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18/12/2020 | FRANCE | N°19NT02925

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 3ème chambre, 18 décembre 2020, 19NT02925


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C... a demandé au tribunal administratif d'Orléans de condamner le centre hospitalier de Chartres à lui verser la somme provisionnelle de 50 000 euros en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis du fait des conditions de sa prise en charge en décembre 2015 et février 2016 par cet établissement de santé, et d'ordonner une expertise médicale afin d'évaluer ces préjudices.

Par un jugement n° 1804091 du 23 mai 2019, le tribunal administratif d'Orléans a condamné le centre hospit

alier de Chartres à verser à M. C... la somme de 2 000 euros et a rejeté le surplus...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C... a demandé au tribunal administratif d'Orléans de condamner le centre hospitalier de Chartres à lui verser la somme provisionnelle de 50 000 euros en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis du fait des conditions de sa prise en charge en décembre 2015 et février 2016 par cet établissement de santé, et d'ordonner une expertise médicale afin d'évaluer ces préjudices.

Par un jugement n° 1804091 du 23 mai 2019, le tribunal administratif d'Orléans a condamné le centre hospitalier de Chartres à verser à M. C... la somme de 2 000 euros et a rejeté le surplus de sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 23 juillet 2019 M. C..., représenté par Me B..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif d'Orléans du 23 mai 2019 en tant qu'il a écarté le lien de causalité entre la faute du centre hospitalier et la perforation colique subie entre le 4 et le 8 février 2016 ;

2°) de condamner le centre hospitalier de Chartres à lui verser la somme provisionnelle de 50 000 euros assortie des intérêts au taux légal à compter de sa réclamation indemnitaire préalable ;

3°) d'ordonner une expertise avant dire droit afin d'évaluer ses préjudices en lien avec la perforation colique qu'il a subie ;

4°) de mettre à la charge du centre hospitalier de Chartres les entiers dépens et la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- contrairement à ce qu'a jugé le tribunal administratif d'Orléans, la perforation colique dont il a été victime découle directement de la migration de la sonde de l'intestin grêle vers le colon, qui est elle-même la conséquence d'un défaut de surveillance fautif ; il a, à tout le moins, perdu une chance d'échapper à cette perforation colique qui doit être évaluée à 50% ou plus ;

- il a donc droit à la réparation intégrale de ses préjudices en lien avec la migration de la sonde et à l'indemnisation d'au moins 50% de ses préjudices résultant de la perforation colique ;

- ses préjudices en lien avec la perforation colique n'ayant pu être évalués par l'expert mandaté par la CCI en l'absence de consolidation de son état de santé à la date de l'expertise, il y a lieu d'ordonner une expertise complémentaire sur ce point ;

- il a droit à une indemnité provisionnelle de 50 000 euros au titre de ses préjudices (déficit fonctionnel, dépenses de santé, besoin d'assistance par une tierce personne, souffrances endurées et préjudice esthétique) jusqu'au 18 novembre 2016.

Par un mémoire enregistré le 24 juillet 2019 le centre hospitalier de Chartres, représenté par Me E..., conclut :

1°) au rejet de la requête

2°) par la voie de l'appel incident, à titre principal à la réformation du jugement attaqué en tant qu'il a retenu sa responsabilité pour défaut de surveillance de la sonde ; à titre subsidiaire, à la réformation du jugement attaqué en tant qu'il l'a condamné à réparer intégralement les préjudices de M. C... résultant de la migration de la sonde, sans appliquer de taux de perte de chance ; à titre infiniment subsidiaire, à ce que soit retenus des taux de perte de chance de 50% d'éviter la migration de la sonde et de 30% d'éviter la perforation colique et à ce que l'indemnité provisionnelle allouée à M. C... n'excède pas la somme de 2 039,40 euros.

3°) à ce que soit mise à la charge de M. C... la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- c'est à tort que les premiers juges ont retenu sa responsabilité pour défaut de surveillance, cette surveillance étant attestée par les feuilles de soins qu'il a produites ; si sa responsabilité devait néanmoins être confirmée, et dès lors qu'une migration de la sonde le

24 décembre 2015, alors que M. C... était à son domicile, ne peut être exclue, il y aurait lieu de retenir une perte de chance d'éviter le dommage n'excédant pas 50% ;

- le jugement attaqué doit être confirmé en tant qu'il a retenu que la perforation colique subie par M. C... ne présentait aucun lien de causalité avec la migration de la sonde ; si un tel lien devait néanmoins être admis, il ne pourrait donner lieu qu'à une indemnisation sur la base d'un taux de perte de chance de 30% ;

- le taux de perte de chance applicable à l'indemnisation des préjudices de M. C... ne saurait donc excéder 15% (50% de 30%), et l'indemnité provisionnelle due la somme de 2 039,40 euros.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de la sécurité sociale ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. D...,

- les conclusions de M. Gauthier, rapporteur public,

- et les observations de Me F..., représentant le centre hospitalier de Chartres.

Considérant ce qui suit :

1. M. C..., né le 1er mars 1938, a été opéré le 15 octobre 2015 au centre hospitalier de Chartres d'une péritonite généralisée. Le 19 novembre 2015, il a été transféré à l'hôpital Forcilles, où une sonde à ballonnet lui a été posée pour permettre une alimentation entérale. Le

7 décembre 2015 il a été transféré au centre hospitalier de la Loupe dans le cadre d'un rapprochement familial. Les suites ont été marquées par des épisodes de vomissement qui ont justifié, le 11 décembre 2015, une nouvelle hospitalisation au centre hospitalier de Chartres afin que soit réalisée une exploration digestive. Le 25 décembre 2015, un scanner a révélé que la sonde posée à l'hôpital Forcilles avait migré dans le côlon gauche. Sur sa demande, M. C... a été transféré à la Nouvelle clinique Saint-François où a été réalisée une coloscopie qui a permis de constater la présence d'une sténose du côlon. M. C... est rentré chez lui le 30 décembre 2015 mais a dû être admis une nouvelle fois en urgence à la Nouvelle clinique Saint-François le 31 janvier 2016 en raison de l'altération de son état général. Une nouvelle coloscopie a été réalisée le 4 février 2016 afin de retirer la sonde à ballonnet, opération qui a échoué en raison de la sténose. Les suites ont été marquées par de fortes douleurs abdominales. M. C... a été transféré au centre hospitalier de Chartres le 8 février 2016 et immédiatement opéré d'une péritonite stercorale provoquée par une perforation colique. La sonde a été retirée à cette occasion. M. C... est rentré à son domicile le 8 juin 2016.

2. Le 4 mars 2016, M. C... a saisi la commission de conciliation et d'indemnisation (CCI) de la région Centre-Val de Loire, qui a diligenté une expertise confiée à un chirurgien viscéral, lequel a rendu son rapport le 21 novembre 2016. M. C... a adressé, par lettre du

1er octobre 2018, une réclamation indemnitaire au centre hospitalier de Chartres, qui l'a rejetée par une décision du 5 octobre 2018. M. C... a saisi le tribunal administratif d'Orléans d'un recours tendant à ce que le centre hospitalier de Chartres soit condamné à lui verser une indemnité provisionnelle de 50 000 euros et à ce que soit ordonnée une expertise pour évaluer ses préjudices en lien avec la perforation colique qu'il a subie. Le tribunal, après avoir uniquement retenu la responsabilité pour faute du centre hospitalier de Chartres pour défaut de surveillance de la sonde, a indemnisé l'intéressé à hauteur de 2 000 euros et a rejeté le surplus de ses conclusions. M. C... relève appel de ce jugement.

Sur la responsabilité du centre hospitalier de Chartres :

3. Aux termes de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique : " I. - Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute. ".

4. Il résulte de l'instruction qu'au cours de l'hospitalisation de M. C... à l'hôpital Forcilles, du 19 novembre au 7 décembre 2015, une sonde à ballonnet a été implantée par jéjunostomie chez le patient en vue d'une alimentation entérale. M. C... a ensuite été transféré au centre hospitalier de la Loupe, puis au centre hospitalier de Chartres le 11 décembre 2015. Le 25 décembre 2015, un scanner a mis en évidence la présence de la sonde dans le côlon du patient. Or, l'alimentation entérale ayant été maintenue jusqu'au 15 décembre 2015, la sonde était nécessairement en place lors de l'admission de M. C... au centre hospitalier de Chartres, quatre jours auparavant. La migration de ce dispositif ne peut, par conséquent, que résulter d'un défaut de surveillance fautif du centre hospitalier de Chartres entre le 11 et le 25 décembre. A cet égard, les documents de surveillance produits par l'établissement hospitalier, qui ne portent aucune information en regard de la mention " sonde à ballonnet ", ne permettent pas d'établir qu'une surveillance spécifique a été effectivement réalisée à compter du 11 décembre 2015. Si le centre hospitalier de Chartres fait valoir que la sonde aurait pu migrer le 24 décembre 2015, alors que M. C... était à son domicile pour la fête de Noël, il résulte de constatations non contestées de l'expert que la sonde a migré d'abord de manière lente dans le grêle, puis plus rapidement dans le côlon, et n'a donc pas pu atteindre ce dernier organe en une seule journée, entre le 24 et le 25 décembre 2015, date à laquelle elle y a été observée. Par suite la faute du centre hospitalier, relevée par les premiers juges, doit être confirmée.

Sur le lien de causalité direct entre le défaut de surveillance et les préjudices :

5. Il est constant que, dans les suites de la coloscopie du 4 février 2016, réalisée pour extraire la sonde à ballonnet du côlon, M. C... a souffert d'une perforation colique à l'origine d'une péritonite dont il a été opéré le 8 février 2016 au centre hospitalier de Chartres. Il résulte du rapport de l'expert mandaté par la CCI que cette perforation colique, si elle est en rapport avec l'état antérieur du patient, qui présentait une diverticulite abcédée, a été favorisée par la coloscopie du 4 février 2016. En effet, cet expert indique dans son rapport : " L'insufflation nécessaire peut avoir favorisé la perforation du côlon pathologique. On retiendra donc le chiffre de 50% pour la participation de la présence du corps étranger dans le côlon gauche en amont de la sténose sigmoïdienne (et de la coloscopie qui de ce fait s'imposait pour l'extraire) dans la genèse de la perforation colique (...) ". Ce lien de causalité est confirmé par un courrier du

8 février 2016 que le chirurgien de la Nouvelle clinique Saint-François a adressé au centre hospitalier de Chartres, selon lequel : " (...) il est probable qu'il y ait eu une perforation au cours de la coloscopie, merci de le prendre en charge (...) ". C'est donc à tort que les premiers juges ont écarté tout lien de causalité entre la présence de la sonde dans le côlon, qui a nécessité deux coloscopies dont celle du 4 février 2016, et la perforation colique dont a été atteint le patient.

6. Il résulte de ce qui précède que M. C... a droit également à la réparation des préjudices qu'il a subis en lien avec la perforation colique dont il a souffert. Toutefois, faute d'expertise, la cour ne dispose pas des éléments lui permettant de procéder à une évaluation de ces préjudices, sur lesquels le tribunal administratif d'Orléans n'a pas statué. L'affaire n'est, par voie de conséquence, pas en état d'être jugée.

Sur la poursuite de l'instance :

7. Aux termes de l'article R. 634-1 du code de justice administrative : " Dans les affaires qui ne sont pas en état d'être jugées, la procédure est suspendue par la notification du décès de l'une des parties ou par le seul fait du décès, de la démission, de l'interdiction ou de la destitution de son avocat. Cette suspension dure jusqu'à la mise en demeure pour reprendre l'instance ou constituer avocat. ".

8. M. C... est décédé en cours d'instance, au mois d'octobre 2020. Ses éventuels ayants droit ne se sont pas spontanément manifestés et l'avocat de M. C..., contacté par le greffe, n'a pas été en mesure de confirmer leur existence. Il n'y a donc plus lieu, en l'état, de statuer sur la requête.

DÉCIDE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu, en l'état, de statuer sur la requête de M. C....

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C..., au centre hospitalier de Chartres et à la Mutualité Sociale Agricole de Picardie.

Délibéré après l'audience du 19 novembre 2020, à laquelle siégeaient :

- Mme Perrot, président de chambre,

- M. D..., premier conseiller,

- Mme Le Barbier, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 18 décembre 2020.

Le rapporteur

E. D...Le président

I. Perrot

Le greffier

R. Mageau

La République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 19NT02925


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 19NT02925
Date de la décision : 18/12/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme PERROT
Rapporteur ?: M. Eric BERTHON
Rapporteur public ?: M. GAUTHIER
Avocat(s) : LIMONTA

Origine de la décision
Date de l'import : 08/01/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2020-12-18;19nt02925 ?
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