La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

01/12/2020 | FRANCE | N°19NT00839

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 6ème chambre, 01 décembre 2020, 19NT00839


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... E... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler l'avis de sommes à payer émis à son encontre par le syndicat intercommunal à vocation unique (SIVU) des rives de l'Elorn pour le recouvrement d'une somme de 79 852,98 euros correspondant à un trop perçu de rémunération.

Par un jugement N°1604173 du 31 décembre 2018, le tribunal administratif de Rennes a réduit à la somme de 19 937,71 euros l'avis de sommes à payer émis et a déchargé M. E... des sommes excédant ce montant.



Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 27 févri...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... E... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler l'avis de sommes à payer émis à son encontre par le syndicat intercommunal à vocation unique (SIVU) des rives de l'Elorn pour le recouvrement d'une somme de 79 852,98 euros correspondant à un trop perçu de rémunération.

Par un jugement N°1604173 du 31 décembre 2018, le tribunal administratif de Rennes a réduit à la somme de 19 937,71 euros l'avis de sommes à payer émis et a déchargé M. E... des sommes excédant ce montant.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 27 février et le 24 octobre 2019, M. E..., représenté par la SCP " Via Avocats ", doit être regardé comme demandant à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Rennes du 18 septembre 2018 en tant qu'il laisse à sa charge la somme de 19 937,71 euros ;

2°) d'annuler l'avis de sommes à payer émis à son encontre par le SIVU des rives de l'Elorn pour le recouvrement d'une somme de 79 852,98 euros et de le décharger de l'obligation de payer cette somme ;

3°) de mettre à la charge du SIVU des rives de l'Elorn la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement est irrégulier dès lors qu'il n'est pas établi que la minute du jugement comporte la signature du président de la formation de jugement, du rapporteur et du greffier d'audience, conformément aux dispositions de l'article R. 741-7 du code de justice administrative ;

- l'avis de sommes à payer en cause ne comporte pas le nom, prénom et qualité de son auteur, en méconnaissance des articles 1617-5 du code général des collectivités territoriales et L. 212-1 du code des relations entre le public et l'administration ;

- il ne mentionne pas les bases de la liquidation, notamment le mode de calcul de la somme réclamée et aucune règle de droit n'est indiquée ;

- c'est à tort que le tribunal a estimé qu'il n'exerçait pas les fonctions de conseiller technique en matière de politique sociale ou médico-sociale et qu'en conséquence, il n'aurait pas dû percevoir une NBI (Nouvelle Bonification Indiciaire) de 50 points :

* c'est en raison de l'évolution de ses responsabilités, et du fait que sa fonction consistait en réalité à diriger une collectivité gestionnaire d'EHPAD (Établissement d'Hébergement pour Personnes Agées Dépendantes), accompagnée de missions d'actions sociales et médicosociales, qu'il a été décidé de lui attribuer une NBI de 50 points sur le fondement du décret n°2006-779 du 3 juillet 2006 par arrêté en date du 26 avril 2013 ;

* il n'était pas directeur à titre exclusif d'un établissement d'accueil et d'hébergement pour personnes âgées.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 23 juillet et le 22 novembre 2019, le SIVU des rives de l'Elorn conclut à titre principal au rejet de la requête et, par la voie de l'appel incident, à l'annulation du jugement attaqué en tant qu'il a réduit l'avis des sommes à payer à la somme de 19 937,71 euros et a déchargé M. E... du remboursement des sommes excédant ce montant.

Il soutient que :

- la requête d'appel est irrecevable car elle méconnait les dispositions de l'article R. 411-1 du code de justice administrative en ce que les conclusions de la requête ne sont pas formulées de manière suffisamment précise ;

- les conclusions de la requête d'appel n'avaient pas été formulées dans sa requête introductive d'instance devant le tribunal ;

- les moyens soulevés par M. E... sont infondés ;

- c'est à tort que le tribunal a réduit l'avis des sommes à payer en litige à la somme de 19 937,71 euros, dès lors que le requérant a bénéficié indûment de 30 points de NBI entre le 20 juillet et le 28 décembre 2011 puis entre le 1er juillet 2014 et le 28 février 2016, car il n'était pas directeur à titre exclusif d'un EHPAD ou d'une structure d'accueil et d'hébergement de personnes âgées et il y a lieu de substituer ce motif au motif fondant la décision.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code civil ;

- la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ;

- le décret n° 2006-779 du 3 juillet 2006 ;

- le décret n° 2006-1695 du 22 décembre 2006 ;

- le décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Pons,

- les conclusions de M. Lemoine, rapporteur public,

- les observations de Me Le Guen, substituant Me Collet, représentant M. E...,

- et les observations de Me Saout, représentant le syndicat intercommunal à vocation unique des rives de l'Elorn.

Considérant ce qui suit :

1. M. E... a été recruté par le syndicat intercommunal à vocation unique (SIVU) des rives de l'Elorn le 18 février 2009 par contrat de travail à durée déterminée entre le 23 février et le 9 mars 2009, pour " assurer le remplacement du personnel administratif ". Ce contrat a été renouvelé le 9 mars 2009 pour une durée de trois ans pour assurer les fonctions de directeur à l'EHPAD " Les rives de l'Elorn " à Guipavas. A la suite de sa réussite aux épreuves du concours d'attaché territorial, le requérant a été nommé attaché territorial stagiaire à temps complet à compter du 1er mai 2009 et a bénéficié d'une nouvelle bonification indiciaire (NBI) de 30 points sur le fondement du décret 2006-779 du 3 juillet 2006 visé. M. E... a ensuite été titularisé par arrêté du 29 avril 2010 dans le grade d'attaché territorial, à compter du 1er mai 2010. Par un arrêté du 26 avril 2013, le requérant a bénéficié d'une augmentation de 20 points de sa NBI, portant celle-ci à 50 points majorés, versée mensuellement dans les mêmes proportions que le traitement de base. Estimant que les conditions de fixation de la rémunération de M. E... lors de son intégration étaient irrégulières, au regard du 2° de l'article 12 du décret du 22 décembre 2006 susvisé, au titre du supplément familial de traitement perçu entre les mois de juin 2014 et avril 2015 et de la NBI attribuée depuis le mois de mai 2009, le SIVU des rives de l'Elorn a émis, le 20 juillet 2016, à l'encontre du requérant un titre de recette d'un montant de 79 852,98 euros pour recouvrer les sommes en cause. Après contrôle et prise en charge du titre de recettes par le comptable, un avis des sommes à payer a été adressé à l'intéressé pour l'inviter à payer. Par sa requête, M.E... doit être regardé comme demandant à la cour l'annulation du jugement du 31 décembre 2018 en tant qu'il laisse à sa charge la somme de 19 937,71 euros sur le fondement du titre de recettes émis le 20 juillet 2016 et de l'avis de sommes à payer subséquent. Par la voie de l'appel incident, le SIVU des rives de l'Elorn demande à la cour l'annulation du jugement attaqué en tant qu'il a réduit à la somme de 19 937,71 euros le montant des sommes à payer par M. E... et l'a déchargé du remboursement des sommes excédant ce montant.

Sur les fins de non recevoir opposées par le SIVU des rives de l'Elorn :

2. En premier lieu, les conclusions de la requête de M. E... sont formulées de manière suffisamment précise. Par suite, la fin de non recevoir tirée de la méconnaissance des dispositions de l'article R. 411-1 du code de justice administrative doit être écartée.

3. En second lieu, M. E... est recevable à demander l'annulation du jugement du 31 décembre 2018 en tant qu'il laisse à sa charge la somme de 19 937,71 euros sur le fondement du titre de recettes émis le 20 juillet 2016 et de l'avis de sommes à payer subséquent. Par suite, la fin de non recevoir opposée par le SIVU des rives de l'Elorn ne peut qu'être écartée.

Sur la régularité du jugement attaqué :

4. Contrairement à ce qui est allégué par M. E..., la minute du jugement attaqué est signée par le président, le rapporteur et le greffier. Le moyen tiré de l'irrégularité du jugement attaqué ne peut donc qu'être écarté.

Sur le bien fondé du jugement attaqué :

5. En premier lieu, les moyens de la requête de M. E... tirés de ce que l'avis de sommes à payer en cause ne comporterait pas le nom, prénom et qualité de son auteur, en méconnaissance des articles 1617-5 du code général des collectivités territoriales et L. 212-1 du code des relations entre le public et l'administration et ne mentionnerait pas les bases de la liquidation, notamment le mode de calcul de la somme réclamée, doivent être écartés par adoption des motifs retenus à bon droit par le tribunal.

6. En second lieu, aux termes de l'article 1er du décret susvisé du 3 juillet 2006, portant attribution de la nouvelle bonification indiciaire à certains personnels de la fonction publique territoriale : " Une nouvelle bonification indiciaire, prise en compte pour le calcul de la retraite, est versée mensuellement aux fonctionnaires territoriaux exerçant une des fonctions figurant en annexe au présent décret. ". L'annexe à ce décret prévoit l'attribution, au titre des fonctions de direction ou d'encadrement, assorties de responsabilités particulières, d'une bonification de 50 points d'indice au bénéfice des personnels exerçant des fonctions de conseiller technique en matière de politique sociale ou médico-sociale, et de 30 points au bénéfice des personnels exerçant des fonctions de direction à titre exclusif d'un établissement d'accueil et d'hébergement de personnes âgées dépendantes.

7. M. E... a été recruté par le SIVU des rives de l'Elorn le 18 février 2009 par contrat de travail à durée déterminée entre le 23 février et le 9 mars 2009, pour " assurer le remplacement du personnel administratif ". Ce contrat a été renouvelé le 9 mars 2009 pour une durée de trois ans pour assurer les fonctions de directeur à l'EHPAD " Les rives de l'Elorn " à Guipavas. Il résulte de l'instruction que le trop-perçu de rémunération dont le remboursement est demandé à M. E... est relatif, notamment, à un indu de NBI à compter du 1er mai 2013, le requérant ayant bénéficié à cette date d'une augmentation de 20 points de sa NBI, portant celle-ci à 50 points majorés, alors que l'intéressé n'exerçait pas, selon le SIVU, les fonctions de conseiller technique en matière de politique sociale ou médico-sociale, mais celles de directeur d'établissement. L'arrêté du 26 avril 2013 attribuant à l'intéressé l'augmentation de NBI contestée mentionne expressément que M. E... : " occupe les fonctions de conseiller technique en matière médico-sociale ". Le requérant fait valoir l'évolution de ses responsabilités depuis son recrutement en mars 2009 et produit notamment à l'appui de ses affirmations, pour la première fois en appel, des notes de synthèses rédigées par l'intéressé en date du 3 avril et 26 juin 2015 adressées au président du SIVU, relatives à l'évolution de l'offre d'hébergement dans le cadre de la création d'une nouvelle structure d'accueil pour personnes âgées intégrant une offre de services diversifiés à Kerlaouena. Il produit également un courrier du président du SIVU en date du 26 avril 2013, adressé au directeur de la direction départementale de la cohésion sociale de Quimper, détaillant le projet de création d'un service mandataire de coopération entre institutions d'un même territoire, dans le cadre d'une réflexion menée depuis deux ans, sur lequel M. E... est désigné comme personne assurant le suivi de l'affaire, ainsi que plusieurs courriels attestant d'une participation de l'intéressé aux réflexions de la Direction Régionale de la Jeunesse, des Sports et de la Cohésion sociale (DRJSCS) de Bretagne dans ce cadre. Ces éléments, qui ne sont pas sérieusement contestés, sont suffisants pour établir que M. E... exerçait effectivement les fonctions de conseiller technique en matière de politique sociale ou médico-sociale depuis le 1er mai 2013. Par suite, le requérant est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement contesté, le tribunal a laissé à sa charge le montant de l'avis de sommes à payer correspondant au trop-perçu de rémunération réclamé au titre de l'indu de NBI à compter du 1er mai 2013, sur le fondement du titre de recettes émis le 20 juillet 2016.

Sur les conclusions incidentes de l'intimé :

8. En premier lieu, la circonstance que le requérant ait bénéficié indûment de 30 points de NBI entre le 20 juillet et le 28 décembre 2011 est sans incidence sur l'application de la prescription opposée par le tribunal, qui n'est pas discutée par le SIVU des rives de l'Elorn.

9. En second lieu, l'administration peut, en première instance comme en appel, faire valoir devant le juge de l'excès de pouvoir que la décision dont l'annulation est demandée est légalement justifiée par un motif, de droit ou de fait, autre que celui initialement indiqué, mais également fondé sur la situation existante à la date de cette décision. Il appartient alors au juge, après avoir mis à même l'auteur du recours de présenter ses observations sur la substitution ainsi sollicitée, de rechercher si un tel motif est de nature à fonder légalement la décision, puis d'apprécier s'il résulte de l'instruction que l'administration aurait pris la même décision si elle s'était fondée initialement sur ce motif. Dans l'affirmative, il peut procéder à la substitution demandée, sous réserve toutefois qu'elle ne prive pas le requérant d'une garantie procédurale liée au motif substitué.

10. En l'espèce, le SIVU des rives de l'Elorn demande de substituer au motif fondant l'avis de sommes à payer en litige le motif tiré de ce que le requérant aurait bénéficié indûment de 30 points de NBI entre le 1er juillet 2014 et le 28 février 2016, dès lors qu'il n'était pas directeur à titre exclusif d'un EHPAD ou d'une structure d'accueil et d'hébergement de personnes âgées. Toutefois, lorsqu'un agent peut percevoir la NBI à plusieurs titres, il perçoit le nombre de points majorés le plus élevé, cette majoration ne se cumulant pas. De fait, les 50 points de NBI attribués entre le 1er juillet 2014 et le 28 février 2016 à M. E... sont attachés à l'exercice des fonctions de conseiller technique en matière médico-sociale et non de directeur à titre exclusif d'un EHPAD ou d'une structure d'accueil et d'hébergement de personnes âgées. Par suite, la substitution de motif demandée n'est, en tout état de cause, pas de nature à fonder légalement la décision contestée et ne peut donc être admise.

11. Il résulte de ce qui précède que M. E... est uniquement fondé à demander que l'avis des sommes à payer émis le 20 juillet 2016 à son encontre soit réduit à la somme correspondant au trop-perçu de rémunération au titre de son intégration au sein de la fonction publique territoriale et au titre du supplément familial de traitement perçu entre les mois de juin 2014 et avril 2015.

Sur les frais liés au litige :

12. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du SIVU des rives de l'Elorn la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : L'avis des sommes à payer émis le 20 juillet 2016 à l'encontre de M. E... est réduit à la somme correspondant au trop-perçu de rémunération au titre de son intégration au sein de la fonction publique territoriale et au titre du supplément familial de traitement perçu entre les mois de juin 2014 et avril 2015. M. E... est déchargé de l'obligation de payer les sommes excédant ce montant.

Article 2 : Le jugement du 31 décembre 2018 du tribunal administratif de Rennes est réformé en ce qu'il est contraire à l'article 1er du présent arrêt.

Article 3 : Le SIVU des rives de l'Elorn versera à M. E... la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... E... et au syndicat intercommunal à vocation unique des Rives de l'Elorn.

Délibéré après l'audience du 12 novembre 2020, où siégeaient :

- M. Gaspon, président de chambre,

- M. Coiffet, président-assesseur,

- M. Pons, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 1er décembre 2020.

Le rapporteur,

F. PonsLe président,

O. GASPON

La greffière,

P. CHAVEROUX

La République mande et ordonne au ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N°19NT00839


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 19NT00839
Date de la décision : 01/12/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. GASPON
Rapporteur ?: M. François PONS
Rapporteur public ?: M. LEMOINE
Avocat(s) : AARPI VIA AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 16/12/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2020-12-01;19nt00839 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award