Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société Lyon Invest a demandé au tribunal administratif de Rennes, d'une part, d'annuler la délibération du 29 juin 2016 de la Commission interrégionale d'agrément et de contrôle Ouest prononçant un blâme et une pénalité de 5 000 euros à son encontre ainsi que la décision implicite de la Commission nationale d'agrément et de contrôle rejetant son recours administratif préalable obligatoire et, d'autre part, d'annuler la délibération du 22 juin 2017 de la Commission nationale d'agrément et de contrôle prononçant un blâme et une pénalité de 5 000 euros à son encontre.
Par un jugement n°s 1701075, 1703728 du 2 décembre 2019, le tribunal administratif de Rennes a rejeté la demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 3 février 2020, la société Lyon Invest, représentée par Me B..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 2 décembre 2019 du tribunal administratif de Rennes en tant qu'il rejette ses conclusions en annulation dirigées contre la délibération du 22 juin 2017 de la Commission nationale d'agrément et de contrôle ;
2°) d'annuler la délibération du 22 juin 2017 de la Commission nationale d'agrément et de contrôle du Conseil national des activités privées de sécurité (CNAPS) prononçant un blâme et une pénalité de 5 000 euros à son encontre ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la délibération du 22 juin 2017 est intervenue au terme d'une procédure irrégulière au regard de l'article 7 du règlement intérieur du CNAPS faute de mentionner que la convocation de ses membres et les conditions du vote ont été régulières ;
- les dispositions de l'article 25 du règlement intérieur du CNAPS ont été méconnues faute de pouvoir établir que les avis recueillis ont été donnés par les personnes compétentes ;
- la procédure suivie est intervenue en violation de l'article 6 paragraphe 1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors que le rapporteur n'est pas indépendant de l'autorité de poursuite disciplinaire et qu'il a donné son assentiment aux poursuites engagées ;
- la délibération est entachée d'une erreur de fait et de droit ; la société ne disposait pas d'éléments suffisants pour déterminer la réglementation applicable à sa situation en raison de l'imprécision du 1° de l'article L. 611-1 du code de la sécurité intérieure, en méconnaissance du principe d'intelligibilité et d'accessibilité de la loi ; cette disposition ne lui était pas applicable alors qu'elle exploite une discothèque et qu'elle ne dispose pas d'un service de sécurité interne.
Par un mémoire en défense, enregistré le 18 mars 2020, le Conseil national des activités privées de sécurité, représenté par Me C..., conclut au rejet de la requête et demande à la cour de mettre à la charge de la société Lyon Invest une somme de 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que les moyens soulevés par la société Lyon Invest ne sont pas fondés.
Par une ordonnance du 14 septembre 2020 la clôture d'instruction a été fixée au 5 octobre 2020.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de la sécurité intérieure ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. A...,
- les conclusions de M. Besse, rapporteur public,
- et les observations de Me D... représentant le Conseil national des activités privées de sécurité.
Considérant ce qui suit :
1. Le 16 octobre 2015, la société Lyon Invest, qui exploite à Brest la discothèque le Baroombar, a fait l'objet d'un contrôle par le Conseil national des activités privées de sécurité (CNAPS). A l'issue de celui-ci, le directeur du CNAPS a décidé d'engager une action disciplinaire à l'encontre de cette société et a saisi la commission interrégionale d'agrément et de contrôle (CIAC) Ouest aux fins de sanction. Celle-ci, par une délibération du 29 juin 2016, a prononcé un blâme à l'encontre de la société Lyon Invest et a mis à sa charge le versement d'une somme de 5 000 euros à titre de pénalité financière. La société Lyon Invest a formé un recours administratif préalable obligatoire contre cette délibération. Par une délibération du 22 juin 2017, la commission nationale d'agrément et de contrôle (CNAC) a infligé à la société requérante un blâme et le versement d'une somme de 5 000 euros à titre de pénalité financière. La société Lyon Invest a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler ces délibérations des 29 juin 2016 et 22 juin 2017, ainsi que la décision implicite de rejet de son recours gracieux. Par la présente requête, la société Lyon Invest relève appel du jugement du 2 décembre 2019 de ce tribunal uniquement en ce qu'il rejette sa demande d'annulation de la délibération du 22 juin 2017 de la commission nationale d'agrément et de contrôle.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. En premier lieu, aux termes de l'article 7 du règlement intérieur du CNAPS dans sa rédaction alors applicable : " La Commission nationale d'agrément et de contrôle se réunit sur convocation de son Président, qui fixe l'ordre du jour. Elle ne peut valablement délibérer que si, pour la moitié au moins, ses membres sont présents ou représentés à la séance ; si le quorum n'est pas atteint, la Commission nationale d'agrément et de contrôle est à nouveau convoquée sur le même ordre du jour dans un délai de huit jours. Elle délibère alors sans condition de quorum. / Les décisions sont prises à la majorité des membres présents ou représentés. (...) ". Il ressort des pièces du dossier que six des dix membres de la commission nationale d'agrément et de contrôle ont siégé lors de sa séance du 8 juin 2017 où a été examiné le recours de la société Lyon Invest. Par ailleurs, aucune disposition n'imposait de mentionner dans la délibération de cette commission l'existence d'une convocation régulière de ses membres ou que la sanction prononcée l'a été à la majorité. Par suite, le moyen tiré de ce que la délibération litigieuse serait entachée d'un vice de procédure, au regard des dispositions de l'article 7 du règlement intérieur du CNAPS, manque en fait et doit dès lors être écarté.
3. En deuxième lieu, aux termes de l'article 25 du même règlement dans sa rédaction alors applicable : " Le Directeur de l'établissement décide de la saisine de la Commission locale d'agrément et de contrôle après avoir requis les avis écrits suivants : - Chef de la délégation territoriale ; - Chef du service central du contrôle ; - Directeur adjoint en charge des opérations. ". Il ressort d'un document produit au dossier récapitulant ces avis que ceux-ci ont été recueillis préalablement à la saisine de la commission interrégionale d'agrément et de contrôle ouest. La seule circonstance que ne figure sur ce document que la fonction de chacun des signataires, et sa signature, sans indication de son nom, n'est en tout état de cause pas à elle-seule de nature à établir un vice de procédure.
4. En troisième lieu, aux termes de l'article R. 632-11 du code de la sécurité intérieure : " La Commission nationale d'agrément et de contrôle (...) 2° Statue sur les recours administratifs préalables formés à l'encontre des décisions des commissions régionales et interrégionales, sur le fondement de l'article L. 633-3 (...) " et aux termes de l'article R. 634-2 du même code : " En matière disciplinaire, la séance de la commission locale ou nationale d'agrément et de contrôle est publique. (...) La commission délibère à huis clos, hors la présence du rapporteur. ". Il résulte par ailleurs de l'article 33 du règlement intérieur du CNAPS dans sa rédaction alors applicable que : " (...) Le Président de la Commission nationale (...) appelle l'affaire devant la Commission nationale ou locale d'agrément et de contrôle et ouvre la séance. (...) Le Président donne la parole au rapporteur qui présente son rapport. Le Président donne la parole au défendeur qui peut se faire assister ou représenter par un ou plusieurs défenseurs de son choix. Sur autorisation du Président, les membres de la Commission nationale ou locale d'agrément et de contrôle ou le défendeur peuvent poser des questions à la partie adverse ou au rapporteur (...) ".
5. La société Lyon Invest soutient que la délibération contestée est intervenue en méconnaissance du principe d'impartialité dès lors que le rapporteur devant la commission nationale d'agrément et de contrôle est sous l'autorité hiérarchique du directeur du CNAPS, qui est également en l'espèce l'autorité qui a diligenté les poursuites disciplinaires, et que le rapporteur devant la commission nationale a donné son assentiment aux poursuites. Il résulte toutefois des dispositions combinées des articles R. 634-2 du code de la sécurité intérieure et de l'article 33 du règlement intérieur du CNAPS, d'une part, que le rapporteur est présent aux séances de la commission nationale uniquement pour présenter son rapport et répondre aux éventuelles questions des membres de la commission ou du défendeur et, d'autre part, que ce même rapporteur est absent lors du délibéré où seuls les membres de la commission statuent sur les affaires dont ils sont saisis. Enfin, au cas d'espèce, il n'est pas établi que le rapporteur aurait émis un avis sur les poursuites disciplinaires en débat devant la commission nationale d'agrément et de contrôle. Dès lors c'est sans méconnaitre le principe d'impartialité rappelé par les stipulations de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales que la délibération contestée du 22 juin 2017 est intervenue.
6. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 611-1 du code de la sécurité intérieure : " Sont soumises aux dispositions du présent titre, dès lors qu'elles ne sont pas exercées par un service public administratif, les activités qui consistent : 1° A fournir des services ayant pour objet la surveillance humaine ou la surveillance par des systèmes électroniques de sécurité ou le gardiennage de biens meubles ou immeubles ainsi que la sécurité des personnes se trouvant dans ces immeubles ou dans les véhicules de transport public de personnes (...) " et aux termes de l'article L. 612-25 du même code : " (...) l'entreprise dont certains salariés sont chargés, pour son propre compte, d'une activité mentionnée à l'article L. 611-1 n'est pas soumise aux dispositions des articles L. 612-2, L. 612-3, L. 612-6 à L. 612-8 et L. 612-15. ". Aux termes de l'article L. 612-9 de ce même code : " L'exercice d'une activité mentionnée à l'article L. 611-1 est subordonné à une autorisation (...)". Par ailleurs, aux termes de l'article R. 631-15 du code de la sécurité intérieure : " Les entreprises et leurs dirigeants s'interdisent d'employer ou de commander, même pour une courte durée, des personnels de sécurité et de recherches ne satisfaisant pas aux conditions de qualification professionnelle ou ne possédant pas les autorisations valides requises pour exercer leurs missions. (...) " et il résulte de l'article R. 612-18 du même code que : " Tout candidat à l'emploi pour exercer des activités privées de sécurité définies aux articles L. 611-1 et L. 613-13 ou tout employé participant à l'exercice de ces activités communique à l'employeur le numéro de la carte professionnelle qui lui a été délivrée par la commission locale d'agrément et de contrôle./ L'employeur remet à l'employé une carte professionnelle propre à l'entreprise. Cette carte, qui comporte une photographie récente de son titulaire, mentionne (...) 3° Le nom, la raison sociale et l'adresse de l'employeur ainsi que l'autorisation administrative prévue aux articles L. 612-9 et L. 613-13 ; 4° Le numéro de carte professionnelle délivrée par la commission locale d'agrément et de contrôle.(...) ." Il résulte de ces dispositions, d'une part, que la nécessité d'obtenir une autorisation pour l'entreprise dont certains salariés sont chargés, pour son propre compte, d'une activité de sécurité privée s'apprécie en considération de la nature de l'activité. Il est dès lors indifférent que les salariés affectés à cette activité de sécurité interne soient polyvalents. Il en résulte, d'autre part, que, s'agissant de la nécessité d'emploi de salariés titulaires d'une carte professionnelle, les textes applicables ne distinguent pas selon que les salariés participent exclusivement ou non à l'activité de sécurité privée définie à l'article L. 611-1 du code de la sécurité intérieure.
7. La sanction infligée à la société Lyon Invest par la délibération contestée est fondée, d'une part, sur le constat de l'exercice, par un service interne de sécurité de cette société, d'une activité de surveillance et de gardiennage sans autorisation et, d'autre part, sur l'emploi par cette même société de deux agents de sécurité sans titre et sans vérification préalable de leur capacité d'exercer.
8. D'une part, il ressort des constatations faites lors du contrôle effectué le 16 octobre 2015 au sein de la discothèque Baroombar, corroborées par les déclarations du gérant de la société et de ses salariés consignées à cette occasion, qu'un contrôle des personnes souhaitant entrer dans l'établissement est effectué à l'entrée de la discothèque par un employé, appuyé ou suppléé pendant ses absences par deux autres salariés. Cet employé peut interdire l'accès du lieu au regard du comportement des personnes désirant y pénétrer et il assure également, notamment, une surveillance au sein de l'établissement afin de veiller à la sécurité. Ainsi, il résulte d'une déclaration de main courante du 27 décembre 2014 du gérant du Baroombar que celui-ci dispose de portiers qui, en l'espèce, ont empêché l'entrée de diverses personnes dans des conditions ayant justifié l'intervention de la brigade anti-criminalité. L'activité de ces salariés doit être assimilée à une activité de surveillance et de sécurité au sens de l'article L. 611-1 du code de la sécurité intérieure. Il est par ailleurs constant que la société Lyon Invest n'a pas été autorisée à exercer une telle activité et que les deux salariés suppléant l'employé chargé principalement de ces fonctions ne disposaient pas de la carte professionnelle requise. La société Lyon Invest n'est ainsi pas fondée à soutenir que l'activité de surveillance et de sécurité qu'exerçaient ses employés dans son établissement n'était pas soumise au régime d'autorisation prévu par les articles L. 612-9 et L. 611-1 du code de sécurité intérieure, au motif qu'elle ne disposait pas d'un service de sécurité, et qu'elle n'était pas assujettie aux obligations prévues par les articles R. 631-15 et R. 612-18 du même code dès lors que ses salariés exerçaient un emploi polyvalent.
9. D'autre part, il résulte de la combinaison claire des articles L. 611-1, L. 612-25 et L. 612-9 du code de la sécurité intérieure que la fourniture de services ayant pour objet la surveillance humaine et la sécurité des personnes recouvre l'activité de salariés d'une entreprise chargés de surveiller l'entrée d'un établissement de nuit et la sécurité des personnes accueillies. Au vu des activités de certains de ses salariés, telles qu'exposées au point précédent, la société Lyon Invest n'est dès lors, en tout état de cause, pas fondée à soutenir qu'auraient été méconnues l'exigence de prévisibilité de la norme découlant des stipulations de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ou l'objectif à valeur constitutionnelle d'intelligibilité et d'accessibilité de la loi.
10. Il résulte de tout ce qui précède que la société Lyon Invest n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.
Sur les frais d'instance :
11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à l'octroi d'une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens à la partie perdante. Il y a lieu, dès lors, de rejeter les conclusions présentées à ce titre par la société Lyon Invest. En revanche, il convient, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de cette société, sur le fondement des mêmes dispositions, la somme de 500 euros au titre des frais exposés par le Conseil national des activités privées de sécurité.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de la société Lyon Invest est rejetée.
Article 2 : La société Lyon Invest versera au Conseil national des activités privées de sécurité la somme de 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Lyon Invest et au Conseil national des activités privées de sécurité.
Délibéré après l'audience du 3 novembre 2020, à laquelle siégeaient :
- M. Lainé, président de chambre,
- M. A..., président assesseur,
- M. Jouno, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 20 novembre 2020.
Le rapporteur,
C. A...
Le président,
L. Lainé
La greffière,
V. Desbouillons
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 20NT00368