SARL, SPIE Ouest Centre et Morini et M. G... (article 4), a prononcé un non-lieu à statuer sur les conclusions d'appel en garantie présentées par les sociétés Allianz Iard et Euromaf SA à l'encontre des constructeurs et de la société SMABTP et sur les conclusions d'appel en garantie présentées par M. G... et la société ICB Dagallier Foucher (article 5), a condamné la société Archi-tecture à garantir les sociétés Sogeti ingénierie et Qualiconsult à hauteur de 25 % des condamnations prononcées à leur encontre aux articles 3 et 12 (article 6), a condamné la société Sogeti ingénierie à garantir les sociétés Archi-tecture et Qualiconsult à hauteur de 25 % des condamnations prononcées à leur encontre aux articles 3 et 12 (article 7), a condamné la société Morini à garantir les sociétés Archi-tecture, Sogeti ingénierie et Qualiconsult à hauteur de 20 % des condamnations prononcées à leur encontre aux articles 3 et 12 (article 8), a condamné la société Qualiconsult à garantir les sociétés Archi-tecture et Sogeti ingénierie à hauteur de 15 % des condamnations prononcées à leur encontre aux articles 3 et 12 (article 9), a condamné la société SPIE Industrie et Tertiaire à garantir les sociétés Archi-tecture, Sogeti ingénierie et Qualiconsult à hauteur de 15 % des condamnations prononcées à leur encontre aux articles 3 et 12 (article 10), a rejeté les conclusions d'appel en garantie présentées par la société Morini à l'encontre des sociétés Archi-tecture, Sogeti ingénierie, Qualiconsult, ICB Dagallier Foucher, Klein Francis SARL, SPIE Centre Ouest et de M. G..., celles présentées par la société SPIE Tertiaire et industrie à l'encontre des sociétés Archi-tecture, Sogeti ingénierie, Qualiconsult, ICB Dagallier Fouche, Klein Francis SARL, Morini et M. G..., celles présentées par les sociétés Archi-tecture et Qualiconsult à l'encontre de la société Klein Francis SARL et de M. G..., celles présentées par la société Sogeti ingénierie à l'encontre des sociétés ICB Dagallier Foucher, Klein Francis et de M. G... et celles présentées par la société Qualiconsult à l'encontre de la société Projelec et de M. G... (article 11), a condamné solidairement les sociétés Archi-tecture, Sogeti ingénierie et Qualiconsult à verser au centre hospitalier de Bourges la somme globale de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative (article 12), et a rejeté le surplus des conclusions des parties.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 30 septembre 2019 et le 22 septembre 2020, la société Morini, représentée par Me Fialaire, demande à la cour :

1°) de réformer ce jugement du 31 juillet 2019 du tribunal administratif d'Orléans en ce qu'il a condamné la société Morini à garantir les sociétés Archi-tecture, Sogeti ingénierie et Qualiconsult à hauteur de 20 % des condamnations prononcées à leur encontre au titre d'une part des désordres faisant suite à l'extension et à la restructuration du centre hospitalier de Bourges et d'autre part des frais d'instance mis à la charge de ces trois sociétés ;

2°) de rejeter toute action en garantie présentée à son encontre par les sociétés Archi-tecture, Sogeti ingénierie, Qualiconsult et Spie Ouest Centre ;

3°) de condamner solidairement les sociétés Archi-tecture, Sogeti ingénierie, Qualiconsult et Spie Ouest Centre à la garantir intégralement des condamnations pouvant être prononcées à son encontre ;

4°) de mettre à la charge solidaire des sociétés Archi-tecture, Sogeti ingénierie, Qualiconsult et Spie Ouest Centre la somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que les entiers dépens.

Elle soutient que :

- sa responsabilité a été retenue à tort par le jugement afin qu'elle garantisse partiellement les sociétés Archi-Tecture, Sogeti et Qualiconsult ; l'erreur de conception tenant à la mauvaise qualification de certains ouvrages au regard de la réglementation incendie ne trouve son origine que dans les actions de la maitrise d'oeuvre et de la société de contrôle technique ; les plans, dont le plan CVC BP PL018 imputé à tort par le jugement à la société Morini, qui semblent avoir été à l'origine d'une modification constructive, émanent de la société Spie titulaire du lot génie climatique ; elle n'a effectué que les travaux qui lui ont été confiés sans modifier l'ouvrage ;

- les demandes de réformation du jugement présentées par le centre hospitalier sont irrecevables car tardives ; le changement de qualification d'un ouvrage qui a des répercussions sur la législation incendie applicable ne résulte pas d'une faute d'un constructeur ; aucune erreur de pose de l'isolant ne lui est imputable et n'est établie.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 19 décembre 2019 et 14 septembre 2020, le centre hospitalier Jacques Coeur, représenté par Me Lefort, demande à la cour :

1°) de rejeter la requête de la société Morini ;

2°) par la voie de l'appel incident et provoqué, de condamner solidairement les sociétés Archi-tecture, Sogeti ingénierie, Qualiconsult et Morini à lui verser la somme de 22 461,94 euros TTC au titre des frais qu'il a engagés pour le stockage de matériel et de 30 372 euros TTC au titre des frais d'avocats engagés dans le cadre de la première instance ;

3°) de mettre à la charge de la société Morini la somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- les moyens soulevés par les sociétés Morini et Spie pour écarter leur responsabilité ne sont pas fondés ;

- ses conclusions d'appel incident sont recevables dès lors qu'elles portent sur le litige engagé par la société Morini ; les sociétés Archi-tecture, Sogeti ingénierie, Qualiconsult et Morini lui verseront 22 461,94 euros TTC en réparation des frais de stockage du matériel livré destiné aux locaux et qui n'a pu être installé du fait des retards mis à l'ouverture nés de la non-conformité de l'édifice ; les frais d'avocat correspondant à cinq ans de procédure seront indemnisés pour un total de 30 372 euros TTC.

Par un mémoire, enregistré le 23 juillet 2020, la société Sogeti ingénierie, représentée par Me Malbesin, demande à la cour :

1°) de rejeter la requête de la société Morini ;

2°) de rejeter les conclusions d'appel incident du centre hospitalier de Bourges ;

3°) par la voie de l'appel incident et provoqué, de condamner solidairement les sociétés Archi-tecture, Qualiconsult, ICB Dagallier Fouchet, Spie Ouest centre, Morini, et M. G... à la garantir des condamnations prononcées à son encontre ;

4°) de mettre à la charge de la société Morini la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les moyens soulevés par la société Morini pour engager sa responsabilité seront écartés ;

- les sociétés Archi-tecture, Qualiconsult, Spie Ouest centre, Morini et M. G... la garantiront des condamnations qui pourraient être mises à sa charge, avec une part prépondérante pour la société Morini sachant que sa propre responsabilité ne pourra alors excéder 10 % ; la faute de la société Morini est majeure dès lors qu'elle est à l'origine de la modification des trémies et d'une pose d'isolant inadapté ; en sa qualité de coordinateur système de sécurité incendie, la responsabilité de M. G... est engagée dès lors qu'il n'a pas réagi avant la réalisation des travaux par la société Morini ; la société SPIE n'a pas opéré les modifications induites par l'ajout de la dalle au dessus des trémies, avec la pose de clapets coupe-feu ; les prescriptions de la société Qualiconsult, à les supposer justifiées, ont été tardives et entrainent sa responsabilité ; la responsabilité de la société Archi-tecture est engagée dès lors qu'elle n'a pas analysé les trémies comme intérieures, avec les conséquences induites au regard de la réglementation sur les incendies ;

- les conclusions d'appel incident du centre hospitalier sont irrecevables car tardives au regard de l'appel limité formé par la société Morini ; subsidiairement ses prétentions ne sont pas établies ; les demandes présentées au titre des frais d'avocat sont à examiner au regard de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un mémoire, enregistré le 30 juillet 2020, la société Spie industrie et tertiaire venant aux droits de la société Spie Ouest Centre, représentée par la SCP Guyard Nasri, demande à la cour :

1°) de réformer le jugement en tant qu'il a retenu une part de responsabilité à la charge de la société Spie industrie et tertiaire ;

2°) de rejeter toute action en garantie présentée à l'encontre de la société Spie industrie et tertiaire par les sociétés Archi-tecture, Sogeti ingénierie, Qualiconsult et Morini ;

3°) par la voie de l'appel incident et provoqué, de condamner solidairement les sociétés Archi-tecture, Sogeti ingénierie, Qualiconsult et Morini à la garantir intégralement des condamnations pouvant être prononcées à son encontre ;

4°) de mettre à la charge solidaire des sociétés Archi-tecture, Sogeti ingénierie, Qualiconsult et Morini la somme de 6 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les entiers dépens.

Elle soutient que :

- les moyens soulevés par la société Morini et le centre hospitalier pour engager sa responsabilité seront écartés ;

- sa responsabilité a été engagée à tort par le jugement attaqué ; faire supporter aux constructeurs le coût de la réalisation d'ouvrages non prévus conduit à un enrichissement sans cause du centre hospitalier ; ses travaux ont été réalisés dans le respect des dispositions contractuelles ; sa responsabilité ne peut être engagée comme "sachant" eu égard notamment à la présence d'une équipe de maitrise d'oeuvre renforcée ; la nécessité d'un système incendie reste discutable en l'espèce ; les responsabilités ne peuvent être appréciées faute de tout fondement juridique et de tout élément probant ; si les trémies doivent être considérées comme fermées la responsabilité prépondérante incombe à la maitrise d'oeuvre, à la société Qualiconsult et à M. G... ; si sa responsabilité devait être retenue elle ne pourrait excéder 5 % ;

- les prétentions indemnitaires du centre hospitalier ne sont pas établies ;

- les appels en garantie présentés seront écartés en conséquence en l'absence de faute établie.

Par un mémoire enregistré le 13 juillet 2020, la société Archi-tecture, représentée par Me Broglin, demande à la cour :

1°) de rejeter la requête de la société Morini ;

2°) par la voie de l'appel incident, de condamner la société Morini à la garantir à hauteur de 50 % des condamnations prononcées à son encontre par le jugement du 31 juillet 2019 du tribunal administratif d'Orléans ;

3°) de mettre à la charge de la société Morini la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative

Elle soutient que :

- les moyens soulevés par la société Morini pour nier sa responsabilité seront écartés du fait de ses travaux, de ses plans et de la pose d'un isolant inadapté ;

- la part de responsabilité de la société Morini sera portée à 50 % et elle la garantira en conséquence ;

- les conclusions d'appel incident du centre hospitalier sont irrecevables car tardives s'agissant d'un litige distinct.

Par un mémoire, enregistré le 31 juillet 2020, la société Qualiconsult, représentée par Me Launey, demande à la cour :

1°) de rejeter la requête de la société Morini ;

2°) de rejeter les conclusions d'appel incident du centre hospitalier de Bourges ;

3°) par la voie de l'appel provoqué, de condamner solidairement les sociétés Morini, Archi-tecture, Sogeti ingénierie et Spie Ouest centre à la garantir des condamnations prononcées à son encontre ;

4°) de rejeter toutes les demandes de condamnation solidaire formées à son encontre ;

5°) de mettre à la charge de la société Morini la somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les moyens soulevés par la société Morini pour nier sa responsabilité seront écartés du fait de ses travaux, de ses plans et de la pose d'un isolant inadapté ;

- sa part de responsabilité sera réduite ; ses obligations contractuelles ont été remplies ; elle n'a jamais été avisée d'une modification concernant les trémies en cours de chantier ; elle n'est soumise qu'à une obligation de moyen et l'avis de la commission de sécurité est dès lors sans incidence ;

- elle sera garantie par les sociétés Archi-tecture et Sogeti eu égard à leur qualité de membres de la maitrise d'oeuvre titulaires d'une mission complète de conception et d'exécution, par la société Spie en sa qualité de professionnelle de la construction et par la société Morini en raison de la pose d'un isolant inadapté ;

- aucune condamnation solidaire ne pourra la concerner eu égard à l'article L. 111-24 du code de la construction et de l'habitation ;

- les conclusions d'appel incident du centre hospitalier sont irrecevables s'agissant d'un litige distinct de l'appel principal.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ;

- le code de la construction et de l'habitation ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Rivas,

- les conclusions de M. Besse, rapporteur public,

- et les observations de Me Thenot, représentant le centre hospitalier de Bourges, et de Me Papin, représentant la société SPIE industrie et tertiaire.

Considérant ce qui suit :

1. En 2012, afin de procéder à une extension et une restructuration du centre hospitalier de Bourges, celui-ci a conclu un marché de maîtrise d'oeuvre avec un groupement conjoint, composé notamment de la société Archi-tecture, architecte et mandataire du groupement, de la société Sogeti ingénierie, bureau d'études techniques (BET) fluides, et de la société ICB Dagallier Foucher, BET structure. La société Klein Francis SARL était en charge de la mission ordonnancement, pilotage et coordination (OPC), la société Qualiconsult du contrôle technique et la société G... du contrôle " système de sécurité incendie " (SSI). Les sociétés Morini et SPIE Ouest Centre étaient respectivement titulaires des lots n° 1.1 " Démolition, terrassement, gros oeuvre " et n° 10 relatif au génie climatique et à la plomberie. Le 4 novembre 2014, la société Qualiconsult a établi un rapport de vérifications réglementaires après travaux relevant plusieurs non-conformités s'agissant du bâtiment de cardiologie, dont l'absence de résistance au feu de l'isolant posé dans les trémies Nord et Sud, l'absence de clapets coupe-feu dans les conduits aérauliques et dans l'amenée d'air de désenfumage des circulations des R+2, R+3 et R+4 en extrémité sud du bâtiment. Ces mêmes non-conformités ont été constatées, le 5 novembre 2014, par le coordonnateur SSI, M. G.... Le centre hospitalier de Bourges a présenté deux demandes de dérogation au règlement de sécurité et des mesures compensatoires relatives aux amenées d'air ne présentant pas de résistance au feu particulière pour désenfumage de la trémie triangulaire Sud et à l'absence de clapets coupe-feu dans les trémies Nord et Sud. La sous-commission départementale pour la sécurité contre les risques d'incendie et de panique dans les établissements recevant du public a, le 11 décembre 2014, rendu un avis favorable à la première dérogation et un avis défavorable à la seconde dérogation. Le centre hospitalier de Bourges a finalement décidé la réalisation des travaux nécessaires afin que l'ensemble des non-conformités relatives à la sécurité incendie, qui l'empêchaient d'ouvrir le bâtiment au public et d'y installer ses services, soient levées. Ces travaux ont été réalisés au titre d'avenants conclus avec les entreprises titulaires des marchés initiaux, pour un montant total de 188 899,43 euros TTC.

2. Par le jugement attaqué du 31 juillet 2019, le tribunal administratif d'Orléans a notamment, sur le fondement de la responsabilité contractuelle, condamné solidairement les sociétés Archi-tecture, Sogeti ingénierie et Qualiconsult à verser au centre hospitalier de Bourges la somme de 200 899,43 euros TTC en réparation des désordres constatés, soit 188 899,43 euros au titre des travaux de remise en conformité aux normes de sécurité incendie et 12 000 euros au titre des frais supplémentaires de chauffage (article 3), a condamné la société Archi-tecture à garantir les sociétés Sogeti ingénierie et Qualiconsult à hauteur de 25 % des condamnations prononcées à leur encontre aux articles 3 et 12 (article 6), a condamné la société Sogeti ingénierie à garantir les sociétés Archi-tecture et Qualiconsult à hauteur de 25 % des condamnations prononcées à leur encontre aux articles 3 et 12 (article 7), a condamné la société Morini à garantir les sociétés Archi-tecture, Sogeti ingénierie et Qualiconsult à hauteur de 20 % des condamnations prononcées à leur encontre aux articles 3 et 12 (article 8), a condamné la société Qualiconsult à garantir les sociétés Archi-tecture et Sogeti ingénierie à hauteur de 15 % des condamnations prononcées à leur encontre aux articles 3 et 12 (article 9), a condamné la société SPIE Industrie et Tertiaire à garantir les sociétés Archi-tecture, Sogeti ingénierie et Qualiconsult à hauteur de 15 % des condamnations prononcées à leur encontre aux articles 3 et 12 (K... 10), a rejeté les conclusions d'appel en garantie présentées par la société Morini à l'encontre des sociétés Archi-tecture, Sogeti ingénierie, Qualiconsult, ICB Dagallier Foucher, Klein Francis SARL, SPIE Centre Ouest et de M. G..., celles présentées par la société SPIE Tertiaire et industrie à l'encontre des sociétés Archi-tecture, Sogeti ingénierie, Qualiconsult, ICB Dagallier Fouche, Klein Francis SARL, Morini et de M. G..., celles présentées par les sociétés Archi-tecture et Qualiconsult à l'encontre de la société Klein Francis SARL et de M. G..., celles présentées par la société Sogeti ingénierie à l'encontre des sociétés ICB Dagallier Foucher, Klein Francis et de M. G... et celles présentées par la société Qualiconsult à l'encontre de la société Projelec et de M. G... (K... 11), enfin a condamné solidairement les sociétés Archi-tecture, Sogeti ingénierie et Qualiconsult à verser au centre hospitalier de Bourges la somme globale de 1 500 euros au titre de l'K... L. 761-1 du code de justice administrative (article 12).

3. Par la requête visée ci-dessus, la société Morini demande, premièrement, de réformer ce jugement en ce qu'il l'a condamnée à garantir les sociétés Archi-tecture, Sogeti ingénierie et Qualiconsult à hauteur de 20 % des condamnations prononcées à leur encontre au titre d'une part des désordres faisant suite à l'extension et à la restructuration du centre hospitalier de Bourges ainsi que des frais d'instance mis à la charge de ces trois sociétés, deuxièmement, de rejeter toute action en garantie présentée à son encontre par les sociétés Archi-tecture, Sogeti ingénierie, Qualiconsult et Spie Ouest Centre, troisièmement, de condamner solidairement les sociétés Archi-tecture, Sogeti ingénierie, Qualiconsult et Spie Ouest Centre à la garantir intégralement des condamnations pouvant être prononcées à son encontre. Le centre hospitalier de Bourges, les sociétés Archi-Tecture, Sogeti ingénierie, Spie industrie et tertiaire venant aux droits de la société Spie Ouest Centre, et Qualiconsult concluent au rejet de la requête et présentent des conclusions d'appel incident et provoqué.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne les conclusions d'appel principal de la société Morini :

4. En premier lieu, il résulte de l'instruction que le bâtiment édifié comprend en ses extrémités nord et sud deux trémies techniques, qui ont été initialement analysées par la maitrise d'oeuvre comme des éléments de façade dès lors qu'elles devaient être largement ouvertes à chacune de leur extrémité pour servir à la ventilation extérieure, et par conséquent non assujetties à la réglementation sur les incendies applicable aux trémies fermées. Il n'est par ailleurs pas sérieusement contesté qu'en cours de chantier la partie supérieure de ces trémies a été au moins partiellement fermée par une dalle réalisée par la société Morini. Il résulte de l'instruction, notamment d'une note d'observation de la société Sogeti ingénierie du 18 novembre 2013, qu'à cette date, en raison de la fermeture de leur partie supérieure, ces trémies ne pouvaient plus être analysées comme des éléments extérieurs de façades mais constituaient alors des éléments, assimilables à des conduits intérieurs de désenfumage, soumis à la réglementation sur la sécurité contre les incendies. Par suite, devenait alors obligatoire la pose notamment de clapets coupe-feu à chaque ouverture entre la trémie et chaque niveau de la construction et d'un isolant adapté prévu par la réglementation en vigueur. Quelques semaines avant la livraison de la construction, dans un rapport du 4 novembre 2014, la société Qualiconsult, contrôleur technique, a émis en conséquence un avis défavorable à l'exploitation du bâtiment de cardiologie en raison du risque incendie. Par suite, M. G..., dans son certificat de réception du système de sécurité incendie du nouveau bâtiment du 5 novembre 2014, a indiqué qu'il lui semblait que de tels clapets coupe-feu s'imposaient en l'espèce. La commission de sécurité s'est prononcé ensuite en faveur des mesures compensatoires alors proposées, par un avis du 11 décembre 2014, admettant ainsi la nécessité de dispositifs coupe-feu à chaque niveau de la construction ainsi que le remplacement de l'isolant en polystyrène initialement posé.

5. En deuxième lieu, ainsi qu'il a été exposé au point 2, le jugement attaqué met à la charge des seules sociétés Archi-tecture, Sogeti ingénierie et Qualiconsult les sommes de 188 899,43 euros et 12 000 euros au bénéfice du centre hospitalier de Bourges, sur le fondement de leur responsabilité contractuelle, et condamne la société Morini à les garantir à hauteur de 20 % des condamnations prononcées. En admettant même que la société Morini n'est pas l'auteur du plan CVC BP PL 018 mentionné par le jugement attaqué en ses points 8 et 10 pour établir la responsabilité des seules sociétés Archi-tecture, Sogeti ingénierie et Qualiconsult, il résulte en tout état de cause de l'instruction qu'elle a contribué à la faute commise par les sociétés citées et pouvait ainsi être condamnée à garantir celles-ci. Il n'est ainsi pas sérieusement contesté, d'une part que, en sa qualité de titulaire du lot gros oeuvre, dont le cahier des clauses techniques particulières (CCTP) prévoyait à son K... 1.44.4 qu'elle était notamment chargée de la réalisation des réseaux de " Ventilation et désenfumage ", elle a réalisé en cours d'exécution de son marché la dalle obturant la partie haute des trémies, d'autre part, qu'elle a posé un isolant qui s'est révélé consécutivement inadapté au risque d'incendie. Or, en sa qualité de professionnelle du bâtiment elle ne pouvait ignorer que le colmatage ainsi réalisé conduisait à changer la nature de la trémie au regard de la réglementation incendie et imposait dès lors notamment la pose d'un isolant renforcé. Ainsi, c'est au terme d'une juste appréciation que le jugement attaqué, en son point 27, a fixé la part de responsabilité de la société Morini à 20 % de la réparation des désordres indemnisés et qu'elle a été condamnée en conséquence à garantir à cette hauteur les trois sociétés dont la responsabilité contractuelle a été reconnue.

6. En troisième lieu, la société Morini n'étant condamnée qu'à garantir les sociétés Archi-tecture, Sogeti ingénierie et Qualiconsult des condamnations prononcées à leur encontre, ses propres conclusions d'appel en garantie présentées à l'encontre de ces trois sociétés et de la société Spie Ouest Centre ne peuvent qu'être rejetées.

7. Il résulte de ce qui a été exposé aux points 4 à 6 que la société Morini n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par son K... 8, le jugement attaqué l'a condamnée à garantir à hauteur de 20 % les sociétés Archi-tecture, Sogeti ingénierie et Qualiconsult.

En ce qui concerne les conclusions d'appel incident et provoqué présentées par le centre hospitalier de Bourges :

8. Le centre hospitalier de Bourges demande, par un mémoire enregistré au-delà du délai d'appel, que le jugement attaqué soit réformé en ce qu'il a rejeté le surplus de ses conclusions indemnitaires et que les sociétés Archi-tecture, Sogeti ingénierie, Qualiconsult et Morini soient condamnées solidairement à lui verser les sommes de 22 461,94 euros, au titre des frais de stockage du matériel dans un hangar, et de 20 372 euros, au titre des frais d'avocat exposés au cours de la procédure de première instance.

9. Mais, dès lors qu'elles tendent uniquement à la condamnation solidaire des sociétés Archi-tecture, Sogeti ingénierie et Qualiconsult avec la société Morini, seule appelante, ces conclusions sont dirigées contre d'autres personnes que l'appelante principale et, dès lors qu'elles ne sont pas provoquées par l'appel principal de la société Morini, dont la cour ne modifie pas la part de responsabilité, sont ainsi irrecevables.

En ce qui concerne les conclusions d'appel incident présentées par la société Archi-tecture :

10. La société Archi-tecture, qui avait notamment en charge la mission de direction de l'exécution des contrats de travaux " DET " et la qualité de mandataire du groupement dans le cadre du marché de maîtrise d'oeuvre, ne conteste pas sérieusement les fautes dans la direction générale du chantier retenues à son encontre par le jugement attaqué. Compte tenu également des circonstances exposées au point 5 du présent arrêt, et alors que l'instruction n'établit pas que la responsabilité de la société Morini devrait être réévaluée, ses conclusions tendant à ce que la part de responsabilité de la société Entreprise Morini soit portée de 20 à 50 % doivent être rejetées.

En ce qui concerne les conclusions d'appel incident et provoqué présentées par la société Sogeti ingénierie :

11. Les conclusions de la société Sogeti ingénierie, qui tendent à la condamnation solidaire des sociétés Archi-tecture, Qualiconsult, ICB Dagallier Fouchet, Spie ouest centre, Morini et de M. G... à la garantir des condamnations prononcées, et ne sont donc pas dirigées contre la seule appelante principale, sont irrecevables dès lors que sa situation n'est pas aggravée par ce qui est jugé sur l'appel principal et les appels incidents des autres parties. Elles doivent par suite être rejetées.

En ce qui concerne les conclusions d'appel incident et provoqué présentées par la société Spie industrie et tertiaire :

12. De même, les conclusions de la société Spie Industrie et Tertiaire, venant aux droits de Spie Ouest Centre titulaire du lot n° 10 génie climatique et plomberie, demandant à la cour de " réformer le jugement entrepris en ce qu'il a retenu une part de responsabilité à [s]a charge " et de " condamner in solidum la société Archi-tecture, la société Sogeti ingénierie, la société Qualiconsult et la société Morini à [la] relever et garantir (...) de l'intégralité des condamnations pouvant être prononcées à son encontre ", qui ne sont pas dirigées contre la seule appelante principale, sont irrecevables dès lors que sa situation n'est pas aggravée par ce qui est jugé sur l'appel principal et les appels incidents des autres parties. Elles doivent par suite être rejetées.

En ce qui concerne les conclusions d'appel incident et provoqué présentées par la société Qualiconsult :

13. La société Qualiconsult, qui en qualité de contrôleur technique était notamment chargée de la mission " SEI " lui imposant de veiller au respect de la règlementation sur les risques d'incendie, ne peut sérieusement soutenir qu'elle était étrangère aux désordres survenus et ne pouvait faire l'objet d'une condamnation solidaire avec les membres du groupement de maîtrise d'oeuvre. Elle demande elle aussi à la cour de " condamner in solidum la société Morini, la société Archi-tecture, la société Sogeti ingénierie et la société Spie ouest centre à [la] relever et garantir indemne des condamnations prononcées ". Ses conclusions ne peuvent donc s'analyser uniquement comme un " appel incident ", ainsi qu'elle le présente, puisqu'elle ne vise pas seulement la société Morini, appelante principale, et sont donc irrecevables dès lors que sa situation n'est pas aggravée par ce qui est jugé sur l'appel principal et les appels incidents des autres parties. Elles doivent par suite être rejetées.

Sur les frais d'instance :

14. Les dispositions de l'K... L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à l'octroi d'une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens à la partie perdante. Il y a lieu, dès lors, de rejeter les conclusions présentées à ce titre par la société Morini. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de cette dernière, ou en tout état de cause de toute autre partie, sur le fondement des mêmes dispositions, les sommes demandées par le centre hospitalier de Bourges, la société Archi-tecture, la société Sogeti ingénierie, la société Qualiconsult, la société Spie industrie et tertiaire.

D E C I D E :

K... 1er : La requête de la société Entreprise Morini est rejetée.

article 2 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Entreprise Morini, au centre hospitalier Jacques Coeur de Bourges, à la société Archi-tecture, à la société Sogeti ingénierie, à la société Qualiconsult et à la société Spie industrie et tertiaire.

Délibéré après l'audience du 1er décembre 2020, à laquelle siégeaient :

- M. Lainé, président de chambre,

- M. B..., président assesseur,

- M. Jouno, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 18 décembre 2020.

Le rapporteur,

C. B...

Le président,

L. Lainé

La greffière,

V. Desbouillons

La République mande et ordonne au préfet du Cher en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 19NT03831


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 19NT03831
Date de la décision : 18/12/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. LAINE
Rapporteur ?: M. Christian RIVAS
Rapporteur public ?: M. BESSE
Avocat(s) : JUGE FIALAIRE AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 08/01/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2020-12-18;19nt03831 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award