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04/12/2020 | FRANCE | N°20NT01797

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 4ème chambre, 04 décembre 2020, 20NT01797


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 17 janvier 2020 par lequel le préfet de Maine-et-Loire a décidé son transfert aux autorités autrichiennes et l'arrêté du même jour l'assignant à résidence dans le département de la Loire-Atlantique pour une durée de 45 jours renouvelable trois fois ainsi que d'enjoindre au préfet de Maine-et-Loire de réexaminer sa situation dans un délai de quinze jours.

Par un jugement n° 2000725 du 2 mars 2020 le magistrat d

signé par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procé...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 17 janvier 2020 par lequel le préfet de Maine-et-Loire a décidé son transfert aux autorités autrichiennes et l'arrêté du même jour l'assignant à résidence dans le département de la Loire-Atlantique pour une durée de 45 jours renouvelable trois fois ainsi que d'enjoindre au préfet de Maine-et-Loire de réexaminer sa situation dans un délai de quinze jours.

Par un jugement n° 2000725 du 2 mars 2020 le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 26 juin 2020, M. C..., représenté par Me D..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes en date du 2 mars 2020 ;

2°) d'annuler ces arrêtés du préfet de Maine-et-Loire du 17 janvier 2020 ;

3°) d'enjoindre au préfet de Maine-et-Loire de lui délivrer une attestation de demande d'asile en procédure normale ou à défaut de réexaminer sa situation dans un délai de 48 heures à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- la décision de transfert est insuffisamment motivée ; elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 et méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales compte tenu de la précarité de la situation des demandeurs d'asile en Autriche et du risque qu'il soit éloigné du territoire autrichien à destination de l'Irak, où il encourt des traitements inhumains ou dégradants ;

- la décision portant assignation à résidence repose sur une décision de transfert illégale ; elle est insuffisamment motivée ; elle méconnaît l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors que la proportionnalité de la mesure d'assignation à résidence n'est pas établie et que l'éloignement ne constitue pas une perspective raisonnable.

Par un mémoire, enregistré le 11 août 2020, le préfet de Maine-et-Loire conclut au non-lieu à statuer sur les conclusions dirigées contre l'arrêté portant transfert et subsidiairement au rejet de la requête.

Il fait valoir que l'intéressé a rejoint la Grande-Bretagne où il a sollicité l'asile et que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 15 juin 2020.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. A... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. C..., ressortissant irakien, né le 5 mai 1983, a présenté une demande d'asile auprès de la préfecture de la Loire-Atlantique le 22 octobre 2019. Il est apparu que l'intéressé avait précédemment sollicité l'asile en Autriche le 15 septembre 2015. Consécutivement à leur saisine, les autorités autrichiennes ont accepté explicitement, le 28 octobre 2019, de reprendre en charge M. C.... Par des arrêtés du 19 novembre 2019, le préfet de Maine-et-Loire a décidé de transférer M. C... en Autriche et l'a assigné à résidence pour une durée de 45 jours. Ces arrêtés ont été annulés par un jugement du 17 décembre 2019 pour un motif procédural et il a été enjoint au préfet de Maine-et-Loire de se prononcer à nouveau sur la situation de l'intéressé. Par des arrêtés du 17 janvier 2020, le préfet de Maine-et-Loire a décidé de transférer M. C... en Autriche et l'a assigné à résidence dans le département de la Loire-Atlantique pour une durée de 45 jours renouvelable trois fois. Par un jugement du 2 mars 2020, dont il est relevé appel, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté la demande tendant à l'annulation de ces arrêtés.

Sur l'exception de non-lieu à statuer :

2. En l'espèce, le délai initial de six mois dont disposait le préfet pour procéder à l'exécution de la décision de transférer le requérant vers l'Autriche a été interrompu par la saisine du tribunal administratif de Nantes. Ce délai a recommencé à courir intégralement à compter de la notification à l'administration, le 4 mars 2020, du jugement attaqué. Toutefois, ainsi que le relève d'ailleurs le préfet, le requérant a quitté la France pour le Royaume-Uni. Compte tenu de cette situation de fuite, au sens du 2 de l'article 29 du règlement n° 604-2013 du 26 juin 2013, le délai de transfert a été porté à dix-huit mois. Eu égard à cette prorogation du délai de transfert, l'arrêté en cause n'est pas caduc à la date du présent arrêt. L'exception de non-lieu à statuer opposée par le préfet ne peut donc qu'être écartée.

Sur l'arrêté de transfert :

3. En premier lieu, le requérant reprend en appel le moyen invoqué en première instance et tiré d'une insuffisance de motivation de l'arrêté de transfert. Il y a lieu d'écarter ce moyen par les mêmes motifs que ceux retenus à bon droit par le premier juge au point 4 du jugement attaqué.

4. En second lieu, aux termes de l'article 17 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque État membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. / L'État membre qui décide d'examiner une demande de protection internationale en vertu du présent paragraphe devient l'État membre responsable et assume les obligations qui sont liées à cette responsabilité. (...) ".

5. Il ressort des pièces du dossier que le requérant a vécu quatre ans en Autriche, où sa demande d'asile a été rejetée et où il a fait l'objet d'une mesure d'éloignement à destination de l'Irak. Il n'est pas établi qu'en cas de transfert en Autriche, les autorités de cet Etat, qui ont accepté explicitement sa reprise en charge, ne lui assurent pas un traitement, notamment au plan sanitaire, adapté à sa situation. Il ne ressort pas davantage des pièces du dossier qu'il ne serait pas en mesure de faire valoir devant ces mêmes autorités, responsables de sa demande d'asile, tout élément nouveau relatif à l'évolution de sa situation personnelle ou des risques encourus dans l'hypothèse de la mise à exécution d'un éloignement. Par ailleurs, aucun élément versé au dossier n'établit qu'il risquerait d'être exposé, en cas de retour en Irak, à des traitements inhumains ou dégradants ni que son état de santé s'opposerait à ce qu'il fasse l'objet d'un transfert à destination de l'Autriche, voire d'un éloignement subséquent à destination de l'Irak. Dans ces conditions, l'autorité administrative n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation en ne se saisissant pas de la faculté que lui offrait l'article 17 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 ni n'a méconnu les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Sur l'arrêté d'assignation à résidence :

6. En premier lieu, compte tenu de ce qui a été dit ci-dessus, l'exception d'illégalité de l'arrêté de transfert aux autorités autrichiennes ne peut qu'être écartée.

7. En second lieu, le requérant reprend en appel les moyens invoqués en première instance et tirés, d'une part, de l'insuffisance de motivation de l'arrêté de transfert et, d'autre part, du caractère disproportionné de la mesure d'assignation à résidence et de l'absence de perspective raisonnable d'éloignement. Il y a lieu d'écarter ces moyens par les mêmes motifs que ceux retenus à bon droit par le premier juge respectivement aux points 16 et 17 du jugement attaqué.

8. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande. Par suite, sa requête, y compris ses conclusions à fin d'injonction et celles relatives aux frais liés au litige, doit être rejetée.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C... et au ministre de l'intérieur.

Une copie en sera adressée, pour information, au préfet de Maine-et-Loire.

Délibéré après l'audience du 17 novembre 2020, à laquelle siégeaient :

- M. Rivas, président de la formation de jugement,

- M. A..., premier conseiller,

- Mme E..., première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 4 décembre 2020.

Le rapporteur,

T. A...Le président,

C. Rivas

Le greffier,

V. Desbouillons

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 20NT01797

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 20NT01797
Date de la décision : 04/12/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. RIVAS
Rapporteur ?: M. Thurian JOUNO
Rapporteur public ?: M. BESSE
Avocat(s) : CHAUVIERE

Origine de la décision
Date de l'import : 16/12/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2020-12-04;20nt01797 ?
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