La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

11/12/2020 | FRANCE | N°19NT03262

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 2ème chambre, 11 décembre 2020, 19NT03262


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. H... D... et Mme E... B... ont demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 31 janvier 2019 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours formé devant elle contre la décision des autorités consulaires françaises à Conakry (Guinée) du 5 novembre 2018 rejetant la demande de visa de long séjour de Mme B... présentée en qualité de membre de famille de réfugié.

Par un jugement n° 1903473 du 26 juillet

2019, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la c...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. H... D... et Mme E... B... ont demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 31 janvier 2019 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours formé devant elle contre la décision des autorités consulaires françaises à Conakry (Guinée) du 5 novembre 2018 rejetant la demande de visa de long séjour de Mme B... présentée en qualité de membre de famille de réfugié.

Par un jugement n° 1903473 du 26 juillet 2019, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 7 août 2019, M. H... D... et Mme E... B..., représentés par Me F..., demandent à la cour :

1°) d'admettre provisoirement M. H... D... à l'aide juridictionnelle ;

2°) d'annuler ce jugement du 26 juillet 2019 ;

3°) d'annuler la décision du 31 janvier 2019 de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France ;

4°) d'enjoindre, sous astreinte, au ministre de l'intérieur de délivrer à Mme E... B... le visa de long séjour sollicité dans le délai d'un mois ou subsidiairement de réexaminer, dans les mêmes conditions, la demande de visa formée par l'intéressée ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à son conseil au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Ils soutiennent que :

­ la décision contestée est entachée d'une erreur de droit au regard des dispositions de l'article L. 752-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors que Mme B... était fondée à solliciter un visa en tant que concubine sans que puisse leur être opposée la circonstance que l'union religieuse du couple n'a pas été reconnue par les autorités guinéennes ;

­ la décision contestée est entachée d'une erreur d'appréciation et a été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des dispositions de l'article L. 752-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors que la date de leur mariage doit être regardée comme le début de leur vie commune, laquelle est stable et continue depuis cette date.

Par un mémoire en défense, enregistré le 28 juillet 2020, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu

­ le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

­ le code civil ;

­ la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

­ le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;

­ le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la cour a désigné Mme C..., présidente assesseur, pour présider les formations de jugement en cas d'absence ou d'empêchement de M. Pérez, président de la 2ème chambre, en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

­ le rapport de M. A...'hirondel,

­ et les observations de Me F..., représentant M. D... et Mme B....

Considérant ce qui suit :

1. M. H... D..., né le 23 septembre 1986, ressortissant guinéen, a déclaré être entré en France le 11 juin 2015 et s'est vu reconnaître la qualité de réfugié par une décision de l'office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) du 31 mai 2016. Le 5 juillet 2018, Mme E... B... a déposé auprès des autorités consulaires françaises à Conakry (Guinée) une demande de visa de long séjour en qualité de membre de famille de réfugié en se prévalant de sa qualité d'épouse de M. H... D.... Par une décision du 5 novembre 2018, les autorités consulaires ont rejeté cette demande. Par un recours présenté le 13 décembre 2018, M. H... D... a contesté cette décision devant la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France. Par une décision du 31 janvier 2019, la commission a rejeté son recours. M. H... D... et Mme E... B... relèvent appel du jugement du 26 juillet 2019 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande tendant à l'annulation de cette dernière décision.

Sur la demande d'admission à l'aide juridictionnelle provisoire :

2. Par une décision du 5 mars 2019, le président du bureau d'aide juridictionnelle du tribunal de grande instance de Nantes a refusé d'accorder l'aide juridictionnelle à M. H... D.... Par suite, ses conclusions tendant à ce qu'il soit admis, à titre provisoire, au bénéfice de l'aide juridictionnelle sont devenues sans objet. Il n'y a pas lieu d'y statuer.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

3. En premier lieu, aux termes de l'article L. 752-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " " I. - Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, le ressortissant étranger qui s'est vu reconnaître la qualité de réfugié ou qui a obtenu le bénéfice de la protection subsidiaire peut demander à bénéficier de son droit à être rejoint, au titre de la réunification familiale : / 1° Par son conjoint ou le partenaire avec lequel il est lié par une union civile, âgé d'au moins dix-huit ans, si le mariage ou l'union civile est antérieur à la date d'introduction de sa demande d'asile ; / 2° Par son concubin, âgé d'au moins dix-huit ans, avec lequel il avait, avant la date d'introduction de sa demande d'asile, une vie commune suffisamment stable et continue / (...) II. (...) / Pour l'application du troisième alinéa du présent II, ils produisent les actes de l'état civil justifiant de leur identité et des liens familiaux avec le réfugié ou le bénéficiaire de la protection subsidiaire. En l'absence d'acte de l'état civil ou en cas de doute sur leur authenticité, les éléments de possession d'état définis à l'article 311-1 du code civil et les documents établis ou authentifiés par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, sur le fondement de l'article L. 721-3 du présent code, peuvent permettre de justifier de la situation de famille et de l'identité des demandeurs. Les éléments de possession d'état font foi jusqu'à preuve du contraire. Les documents établis par l'office font foi jusqu'à inscription de faux. (...)".

4. Pour rejeter la demande de visa présentée par Mme B..., la commission de recours contre les refus de visa d'entrée en France s'est fondée sur le motif tiré de ce que l'intéressée ne peut se prévaloir de sa qualité de membre de la famille de réfugié dès lors que le mariage religieux allégué méconnaît la législation guinéenne et qu'aucun élément suffisamment probant de nature à justifier une possession d'état n'a été produit.

5. Aux termes de l'article 280 du code civil guinéen : " Les hommes de moins de 18 ans, les femmes de moins de 17 ans ne peuvent contracter mariage. / Néanmoins, le Président de la République, sur rapport du Ministre de la Justice, peut, par décret, accorder des dispenses d'âge pour des motifs graves. (...). Aux termes de l'article 281 du même code : " Le mariage exige le consentement des époux. ". Selon l'article 282 de ce code : " Ce consentement doit être libre et non vicié. ". L'article 202 de ce code prévoit que : " Le mariage civil doit précéder obligatoirement le mariage religieux / Toute infraction aux présentes dispositions entraînera l'application d'une peine de trois mois à un an d'emprisonnement ". Enfin selon l'article 211 de ce code : " Le jour de la célébration est choisi par les futurs époux ; l'heure est désignée par l'officier de l'état civil. Les futurs époux doivent remettre à l'officier de l'état civil les pièces suivantes : / (...) S'il y a lieu, l'expédition du décret d'où résulte une dispense aux empêchements tenant à l'âge. En cas de besoin ces pièces sont délivrées sans frais ".

6. M. H... D... a déclaré, lors de sa demande d'asile, avoir épousé religieusement, le 2 février 2014, Mme E... B..., née le 11 novembre 1997. Mme B... aurait été, d'une part, âgée de moins de dix-sept ans à la date de ce mariage et, d'autre part, aucun mariage civil n'a été célébré préalablement, de sorte que le mariage religieux allégué contreviendrait aux dispositions du code civil guinéen citées au point précédent, sans que les requérants puissent utilement se prévaloir de ce qu'elles seraient rarement appliquées dans leur pays. S'ils font valoir que, pour l'application des dispositions de l'article L. 752-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ils doivent alors être regardés comme des concubins, ils n'apportent aucun élément permettant d'apprécier une vie commune suffisamment stable et continue avant la date d'introduction de la demande d'asile de M. D..., ce qui ne saurait résulter de deux photographies, au surplus non datées et des quelques mandats financiers qui sont postérieurs à la demande d'asile. Il suit de là que c'est sans erreur de droit, ni sans avoir faire une inexacte appréciation des circonstances de l'espèce que la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a pu refuser de délivrer à Mme B... le visa qu'elle sollicitait.

7. En second lieu, l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme dispose : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

8. En l'absence de lien matrimonial et de concubinage établis, la décision contestée n'a pas porté au droit des intéressés au respect de leur vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels elle a été prise. Par suite le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut être qu'écarté.

9. Il résulte de tout ce qui précède que les requérants ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande. Doivent être rejetées par voie de conséquence les conclusions à fin d'injonction présentées par les requérants ainsi que celles tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D É C I D E :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur la demande d'admission à l'aide juridictionnelle provisoire présentée par M. D....

Article 2 : La requête de M. D... et de Mme B... est rejetée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. H... D..., à Mme E... B... et au ministre de l'intérieur.

Délibéré après l'audience du 24 novembre 2020, à laquelle siégeaient :

- Mme C..., présidente de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,

- M. A...'hirondel, premier conseiller,

- Mme Bougrine, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 11 décembre 2020.

Le rapporteur,

M. G...La présidente,

H. C...

Le greffier,

A. BRISSET

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

1

2

N° 19NT03262


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 19NT03262
Date de la décision : 11/12/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme DOUET
Rapporteur ?: M. Michel LHIRONDEL
Rapporteur public ?: M. GIRAUD
Avocat(s) : LE FLOCH

Origine de la décision
Date de l'import : 26/12/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2020-12-11;19nt03262 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award