La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

04/12/2020 | FRANCE | N°20NT00704

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 4ème chambre, 04 décembre 2020, 20NT00704


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... et la société civile immobilière et forestière (SCIF) des Fourneaux ont demandé au tribunal administratif d'Orléans d'annuler l'arrêté du 6 novembre 2014 par lequel le maire de la commune de Cerdon-du-Loiret a mis en demeure M. A... de retirer tous les obstacles à la circulation du chemin rural n° 20.

Par un jugement n° 1500036 du 29 mars 2016, le tribunal administratif d'Orléans a annulé cet arrêté du maire de Cerdon-du-Loiret du 6 novembre 2014.

Procédure devant la cour avant

cassation :

Par une requête, enregistrée le 10 mai 2016, la commune de Cerdon-du-Loiret,...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... et la société civile immobilière et forestière (SCIF) des Fourneaux ont demandé au tribunal administratif d'Orléans d'annuler l'arrêté du 6 novembre 2014 par lequel le maire de la commune de Cerdon-du-Loiret a mis en demeure M. A... de retirer tous les obstacles à la circulation du chemin rural n° 20.

Par un jugement n° 1500036 du 29 mars 2016, le tribunal administratif d'Orléans a annulé cet arrêté du maire de Cerdon-du-Loiret du 6 novembre 2014.

Procédure devant la cour avant cassation :

Par une requête, enregistrée le 10 mai 2016, la commune de Cerdon-du-Loiret, représentée par Me C..., a demandé à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif d'Orléans du 29 mars 2016 ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. A... et la SCIF des Fourneaux devant le tribunal administratif d'Orléans ;

3°) de mettre à la charge solidaire de M. A... et de la SCIF des Fourneaux la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutenait que :

- le jugement du 29 mars 2016 viole les articles L. 161-3 et L. 161-4 du code rural et de la pêche maritime ;

- l'expert judiciaire désigné par le tribunal de grande instance de Montargis a estimé que le chemin n° 20 entrait dans son domaine ;

- l'arrêté du 6 novembre 2014 n'avait pas à être précédé d'une procédure contradictoire.

Par un mémoire en défense et des pièces complémentaires, enregistrés le 28 octobre 2016 et le 10 novembre 2016, M. A... et la SCIF des Fourneaux ont conclu au rejet de la requête et demandé que la somme de 5 000 euros soit mise à la charge de la commune de Cerdon-du-Loiret au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils faisaient valoir que les moyens soulevés n'étaient pas fondés.

Par un arrêt n° 16NT01529 du 30 mars 2018, la cour administrative d'appel de Nantes a annulé le jugement du tribunal administratif d'Orléans du 29 mars 2016, rejeté la demande de première instance, mis à la charge de la SCIF des Fourneaux et de M. A... le versement à la commune de Cerdon-du-Loiret de la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et rejeté les conclusions présentées par la SCIF des Fourneaux et M. A... à ce même titre.

Par une décision n° 421086 du 24 février 2020, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a annulé l'arrêt du 30 mars 2018 de la cour administrative d'appel de Nantes et lui a renvoyé l'affaire.

Procédure devant la cour après cassation :

Par un mémoire, enregistré le 25 mars 2020, la commune de Cerdon-du-Loiret, représentée par Me C..., maintient ses conclusions antérieures.

Elle soutient, en outre, que :

- le maire se trouve en situation de compétence liée pour prendre les mesures prévues par l'article D. 161-11 du code rural et de la pêche maritime ;

- quand bien même tel ne serait pas le cas, l'urgence attachée à l'adoption de l'arrêté contesté excluait, dans les circonstances particulières de l'espèce, toute mise en oeuvre d'une procédure contradictoire ; la situation d'urgence résultait de ce que le chemin se situait sur un itinéraire de randonnées et de ce que l'entrave à la circulation sur ce chemin interdisait le passage sur celui-ci aux véhicules de secours et de lutte contre l'incendie.

Par un mémoire, enregistré le 8 juillet 2020, la SCIF des Fourneaux et M. A..., représentés par la SELARL Cornet-Vincent-Ségurel, maintiennent leurs conclusions antérieures.

Ils soutiennent que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code rural et de la pêche maritime ;

- la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Jouno, rapporteur,

- les conclusions de M. Besse, rapporteur public,

- et les observations de Me D..., représentant la société des Fourneaux et M. A....

Considérant ce qui suit :

1. La société des Fourneaux est propriétaire, sur le territoire de la commune de Cerdon-du-Loiret, de parcelles cadastrées AK n° 147 à 149, 151 à 155, 157, 272 à 275 situées au lieu-dit domaine de la " Pinaudière ", traversées par un chemin, dénommé par la commune " chemin rural n° 20 " ou " chemin de Clémont à Coullons ", sur lequel cette société a installé une chaîne afin d'en interdire l'accès, ainsi qu'un bloc de béton au sol. Par un arrêté du 6 novembre 2014, le maire de Cerdon-du-Loiret a mis en demeure M. A..., gérant de la société, de retirer tous les obstacles à la circulation du chemin rural n° 20 dans un délai de 48 heures. Par un jugement du 29 mars 2016, le tribunal administratif d'Orléans a annulé, à la demande de la société des Fourneaux et de M. A..., l'arrêté du 6 novembre 2014 au double motif que la commune, qui n'était pas confrontée à une situation d'urgence, n'avait pas mis en oeuvre la procédure contradictoire prévue par l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 et que, le chemin ne présentant pas un caractère rural, le maire ne pouvait pas légalement faire usage des pouvoirs de police qu'il tenait de l'article L. 161-5 du code rural et de la pêche maritime. Par un arrêt du 30 mars 2018, la cour administrative d'appel de Nantes a estimé qu'aucun des deux motifs retenus par les premiers juges n'était fondé, et qu'en particulier, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 était inopérant eu égard à la situation de compétence liée dans laquelle se trouvait le maire pour prendre l'arrêté contesté. En conséquence, la cour a annulé le jugement du 29 mars 2016 et a rejeté la demande de première instance. Par une décision du 24 février 2020, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a retenu que le maire n'était pas en situation de compétence liée. Pour ce motif, et sans avoir à se prononcer sur le bien-fondé du second motif retenu par la cour pour annuler le jugement qui lui était déféré, il a annulé cet arrêt et a renvoyé l'affaire à la cour.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article L. 161-1 du code rural et de la pêche maritime : " Les chemins ruraux sont les chemins appartenant aux communes, affectés à l'usage du public, qui n'ont pas été classés comme voies communales. Ils font partie du domaine privé de la commune ". Aux termes de l'article L. 161-2 de ce code : " L'affectation à l'usage du public est présumée, notamment par l'utilisation du chemin rural comme voie de passage ou par des actes réitérés de surveillance ou de voirie de l'autorité municipale. / La destination du chemin peut être définie notamment par l'inscription sur le plan départemental des itinéraires de promenade et de randonnée. ". Aux termes de l'article L. 161-3 du même code : " Tout chemin affecté à l'usage du public est présumé, jusqu'à preuve du contraire, appartenir à la commune sur le territoire de laquelle il est situé ".

3. Il ressort des pièces du dossier, notamment du rapport en date du 8 octobre 2015, de l'expertise confiée par le tribunal de grande instance de Montargis à un géomètre expert et des nombreuses attestations de randonneurs produites par la commune de Cerdon-du-Loiret, que le chemin dont il s'agit est utilisé, notamment dans sa partie longeant les parcelles mentionnées au point 1, comme voie de passage. La société des Fourneaux n'établit pas, par l'acte de propriété qu'elle produit, qu'elle en serait propriétaire. Par conséquent, ce chemin doit être regardé comme étant affecté à l'usage du public. Il constitue ainsi, contrairement à ce qu'ont retenu les premiers juges, un chemin rural appartenant à la commune de Cerdon-du-Loiret.

4. Toutefois, d'une part, aux termes de l'article L. 161-5 du code rural et de la pêche maritime : " L'autorité municipale est chargée de la police et de la conservation des chemins ruraux ". Aux termes de l'article D. 161-11 du même code : " Lorsqu'un obstacle s'oppose à la circulation sur un chemin rural, le maire y remédie d'urgence (...). ". Il résulte de la lettre même de ces dispositions que le maire a l'obligation de remédier à l'obstacle qui s'oppose à la circulation sur un chemin rural. Cependant, pour relever l'existence d'un obstacle à la circulation sur le chemin rural et pour déterminer les mesures qui s'imposent, le maire est nécessairement conduit à porter une appréciation sur les faits de l'espèce, notamment sur l'ampleur de la gêne occasionnée et ses conséquences. Ainsi, le maire ne peut être regardé comme se trouvant en situation de compétence liée pour prendre les mesures prévues par l'article D. 161-11 du code rural.

5. D'autre part, aux termes de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations, alors applicable : " Exception faite des cas où il est statué sur une demande, les décisions individuelles qui doivent être motivées en application des articles 1er et 2 de la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public n'interviennent qu'après que la personne intéressée a été mise à même de présenter des observations écrites et, le cas échéant, sur sa demande, des observations orales. Cette personne peut se faire assister par un conseil ou représenter par un mandataire de son choix. L'autorité administrative n'est pas tenue de satisfaire les demandes d'audition abusives, notamment par leur nombre, leur caractère répétitif ou systématique. / Les dispositions de l'alinéa précédent ne sont pas applicables : / 1° En cas d'urgence ou de circonstances exceptionnelles ; (...) " et aux termes de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979, alors en vigueur : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. /A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : -restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police (...) ". Si les dispositions de l'article D. 161-11 du code rural imposent au maire, lorsqu'un obstacle s'oppose à la circulation sur un chemin rural, de prendre sans délai les mesures propres à remédier à la situation, les conditions dans lesquelles il est ainsi tenu de mettre en oeuvre ses pouvoirs de police ne traduisent pas nécessairement l'existence d'une situation d'urgence, au sens du 1° précité du deuxième alinéa de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000, de nature à dispenser l'autorité administrative de faire précéder sa décision d'une procédure contradictoire. L'existence d'une telle situation d'urgence doit être appréciée concrètement, en fonction des circonstances de l'espèce.

6. Pour établir l'existence d'une situation d'urgence, de nature à avoir dispensé son maire d'engager la procédure contradictoire prévue par l'article 24 de la loi du 12 avril 2000, dans le champ d'application duquel entrait l'arrêté du 6 novembre 2014 en litige, qui constitue une mesure de police, la commune de Cerdon-du-Loiret, qui ne conteste pas que cette procédure n'a pas été mise en oeuvre, soutient que la chaîne barrant l'accès au chemin, fixée à des poteaux en bois faisant partie d'une clôture mise en place par M. A..., ainsi que le bloc de béton décrit au point 1 ci-dessus, faisaient obstacle à la circulation des randonneurs, alors que le chemin est intégré au plan départemental des itinéraires de promenades et de randonnées, et interdisaient le passage de véhicules de secours ou de lutte contre les incendies. Toutefois, d'une part, il n'est pas établi que cette chaîne et ce bloc en béton auraient été à l'origine de plaintes de promeneurs ou de randonneurs qui auraient été empêchés d'emprunter le tronçon litigieux du chemin dont il s'agit. Au surplus, il n'est pas établi que ce tronçon soit effectivement compris dans le plan départemental des itinéraires de promenades et de randonnées, qui n'inclut pas la totalité du " chemin rural n° 20 ". D'autre part, l'impérieuse nécessité de rendre ce tronçon accessible à des véhicules de secours ou de lutte contre l'incendie n'est pas attestée par les pièces versées au dossier. Enfin, aucune autre circonstance que celles invoquées par la commune, du reste uniquement postérieurement à l'arrêté contesté, ne révèle une situation d'urgence ou un contexte exceptionnel. Ainsi, contrairement à ce qui est soutenu, la condition d'urgence ou de circonstances exceptionnelles à laquelle est subordonnée la non-application de la procédure contradictoire prévue par le premier alinéa de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 n'est, au cas particulier, pas satisfaite.

7. Il résulte de ce qui précède que la commune de Cerdon-du-Loiret n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, les premiers juges ont annulé l'arrêté contesté au motif que cette procédure contradictoire n'avait pas été mise en oeuvre. Par suite, sa requête doit être rejetée.

Sur les frais liés au litige :

8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative s'opposent à ce qu'une somme soit mise à la charge de la société des Fourneaux et de M. A..., qui ne sont pas parties perdantes, au titre des frais exposés par la commune de Cerdon-du-Loiret et non compris dans les dépens. Par ailleurs, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre une somme à la charge de cette commune au titre de ces dispositions.

DECIDE :

Article 1er : La requête la commune de Cerdon-du-Loiret est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par la société des Fourneaux et M. A... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Cerdon-du-Loiret, à la société des Fourneaux et à M. B... A....

Délibéré après l'audience du 17 novembre 2020, à laquelle siégeaient :

- M. Rivas, président de la formation de jugement,

- M. Jouno, premier conseiller,

- Mme E..., première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 4 décembre 2020.

Le rapporteur,

T. JounoLe président,

C. Rivas

Le greffier,

V. Desbouillons

La République mande et ordonne au préfet du Loiret en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

1

2

N° 20NT00704

1


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 20NT00704
Date de la décision : 04/12/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. RIVAS
Rapporteur ?: M. Thurian JOUNO
Rapporteur public ?: M. BESSE
Avocat(s) : FORCINAL

Origine de la décision
Date de l'import : 16/12/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2020-12-04;20nt00704 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award