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26/11/2020 | FRANCE | N°19NT00210-19NT00211

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 1ère chambre, 26 novembre 2020, 19NT00210-19NT00211


Vu I, sous le n°19NT00210, la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... E... a demandé au tribunal administratif d'Orléans de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquels il a été assujetti au titre de l'année 2007.

Par un jugement n° 1602717 du 19 septembre 2018, le tribunal administratif d'Orléans a prononcé un non-lieu à statuer partiel en raison du dégrèvement intervenu au cours d'instance (article 1er) et la décharge des cotisations

supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales afférentes aux redev...

Vu I, sous le n°19NT00210, la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... E... a demandé au tribunal administratif d'Orléans de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquels il a été assujetti au titre de l'année 2007.

Par un jugement n° 1602717 du 19 septembre 2018, le tribunal administratif d'Orléans a prononcé un non-lieu à statuer partiel en raison du dégrèvement intervenu au cours d'instance (article 1er) et la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales afférentes aux redevances d'utilisation du nom patronymique auxquelles M. E... a été assujetti au titre de l'année 2007 (article 2) et rejeté le surplus des conclusions de la requête (article 3).

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 16 janvier 2019 et 13 août 2020, le ministre chargé des comptes publics demande à la cour :

1°) d'annuler l'article 2 de ce jugement ;

2°) de remettre à la charge de M. D... E... ces impositions.

Il soutient que c'est à tort que le tribunal administratif d'Orléans a considéré que la " redevance de marque " versée par la SAS Pascal E... à M. E... ne constituait pas une rémunération ou un avantage occulte au sens du c de l'article 111 du code général des impôts.

Par un mémoire en défense, enregistré les 23 décembre 2019, M. D... E..., représenté par Me C..., conclut au rejet de la requête et à ce que soit mis à la charge de l'Etat le versement de la somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir que les moyens soulevés par le ministre chargé des comptes publics ne sont pas fondés.

Vu II, sous le n°19NT00211, la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... E... a demandé au tribunal administratif d'Orléans de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquels il a été assujetti au titre des années 2008 et 2009.

Par un jugement n° 1602722 du 19 septembre 2018, le tribunal administratif d'Orléans a prononcé un non-lieu à statuer partiel en raison du dégrèvement intervenu au cours d'instance (article 1er) et la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales afférentes aux redevances d'utilisation du nom patronymique auxquelles M. E... a été assujetti au titre des années 2008 et 2009 (article 2) et a rejeté le surplus des conclusions de la requête (article 3).

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 16 janvier 2019 et 13 août 2020, le ministre chargé des comptes publics demande à la cour :

1°) d'annuler l'article 2 de ce jugement ;

2°) de remettre à la charge de la société ces impositions.

Il soutient que c'est à tort que le tribunal administratif d'Orléans a considéré que la " redevance de marque " versée par la SAS Pascal E... à M. E... ne constituait pas une rémunération ou un avantage occulte au sens du c de l'article 111 du code général des impôts.

Par un mémoire en défense, enregistré les 23 décembre 2019, M. D... E..., représenté par Me C..., conclut au rejet de la requête et à ce que soit mis à la charge de l'Etat le versement de la somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir que les moyens soulevés par le ministre chargé des comptes publics ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. B...,

- les conclusions de Mme Chollet, rapporteur public,

- et les observations de Me C... et de Me A... représentant M. D... E....

Une note en délibéré présentée pour M. D... E... a été enregistrée le 18 novembre 2020.

Considérant ce qui suit :

1. La société par actions simplifiée (SAS) Pascal E... exerce une activité de production et vente de vins. A la suite d'une vérification de comptabilité, le service a notamment remis en cause la déductibilité de l'impôt sur les sociétés d'une " redevance de marque " versée à M. D... E... au titre des années vérifiées. Le service a également remis en cause la déductibilité de la taxe sur la valeur ajoutée figurant sur les factures de " redevance de marque " émises par M. D... E.... Par deux propositions de rectification des 17 décembre 2010 et 30 juin 2011, le service a tiré les conséquences de ce contrôle sur l'ulisation du nom de M. D... E... en matière d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux au titre des années 2007 à 2009. Après mise en recouvement et rejet de sa réclamation, M. D... E... a demandé au tribunal administratif d'Orléans de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquels il a été assujetti au titre des années 2007 à 2009. Par deux jugements n°1602717 et n°1602722 du 19 septembre 2018, le tribunal administratif d'Orléans a fait droit à sa demande en ce qui concerne les impositions relatives à la " redevance de marque " et a rejeté le surplus des conclusions des deux requêtes. En exécution de ces jugements, l'administration a prononcé un dégrèvement de 64 813 euros pour l'année 2007, 98 894 euros pour l'année 2008 et 96 388 euros pour l'année 2009. Le ministre chargé des comptes publics relève appel de ces jugements en tant qu'ils ont fait partiellement droit à la demande de M. E....

2. Les requêtes visées ci-dessus n°19NT00210 et n°19NT00211 du ministre chargé des comptes publics, présentent à juger les mêmes questions. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.

3. Aux termes de l'article 111 du code général des impôts : " Sont notamment considérés comme revenus distribués : (...) / c. Les rémunérations et avantages occultes (...) ".

4. Le service, au cours des opérations de contrôle de la SAS Pascal E..., a constaté que cette société avait inscrit en charge le montant des factures émises par M. D... E... et portant la mention " Redevance Marque Pascal E... " et qu'elle avait déduit la taxe sur la valeur ajoutée figurant sur ces factures. Le service a alors exercé son droit de communication auprès de l'institut national de la propriété intellectuelle (INPI) afin de connaître l'identité du titulaire de la marque " Pascal E... ". En réponse, l'INPI a fait savoir à l'administration fiscale que plusieurs marques semi-figuratives faisaient apparaître le nom " D... E... " et que plusieurs marques verbales contenant le nom " D... E... " avaient également été déposées, comme par exemple la marque verbale " Pascal E... Sauvage " ou encore " Pascal E... Révélation ". L'INPI a également indiqué que l'ensemble de ces marques étaient la propriété de la SAS Pascal E.... Constatant que M. D... E... n'était le titulaire d'aucune de ces marques, le service a alors considéré que le versement de cette redevance n'était pas nécessaire à l'exploitation. Au cours de la procédure contradictoire, la SAS Pascal E... a cependant fait valoir que cette redevance correspondait non pas à une redevance en échange de l'utilisation d'une marque, mais à une redevance venant rémunérer l'utilisation du nom patronymique " Pascal E... " par la société au sein des marques dont elle est titulaire. La société a précisé que le paiement de cette redevance avait été décidée en vertu d'un accord verbal et produit une attestation du 25 mai 2011 signée par les associés mentionnant le fait que M. D... E... l'avait effectivement autorisée à utiliser son nom patronymique.

5. L'utilisation à des fins commerciales d'un nom patronymique par une société, notamment au sein d'une marque, peut effectivement donner lieu au versement d'une rémunération au bénéfice du porteur de ce nom.

6. Toutefois, en l'espèce, l'administration fait valoir qu'aucune convention écrite n'est venue préciser les modalités de calcul de la redevance versée à M. D... E.... L'administration fait également valoir que le montant de cette redevance était nul entre 1987 et 1999 et a ensuite varié, selon les années, entre 77 000 et 156 000 euros, sans qu'aucun élément ne vienne justifier ni l'importance de ce montant, ni ses modalités de calcul. La détermination de ce montant n'obéissait d'ailleurs à aucune règle précise, fût-elle implicitement convenue. En outre, l'attestation des associés du 25 mai 2011 précise bien que le montant de la redevance était fixé chaque année " d'un commun accord entre les parties ". De plus, l'administration fiscale fait valoir, sans être contredite, que, lors de l'interlocution, la société a indiqué que la redevance venait compenser le faible salaire de M. D... E... en sa qualité de dirigeant de la société. Enfin, l'administration fiscale rappelle que M. D... E... est le gérant de la SAS Pascal E..., qu'il en détient directement ou indirectement plus de 75% et que parmi les autres associés figurent la mère de M. D... E... ainsi qu'un membre de sa famille. Ainsi, au regard de l'ensemble de ces éléments, et en particulier de l'absence de contrat écrit, de l'absence d'éléments justifiant de l'importance de cette redevance, de l'absence de règle de calcul, même implicite, de cette redevance et enfin de la communauté d'intérêts qui unit le porteur du nom patronymique et les associés de la société, l'administration apporte la preuve, qui lui incombe, de ce que le paiement de cette redevance n'était pas nécessaire à l'exploitation de la société. Par suite, c'est à bon droit, et contrairement à ce que le tribunal administratif a jugé, que le service a rejeté ces charges non justifiées et les a imposées sur le fondement du c de l'article 111 du code général des impôts en tant que revenus distribués entre les mains du bénéficiaire des redevances, dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers.

7. Aucun autre moyen n'ayant été invoqué devant le tribunal administratif d'Orléans par M. D... E... à l'appui de sa demande portant sur ce chef de rectification, le ministre chargé des comptes publics est fondé à soutenir que c'est à tort que, par l'article 2 des jugements attaqués, le tribunal administratif d'Orléans a prononcé la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux correspondant aux redevances versées à M. D... E... au titre des années 2007 à 2009.

8. L'Etat n'étant pas partie perdante, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions présentées par M. D... E... sur ce fondement.

DECIDE :

Article 1er : L'article 2 du jugement n° 1602717 du 19 septembre 2018 est annulé.

Article 2 : L'article 2 du jugement n° 1602722 du 19 septembre 2018 est annulé.

Article 3 : Les cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales se rapportant aux redevances versées à M. D... E... au titre des années 2007, 2008 et 2009 sont remises à la charge de M. D... E....

Article 4 : Les conclusions d'appel de M. D... E... tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... E... et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.

Délibéré après l'audience du 12 novembre 2020, à laquelle siégeaient :

- M. Geffray, président,

- M. B..., premier conseiller,

- Mme Picquet, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 26 novembre 2020.

Le rapporteur,

H. B...Le président,

J.- E. Geffray

Le greffier,

R. Mageau

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relande, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Nos 19NT00210,19NT002112


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 19NT00210-19NT00211
Date de la décision : 26/11/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. GEFFRAY
Rapporteur ?: M. Harold BRASNU
Rapporteur public ?: Mme CHOLLET
Avocat(s) : CMS BUREAU FRANCIS LEFEBVRE

Origine de la décision
Date de l'import : 16/12/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2020-11-26;19nt00210.19nt00211 ?
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