La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

17/11/2020 | FRANCE | N°19NT04781

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 2ème chambre, 17 novembre 2020, 19NT04781


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B..., Mme D... B... et M. F... B... ont demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 14 février 2019 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours qu'ils ont formé contre les décisions du consul général de France à Alger (Algérie) du 25 octobre 2018 rejetant leurs demandes de visa de long séjour en qualité de visiteur.

Par un jugement n°1904335 du 10 octobre 2019, le tribunal administratif de N

antes a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mém...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B..., Mme D... B... et M. F... B... ont demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 14 février 2019 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours qu'ils ont formé contre les décisions du consul général de France à Alger (Algérie) du 25 octobre 2018 rejetant leurs demandes de visa de long séjour en qualité de visiteur.

Par un jugement n°1904335 du 10 octobre 2019, le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 11 décembre 2019 et le 16 octobre 2020, M. C... B..., Mme D... B... et M. F... B..., représentés par Me B..., demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 10 octobre 2019 ;

2°) d'annuler la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France du 14 février 2019 ;

3°) d'enjoindre, sous astreinte, à l'autorité consulaire de délivrer les visas sollicités ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

­ le jugement attaqué est irrégulier pour être entaché d'un vice de procédure et d'une erreur de droit en ayant accueilli la demande de substitution de motifs présentée par le ministre dès lors qu'il n'est pas établi que la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France aurait pris la même décision en se fondant sur les motifs invoqués par le ministre et que le motif allégué n'est pas fondé ;

­ la demande de substitution de motifs est entachée d'une erreur d'appréciation dès lors qu'à la date à laquelle la commission de recours avait statué, M. C... B... n'exerçait aucune activité professionnelle au sein de l'entreprise Kutner Geos qui avait été liquidée et qu'il a de fortes attaches professionnelles avec son pays d'origine, de sorte qu'il n'a pas l'intention d'établir le centre de ses activités professionnelles en France ;

­ la décision de refus de leur délivrer des visas méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme en portant atteinte au respect de leur vie privée et familiale.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu

­ l'accord franco-algérien du 27 novembre 1968 ;

­ le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

­ le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. A...'hirondel a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. et Mme C... B..., ressortissants algériens nés respectivement le 2 juillet 1954 et le 13 février 1960 à Tizi Ouzou (Algérie), ainsi que leur fils, M. F... B..., né le 27 décembre 1992 à Tizi Ouzou, ont sollicité la délivrance de visas de long séjour en qualité de visiteurs auprès des autorités consulaires françaises à Alger (Algérie). Leur demande a été rejetée par des décisions du 25 octobre 2018. La commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours formé contre le refus des autorités consulaires par une décision du 14 février 2019. Les intéressés relèvent appel du jugement du tribunal administratif de Nantes du 10 octobre 2019 qui a rejeté leur demande tendant à l'annulation de la décision de la commission de recours du 14 février 2019.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. D'une part, aux termes de l'article D. 211-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Une commission placée auprès du ministre des affaires étrangères et du ministre chargé de l'immigration est chargée d'examiner les recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France prises par les autorités diplomatiques ou consulaires. La saisine de cette commission est un préalable obligatoire à l'exercice d'un recours contentieux, à peine d'irrecevabilité de ce dernier ".

3. D'autre part, l'administration peut, en première instance comme en appel, faire valoir devant le juge de l'excès de pouvoir que la décision dont l'annulation est demandée est légalement justifiée par un motif, de droit ou de fait, autre que celui initialement indiqué, mais également fondé sur la situation existant à la date de cette décision. Il appartient alors au juge, après avoir mis à même l'auteur du recours de présenter ses observations sur la substitution ainsi sollicitée, de rechercher si un tel motif est de nature à fonder légalement la décision, puis d'apprécier s'il résulte de l'instruction que l'administration aurait pris la même décision si elle s'était fondée initialement sur ce motif. Dans l'affirmative, il peut procéder à la substitution demandée, sous réserve toutefois qu'elle ne prive pas le requérant d'une garantie procédurale liée au motif substitué.

4. Le ministre de l'intérieur, qui est chargé de l'immigration et qui représente l'administration devant la juridiction administrative en cas de contestation d'une décision prise par la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France, est compétent pour solliciter, en cours d'instance, une substitution de motifs. Il ressort, par ailleurs, des pièces de première instance que la substitution de motifs a été sollicitée par le ministre par un mémoire en défense enregistré le 9 août 2019, qui a été communiqué aux requérants, lesquels y ont répondu par un mémoire enregistré le 13 septembre 2019. Les requérants n'ont ainsi pas été privés d'une garantie procédurale. La circonstance que le tribunal ait accueilli la demande de substitution de motifs alors qu'il n'est pas établi que la commission de recours aurait pris la même décision en se fondant sur ce nouveau motif est sans incidence sur la régularité du jugement attaqué. Les requérants ne sont pas, par suite, fondés à soutenir que le jugement attaqué serait entaché d'irrégularité.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

5. En premier lieu, aux termes de l'article 7 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour des ressortissants algériens et de leurs familles : " Les dispositions du présent article et celles de l'article 7 bis fixent les conditions de délivrance du certificat de résidence aux ressortissants algériens autres que ceux visés à l'article 6 nouveau ainsi qu'à ceux qui s'établissent en France après la signature du premier avenant à l'accord / a) les ressortissants algériens qui justifient de moyens d'existence suffisants et qui prennent l'engagement de n'exercer, en France, aucune activité professionnelle soumise à autorisation reçoivent après le contrôle médical d'usage un certificat valable un an portant la mention " visiteur " (...) ". Aux termes de l'article 9 du même accord : " Sans préjudice des stipulations du Titre I du protocole annexé au présent accord et de l'échange de lettres modifié du 31 août 1983, les ressortissants algériens venant en France pour un séjour inférieur à trois mois doivent présenter un passeport en cours de validité muni d'un visa délivré par les autorités françaises. / Pour être admis à entrer et séjourner plus de trois mois sur le territoire français au titre des articles (...) 7 (...), les ressortissants algériens doivent présenter un passeport en cours de validité et un visa de long séjour délivré par les autorités françaises. / Ce visa de long séjour accompagné des pièces et documents justificatifs permet d'obtenir un certificat de résidence dont la durée de validité est fixée par les articles et titre mentionnés à l'alinéa précédent ".

6. Pour rejeter les demandes de visa de long séjour présentées par M. et Mme C... B... et par leur fils, M. F... B..., le ministre de l'intérieur s'est, eu égard à la demande de substitution de motifs sollicitée devant les premiers juges et à laquelle ces derniers ont fait droit, fondé sur la circonstance que les requérants n'établissaient pas la nécessité dans laquelle ils se trouveraient de résider en France de manière permanente alors qu'en raison des intérêts et activités financières dont dispose M. C... B... en France, il existe un risque significatif pour que ce dernier y établisse le centre de ses activités professionnelles. Cette demande de substitution de motif reprend, en réalité, le motif retenu par la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France qui, dans la décision contestée du 14 février 2019, s'était fondée sur les motifs tirés, d'une part, de l'absence d'une nécessité d'un séjour permanent en France et, d'autre part, d'un risque de détournement de l'objet du visa " compte tenu de la possibilité de voir M. C... B..., dont les intérêts et activités financières en France sont significatifs, y établir le centre de ses activités professionnelles ".

7. En l'absence de toute disposition conventionnelle, législative ou réglementaire déterminant les cas où le visa peut être refusé à un étranger désirant se rendre en France, et eu égard à la nature d'une telle décision, les autorités françaises disposent d'un large pouvoir d'appréciation et peuvent se fonder non seulement sur des motifs tenant à l'ordre public mais sur toute considération d'intérêt général. Il en va notamment ainsi des visas sollicités en vue de bénéficier du certificat de résidence portant la mention " visiteur " prévu par le a) de l'article 7 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968.

8. Les requérants soutiennent qu'ils ont sollicité, sur le fondement des stipulations précitées de l'accord franco-algérien, un visa de long séjour afin de pouvoir rendre visite plus aisément à leur fille et soeur, Mme E... B..., qui réside en France depuis 2009 et qui exerce une activité professionnelle au sein d'une société de production de cinéma, qu'ils rencontrent deux à trois fois par an. Selon leurs explications, cette demande est justifiée afin de leur éviter les contraintes procédurales liées à la délivrance de visas de court séjour, eu égard notamment aux difficultés rencontrées par M. F... B... F... pour obtenir un visa d'une durée de validité supérieure à un mois, de leur permettre de rester plus de trois mois auprès de Mme E... B... et de pouvoir se rendre en France en cas d'urgence. Toutefois, alors que les intéressés ont régulièrement bénéficié de visas de court séjour depuis plusieurs années pour rendre visite à cette dernière, dont des visas à entrées multiples pour M. et Mme B..., un tel motif n'établit pas que leur présence sur le territoire français plus de trois mois consécutifs soit indispensable. Il résulte de l'instruction, contrairement à ce que soutiennent les requérants, que la commission de recours aurait pris la même décision en ne se fondant que sur ce seul motif. Dans ces conditions, et alors même que M. C... B... n'aurait pas l'intention d'établir en France le centre de ses activités professionnelles, le refus de délivrance des visas de long séjour qui leur a été opposé n'est pas entaché d'erreur de droit, ni d'erreur manifeste d'appréciation.

9. En second lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".

10. La décision contestée n'a que pour seul effet de refuser aux requérants qui, ainsi qu'ils le précisent, ont conservé, en Algérie le centre de leurs intérêts, la délivrance d'un visa de long séjour pour leur permettre de s'installer sur le territoire français plus de trois mois consécutifs. Il n'est, en revanche, pas établi, ni même allégué qu'ils ne pourraient obtenir des visas de court séjour pour rendre visite à Mme E... B..., ni que cette dernière ne pourrait leur rendre visite en Algérie. Il suit de là que la décision contestée n'a pas porté une atteinte disproportionnée à la vie privée et familiale des requérants et n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

11. Il résulte de tout ce qui précède que les requérants ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande. Doivent être rejetées par voie de conséquence les conclusions à fin d'injonction qu'ils présentent ainsi que celles tendant au bénéfice des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de M. et Mme C... B... et de M. F... B... est rejetée.

Article 2 : Le présent jugement sera notifié à M. C... B..., à Mme D... B..., à M. F... B... et au ministre de l'intérieur.

Délibéré après l'audience du 20 octobre 2020, à laquelle siégeaient :

- M. Couvert-Castéra, président de la cour,

- Mme Douet, président-assesseur,

- M. A...'hirondel, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 17 novembre 2020.

Le rapporteur,

M. G...Le président,

O. COUVERT-CASTÉRA

Le greffier,

A. BRISSET

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

6

N° 19NT04781


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 19NT04781
Date de la décision : 17/11/2020
Type d'affaire : Administrative

Analyses

335-005-01 Étrangers. Entrée en France. Visas.


Composition du Tribunal
Président : M. le Pdt. COUVERT-CASTERA
Rapporteur ?: M. Michel LHIRONDEL
Rapporteur public ?: M. GIRAUD
Avocat(s) : KATI

Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2020-11-17;19nt04781 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award