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17/11/2020 | FRANCE | N°20NT01177

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 2ème chambre, 17 novembre 2020, 20NT01177


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme G... E..., épouse D..., a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision implicite par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté son recours formé contre une décision des autorités consulaires françaises à Yaoundé refusant de délivrer un visa de long séjour en France au jeune B... H... E... au titre du regroupement familial.

Par un jugement n° 1710020 du 31 janvier 2020, le tribunal administratif de Nantes a rejet

é sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 31 mars ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme G... E..., épouse D..., a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision implicite par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté son recours formé contre une décision des autorités consulaires françaises à Yaoundé refusant de délivrer un visa de long séjour en France au jeune B... H... E... au titre du regroupement familial.

Par un jugement n° 1710020 du 31 janvier 2020, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 31 mars 2020, Mme E..., épouse D..., agissant en qualité de représentante légale du jeune B... H... E..., représentée par Me F..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 31 janvier 2020 ;

2°) d'annuler la décision de la commission de recours contre les refus de visa d'entrée en France ;

3°) d'ordonner l'exécution provisoire de la décision à intervenir.

Elle soutient que :

- le jugement n'a pas répondu au moyen tiré de l'absence de levée d'acte auprès des services d'état civil ;

- la décision attaquée est insuffisamment motivée en fait et en droit ;

- elle est entachée d'erreur de droit et de fait ; le jugement supplétif n°266 est entaché d'une simple erreur matérielle.

Par un mémoire en défense, enregistré le 3 juillet 2020, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par Mme E... épouse D... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme C... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme E..., épouse D..., ressortissante camerounaise née le 28 janvier 1974, a formulé une demande de regroupement familial en faveur de son fils allégué Tony H... E..., né le 20 mars 2004. Par une décision du 4 novembre 2017, le préfet des Bouches-du-Rhône a autorisé le regroupement sollicité. L'autorité consulaire française à Yaoundé (Cameroun) ayant refusé, par une décision du 3 juillet 2017, de délivrer à Tony H... E... un visa de long séjour, L'intéressée a formé un recours devant la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France réceptionné le 28 août 2017. Mme E..., épouse D..., a saisi le tribunal administratif de Nantes d'une demande tendant à l'annulation de la décision implicite par laquelle la commission de recours contre les refus de visa d'entrée en France a rejeté ce recours. Mme E..., épouse D..., relève appel du jugement du 31 janvier 2020 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Sur les conclusions tendant à l'annulation de la décision de la commission de recours contre les refus de visa d'entrée en France :

2. Lorsque la venue d'une personne en France a été autorisée au titre du regroupement familial, l'autorité consulaire n'est en droit de rejeter la demande de visa dont elle est saisie à cette fin que pour un motif d'ordre public. Figure au nombre de ces motifs l'absence de caractère probant des actes de mariage ou de filiation produits.

3. Aux termes de l'article L. 111-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) La vérification de tout acte d'état civil étranger est effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil " et aux termes de l'article 47 du code civil : " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité ". Il résulte de ces dispositions que la force probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger peut être combattue par tout moyen susceptible d'établir que l'acte en cause est irrégulier, falsifié ou inexact. En cas de contestation par l'administration de la valeur probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger, il appartient au juge administratif de former sa conviction au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties.

4. Il ressort des pièces du dossier que, pour rejeter la demande de visa de long séjour au titre du regroupement familial du jeune B... H... E..., l'administration s'est fondée sur le motif tiré de ce que son lien familial avec la requérante n'était pas établi.

5. A l'appui de la demande de visa a été produit un acte de naissance n°1040/2013 dressé le 12 février 2013 sur la base d'un jugement supplétif de naissance n°266 du 1er février 2013 du tribunal de première instance de Djoum (Cameroun).

6. Il n'appartient pas aux autorités administratives françaises de mettre en doute le bien-fondé d'une décision rendue par une autorité juridictionnelle étrangère, hormis le cas où le document aurait un caractère frauduleux.

7. D'abord, et contrairement à ce que fait valoir le ministre de l'intérieur, la circonstance que ce jugement supplétif ait été établi neuf ans après l'acte qu'il décrit, ne suffit pas à démontrer son caractère frauduleux, eu égard à l'objet même d'un jugement supplétif tenant lieu d'acte de naissance, qui supplée l'absence de déclaration d'une naissance dans les délais prévus par la loi. Ensuite, la mention d'une date d'audience foraine au 17 juin 2013 dans le corps du jugement et non au 1er février 2013, date du jugement, peut relever d'une erreur matérielle, qui ne permet pas de remettre en cause son authenticité. Si le ministre a fait également valoir devant les premiers juges que l'acte de naissance dressé suivant ce jugement supplétif a été transcrit avant l'expiration d'un délai de recours de 30 jours, délai rappelé par le président des tribunaux d'instance de Nanga Eboko dans un courrier du 21 juin 2017, qui en déduit que l'acte ainsi dressé " en violation de la loi est un acte faux ", le ministre n'indique toutefois pas quel texte camerounais subordonnerait le caractère exécutoire des jugements ordonnant la reconstitution d'actes d'état civil à l'expiration d'un tel délai d'appel. Dans ces conditions il ne peut être tenu pour établi qu'une telle circonstance caractériserait une manoeuvre frauduleuse conduisant à écarter un tel jugement. Si le ministre relève également que des informations supplémentaires, relatives aux date et lieu de naissance de la mère, à sa profession et à son domicile, ont été portées sur l'acte transcrit alors qu'elles ne figurent ni dans le dispositif ni dans les motifs du jugement du 1er février 2013, il n'est toutefois pas établi qu'il serait interdit, au regard de la loi locale applicable, de compléter les mentions relatives aux parents figurant sur l'acte de naissance. Enfin, si le ministre fait valoir, d'une part, l'inconstance des déclarations de Mme D... quant à l'établissement du jugement supplétif - l'intéressée ayant soutenu dans sa demande de première instance avoir perdu l'acte de naissance original, puis dans sa requête d'appel que l'acte de naissance original n'avait pas été retrouvé dans les registres de la commune alors que le jugement supplétif vise une absence de déclaration - et, d'autre part, le caractère hautement improbable que son fils allégué ait pu être scolarisé sans être en possession d'un acte de naissance avant l'âge de 9 ans, alors que la présentation d'un tel acte est obligatoire pour commencer sa scolarité au Cameroun, ces circonstances ne permettent pas, dans les circonstances très particulières de l'espèce, d'établir le caractère frauduleux du jugement supplétif d'acte de naissance, et par suite le lien de filiation.

8. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, Mme E... épouse D... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a rejeté sa demande.

Sur les conclusions tendant à l'exécution provisoire :

9. Aux termes de l'article L. 11 du code de justice administrative : " Les jugements sont exécutoires ". Il résulte de ces dispositions que les conclusions tendant à ce que le présent arrêt soit assorti d'une exécution provisoire sont sans objet et ne peuvent qu'être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nantes du 31 janvier 2020 et la décision implicite par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a refusé de délivrer à Tony H... E... un visa de long séjour sont annulés.

Article 2 : Le surplus des conclusions de Mme E..., épouse D..., est rejeté.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme G... E..., épouse D..., et au ministre de l'intérieur.

Délibéré après l'audience du 20 octobre 2020 à laquelle siégeaient :

- M. Couvert-Castéra, président de la cour,

- Mme C..., présidente assesseur,

- M. A...'hirondel, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 17 novembre 2020.

Le rapporteur,

H. C...

Le président,

O. COUVERT-CASTÉRA

Le greffier,

A. BRISSET

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 20NT01177


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 20NT01177
Date de la décision : 17/11/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. le Pdt. COUVERT-CASTERA
Rapporteur ?: Mme Hélène DOUET
Rapporteur public ?: M. GIRAUD
Avocat(s) : THIOUNE IERI

Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2020-11-17;20nt01177 ?
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