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08/12/2020 | FRANCE | N°19NT04726

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 5ème chambre, 08 décembre 2020, 19NT04726


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SCI Maryse a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler l'arrêté du 23 août 2013 par lequel le maire de la commune de Belz a délivré à la commune elle-même un permis d'aménager pour la création, d'une part, de zones de stationnement, d'une voie d'accès et de voies de cheminement pour les piétons et, d'autre part, de réseaux enterrés d'évacuation et d'alimentation électrique avec installation d'une borne de recharge pour véhicules électriques ainsi que de sanitaires, sur des parcelles

situées rue des Jardins, au lieu-dit Saint-Cado.

Par un jugement n° 1303929 du...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SCI Maryse a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler l'arrêté du 23 août 2013 par lequel le maire de la commune de Belz a délivré à la commune elle-même un permis d'aménager pour la création, d'une part, de zones de stationnement, d'une voie d'accès et de voies de cheminement pour les piétons et, d'autre part, de réseaux enterrés d'évacuation et d'alimentation électrique avec installation d'une borne de recharge pour véhicules électriques ainsi que de sanitaires, sur des parcelles situées rue des Jardins, au lieu-dit Saint-Cado.

Par un jugement n° 1303929 du 27 novembre 2015, le tribunal administratif de Rennes a annulé le permis d'aménager du 23 août 2013.

Par un arrêt n° 16NT00224 du 29 mai 2017, la cour administrative d'appel de Nantes a confirmé l'annulation de l'arrêté du 23 août 2013.

Par un arrêt n° 412942 du 26 avril 2018, le Conseil d'Etat a annulé la décision du 29 mai 2017 et renvoyé l'affaire devant la cour administrative d'appel de Nantes.

Par un arrêt n° 18NT01791 du 10 décembre 2018, devenu définitif, la cour administrative d'appel de Nantes a de nouveau rejeté l'appel de la commune de Belz et prononcé l'annulation de l'arrêté du 23 août 2013.

Procédure devant la cour :

Par une demande, enregistrée le 6 novembre 2019, la société civile immobilière (SCI) Maryse, représentée par Me B...'hadour, a saisi la cour d'une demande tendant à l'exécution de son arrêt n° 18NT01791 du 10 décembre 2018.

Par une ordonnance du 10 décembre 2019, le président de la cour administrative d'appel de Nantes a décidé l'ouverture de la procédure juridictionnelle prévue à l'article R. 921-6 du code de justice administrative, sur la contestation de la SCI Maryse.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 30 janvier 2020, 12 mars 2020 et 22 juin 2020, la commune de Belz, représentée par Me C..., conclut au rejet de la demande et à ce que soit mis à la charge de la SCI Maryse le versement de la somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- les travaux d'aménagement de l'aire de stationnement sont achevés depuis juillet 2015 ;

- l'exécution de l'arrêt du 10 décembre 2018 ne saurait impliquer la fermeture immédiate de l'aire de stationnement, laquelle était ouverte au public avant le permis d'aménager ;

- le résultat de la renaturation de l'aire de stationnement existante est plus bénéfique à l'environnement et au paysage que l'aire de stationnement préexistante ;

- les travaux sont régularisables, dans la mesure où les matériaux cités dans l'arrêt du 10 décembre 2018 n'ont pas été implantés sur le site ainsi qu'il ressort d'un constat d'huissier établi le 15 janvier 2020 ;

- les travaux réalisés qui ne correspondent pas à ce que prévoyait le permis d'aménager constituent des aménagements légers permettant un retour au site à l'état naturel, autorisés dans la bande littorale des cent mètres par l'article L. 121-16 du code de l'urbanisme ;

- la requalification de l'aire naturelle de stationnement est un équipement d'intérêt général nécessaire à la sécurité des populations, compte tenu de l'affluence importante dans ce lieu touristique très fréquenté, surtout l'été et du manque de places de stationnement ;

- la remise en état du site porterait atteinte à l'intérêt général, notamment à la sécurité publique.

Par des mémoires, enregistrés les 17 février 2020 et 20 avril 2020, la SCI Maryse, représentée par Me B...'hadour, demande à la cour :

1°) d'ordonner à la commune de Belz de procéder à la fermeture immédiate de l'aire de stationnement de Saint-Cado et de maintenir cette fermeture jusqu'à sa déconstruction ;

2°) d'ordonner à la commune de Belz de déconstruire l'intégralité de l'aire de stationnement et de ses installations afin de remettre le site en son état naturel préalable aux travaux réalisés illégalement ;

3°) de dire que les travaux de remise en état comprendront notamment :

- l'enlèvement de tous les équipements présents et de leurs fondations, notamment les éléments de signalisation, de délimitation des places de stationnement ainsi que de tous les mobiliers accessoires du parking,

- le décapage complet des différentes couches du sol reconstruit du parking (GNTb, mélange terre/pierre, moellons de fondation, sable de concassage, ciment, chaux...) et son remplacement par l'apport de terre végétale sur l'intégralité des 7 572 m² occupés par l'aire de stationnement,

- la suppression de la totalité des réseaux et canalisations (électricité - EU/EP) et de leurs fondations bétonnées, implantés en profondeur sur toute la superficie de l'aire de stationnement,

- la replantation de végétation correspondant au milieu naturel ;

4°) de dire que la commune de Belz devra effectuer les travaux de remise en état dans un délai de quatre mois à compter de la date qu'elle fixera, sous astreinte de 200 euros par jour de retard à l'issue de ce délai ;

5°) de mettre à la charge de la commune de Belz le versement à la SCI Maryse de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'aire de stationnement autorisée par le permis d'aménager, lequel a été annulé par l'arrêt du 10 décembre 2018, constitue un ouvrage public irrégulièrement implanté ;

- la classement des parcelles en zone Nds en tant qu'espace naturel caractéristique de cette partie du littoral et son inclusion dans la bande littorale des 100 mètres font obstacle à toute régularisation ;

- le maintien de cette aire de stationnement porte une atteinte grave à un site naturel protégé ainsi qu'à son caractère et à sa préservation ;

- outre l'intérêt général, la réalisation et le maintien de l'aire de stationnement portent une atteinte grave à l'intérêt privé de la SCI Maryse en raison de l'importante perte de valeur vénale des terrains dont elle est propriétaire et qui lui sont contigus ;

- l'exécution de l'arrêt du 10 décembre 2018 implique nécessairement la suppression de l'aire de stationnement et la remise du site à l'état naturel.

Par une ordonnance du 10 juillet 2020, la clôture d'instruction à effet immédiat a été fixée au même jour.

Un mémoire présenté pour la SCI Maryse a été enregistré le 27 octobre 2020, postérieurement à la clôture d'instruction.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'environnement ;

- le code de l'urbanisme ;

- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme A...,

- les conclusions de M. Mas, rapporteur public,

- les observations de Me B...'hadour, pour la SCI Maryse et celles de Me C..., pour la commune de Belz.

Considérant ce qui suit :

1. La SCI Maryse demande à la cour, sur le fondement de l'article L. 911-4 du code de justice administrative, d'assurer l'exécution de l'arrêt du 10 décembre 2018, par lequel la cour a rejeté la requête présentée par la commune de Belz et confirmé le jugement n° 1303929 du 27 novembre 2015 par lequel le tribunal administratif de Rennes a annulé l'arrêté du 23 août 2013 par lequel le maire de Belz a accordé à la commune un permis d'aménager une aire de stationnement paysagère sur un terrain situé rue des Jardins, au lieu-dit Saint-Cado.

2. D'une part, aux termes de l'article L. 911-4 du code de justice administrative : " En cas d'inexécution d'un jugement ou d'un arrêt, la partie intéressée peut demander au tribunal administratif ou à la cour administrative d'appel qui a rendu la décision d'en assurer l'exécution/ Si le jugement ou l'arrêt dont l'exécution est demandée n'a pas défini les mesures d'exécution, la juridiction saisie procède à cette définition. Elle peut fixer un délai d'exécution et prononcer une astreinte ". Aux termes de l'article R. 921-5 du même code : " Le président de la cour administrative d'appel ou du tribunal administratif saisi d'une demande d'exécution sur le fondement de l'article L. 911-4, ou le rapporteur désigné à cette fin, accomplissent toutes diligences qu'ils jugent utiles pour assurer l'exécution de la décision juridictionnelle qui fait l'objet de la demande. / Lorsque le président estime qu'il a été procédé à l'exécution ou que la demande n'est pas fondée, il en informe le demandeur et procède au classement administratif de la demande ". Enfin, aux termes de l'article R. 921-6 : " Dans le cas où le président estime nécessaire de prescrire des mesures d'exécution par voie juridictionnelle, et notamment de prononcer une astreinte, ou lorsque le demandeur le sollicite dans le mois qui suit la notification du classement décidé en vertu du dernier alinéa de l'article précédent et, en tout état de cause, à l'expiration d'un délai de six mois à compter de sa saisine, le président de la cour ou du tribunal ouvre par ordonnance une procédure juridictionnelle. / (...) / Cette ordonnance n'est pas susceptible de recours. L'affaire est instruite et jugée d'urgence (...) ".

3. D'autre part, aux termes de l'article L. 146-6 alors applicable du code de l'urbanisme ; " Les documents et décisions relatifs à la vocation des zones ou à l'occupation et à l'utilisation des sols préservent les espaces terrestres et marins, sites et paysages remarquables ou caractéristiques du patrimoine naturel et culturel du littoral, et les milieux nécessaires au maintien des équilibres biologiques. Un décret fixe la liste des espaces et milieux à préserver, comportant notamment, en fonction de l'intérêt écologique qu'ils présentent, les dunes et les landes côtières, les plages et lidos, les forêts et zones boisées côtières, les îlots inhabités, les parties naturelles des estuaires, des rias ou abers et des caps, les marais, les vasières, les zones humides et milieux temporairement immergés ainsi que les zones de repos, de nidification et de gagnage de l'avifaune désignée par la directive européenne n° 79-409 du 2 avril 1979 concernant la conservation des oiseaux sauvages et, dans les départements d'outre-mer, les récifs coralliens, les lagons et les mangroves. Toutefois, des aménagements légers peuvent y être implantés lorsqu'ils sont nécessaires à leur gestion, à leur mise en valeur notamment économique ou, le cas échéant, à leur ouverture au public. Un décret définit la nature et les modalités de réalisation de ces aménagements qui incluent, selon leur importance et leur incidence sur l'environnement, soit une enquête publique, soit une mise à disposition du public préalablement à leur autorisation. (...) ". Aux termes de l'article R. 146-2 alors applicable du même code : " En application du deuxième alinéa de l'article L. 146-6, peuvent être implantés dans les espaces et milieux mentionnés à cet article, après enquête publique dans les cas prévus par les articles R. 123-1 à R. 123-33 du code de l'environnement, les aménagements légers suivants, à condition que leur localisation et leur aspect ne dénaturent pas le caractère des sites, ne compromettent pas leur qualité architecturale et paysagère et ne portent pas atteinte à la préservation des milieux : (...) / b) Les aires de stationnement indispensables à la maîtrise de la fréquentation automobile et à la prévention de la dégradation de ces espaces par la résorption du stationnement irrégulier, sans qu'il en résulte un accroissement des capacités effectives de stationnement, à condition que ces aires ne soient ni cimentées ni bitumées et qu'aucune autre implantation ne soit possible (...) ".

4. Le permis d'aménager délivré le 23 août 2013 autorisait la création de zones de stationnement, d'une voie d'accès et de voies de cheminement pour les piétons ainsi que l'implantation de réseaux enterrés d'évacuation et d'alimentation électrique pour l'installation d'une borne de recharge pour véhicules électriques et de sanitaires. Le permis d'aménager modificatif du 26 mars 2015 que la commune de Belz s'est délivrée prévoit la suppression de l'enrobé déjà mis en place et le remplacement du mur en parpaings par un muret de soutènement de faible hauteur en pierres jointées. Le permis modificatif maintient la mise en place de fondations en béton pour le muret de soutènement, la pose de plusieurs dizaines de mètres linéaires de canalisations en PVC, la mise en oeuvre de 1 404 mètres carrés de béton bitumineux et la pose de 3 500 mètres carrés de pavés de béton perméable. Le permis d'aménager ainsi modifié a été jugé illégal par la cour administrative d'appel, dans son arrêt du 10 décembre 2018, dès lors, d'une part, que ces éléments méconnaissent les dispositions de l'article R. 146-2 du code de l'urbanisme alors applicable prohibant des aires cimentées ou bitumées dans les espaces naturels remarquables et, d'autre part, que l'aire de stationnement ainsi décrite est de nature à emporter une dénaturation du site, laquelle fait obstacle à tout retour du site à son état initial.

5. Il résulte de l'instruction, notamment d'un constat d'huissier dressé le 15 janvier 2020 à la demande de la commune de Belz, que l'aire de stationnement a été aménagée selon des dispositions différentes de ce que prévoyait le permis d'aménager modifié, tel que censuré par l'arrêt de la cour administrative d'appel de Nantes, en prenant en compte les motifs de cet arrêt et les dispositions de l'article R. 146-2 du code de l'urbanisme alors applicables, désormais codifiées à l'article R. 121-5. Le site ne comprend pas de bornes pour recharger les véhicules électriques. Les places de stationnement et les cheminements piétonniers sont constitués d'un mélange de terre et de pierre, sans bitume, goudron ou pavés bétonnés. Il n'y a ni soutènement ou fondations, ni pose de canalisations en PVC. Cinq talus enherbés et plantés d'arbustes délimitent les allées de l'aire de stationnement et comprennent un drainage naturel en pierres, sans busage. Des poteaux de bois et de grosses pierres, qui peuvent être déplacées avec des engins de chantier, marquent les zones réservées aux piétons. Enfin, l'aire de stationnement est fermée pendant six mois de novembre à avril et les sanitaires mobiles sont retirés, permettant ainsi à la végétation de se reconstituer. Il résulte dès lors de l'instruction que les travaux tels qu'autorisés par le permis d'aménager modifié n'ont pas été réalisés par la commune de Belz et ne comprennent aucun des éléments qui avaient été pris en compte par la cour pour retenir l'illégalité du permis d'aménager. Par suite, outre que l'arrêt du 10 décembre 2018 n'implique pas nécessairement la fermeture de l'aire de stationnement, la requérante n'est pas fondée à demander la déconstruction de l'intégralité de l'aire de stationnement et la remise du site dans son état naturel préalable aux travaux tels qu'ils ont été réalisés, lesquels relèvent d'un litige distinct qui ne se rapporte pas à l'exécution de l'arrêt de la cour administrative d'appel du 10 décembre 2018, la requérante invoquant au surplus l'interdiction de toute construction dans la bande littorale de 100 mètres, résultant des dispositions de l'article L. 121-16 du code de l'urbanisme, motif qui n'a pas été retenu par l'arrêt de la cour du 10 décembre 2018 dont l'exécution est demandée.

6. Il résulte de ce qui précède que les demandes présentées par la SCI Maryse dans le cadre de l'exécution de l'arrêt du 10 décembre 2018 doivent être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la commune de Belz, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement à la SCI Maryse de la somme qu'elle demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. En outre, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de la SCI Maryse la somme que la commune de Belz demande au même titre.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la SCI Maryse est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par la commune de Belz au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SCI Maryse et à la commune de Belz.

Délibéré après l'audience du 20 novembre 2020, à laquelle siégeaient :

- M. Célérier, président de chambre,

- Mme Buffet, président assesseur,

- Mme A..., premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 8 décembre 2020.

Le président de la formation de jugement,

T. CELERIER

Le greffier,

C. GOY

La République mande et ordonne au préfet du Morbihan en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 19NT04726


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 19NT04726
Date de la décision : 08/12/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Exécution décision justice adm

Analyses

Juridictions administratives et judiciaires - Exécution des jugements - Astreinte (loi du 16 juillet 1980) (voir : Procédure).

Urbanisme et aménagement du territoire - Règles de procédure contentieuse spéciales - Effets des annulations.


Composition du Tribunal
Président : M. CELERIER
Rapporteur ?: Mme Cécile ODY
Rapporteur public ?: M. MAS
Avocat(s) : SELARL JURISTES OFFICE

Origine de la décision
Date de l'import : 19/12/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2020-12-08;19nt04726 ?
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