Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. H... F..., Mme L... D..., la SCI la Musaie, M. K... G... et Mme B... I... ont demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler la preuve de dépôt de la déclaration initiale déposée le 30 avril 2018 par la SAS Parc éolien des Londes, délivrée par le préfet de l'Orne pour la mise en service, sur le territoire de la commune de Croisilles, d'un parc éolien composé de deux aérogénérateurs et d'un poste de livraison.
Par un jugement n° 1802899 du 18 septembre 2019, le tribunal administratif de Caen a rejeté leur demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire enregistrés le 25 novembre 2019 et le 27 juillet 2020, M. H... F..., Mme L... D..., la SCI la Musaie, M. K... G... et Mme B... I..., représentés par Me E..., demandent à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Caen du 18 septembre 2019 ;
2°) d'annuler la preuve de dépôt de la déclaration initiale déposée le 30 avril 2018 par la SAS Parc éolien des Londes;
3°) de mettre à la charge de l'Etat et de la SAS Parc éolien des Londes la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- leur requête est recevable dès lors notamment, qu'ils disposent, chacun, d'un intérêt à agir ;
- le jugement est irrégulier pour être insuffisamment motivé en tant qu'il a écarté le moyen tiré de l'absence de consultation du public ;
- le dossier de déclaration est incomplet au regard des dispositions de l'article R. 512-47 du code de l'environnement compte tenu de l'insuffisance du dossier d'évaluation des incidences Natura 2000 ;
- Il est également incomplet en ce qu'il ne comporte pas d'évaluation environnementale alors qu'en tout état de cause, le dossier de déclaration au titre des installations classées valant notice d'impact ne saurait être regardé comme suffisant ;
- la preuve de dépôt litigieuse est entachée d'illégalité en l'absence d'organisation d'une procédure d'information du public compatible avec les objectifs de la directive du 13 décembre 2011 ;
- le préfet a méconnu les dispositions du décret n° 2018-704 du 3 août 2018 en ne procédant pas à un examen au cas par cas de chaque projet afin d'évaluer la nécessité de les soumettre à évaluation environnementale.
Par un mémoire en défense, enregistré le 7 février 2020, la SAS Parc Eolien des Londes, représentée par la SELARL Enckell Avocats, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge des requérants la somme de 3 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- il appartiendra à la cour d'apprécier si les requérants justifient d'un intérêt à agir suffisant pour contester la décision en litige ;
- aucun des moyens de la requête n'est fondé.
Par un mémoire en défense, enregistré le 10 février 2020, le ministre de la transition écologique et solidaire, conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'environnement ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. A...'hirondel,
- les conclusions de M. Giraud, rapporteur public,
- et les observations de Me E..., représentant M. F... et Mme D..., en tant que représentant unique des requérants.
Considérant ce qui suit :
1. La société Locogen a transmis, le 30 avril 2018, par voie dématérialisée à la préfecture de l'Orne une déclaration relative à l'installation de deux éoliennes d'une puissance totale de 3 MW, dont le mât à une hauteur inférieure à 50 mètres, et d'un poste de livraison sur le territoire de la commune de Croisilles. Une preuve de dépôt de sa déclaration lui a été délivrée immédiatement et a été mise en ligne sur le site internet de la préfecture de l'Orne le 7 août 2018. Les requérants relèvent appel du jugement du 18 septembre 2019 par lequel le tribunal administratif de Caen a rejeté leur demande tendant à l'annulation de la preuve de ce dépôt.
Sur la recevabilité de la demande de première instance :
2. Les dispositions de l'article R. 514-3-1 du code de l'environnement, dans leur rédaction en vigueur à la date d'introduction de la demande de 1ère instance, disposaient : " Les décisions mentionnées aux articles L. 211-6 et L. 214-10 et au I de l'article L. 514-6 peuvent être déférées à la juridiction administrative : / 1° Par les tiers intéressés en raison des inconvénients ou des dangers que le fonctionnement de l'installation présente pour les intérêts mentionnés aux articles L. 211-1 et L. 511-1 dans un délai de quatre mois à compter du premier jour de la publication ou de l'affichage de ces décisions ; (...) ". Aux termes de l'article L. 511-1 du même code : " Sont soumis aux dispositions du présent titre les usines, ateliers, dépôts, chantiers et, d'une manière générale, les installations exploitées ou détenues par toute personne physique ou morale, publique ou privée, qui peuvent présenter des dangers ou des inconvénients soit pour la commodité du voisinage, soit pour la santé, la sécurité, la salubrité publiques, soit pour l'agriculture, soit pour la protection de la nature, de l'environnement et des paysages, soit pour l'utilisation rationnelle de l'énergie, soit pour la conservation des sites et des monuments ainsi que des éléments du patrimoine archéologique. (...) ".
3. Le préfet de l'Orne a contesté, en première instance, l'intérêt à agir des requérants. Par ailleurs, en application des dispositions citées au point précédent, il appartient au juge administratif d'apprécier si les tiers personnes physiques ou morales qui contestent une décision prise au titre de la police des installations classées justifient d'un intérêt suffisamment direct leur donnant qualité pour en demander l'annulation, compte tenu des inconvénients et dangers que présente pour eux l'installation en cause, appréciés notamment en fonction de la situation des intéressés et de la configuration des lieux.
En ce qui concerne l'intérêt à agir de la SCI la Musaie, de M. H... F... et de Mme L... D... :
4. La SCI la Musaie fait valoir être propriétaire d'un immeuble à usage d'habitation que M. H... F... et Mme L... D... occupent à titre de résidence secondaire, situé au lieu-dit " La Boulaie " à Croisilles, à 1,4 kilomètre de la plus proche des éoliennes sur lesquelles ils auront une vue directe compte tenu du profil altimétrique du secteur et seront privés aussi, d'une vue sur un site classé Natura 2000. Toutefois, ce préjudice de vue, à supposer même qu'il puisse être regardé comme portant atteinte à la commodité du voisinage au sens des dispositions de l'article L. 511-1 du code de l'environnement, résulte uniquement de l'édification des machines autorisée par le permis de construire dont il ressort des pièces du dossier qu'il a été délivré le 10 juillet 2018, et non du fonctionnement des aérogénérateurs autorisé par la décision en litige. Au surplus, la représentation des éoliennes sur le photomontage réalisé par les requérants pour établir la gêne visuelle apparaît surdimensionnée au regard de celle figurant sur les photomontages inclus dans le dossier de déclaration pour une distance similaire (Vues n°03 p. 146 et n°06 p. 149). Par suite, compte tenu de ce que, selon le propre photomontage des requérants, les éoliennes seront partiellement obstruées par une haie et eu égard à la taille modeste du parc éolien tant par le nombre de machines mises en place (deux) que par leur hauteur (79 mètres en bout de pâles) et eu égard à la distance séparant ce parc de la propriété des requérants, cette gêne visuelle n'est, en tout état de cause, pas de nature à conférer un intérêt à agir suffisant pour contester la décision en litige.
5. Les requérants prétendent également, en se référant au rapport de l'académie nationale de médecine du 9 mai 2017 relatif aux nuisances sanitaires des éoliennes terrestres, qu'ils auront à subir des effets nocifs pour la santé humaine. Toutefois, ce rapport conclut (p. 13) que toutes les études montrent que l'intensité du bruit éolien est relativement faible, restant souvent très en-deçà de celles de la vie courante et que le rôle des infrasons, souvent incriminé, peut être raisonnablement mis hors de cause à la lumière des données physiques, expérimentales, et physiologiques sauf peut-être dans la survenue de certaines manifestations vestibulaires, toutefois très mineures en fréquence par rapport aux autres symptômes. Ainsi, selon l'académie nationale de médecine, les nuisances sonores semblent relativement modérées, aux distances règlementaires, et concerner surtout les éoliennes d'anciennes générations. L'académie n'a pas, au demeurant, proposé d'étendre la distance d'éloignement des éoliennes par rapport aux habitations, en la portant à 1 000 mètres, au motif notamment, que cette mesure ne serait pas justifiée pour les éoliennes de nouvelles générations. Si les intéressés soutiennent enfin, sans autre précision, qu'ils auront, en sus, à subir l'effet stroboscopique lié au passage régulier des pâles, l'académie nationale de médecine, dans ce même rapport, précise (p. 12) que " le rôle négatif des facteurs visuels ne tient pas à une stimulation stroboscopique. Si celle-ci peut certes provoquer à certaines heures de la journée et dans certaines conditions une gêne assimilée par les plaignants à " une alternance d'éclairage et de pénombre " dans leurs lieux d'habitation, le risque d'épilepsie dite photosensible, lié aux " ombres mouvantes " (shadow flickers), ne peut être raisonnablement retenu car l'effet stroboscopique de la lumière " hachée " par la rotation des pales nécessite des conditions météorologiques et horaires exceptionnellement réunies et aucun cas d'épilepsie n'est avéré à ce jour. ". Compte tenu de la distance séparant l'immeuble des requérants des éoliennes dont il s'agit, ces derniers ne peuvent sérieusement prétendre qu'ils auront à subir des effets néfastes du fait de l'exploitation du parc éolien.
6. Enfin, les requérants ne sauraient utilement alléguer qu'ils auront à subir une perte vénale de leur propriété dès lors qu'il ne s'agit pas de l'un des intérêts visés par les dispositions de l'article L. 511-1 du code de l'environnement.
En ce qui concerne l'intérêt à agir de M. K... G... et de Mme B... I... :
7. M. et Mme G... et Mme I... indiquent être propriétaires d'une maison à usage d'habitation dans le bourg de Croisilles située sur la parcelle cadastrée section G, n°8 à environ 870 mètres des pales de l'éolienne E1 la plus proche.
8. S'ils allèguent qu'ils auront à subir une gêne visuelle du fait de l'édification des éoliennes, cette circonstance, ainsi qu'il a été dit, ne peut être utilement invoquée pour justifier d'un intérêt à agir pour contester une décision ayant pour effet d'autoriser l'exploitation d'une installation classée pour la protection de l'environnement. En tout état de cause, il ne résulte pas de l'instruction que la gêne alléguée soit suffisamment établie dès lors que, selon les pièces versées par les requérants, leur maison ne se situe pas, par rapport aux éoliennes, en première ligne, mais au coeur du bourg, en arrière d'autres bâtiments.
9. S'ils font, également, valoir qu'ils subiront les nuisances sonores engendrées par l'exploitation du parc éolien ainsi qu'une perte de la valeur vénale de leur propriété, il y a lieu d'écarter ces griefs pour les mêmes motifs que ceux exposés aux points 5 et 6.
10. Il résulte de tout ce qui précède que tant au regard de la distance qui sépare les propriétés des requérants du site retenu pour l'implantation du projet éolien, que des caractéristiques modestes du projet et de la configuration des lieux, et ainsi que l'opposait le préfet de l'Orne en première instance, les requérants ne disposent pas d'un intérêt suffisant pour leur donner qualité pour agir. Par suite, ils ne sont pas fondés à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a rejeté leur demande.
Sur les frais liés au litige :
11. Les dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat et de la SAS Parc éolien des Londes, qui n'ont pas la qualité de partie perdante dans la présente instance, la somme que les requérants demandent au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge des requérants une somme globale de 1 500 euros au titre des frais exposés par la SAS Parc éolien des Londes et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. et Mme F... et D... et autres est rejetée.
Article 2 : M. H... F..., Mme L... D..., la SCI la Musaie, M. K... G... et Mme B... I... verseront, ensemble, à la SAS Parc éolien des Londes la somme globale de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. H... F..., à Mme L... D..., représentants uniques désignés par Me E..., mandataire, au ministre de la transition écologique et solidaire et à la SAS Parc éolien des Londes.
Délibéré après l'audience du 10 novembre 2020, à laquelle siégeaient :
- M. Couvert-Castéra, président de la cour,
- Mme C..., présidente-assesseur,
- M. A...'hirondel, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 27 novembre 2020.
Le rapporteur,
M. J...Le président,
O. COUVERT-CASTÉRA
Le greffier,
A. BRISSET
La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et solidaire, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N°19NT04530