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26/11/2020 | FRANCE | N°18NT04395

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 1ère chambre, 26 novembre 2020, 18NT04395


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E... B... a demandé au tribunal administratif de Nantes de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu et aux prélèvements sociaux auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2004 à 2009 et des intérêts de retard et pénalités dont elles ont été assorties, et de lui accorder la restitution de la somme de 16 659 euros qu'elle a déjà versée à l'administration fiscale.

Par un jugement n° 1606307 du 31 octobre 2018, le tribunal administratif de

Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, en...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E... B... a demandé au tribunal administratif de Nantes de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu et aux prélèvements sociaux auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2004 à 2009 et des intérêts de retard et pénalités dont elles ont été assorties, et de lui accorder la restitution de la somme de 16 659 euros qu'elle a déjà versée à l'administration fiscale.

Par un jugement n° 1606307 du 31 octobre 2018, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 14 décembre 2018 et 8 juillet 2019, Mme E... B..., représentée par Me C... et Me A..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) à titre principal, de prononcer cette décharge et cette réduction ;

3°) à titre subsidiaire, de prononcer la décharge au titre des années 2004 à 2007 ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'administration fiscale n'a pas respecté ses obligations d'information et de communication prévues à l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales ;

- le délai spécial de reprise prévu par l'article L. 170 du livre des procédures fiscales n'étant pas applicable et les omissions ou insuffisances n'ayant pas été révélées par une instance devant les tribunaux, les années 2004 à 2007 étaient prescrites en application du délai général de reprise de trois ans prévu par le premier alinéa de l'article L. 169 du même livre.

Par un mémoire en défense, enregistré le 18 juin 2019, le ministre de l'action et des comptes publics demande à la cour de rejeter la requête.

Il fait valoir qu'aucun des moyens soulevés par la requérante n'est fondé.

Un mémoire, enregistré le 17 juin 2020 et présenté par le ministre de l'action et des comptes publics, conclut aux mêmes fins que précédemment, par les mêmes moyens.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme D...,

- les conclusions de Mme Chollet, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B... a fait l'objet d'un examen contradictoire de sa situation fiscale personnelle portant sur les années 2007, 2008 et 2009. A l'issue de cet examen, l'administration fiscale a estimé, après usage de son droit de communication, que Mme B... avait exercé pour les années 2008 et 2009 une activité occulte de détournement de fonds et imposé les sommes correspondantes dans la catégorie des bénéfices non commerciaux. Le contrôle sur pièces, dont la contribuable a ensuite fait l'objet, a conduit le service à rehausser pour les mêmes raisons les revenus que Mme B... a déclarés au titre des années 2004 à 2007. En conséquence, le service lui a assigné des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu et aux contributions sociales pour les années 2004à 2009, pour un montant total, en droits et pénalités, de 191 705 euros, dont Mme B... a demandé au tribunal administratif de Nantes à être déchargée. Par un jugement du 31 octobre 2018, le tribunal a rejeté sa demande. Mme B... fait appel de ce jugement.

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

2. Aux termes de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales : " L'administration est tenue d'informer le contribuable de la teneur et de l'origine des renseignements et documents obtenus de tiers sur lesquels elle s'est fondée pour établir l'imposition faisant l'objet de la proposition prévue au premier alinéa de l'article L. 57 ou de la notification prévue à l'article L. 76. Elle communique, avant la mise en recouvrement, une copie des documents susmentionnés au contribuable qui en fait la demande. ". Aux termes de l'article L. 256 du même livre : " Un avis de mise en recouvrement est adressé par le comptable public compétent à tout redevable des sommes, droits, taxes et redevances de toute nature dont le recouvrement lui incombe lorsque le paiement n'a pas été effectué à la date d'exigibilité. / (...) / L'avis de mise en recouvrement est individuel. Il est émis et rendu exécutoire par l'autorité administrative désignée par décret (...) / ".

3. Il résulte de ces dispositions qu'il incombe à l'administration, quelle que soit la procédure d'imposition mise en oeuvre, et au plus tard avant la mise en recouvrement, d'informer le contribuable dont elle envisage soit de rehausser, soit d'arrêter d'office les bases d'imposition, de l'origine et de la teneur des documents et renseignements obtenus auprès de tiers, qu'elle a utilisés pour fonder les impositions, avec une précision suffisante pour mettre à même l'intéressé d'y avoir accès avant la mise en recouvrement des impositions qui en procèdent. Lorsque le contribuable lui en fait la demande, l'administration est, en principe, tenue de lui communiquer, alors même qu'il en aurait eu connaissance, les renseignements, documents ou copies de documents obtenus auprès de tiers qui lui sont opposés, afin de lui permettre d'en vérifier l'authenticité ou d'en discuter la teneur ou la portée. Le droit pour le contribuable de demander la copie des documents que l'administration a obtenus en exerçant son droit de communication auprès de tiers, à l'occasion d'une procédure de contrôle et dont sont issus des éléments qu'elle a effectivement utilisés pour fonder les rectifications d'impôt envisagées, ne peut être mis en oeuvre qu'avant la mise en recouvrement des impositions, laquelle résulte de l'émission par le comptable public compétent d'un titre de perception rendu exécutoire dans les conditions réglementaires.

4. En premier lieu, il résulte de l'instruction que la proposition de rectification du 15 mars 2011 relative aux années 2008 et 2009, mentionne que, d'une part, trois relevés bancaires, dont les numéros de comptes ont été précisés, ont été demandés directement auprès des organismes concernés et, d'autre part des procès-verbaux et un rapport de police, dont les numéros ont été précisés, établis dans le cadre d'une procédure ayant abouti à la condamnation de la requérante pour détournement de fonds, abus de confiance, faux et usage de faux, ont été consultés par l'administration, cette dernière mention étant reprise dans la proposition de rectification du 15 mars 2011 relative aux années 2004 à 2007. Ces éléments étaient suffisants pour mettre à même Mme B... d'avoir accès à ces documents avant la mise en recouvrement des impositions qui en procèdent, ces renseignements, au vu de leur origine et de leur nature, pouvant être vérifiés par Mme B....

5. En second lieu, si Mme B... a adressé à l'administration un courrier du 13 avril 2011, elle se borne à y indiquer : " si vous possédez les procès-verbaux, le jugement, ce ne sont pas des documents que j'ai en ma possession encore pour le moment... ". Ce courrier, au vu des termes précités, ne peut être regardé comme une demande de communication de ces documents au sens de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales, alors même que Mme B... l'a rédigé sans l'aide d'un avocat. Mme B... ne saurait utilement se prévaloir d'un autre courrier de demande de communication de pièces du 16 juin 2016 dès lors qu'il est constant que les impositions en litige ont été mises en recouvrement le 31 juillet 2011.

Sur le bien-fondé des impositions supplémentaires :

6. Aux termes de l'article L. 169 du livre des procédures fiscales dans sa rédaction applicable au présent litige : " Pour l'impôt sur le revenu et l'impôt sur les sociétés, le droit de reprise de l'administration des impôts s'exerce jusqu'à la fin de la troisième année qui suit celle au titre de laquelle l'imposition est due. ". Aux termes de l'article L. 170 du même code, alors en vigueur, dont les dispositions ont été par la suite reprises à l'article L. 188 C du même livre : " Même si les délais de reprise prévus à l'article L. 169 sont écoulés, les omissions ou insuffisances d'imposition révélées par une instance devant les tribunaux ou par une réclamation contentieuse peuvent être réparées par l'administration des impôts jusqu'à la fin de l'année suivant celle de la décision qui a clos l'instance et, au plus tard, jusqu'à la fin de la dixième année qui suit celle au titre de laquelle l'imposition est due. ".

7. Pour apprécier si l'administration fiscale peut se prévaloir du délai spécial de reprise prévu par l'article L. 170 du livre des procédures fiscales, le juge doit, dès lors qu'il est saisi d'une argumentation en ce sens, rechercher si l'administration disposait, avant l'ouverture de l'instance devant les tribunaux, dans le délai normal de reprise ou même après son expiration, d'éléments suffisants pour lui permettre, par la mise en oeuvre des procédures d'investigation dont elle dispose, d'établir les insuffisances ou omissions d'impositions.

8. Les dispositions de l'article L. 170 du livre des procédures fiscales ne limitent pas la nature de l'instance devant le tribunal au seul jugement de l'affaire. En particulier, s'agissant des procédures relevant du juge pénal, l'instruction constitue un des éléments de l'instance devant les tribunaux au sens de cet article. Ces dispositions ne font pas obstacle à ce que, lorsque l'essentiel des informations relatives à des omissions ou insuffisances d'imposition lui ont été révélées par une instance, l'administration fiscale les complète, afin d'établir les cotisations dues, par ses moyens propres d'investigation, notamment le droit de communication qui lui est reconnu par les articles L. 81 et suivants du livre des procédures fiscales.

9. Il est constant que Mme B... a indiqué elle-même à l'administration fiscale, lors du premier entretien qui s'est déroulé le 22 décembre 2010 dans le cadre de l'examen contradictoire de sa situation fiscale personnelle, qu'une procédure judiciaire était ouverte à son encontre devant le tribunal de grande instance de La Roche-sur-Yon. La circonstance que la contribuable ait elle-même informé l'administration, lors de ce premier entretien, de l'existence d'une procédure judiciaire ne saurait faire obstacle à ce que les omissions d'imposition litigieuses soient regardées comme révélées par l'instance devant le tribunal de grande instance de La Roche-sur-Yon. L'administration fiscale a exercé son droit de communication le 22 décembre 2010 auprès du procureur de la République près le tribunal de grande instance de La Roche-sur-Yon. Il ne résulte pas de l'instruction que la seule communication, demandée par l'administration fiscale le 23 août 2010, des relevés bancaires de la requérante, au demeurant uniquement pour les revenus des années 2007 à 2009 et alors que l'instance judiciaire était déjà ouverte, aurait entraîné la constitution d'éléments suffisants pour permettre à l'administration d'établir les insuffisances d'impositions en cause. Ainsi, Mme B... n'est pas fondée à soutenir que l'administration n'était pas en droit de faire usage du délai de reprise spécial prévu à l'article L. 170 du livre des procédures fiscales s'agissant des revenus pour les années 2004 à 2007.

10. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Nantes a, par le jugement attaqué, rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme E... B... et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.

Délibéré après l'audience du 12 novembre 2020, à laquelle siégeaient :

- M. Geffray, président,

- M. Brasnu, premier conseiller,

- Mme D..., premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 26 novembre 2020.

Le rapporteur,

P. D...Le président,

J-E. Geffray

Le greffier,

R. Mageau

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 18NT04395

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 18NT04395
Date de la décision : 26/11/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. GEFFRAY
Rapporteur ?: Mme Pénélope PICQUET
Rapporteur public ?: Mme CHOLLET
Avocat(s) : CABINET LAURANT ET MICHAUD

Origine de la décision
Date de l'import : 16/12/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2020-11-26;18nt04395 ?
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