Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. et Mme B... D... ont demandé au tribunal administratif de Rennes de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations à l'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2011, 2012 et 2013.
Par un jugement n° 1700046 du 21 novembre 2018, le tribunal administratif de Rennes a rejeté leur demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 18 janvier 2019 et 29 juillet 2019, M. et Mme D..., représentés par Me A..., demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations à l'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2011, 2012 et 2013 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- M. D... remplissait durant les années en litige les conditions d'application de l'article 81 A du code général des impôts, dès lors qu'il dépendait d'un employeur établi au Royaume-Uni, la société Subsea 7, vis-à-vis duquel il se trouvait dans un état de subordination caractérisant l'existence d'un contrat de travail et permettant d'écarter le contrat de travail formellement conclu avec la société Subsea 7 Crewing PTE Limited domiciliée à Singapour, qui ne dispose pas d'une autonomie propre.
- les points 1 à 30 du BOI-RSA-CHAMP-10-10-20 du 12 septembre 2012 imposent, en matière de traitement et salaires, à l'administration de ne pas se contenter des stipulations contractuelles mais de rechercher le lien de subordination effectif en fonction des circonstances particulières.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 16 juillet 2019 et 14 avril 2020, le ministre de l'action et des comptes publics demande à la cour de rejeter la requête.
Il fait valoir que les moyens soulevés par les requérants ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme C...,
- et les conclusions de Mme Chollet, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. A l'issue d'un contrôle sur pièces des déclarations de revenus souscrites par M. et Mme D... au titre des années 2011 à 2013, l'administration a remis en cause, selon la procédure de rectification contradictoire, l'exonération d'impôt sur le revenu dont ils avaient bénéficié, sur le fondement des dispositions de l'article 81 A du code général des impôts, concernant les salaires perçus par M. D... dans le cadre de son activité professionnelle exercée à l'étranger. En réponse aux deux propositions de rectification qui leur ont été adressées, les intéressés ont formulé des observations à deux reprises, mais les rectifications ont été maintenues par l'administration, qui a, ensuite, rejeté leur réclamation contentieuse. M. et Mme D... ont demandé au tribunal administratif de Rennes la décharge, en droits et pénalités, des cotisations à l'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2011, 2012 et 2013. Par un jugement du 21 novembre 2018, le tribunal a rejeté leur demande. Ils font appel de ce jugement.
Sur l'application de la loi fiscale :
2. Aux termes du I de l'article 81 A du code général des impôts dans sa rédaction applicable aux années en litige : " Les personnes domiciliées en France au sens de l'article 4 B qui exercent une activité salariée et sont envoyées par un employeur dans un Etat autre que la France et que celui du lieu d'établissement de cet employeur peuvent bénéficier d'une exonération d'impôt sur le revenu à raison des salaires perçus en rémunération de l'activité exercée dans l'Etat où elles sont envoyées. L'employeur doit être établi en France ou dans un autre Etat membre de l'Union européenne, ou dans un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ayant conclu avec la France une convention d'assistance administrative en vue de lutter contre la fraude et l'évasion fiscales. L'exonération d'impôt sur le revenu mentionnée au premier alinéa est accordée si les personnes justifient remplir l'une des conditions suivantes : (...) 2° Avoir exercé l'activité salariée dans les conditions mentionnées aux premier et deuxième alinéas : / - soit pendant une durée supérieure à cent quatre-vingt-trois jours au cours d'une période de douze mois consécutifs lorsqu'elle se rapporte aux domaines suivants : / a) Chantiers de construction ou de montage, installation d'ensembles industriels, leur mise en route, leur exploitation et l'ingénierie y afférente ; / b) Recherche ou extraction de ressources naturelles ; / c) Navigation à bord de navires immatriculés au registre international français, / - soit pendant une durée supérieure à cent vingt jours au cours d'une période de douze mois consécutifs lorsqu'elle se rapporte à des activités de prospection commerciale. / (...).".
3. D'une part, pour l'application du I de l'article 81 A du code général des impôts, l'existence d'une activité salariée implique l'existence d'un lien de subordination caractérisé par l'exécution d'un travail sous l'autorité de l'employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné.
4. D'autre part, la circonstance que le contribuable employé à l'étranger soit lié par un contrat de travail avec une société établie hors de l'Union européenne ne suffit pas, à elle seule, à exclure qu'il dispose également d'un employeur établi dans un Etat membre de l'Union européenne et à faire obstacle à ce qu'il soit regardé comme ayant été envoyé par celui-ci hors de France ou de l'Etat d'établissement de cet employeur, ce dernier élément étant déterminant pour savoir si le contribuable entre dans le champ d'application personnel de l'article 81 A du code général des impôts. Il appartient au juge de rechercher si, compte tenu des circonstances particulières et des justifications produites par l'intéressé, celui-ci peut être regardé comme ayant été envoyé à l'étranger par un employeur établi dans un Etat membre de l'Union européenne.
5. L'administration a remis en cause le bénéfice de l'exonération prévue par les dispositions du I de l'article 81 A du code général des impôts au motif que M. D... était employé par la société Subsea 7 Crewing PTE Limited, qui était établie à Singapour et donc ni en France ni dans l'un des autres Etats mentionnés à cet article.
6. M. D... a conclu à compter de l'année 2010 un contrat de travail avec la société Subsea 7 Crewing PTE Limited, actualisé en décembre 2012. Au cours des années 2011, 2012 et 2013, il est constant que son activité a consisté en des fonctions d'encadrement sur des chantiers d'extraction de pétrole en mer (" offshore manager "), situés à l'étranger. Il soutient que la société Subsea 7, établie au Royaume-Uni, a été son véritable employeur dès lors que c'est depuis le Royaume-Uni que le contrôle de ses activités était effectué.
7. Toutefois, seule la société Subsea 7 Crewing PTE Limited a signé avec M. D... son contrat de travail. Si les bulletins de paie portent la mention " PUK " (payroll United Kingdom), il n'est ni établi ni même allégué que la personne les ayant préparés ne serait pas à Singapour. Les cartes de visite et captures d'écran d'organigrammes ne constituent pas, de par leur nature, des éléments suffisamment probants. De plus, si les requérants ont produit ce qu'ils désignent comme des " ordres de mission " de la part de la société Subsea 7 dont la plupart sont illisibles, ces courriels ne font état que de réservations de vols et hôtels, ainsi que d'invitation à des réunions et séminaires, ne comportant aucune directive précise quant à l'exécution des tâches incombant à M. D..., ou à l'organisation fonctionnelle de ses missions salariées, alors même que l'un d'entre eux indique un " dress code " à respecter et qu'un autre mentionne la participation à un entraînement en hélicoptère. En outre, ces éléments ne font état ni d'un pouvoir de révocation du salarié de la part de la société Subsea 7, ni d'un contrôle de l'accomplissement de ses tâches et de la vérification des résultats. Enfin, les courriels de 2015 et 2016 communiqués sont postérieurs à la période des impositions en litige et ne sauraient donc être pris en compte. Dans ces circonstances, M. D... ne pouvait être regardé comme salarié de la société Subsea 7 et, par suite, comme ayant été envoyé à l'étranger par un employeur établi dans un Etat membre de l'Union européenne. C'est donc à bon droit que l'administration a estimé que M. D... ne pouvait prétendre au bénéfice de l'exonération prévue au I de l'article 81 A du code général des impôts au titre de son activité de " offshore manager " au cours des années 2011 à 2013.
Sur l'interprétation administrative de la loi fiscale :
8. Si M. et Mme D... invoquent la documentation de base référencée au BOI-RSA-CHAMP-10-10-10 publiée le 12 septembre 2012, qui reprend la documentation de base 5 F-1111 à jour au 10 février 1999, celle-ci énonce toutefois, de manière générale, en préalable, que " pour établir l'existence d'un contrat de travail, la jurisprudence a dégagé la notion de subordination juridique qui repose, en fait, sur l'autorité de l'employeur qui nomme et révoque le salarié, donne les directives concernant l'exécution du travail, en contrôle l'accomplissement, en vérifie les résultats " et se borne à décrire l'état de la jurisprudence sans comporter une interprétation de la loi fiscale différente de celle dont il est fait application par le présent arrêt.
9. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme D... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Rennes a, par le jugement attaqué, rejeté leur demande. Par voie de conséquence, leurs conclusions fondées sur l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. et Mme D... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme B... D... et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.
Délibéré après l'audience du 26 novembre 2020, à laquelle siégeaient :
- M. Bataille, président de chambre,
- M. Brasnu, premier conseiller,
- Mme C..., premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 10 décembre 2020.
Le rapporteur,
P. C...Le président,
F. Bataille
Le greffier,
P. Chaveroux
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 19NT00249
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