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24/11/2020 | FRANCE | N°19NT04251

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 5ème chambre, 24 novembre 2020, 19NT04251


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... G... épouse A... et M. F... A... ont demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision implicite par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours qu'ils ont formé contre contre la prétendue décision verbale prise le 3 septembre 2018 par l'autorité consulaire française à Kinshasa, et de condamner l'Etat à leur verser la somme de 1 500 euros en réparation des préjudices que leur causent les refus de recevoir les

demandes de visa de court séjour successivement opposés, la non-transcription...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... G... épouse A... et M. F... A... ont demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision implicite par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours qu'ils ont formé contre contre la prétendue décision verbale prise le 3 septembre 2018 par l'autorité consulaire française à Kinshasa, et de condamner l'Etat à leur verser la somme de 1 500 euros en réparation des préjudices que leur causent les refus de recevoir les demandes de visa de court séjour successivement opposés, la non-transcription de l'acte de mariage et la non-délivrance d'un livret de famille par les services de l'ambassade de France à Kinshasa.

Par un jugement n°1811208 du 2 avril 2019, le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 4 novembre et 31 décembre 2019, et le 28 janvier 2020, M. et Mme A..., représentés par Me E..., demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 2 avril 2019 du tribunal administratif de Nantes ;

2°) d'annuler la décision implicite de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France ;

3°) de condamner l'Etat à verser à M. A... la somme de 1 000 euros par mois à compter du 2 mars 2018, à titre de dommages et intérêts, somme qui sera assortie des intérêts moratoires ;

4°) de condamner l'Etat à verser à M. A... la somme de 500 euros par mois à compter du 5 juin 2018 du fait du refus de délivrance d'un livret de famille ;

5°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de délivrer le visa sollicité dans le délai de 20 jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 200 euros par jour de retard, à défaut, de procéder au réexamen de la demande, dans le même délai, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;

6°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Ils soutiennent que :

- le jugement est irrégulier dès lors que le tribunal s'est déclaré, à tort, incompétent pour connaître des demandes ; le juge administratif est compétent pour se prononcer sur la légalité des refus d'enregistrement des demandes de visa ;

- le jugement est irrégulier en ce que les premiers juges n'ont pas fait usage de leur pouvoir d'instruction, s'agissant de l'existence d'un prétendu accord de représentation liant la France et la Belgique pour le traitement des demandes de visa d'entrée en France pour un court séjour ;

- entre le 1er février et le 6 mars 2019, il appartenait aux autorités consulaires françaises de se prononcer sur la demande de visa de Mme A..., du fait de la fermeture de la " maison Schengen " ;

- le refus d'instruction opposé par les autorités consulaires a méconnu l'article L. 114-2 du code des relations entre le public et l'administration ; il appartenait aux autorités consulaires de transmettre la demande à l'autorité compétente ;

- la décision des autorités consulaires françaises à Kinshasa est discriminatoire ; les autorités françaises au Cameroun, en Afrique du Sud, en Algérie, et en Côte d'Ivoire, ont continué d'instruire les demandes de visa court séjour d'entrée en France ;

- la décision des autorités consulaires françaises, prise par un agent au guichet, est entachée d'incompétence ;

- la décision des autorités consulaires françaises est entachée d'un défaut de motivation ;

- la décision des autorités consulaires françaises est entachée d'un vice de procédure, en ce que les autorités consulaires étaient tenues d'instruire la demande ;

- la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France, signée par son secrétaire général, est entachée d'incompétence ;

- les motifs du refus verbal d'instruire la demande de visa ne procèdent d'aucune considération d'intérêt général ;

- la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France ne pouvait légalement estimer qu'aucune demande n'a été formulée devant les autorités consulaires ; le recours préalable formé devant elle était, par suite, recevable ;

- la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France est entachée d'une erreur de fait ;

- la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France procède d'un détournement de procédure.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 3 décembre 2019, 14 janvier et 21 février 2020, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir qu'aucun des moyens soulevés par M. et Mme A... n'est fondé.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 5 septembre 2019.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention d'application de l'accord de Schengen, signée le 19 juin 1990 ;

- le règlement (CE) n° 562/2006 du Parlement européen et du Conseil du 15 mars 2006, établissant un code communautaire relatif au régime de franchissement des frontières par les personnes ;

- le règlement (CE) n° 810/2009 du 13 juillet 2009 du Parlement européen et du Conseil établissant un code communautaire des visas ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. C...,

- les conclusions de M. Mas, rapporteur public,

- et les observations de Me E..., pour M. et Mme A....

Considérant ce qui suit :

1. M. F... A..., ressortissant congolais (République démocratique du Congo) né en 1977 et résidant en France, a épousé le 2 mars 2018 une compatriote, Mme B... G..., à Kinshasa. Le 3 septembre 2018, Mme A... se serait rendue à l'ambassade de France à Kinshasa afin d'y déposer une demande de visa de court séjour pour visite familiale. Un agent consulaire aurait alors oralement refusé de recevoir le dossier de demande de l'intéressée au motif que " la France ne délivrerait plus de visa court séjour aussi longtemps que les autorités congolaises s'opposeraient à la réouverture de la maison de Schengen à Kinshasa et demanderaient à chaque représentation diplomatique présente sur son sol de délivrer des visas pour son pays ". Le 6 septembre 2018, M. A... a formé un recours contre ce prétendu refus verbal devant la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France. Par un courrier du 7 septembre 2018, le secrétaire général de la commission a informé M. A... que son recours ne pouvait être enregistré au motif " qu'il n'a pas été possible d'identifier la demande de visa dont le refus est contesté ", et l'a invité à faire parvenir la copie de la quittance émise par le service consulaire. Le 3 septembre 2019, M. et Mme A... ont demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision implicite par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours contre la prétendue décision verbale prise le 3 septembre 2018 par l'autorité consulaire française à Kinshasa, et de condamner l'Etat à leur verser la somme de 1 500 euros en réparation des préjudices subis. Par un jugement du 2 avril 2019, le tribunal administratif de Nantes a rejeté la demande comme portée devant une juridiction incompétente pour en connaître. M. et Mme A... relèvent appel de ce jugement.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Il ressort des pièces du dossier que la demande présentée par M. et Mme A... devant le tribunal administratif de Nantes tendait à l'annulation de la décision par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté leur recours formé le 7 septembre 2019 au motif qu'il n'a pas été possible d'identifier de demande de visa. Il appartient à la juridiction administrative de connaître de ce litige. M. et Mme A... sont, dès lors, fondés à demander l'annulation du jugement attaqué du tribunal administratif de Nantes rejetant leur demande comme portée devant une juridiction incompétente pour en connaître.

3. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. et Mme A... devant le tribunal administratif de Nantes.

Sur la légalité de la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France :

4. Ainsi qu'il a été dit, pour rejeter le recours formé le 7 septembre 2018, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France s'est fondée sur ce qu'il n'a pas été possible d'identifier de demande de visa.

5. En premier lieu, si les requérants allèguent avoir formé auprès des services consulaires de Kinshasa, le 3 septembre 2018, une demande orale de visa de court séjour pour Mme A..., laquelle aurait été rejetée ce même jour de manière verbale, ils ne l'établissent pas. M. et Mme A... se prévalent d'un fax, daté du 28 août 2018, qui aurait été envoyé à l'ambassade de France. Toutefois, ce document émanant de leur conseil qui précise qu'une demande de visa a été déposée et a donné lieu à plusieurs rendez-vous ne peut être regardé comme établissant qu'ils auraient formé, le 3 septembre suivant, la demande de visa en cause qui aurait, selon leurs allégations, été rejetée verbalement. Enfin, contrairement à ce qu'ils soutiennent, l'autre courrier versé au dossier de leur avocat, non daté, sollicitant des autorités consulaires qu'on lui communique l'état du dossier ne peut davantage être regardé comme établissant qu'ils auraient présenté, en vain, le 3 septembre 2018 une demande de visa. Enfin, M. et Mme A... ne produisent aucun récépissé de dépôt de demande de visa de court séjour et n'établissent pas, ni même n'allèguent, s'être acquittés des frais de dossier correspondants. Dans ces conditions, en l'absence de demande de visa, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France était tenue, ainsi qu'elle l'a fait par la décision attaquée, de rejeter le recours formé devant elle par M. et Mme A.... Dès lors, les autres moyens soulevés par les requérants à l'encontre de cette décision sont inopérants et ne peuvent qu'être écartés.

Sur les conclusions indemnitaires :

6. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France n'est pas entachée de l'illégalité alléguée. Par suite, les requérants ne sont pas fondés à demander la condamnation de l'Etat à leur verser une indemnité au titre du préjudice qui en résulterait pour eux.

7. En deuxième lieu, si les requérants soutiennent que Mme A... est victime de discrimination de la part des autorités consulaires françaises en raison de son origine, ils n'apportent pas le moindre élément à l'appui de leurs allégations. Par ailleurs, la circonstance, qui n'est au demeurant pas établie, que les ambassades de France au Cameroun, en Côte d'ivoire, en Algérie et en Afrique du Sud auraient instruit les demandes de visa Schengen entre février 2018 et mars 2019 ne suffit pas à établir l'existence d'une rupture d'égalité, alors même que les ressortissants de ces pays se trouvent dans une situation différente de celle des ressortissants congolais.

8. En troisième lieu, il ne résulte pas de l'instruction que l'absence de transcription de l'acte de mariage des requérants sur les registres de l'état civil français soit constitutive d'une faute dès lors qu'un tel acte n'est possible que si l'un des époux, au moins, est de nationalité française. Dès lors, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que l'administration, en ne procédant pas à cette transcription et en ne leur délivrant pas un livret de famille, aurait commis une faute de nature à engager sa responsabilité à leur égard.

9. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme A... ne sont pas fondés à demander l'annulation de la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France, ni, en tout état de cause, la condamnation de l'Etat à leur verser les indemnités qu'ils demandent. Par voie de conséquence, leurs conclusions à fin d'injonction sous astreinte et celles tendant à l'application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent, également, être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du 2 avril 2019 du tribunal administratif de Nantes est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. et Mme A... devant le tribunal administratif de Nantes et le surplus des conclusions de leur requête d'appel sont rejetés.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... G... épouse A..., à M. F... A... et au ministre de l'intérieur.

Délibéré après l'audience du 6 novembre 2020, à laquelle siégeaient :

- Mme D..., présidente,

- M. C..., premier conseiller,

- M. Bréchot, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 24 novembre 2020.

Le rapporteur,

A. C...La présidente,

C. D...

Le greffier,

C. POPSE

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 19NT04251


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 19NT04251
Date de la décision : 24/11/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme BUFFET
Rapporteur ?: M. Alexis FRANK
Rapporteur public ?: M. MAS
Avocat(s) : FLYNN

Origine de la décision
Date de l'import : 05/12/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2020-11-24;19nt04251 ?
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