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12/11/2020 | FRANCE | N°19NT01362

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 6ème chambre, 12 novembre 2020, 19NT01362


Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

­ le code du travail ;

­ le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

­ le rapport de M. A...,

­ les conclusions de M. Lemoine, rapporteur public,

­ et les observations de Me B..., pour Mme G... et de Me F..., pour la société Résidalya Orléans.

Considérant ce qui suit :

1. Mme G..., employée depuis le 31 octobre 2012 en qualité d'aide-soignante au sein de la rés

idence médicalisée pour personnes âgées Résidalya Valois à Orléans, gérée par la société Résidalya Orléans, par ailleurs délégu...

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

­ le code du travail ;

­ le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

­ le rapport de M. A...,

­ les conclusions de M. Lemoine, rapporteur public,

­ et les observations de Me B..., pour Mme G... et de Me F..., pour la société Résidalya Orléans.

Considérant ce qui suit :

1. Mme G..., employée depuis le 31 octobre 2012 en qualité d'aide-soignante au sein de la résidence médicalisée pour personnes âgées Résidalya Valois à Orléans, gérée par la société Résidalya Orléans, par ailleurs déléguée du personnel, déléguée syndicale et conseillère du salarié, a été convoquée par lettre du 29 juin 2016 à un entretien préalable à son licenciement le 3 août 2016. Suite à cet entretien, le directeur de Résidalya Valois a demandé à l'inspecteur du travail territorialement compétent, par lettre du 8 août 2016, l'autorisation de licencier l'intéressée pour motif disciplinaire. Par une décision du 7 octobre 2016, l'inspecteur du travail a refusé cette demande d'autorisation. Le directeur de Résidalya Valois a formé un recours hiérarchique à l'encontre de cette décision. Par une décision du 5 avril 2017, la ministre chargée du travail a annulé la décision de l'inspecteur du travail et accordé l'autorisation de licencier Mme G.... Par sa requête, Mme G... relève appel du jugement du 7 février 2019 par lequel le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 5 avril 2017.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. Le moyen tiré de l'incompétence du signataire de la décision du 5 avril 2017 en cause est écarté par adoption des motifs retenus à bon droit par le tribunal.

En ce qui concerne la matérialité des griefs invoqués par l'employeur :

3. Les salariés légalement investis de fonctions représentatives bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des salariés qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle. Lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, ce licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé. Dans le cas où la demande de licenciement est motivée par un comportement fautif, il appartient à l'inspecteur du travail, et le cas échéant au ministre, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si les faits reprochés au salarié sont d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement, compte tenu de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé et des exigences propres à l'exécution normale du mandat dont il est investi.

4. Il est fait grief à Mme G... de manquements professionnels répétés constitués notamment par le non-respect des consignes ou des procédures depuis 2013, comme l'oubli de son téléphone portable professionnel, des retards récurrents, le non respect des protocoles et des instructions concernant ses fonctions d'aide soignante, la non-installation de barrières de protection au lit d'une patiente le 6 juin 2016 en méconnaissance des prescriptions médicales, ayant occasionné sa chute, ainsi qu'une omission de signalement, et l'interruption trop longue de l'oxygénothérapie d'une autre patiente lors de sa toilette le même jour.

5. En premier lieu, s'agissant des manquements professionnels répétés, il ressort des pièces du dossier qu'entre le 11 mai 2014 et le 4 mai 2016, Mme G... a fait l'objet de nombreuses fiches de signalement émanant d'infirmières concernant, notamment, des faits relatifs à l'oubli de son téléphone portable professionnel ou sa non-utilisation, des retards de prise de poste et l'absence d'exécution des instructions et des procédures de soins sans justifications valables. Si les faits relatés par les collègues de Mme G... sont contestés par cette dernière, les quelques attestations et témoignages qu'elle produit se bornent à relever le comportement général de Mme G..., lié essentiellement aux fonctions représentatives de l'intéressée, sans remettre en cause les manquements précis relevés à l'appui des attestations à charge. Les allégations de la requérante selon lesquelles lesdites fiches de signalements et les attestations produites par l'établissement auraient été rédigées par des supérieurs hiérarchiques ayant un intérêt à son licenciement ou empreintes de subjectivité ne reposent sur aucun élément. Dans ces conditions, les manquements professionnels répétés de Mme G... dans l'exercice de ses fonctions doivent être regardés comme établis et sont constitutifs de fautes.

6. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier, notamment des différents témoignages produits par l'établissement, d'un compte-rendu de réunion du 6 juin 2016 avec le médecin coordonnateur et le directeur et de l'attestation du docteur Landowski, médecin coordinateur, en date du 13 septembre 2016, que, le 6 juin 2016, Mme G..., en poste dans la matinée, n'a pas placé, contrairement aux prescriptions expresses du médecin coordonnateur, les deux barrières permettant de sécuriser l'installation au lit d'une patiente qui présentait un risque de chute aggravé. Cette patiente a, par la suite, été retrouvée au sol à 9h10 par l'infirmière de service. Mme G... n'a fait aucun signalement de cet incident avant la passation de service aux équipes de l'après-midi. Si la requérante conteste les faits reprochés, arguant que la patiente concernée serait atteinte de la maladie d'Alzheimer et aurait elle-même retiré ses barrières de protection, les différents éléments produits ne sont pas de nature à remettre en cause les nombreux témoignages concordants, reposant pour certains sur les propres déclarations de l'intéressée, attestant de l'omission reprochée. Dans ces conditions, le manquement relatif à la non-installation de barrières de protection au lit d'une patiente le 6 juin 2016 en méconnaissance des prescriptions médicales occasionnant sa chute doit être regardé comme établi et est constitutif d'une faute.

7. En dernier lieu, il ressort des témoignages convergents produits par l'employeur, notamment du témoignage circonstancié d'une élève stagiaire en dernière année de formation à l'Institut de Formation en Soins Infirmiers, dont Mme G... était la tutrice, ainsi que de l'attestation de Mme E... en date du 13 septembre 2016, que la requérante a interrompu trop longuement l'oxygénothérapie d'une résidente le 6 juin 2016, en procédant à sa toilette et aux soins du matin, et ce, malgré l'état de cyanose de la patiente et alors que le médecin avait prescrit un traitement en mode continu. Si Mme G... produit une attestation établie le 24 juin 2016 de Mme C..., agent hospitalier, qui atteste avoir changé de secteur et d'étage pour réaliser elle-même la toilette de la résidente concernée, l'établissement fait valoir sans être contredit que Mme C... n'a pas signé le suivi des soins de la patiente concernée le 6 juin 2016 et qu'un autre agent hospitalier travaillant dans le secteur de la résidente a attesté avoir assisté Mme G... lors de la toilette de la résidente concernée. Dans ces conditions, le manquement relatif à l'interruption trop longue de l'oxygénothérapie d'une patiente lors de sa toilette le 6 juin 2016 doit être regardé comme établi et est constitutif d'une faute.

En ce qui concerne la prescription des faits reprochés :

8. Aux termes de l'article L. 1332-4 du code du travail : " Aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l'exercice de poursuites pénales. ". Il résulte de ces dispositions que lorsque les faits reprochés caractérisent un comportement fautif continu du salarié, le point de départ du délai de deux mois est alors la date du dernier manquement constaté par l'employeur.

9. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier qu'entre avril et décembre 2013, le comportement de Mme G... avait déjà fait l'objet de plusieurs fiches de signalement de la part des infirmières pour divers manquements à ses obligations professionnelles : oubli de son téléphone portable professionnel, retards de prise de poste, non respect des protocoles de soins et instructions données. Le 19 décembre 2013, l'employeur a adressé à l'intéressée une lettre d'observations pour n'avoir pas réalisé la pesée mensuelle des résidents qui lui sont confiés, comme le prévoit le protocole de soins. Par cet avertissement, qui vaut sanction disciplinaire, l'employeur a épuisé son pouvoir disciplinaire pour tout fait connu de lui antérieur à cette sanction. Par suite, cette sanction ne saurait fonder à elle seule une nouvelle procédure disciplinaire au titre de ces faits. Toutefois, il résulte de ce qui a été dit précédemment qu'entre le 11 mai 2014 et le 4 mai 2016, Mme G... a fait l'objet de plusieurs autres fiches de signalement émanant d'infirmières et relatant des faits similaires. Dans ces conditions, le dernier manquement de l'intéressée quant au non-respect des consignes ou des procédures se sécurité remonte au 4 mai 2016 et n'était en conséquence pas prescrit à la date d'envoi de la convocation à l'entretien préalable, soit le 29 juin 2016. Par suite, le moyen tiré de la prescription des faits concernant le non-respect des consignes ou des procédures de sécurité doit être écarté.

En ce qui concerne le lien avec les fonctions représentatives :

10. Il ne ressort pas des pièces du dossier que le licenciement en cause soit en rapport avec les fonctions représentatives de Mme G.... Les seules circonstances qu'avant l'arrivée de l'intéressée au sein de l'établissement, ce dernier n'était pas doté de section syndicale ou que Mme G... n'ait jamais fait l'objet d'avertissement ou de sanctions disciplinaires en raison d'un comportement inadapté avant son premier mandat, ne sont pas de nature à établir un lien entre le licenciement et les mandats de l'intéressée. De même, les attestations imprécises et non circonstanciées produites par la requérante ne permettent pas d'établir le lien de causalité allégué.

En ce qui concerne la gravité des faits :

11. Eu égard à la gravité des faits reprochés à Mme G..., chargée de prodiguer des soins à des personnes vulnérables, et à leur répétition, ces faits ayant déjà donné lieu à une sanction disciplinaire le 19 décembre 2013, c'est à bon droit que le tribunal a jugé que la ministre du travail n'avait pas commis d'erreur d'appréciation en estimant que l'intéressée avait commis une faute d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement. Au demeurant, l'employeur peut tenir compte de faits déjà sanctionnés pour apprécier si l'ensemble des faits reprochés au salarié constituent une faute d'une gravité suffisante pour justifier un licenciement.

12. Il résulte de ce qui précède que Mme G... n'est pas fondée à demander l'annulation du jugement du 7 février 2019 par lequel le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande.

Sur les frais liés au litige :

13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la société Résidalya Orléans, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que Mme G... demande au titre des frais liés au litige. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme G... la somme réclamée par la société Résidalya Orléans au titre des mêmes frais.

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme G... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de la société Résidalya Orléans tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... G..., à la société Résidalya Orléans et à la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion.

Copie en sera adressée à la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi Centre-Val de Loire.

Délibéré après l'audience du 23 octobre 2020, à laquelle siégeaient :

- M. Gaspon, président,

- M. Coiffet, président assesseur,

- M. A..., premier conseiller,

Lu en audience publique, le 12 novembre 2020.

Le rapporteur,

F. A...Le président,

O. GASPON

La greffière,

E. HAUBOIS

La République mande et ordonne à la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N°19NT01362


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 19NT01362
Date de la décision : 12/11/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. GASPON
Rapporteur ?: M. François PONS
Rapporteur public ?: M. LEMOINE
Avocat(s) : SCP LE METAYER ET ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2020-11-12;19nt01362 ?
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