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15/12/2020 | FRANCE | N°20NT00720

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 6ème chambre, 15 décembre 2020, 20NT00720


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Nantes, d'une part, d'annuler les arrêtés du 23 octobre 2019 par lesquels le préfet de Maine-et-Loire a décidé son transfert aux autorités italiennes, responsables de l'examen de sa demande d'asile et l'a assigné à résidence dans le département de la Loire-Atlantique pour une durée maximale de quarante-cinq jours, renouvelable trois fois et, d'autre part, d'enjoindre au préfet de Maine-et-Loire de lui transmettre la copie de l'intégralité de son dos

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Nantes, d'une part, d'annuler les arrêtés du 23 octobre 2019 par lesquels le préfet de Maine-et-Loire a décidé son transfert aux autorités italiennes, responsables de l'examen de sa demande d'asile et l'a assigné à résidence dans le département de la Loire-Atlantique pour une durée maximale de quarante-cinq jours, renouvelable trois fois et, d'autre part, d'enjoindre au préfet de Maine-et-Loire de lui transmettre la copie de l'intégralité de son dossier administratif avant l'audience et de lui délivrer une attestation de demandeur d'asile suivant la procédure normale, subsidiairement de réexaminer sa situation dans les meilleurs délais, enfin de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 700 euros en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 sur l'aide juridique.

Par un jugement n° 1911899 du 8 novembre 2019, le magistrat désigné du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 26 février 2020, M. C... A... représenté par Me D... demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 8 novembre 2019 en tant seulement qu'il a rejeté ses conclusions dirigées contre l'arrêté du 23 octobre 2019 par lesquels le préfet de Maine-et-Loire a décidé son transfert aux autorités italiennes ;

2°) d'annuler l'arrêté du 23 octobre 2019 décidant de son transfert aux autorités italiennes ;

3°) d'enjoindre au préfet de Maine-et-Loire à titre principal, de lui remettre une attestation de demande d'asile en procédure normale et, à titre subsidiaire de réexaminer sa situation dans les meilleurs délais ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil, qui renonce à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle, d'une somme de 1700 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- la décision de transfert aux autorités italiennes est entachée d'un défaut de motivation ;

- la décision de transfert aux autorités italiennes est entachée d'un vice de procédure dès lors qu'il n'a pas reçu, dès le début de la procédure et dans une langue qu'il comprend, les informations prévues à l'article 4, paragraphe 3, du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;

- elle méconnaît les dispositions de l'article 29 du règlement EURODAC ;

- il n'est pas établi que l'entretien individuel se soit déroulé dans les conditions prévues à l'article 5 du règlement n° 604/2013 ;

- la décision de transfert aux autorités italiennes est entachée d'un défaut d'examen de sa situation personnelle, en particulier de son état de santé, et de ses conséquences sur cet état ;

- la décision de transfert aux autorités italiennes méconnait l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et le paragraphe 2 de l'article 3 du règlement du 26 juin 2013 compte tenu, notamment, de l'existence avérée de difficultés dans l'accès aux soins en Italie et, par ricochet, du risque de renvoi en Guinée ;

- la décision de transfert aux autorités italiennes est entachée d'erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article 17 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013.

Par un courrier du 11 mai 2020, les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, que la cour était susceptible de soulever d'office un moyen d'ordre public tiré du non-lieu à statuer sur les conclusions de la requête à fin d'annulation de la décision de transfert en raison de l'expiration du délai de six mois prévu au 1 de l'article 29 du règlement n°604/2013 du 26 juin 2013.

Par un mémoire, enregistré le 13 mai 2020, en réponse au moyen d'ordre public, M. A... s'oppose au prononcé d'un non-lieu à statuer dès lors que la préfecture n'a pas confirmé que le délai de six mois était expiré et qu'il n'a pas reçu à ce jour d'attestation de placement en procédure d'asile normale.

Par un mémoire, enregistré le 20 mai 2020, en réponse au moyen d'ordre public, le préfet de Maine-et-Loire sollicite qu'il soit prononcé un non-lieu sur la requête dirigée contre son arrêté du 23 octobre 2019 décidant du transfert de M. A... aux autorités italiennes.

Il indique à la cour que l'arrêté décidant du transfert de A... aux autorités italiennes n'ayant pas été exécuté dans le délai de six mois à compter de la notification du jugement attaqué, l'Italie est désormais libérée de son obligation de reprise en charge en application de l'article 29 du règlement n°604/2013 du 26 juin 2013.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 29 janvier 2020.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, modifiée, relative à l'aide juridique ;

- le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 modifié ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. B... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M C... A..., ressortissant guinéen né le 27 décembre 1988, est entré irrégulièrement en France le 5 août 2019. Sa demande d'asile a été enregistrée le 18 septembre 2019 à la préfecture de Maine-et-Loire. Les recherches entreprises sur le fichier EURODAC ont révélé que le requérant avait déjà sollicité l'asile auprès des autorités italiennes. Consécutivement à leur saisine le 26 septembre 2019 sur le fondement du b) du paragraphe 1 de l'article 18 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, les autorités italiennes ont implicitement accepté de reprendre en charge l'intéressé, accord dont le préfet de Maine-et-Loire a pris acte le 14 octobre 2019, par un message du même jour adressé aux autorités italiennes. Par deux arrêtés du 23 octobre 2019, notifiés le 29 octobre suivant, le préfet de Maine-et-Loire a ordonné le transfert de M. A... en Italie, responsable de l'examen sa demande d'asile, et l'a assigné à résidence dans le département de la Loire-Atlantique pour une durée maximale de quarante-cinq jours renouvelable.

2. M. C... A... relève appel du jugement du 8 novembre 2019 en tant seulement que, par cette décision, le magistrat désigné du tribunal administratif de Nantes a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté du 23 octobre 2019 décidant de son transfert aux autorités italiennes.

Sur les conclusions tendant à l'annulation du jugement attaqué en tant qu'il a rejeté les conclusions dirigées contre l'arrêté de transfert :

3. D'une part, aux termes de l'article 29 du règlement n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil en date du 26 juin 2013 : " Le transfert du demandeur ou d'une autre personne visée à l'article 18, paragraphe 1, point c) ou d), de l'Etat membre requérant vers l'Etat membre responsable s'effectue conformément au droit national de l'Etat membre requérant, après concertation entre les Etats membres concernés, dès qu'il est matériellement possible et, au plus tard, dans un délai de six mois à compter de l'acceptation par un autre Etat membre de la requête aux fins de prise en charge ou de reprise en charge de la personne concernée ou de la décision définitive sur le recours ou la révision lorsque l'effet suspensif est accordé conformément à l'article 27, paragraphe 3. /2. Si le transfert n'est pas exécuté dans le délai de six mois, l'Etat membre responsable est libéré de son obligation de prendre en charge ou de reprendre en charge la personne concernée et la responsabilité est alors transférée à l'Etat membre requérant. Ce délai peut être porté à un an au maximum s'il n'a pas pu être procédé au transfert en raison d'un emprisonnement de la personne concernée ou à dix-huit mois au maximum si la personne concernée prend la fuite. ".

4. D'autre part, l'introduction d'un recours devant le tribunal administratif contre la décision de transfert a pour effet d'interrompre le délai de six mois fixé à l'article 29 du règlement (UE) n° 604/2013, qui courait à compter de l'acceptation du transfert par l'Etat requis, délai qui recommence à courir intégralement à compter de la date à laquelle le tribunal administratif statue au principal sur cette demande, quel que soit le sens de sa décision. Ni un appel, ni d'ailleurs le sursis à exécution du jugement accordé par le juge d'appel sur une demande présentée en application de l'article R. 811-15 du code de justice administrative n'ont pour effet d'interrompre ce nouveau délai. Son expiration a pour conséquence qu'en application des dispositions du paragraphe 2 de l'article 29 du règlement, l'Etat requérant devient responsable de l'examen de la demande de protection internationale.

5. Le délai initial de six mois dont disposait le préfet de Maine-et-Loire pour procéder à l'exécution du transfert de M. A... vers l'Italie a été interrompu par la saisine du magistrat désigné du tribunal administratif de Nantes. Ce délai a recommencé à courir à compter de la notification à l'administration du jugement du 8 novembre 2019 rendu par ce dernier. Il ressort des pièces du dossier, en particulier du mémoire produit le 20 mai 2020 par le préfet et contrairement à ce que soutient le requérant, que ce délai n'a pas fait l'objet d'une prolongation et que cet arrêté n'a pas reçu exécution pendant sa période de validité, circonstance permettant, ainsi que le souligne l'administration, de libérer l'Italie de son obligation de reprise en charge. Par suite, la décision de transfert contestée du 23 octobre 2019 est devenue caduque sans avoir reçu de commencement d'exécution à la date du présent arrêt. La France est donc devenue responsable de la demande d'asile sur le fondement des dispositions du 2 de l'article 29 du règlement n°604/2013 rappelées ci-dessus. La circonstance que M. A... n'aurait pas encore reçu d'attestation de placement en procédure d'asile normale demeure à cet égard sans incidence sur la responsabilité de l'Etat français dans l'examen de sa demande d'asile. Le litige ayant perdu son objet, il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de M. A... tendant à l'annulation du jugement du 8 novembre 2019 qui a rejeté ses conclusions dirigées contre l'arrêté du 23 octobre 2019 portant transfert vers l'Italie.

6. Il résulte de ce qui précède que doivent être rejetées les conclusions du requérant aux fins d'injonction. Dans les circonstances de l'espèce, les conclusions présentées par M. A... tendant au bénéfice des dispositions des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L.761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête de M. A... tendant à l'annulation du jugement du tribunal administratif de Nantes du 8 novembre 2019 en tant qu'il a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du 23 octobre 2019 par lequel le préfet de Maine-et-Loire a décidé son transfert aux autorités italiennes.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A... est rejeté.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée pour information au préfet de Maine-et-Loire.

Délibéré après l'audience du 27 novembre 2020 à laquelle siégeaient :

- M. Gaspon, président de chambre,

- M. B..., président-assesseur,

- Mme Gélard, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 décembre 2020.

Le rapporteur,

O. B...Le président,

O. GASPON

La greffière

E. HAUBOIS

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 20NT00720
Date de la décision : 15/12/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. GASPON
Rapporteur ?: M. Olivier COIFFET
Rapporteur public ?: M. LEMOINE
Avocat(s) : BEARNAIS

Origine de la décision
Date de l'import : 26/12/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2020-12-15;20nt00720 ?
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