Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société Lyon Invest a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler l'arrêté du 12 avril 2017 par lequel le préfet du Finistère a ordonné la fermeture de l'établissement " Le Baroombar " pour une durée de huit jours et de condamner l'Etat à lui verser une somme de 16 500 euros en réparation du préjudice subi, assortie des intérêts et de leur capitalisation.
Par un jugement n° 1702681 du 17 octobre 2019, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 17 décembre 2019, et un mémoire, enregistré le 5 mars 2020, la société Lyon Invest, représentée par Me B..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Rennes en date du 17 octobre 2019 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 12 avril 2017 par lequel le préfet du Finistère a ordonné la fermeture de l'établissement " Le Baroombar " pour une durée de huit jours et de condamner l'Etat à lui verser une somme de 16 500 euros en réparation du préjudice subi, assortie des intérêts et de leur capitalisation ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'arrêté est insuffisamment motivé en droit et en fait ;
- le sous-préfet de Brest, signataire de l'arrêté, ne justifie pas avoir bénéficié pour ce faire d'une délégation de signature du préfet mentionnant expressément que les décisions prises sur le fondement de l'article L. 3332-15 du code de la santé publique, fondement légal de l'arrêté contesté, entrent dans le champ de la délégation ;
- l'arrêté n'a pas été précédé de l'avertissement exigé par l'article L. 3332-15 du code de la santé publique, la lettre du 31 janvier 2017 n'en tenant pas lieu ;
- il n'est pas établi que l'établissement ait vendu de l'alcool à des mineurs, aucune poursuite pénale n'ayant été engagée pour de tels faits ; l'arrêté est donc entaché d'erreur de fait ;
- elle a été privée de recettes à hauteur de 16 500 euros en raison de l'intervention de la fermeture administrative dont l'illégalité fautive est démontrée.
Par un mémoire, enregistré le 13 février 2020, le préfet du Finistère conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens soulevés ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de la santé publique ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Jouno, rapporteur,
- et les conclusions de M. Besse, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. La société Lyon Invest exploite, à Brest, une discothèque dénommée " Le Baroombar ". Par un arrêté du 12 avril 2017, le préfet du Finistère a prononcé la fermeture administrative de l'établissement pour une durée de huit jours, sur le fondement de l'article L. 3332-15 du code de la santé publique. Le 12 juin 2017, la société Lyon Invest a demandé au tribunal administratif de Rennes de prononcer l'annulation de cet arrêté et la condamnation de l'Etat à lui verser une somme de 16 500 euros en réparation du préjudice subi. Par un jugement du 17 octobre 2019, dont il est relevé appel, cette demande a été rejetée.
2. Aux termes de l'article L. 3332-15 du code de la santé publique : " 1. La fermeture des débits de boissons et des restaurants peut être ordonnée par le représentant de l'Etat dans le département pour une durée n'excédant pas six mois, à la suite d'infractions aux lois et règlements relatifs à ces établissements. / Cette fermeture doit être précédée d'un avertissement qui peut, le cas échéant, s'y substituer, lorsque les faits susceptibles de justifier cette fermeture résultent d'une défaillance exceptionnelle de l'exploitant ou à laquelle il lui est aisé de remédier. / 2. En cas d'atteinte à l'ordre public, à la santé, à la tranquillité ou à la moralité publiques, la fermeture peut être ordonnée par le représentant de l'Etat dans le département pour une durée n'excédant pas deux mois. (...) / 3. Lorsque la fermeture est motivée par des actes criminels ou délictueux prévus par les dispositions pénales en vigueur, à l'exception des infractions visées au 1, la fermeture peut être prononcée pour six mois. (...) / 4. Les crimes et délits ou les atteintes à l'ordre public pouvant justifier les fermetures prévues au 2 et au 3 doivent être en relation avec la fréquentation de l'établissement ou ses conditions d'exploitation. / 5. Les mesures prises en application du présent article sont soumises aux dispositions du code des relations entre le public et l'administration. (...) ". Ces dispositions confèrent au représentant de l'Etat dans le département le pouvoir d'ordonner, au titre de ses pouvoirs de police, les mesures de fermeture d'un établissement qu'appelle la prévention de la continuation ou du retour de désordres liés à sa fréquentation ou à ses conditions d'exploitation. L'existence d'une atteinte à l'ordre public de nature à justifier la fermeture d'un établissement doit être appréciée objectivement. La condition, posée par les dispositions précitées, tenant à ce qu'une telle atteinte soit en relation avec la fréquentation de cet établissement peut être regardée comme remplie, indépendamment du comportement des responsables de cet établissement.
3. En premier lieu, la requérante reprend en appel le moyen invoqué en première instance et tiré de l'insuffisance de motivation de l'arrêté. Il y a lieu d'écarter ce moyen par les mêmes motifs que ceux retenus à bon droit par les premiers juges au point 4 du jugement attaqué.
4. En deuxième lieu, par un arrêté du 19 septembre 2016 publié au recueil des actes administratifs de la préfecture, le préfet du Finistère a donné à M. A... C..., sous-préfet de l'arrondissement de Brest, délégation de signature à l'effet de signer les actes et décisions relevant des attributions de la sous-préfecture fixées par l'arrêté préfectoral du 30 décembre 2015, sauf exceptions au nombre desquelles ne figurent pas les décisions individuelles de police. Par ailleurs, l'arrêté préfectoral du 30 décembre 2015, portant organisation des services de la préfecture et des sous-préfectures du Finistère, a expressément confié au pôle de l'animation et des sécurités publiques de la souspréfecture de Brest la compétence, pour l'arrondissement de Brest, en matière de " sécurité publique ", d'" ordre public " et de " lutte contre les addictions ". Il résulte ainsi de la combinaison de ces arrêtés que M. C... était compétent pour signer les décisions prises sur le fondement de l'article L. 3332-15 du code de la santé publique. Par suite, le moyen tiré de ce qu'il n'était pas compétent pour prendre l'arrêté contesté manque en fait.
5. En troisième lieu, il est constant que le responsable de la société requérante a été invité à présenter des observations par une lettre du 31 janvier 2017, et qu'elle a pu effectivement les présenter lors d'un entretien le 23 mars 2017. Ainsi, le moyen tiré de ce que la mesure de fermeture administrative contestée aurait été prise sans avertissement préalable, tel que prévu au 1 de l'article L. 3332-15 du code de la santé publique, doit être écarté.
6. En quatrième lieu, l'arrêté contesté a été pris au motif, d'une part, que des troubles à l'ordre public avaient été causés le 9 novembre 2016 par des personnes ivres, dont deux mineurs, sortant de l'établissement, d'autre part, que de telles circonstances révélaient un non-respect de la réglementation propre aux débits de boissons et notamment une vente d'alcool à des mineurs. Dans ces circonstances, il doit être regardé comme reposant sur le 1 et le 2 de l'article L. 3332-15 du code de la santé publique. Or, il ressort d'un rapport de police du 5 janvier 2017 qui fait foi jusqu'à preuve contraire, laquelle n'est pas apportée, et qui n'est pas sérieusement contesté, que le 9 novembre 2016, à 2 heures 25, trois personnes venant de fréquenter l'établissement " Le Baroombar ", dont deux mineurs, ont porté atteinte à la tranquillité publique en raison de leur imprégnation alcoolique excessive, si bien qu'un des employés de cet établissement a utilisé une bombe lacrymogène pour les repousser. Contrairement à ce qui est soutenu par la requérante, le préfet n'a donc pas entaché son arrêté d'une erreur de fait. Au demeurant, il n'a pas non plus commis d'erreur de droit dès lors que de tels faits sont, d'une part, constitutifs d'une atteinte à l'ordre et à la tranquillité publics procédant de la fréquentation de l'établissement et de ses conditions d'exploitation et témoignent, d'autre part, d'une méconnaissance par l'établissement des règles propres aux débits de boissons.
7. En cinquième lieu, l'arrêté contesté n'étant pas entaché de l'illégalité alléguée, la société requérante n'est pas fondée à demander à être indemnisée par l'Etat des éventuels préjudices économiques résultant de celle-ci.
8. Il résulte de ce qui précède que la société Lyon Invest n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande. Par suite, sa requête, y compris les conclusions relatives aux frais liés au litige, doit être rejetée.
DECIDE :
Article 1er : La requête de la société Lyon Invest est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Lyon Invest et au ministre de l'intérieur.
Délibéré après l'audience du 3 novembre 2020 à laquelle siégeaient :
- M. Lainé, président de chambre,
- M. Rivas, président assesseur,
- M. Jouno, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 20 novembre 2020.
Le rapporteur,
T. JounoLe président,
L. Lainé
Le greffier,
V. Desbouillons
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 19NT04873
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