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10/11/2020 | FRANCE | N°19NT03627

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 5ème chambre, 10 novembre 2020, 19NT03627


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... H..., Mme E... Q..., M. N... et Mme C... O..., Mme F... J..., M. I... L... et M. P... R... ont demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler, d'une part, l'arrêté du 3 février 2018 par lequel le maire de Noyal-sous-Bazouges a accordé à la commune, au nom de l'Etat, un permis d'aménager, pour la réalisation d'un lotissement, de cinq lots maximum, sur un terrain cadastré à la section C n° 16, situé Le Bourg, d'autre part, l'arrêté du 26 avril 2018 par lequel le maire a accordé à la com

mune, au nom de l'Etat, un permis d'aménager modificatif pour la réalisation d...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... H..., Mme E... Q..., M. N... et Mme C... O..., Mme F... J..., M. I... L... et M. P... R... ont demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler, d'une part, l'arrêté du 3 février 2018 par lequel le maire de Noyal-sous-Bazouges a accordé à la commune, au nom de l'Etat, un permis d'aménager, pour la réalisation d'un lotissement, de cinq lots maximum, sur un terrain cadastré à la section C n° 16, situé Le Bourg, d'autre part, l'arrêté du 26 avril 2018 par lequel le maire a accordé à la commune, au nom de l'Etat, un permis d'aménager modificatif pour la réalisation du même lotissement.

Par un jugement n° 1801542, 1803146, du 11 juillet 2019, le tribunal administratif de Rennes a fait droit à leurs demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 9 septembre 2019 et le 19 février 2020, la commune de Noyal-sous-Bazouges, représentée par Me Lahalle, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n°s 1801542, 1803146 du 11 juillet 2019 du tribunal administratif de Rennes ;

2°) de rejeter les demandes de M. B... H..., Mme E... Q..., M. N... et Mme C... O..., Mme F... J..., M. I... L... et M. P... R... ;

3°) de mettre à la charge solidaire de M. B... H..., Mme E... Q..., M. N... et Mme C... O..., Mme F... J..., M. I... L... et M. P... R..., la somme de 3 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'article L.111-3 du code de l'urbanisme, qui interdit toute construction dans un secteur éloigné des parties urbanisées du territoire communal, admet toutefois l'implantation de constructions à la frange de telles parties ; le projet de la commune jouxte au sud et à l'ouest le centre bourg urbanisé dont il n'est pas séparé, et au nord, une voie publique ; le projet s'insère au sein d'une partie urbanisée de la commune ;

- en tout état de cause, la commune détient un intérêt à délivrer cette autorisation d'urbanisme, au sens du 4° de l'article L. 111-4 du code de l'urbanisme ; cet intérêt est caractérisé par l'objectif d'éviter une diminution de la population communale ;

- les autres moyens soulevés par les requérants de première instance ne sont pas fondés.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 10 janvier et 2 mars 2020, Mme E... Q..., M. N... et Mme C... O..., Mme F... J..., M. I... L... et M. P... R..., représentés par Me Troude, concluent au rejet de la requête, et à ce que soit mis à la charge de la commune de Noyal-sous-Bazouges une somme 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils font valoir qu'aucun des moyens soulevés par la requérante n'est fondé.

Par une lettre enregistrée le 29 janvier 2020, Mme E... Q... a été désignée par son mandataire, Me Troude, en qualité de représentant unique, destinataire de la notification de la décision à venir.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Frank,

- les conclusions de M. Mas, rapporteur public,

- et les observations de Me Colas, représentant la commune de Noyal-sous-Bazouges, et de Me Troude, représentant Mme Q..., M. et Mme O..., Mme J..., M. L... et M. R....

Considérant ce qui suit :

1. Par arrêté du 3 février 2018, le maire de Noyal-sous-Bazouges a accordé à la commune, au nom de l'Etat, un permis d'aménager n° PA 035 205 17 E0002, pour la réalisation du lotissement " Le Champ du Four " composé de cinq lots maximum, sur un terrain cadastré à la section C n° 16. Par arrêté du 26 avril 2018, il a délivré à la commune un permis d'aménager modificatif n° PA 035 205 17 E0002 M01. Par deux requêtes, M. B... H..., Mme E... Q..., M. N... et Mme C... O..., Mme F... J..., M. I... L... et M. P... R... ont demandé au tribunal administratif de Rennes l'annulation de ces deux arrêtés. Par un jugement du 11 juillet 2019, le tribunal a fait droit à cette demande. La commune de Noyal-sous-Bazouges relève appel de ce jugement.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article L. 111-3 du code de l'urbanisme : " En l'absence de plan local d'urbanisme, de tout document d'urbanisme en tenant lieu ou de carte communale, les constructions ne peuvent être autorisées que dans les parties urbanisées de la commune ". Aux termes de l'article L. 111-4 du même code : " Peuvent toutefois être autorisés en dehors des parties urbanisées de la commune : (...) 4° Les constructions ou installations, sur délibération motivée du conseil municipal, si celui-ci considère que l'intérêt de la commune, en particulier pour éviter une diminution de la population communale, le justifie, dès lors qu'elles ne portent pas atteinte à la sauvegarde des espaces naturels et des paysages, à la salubrité et à la sécurité publiques, qu'elles n'entraînent pas un surcroît important de dépenses publiques et que le projet n'est pas contraire aux objectifs visés à l'article L. 101-2 et aux dispositions des chapitres I et II du titre II du livre Ier ou aux directives territoriales d'aménagement précisant leurs modalités d'application ".

3. Ces dispositions interdisent en principe, en l'absence de plan local d'urbanisme ou de carte communale opposable aux tiers ou de tout document d'urbanisme en tenant lieu, les constructions implantées " en dehors des parties actuellement urbanisées de la commune ", c'est-à-dire des parties du territoire communal qui comportent déjà un nombre et une densité significatifs de constructions. Il s'ensuit que les constructions ne peuvent être autorisées en dehors de ces parties, sauf dans le cas où elles relèvent des exceptions expressément et limitativement prévues par l'article L. 111-4. A cet égard, lorsque la commune se fonde, pour estimer, par délibération motivée du conseil municipal, qu'un intérêt communal justifie l'octroi d'un permis de construire, en application des dispositions du 4° de l'article L. 111-4, sur la nécessité d'éviter une diminution de sa population, il appartient au juge de vérifier, au vu de l'ensemble des données démographiques produites, que l'existence d'une perspective de diminution de cette population est établie.

4. D'une part, il est constant que la commune de Noyal-sous-Bazouges n'est pas couverte par un document d'urbanisme. Il ressort des pièces des dossiers que le terrain d'assiette du projet est inséré dans un secteur situé au nord-est du bourg communal, délimité à l'ouest par la rue Maréchal Ferrant, au sud et à l'ouest par la route départementale 87 et au nord par le chemin la Heurtauderie. Cette partie ne supporte qu'une quinzaine de constructions formant un front bâti continu et filamentaire le long d'une section de la rue du Maréchal Ferrant et de la route départementale 87. Le projet en litige ne suit pas ce front bâti, en ce qu'il est situé en deuxième ligne à l'est, derrière les jardins des constructions implantées au droit de la route départementale 87. Par ailleurs, quatre des cinq maisons projetées doivent s'implanter à l'arrière de la première maison située sur le front de cette rue. Egalement, le terrain d'assiette du projet, non bâti et servant de pâturage, s'ouvre à l'est et au sud sur des terrains boisés ou agricoles. Dans ces conditions, ce terrain ne peut être regardé comme s'inscrivant au sein d'un périmètre accueillant des constructions en nombre et densité significatifs. Il ne peut, par suite, et en dépit de ce qu'il serait desservi par les réseaux de distribution d'eau potable et d'électricité, être regardé comme inséré dans le périmètre des parties actuellement urbanisées de la commune. Par suite, l'extension de l'urbanisation prévue par le projet litigieux ne pouvait être légalement autorisée que sous réserve de respecter l'une des exceptions expressément et limitativement prévues par les dispositions de l'article L. 111-4 du code de l'urbanisme précité, ainsi que l'avait au demeurant opposé le préfet d'Ille-et-Vilaine dans son arrêté du 14 septembre 2017 refusant de délivrer le permis d'aménager.

5. D'autre part, il ressort des pièces du dossier que, par une délibération motivée du 18 décembre 2017, le conseil municipal de Noyal-sous-Bazouges a émis un avis favorable au projet litigieux, situé en dehors des parties urbanisées de la commune, au motif, notamment, que celui-ci s'inscrit dans l'intérêt de la commune, en particulier pour éviter une diminution de la population communale. Il ressort à cet égard des pièces du dossier, notamment des données démographiques de l'INSEE jointes à la notice de présentation du dossier de permis d'aménager, que la commune de Noyal-sous-Bazouges a vu sa population augmenter de manière continue entre 2009 et 2014, de 371 à 392 habitants. Les mêmes données démographiques retiennent une population de 391 habitants en 2015, de 388 en 2016, de 385 en 2017 et de 381 habitants en 2018. Si ces résultats, dont le dernier est au demeurant postérieur à la délibération de la commune du 18 décembre 2017, font état d'une diminution de onze personnes depuis 2014, ils ne peuvent toutefois être regardés comme caractérisant une baisse significative et durable de la population communale. En tout état de cause, ces résultats des recensements de la population se fondent partiellement sur de simples projections concernant au moins 14 personnes. A l'inverse, il ressort des pièces du dossier que la commune a elle-même publié, au sein du journal municipal, des chiffres indiquant qu'au 1er janvier 2016 la population était de 392 habitants, au 1er janvier 2017 de 399 habitants et au 1er janvier 2018 de 398 habitants. Par suite, à la date à laquelle le conseil municipal s'est prononcé sur l'intérêt communal de l'opération du lotissement du " Champ du Four ", caractérisé par le seul motif démographique, ainsi en tout état de cause qu'à la date des arrêtés attaqués, la perspective de diminution de la population communale n'était pas établie.

6. Il résulte de ce qui précède que la commune de Noyal-sous-Bazouges n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a annulé, à la demande de M. B... H..., Mme E... Q..., M. N... et Mme C... O..., Mme F... J..., M. I... L... et M. P... R..., les arrêtés des 3 février 2018 et 26 avril 2018 par lesquels le maire de Noyal-sous-Bazouges, lui a accordé, au nom de l'Etat, un permis d'aménager et un permis d'aménager modificatif.

Sur les frais liés au litige :

7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de M. B... H..., Mme E... Q..., M. N... et Mme C... O..., Mme F... J..., M. I... L... et M. P... R..., qui ne sont pas, dans la présente instance, les parties perdantes, le versement à la commune de Noyal-sous-Bazouges d'une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

8. En revanche, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la commune de Noyal-sous-Bazouges, le versement à Mme E... Q..., M. N... O..., Mme C... O..., Mme F... J..., M. I... L... et M. P... R... d'une somme de 200 euros chacun au titre des mêmes frais.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de de la commune de Noyal-sous-Bazauges est rejetée.

Article 2 : La commune de Noyal-sous-Bazauges versera à Mme E... Q..., M. N... O..., Mme C... O..., Mme F... J..., M. I... L... et M. P... R... une somme de 200 euros chacun au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Noyal-sous-Bazauges et à Mme E... Q..., désignée comme représentante unique.

Copie en sera adressée au ministre de la cohésion des territoires et au préfet d'Ille-et-Vilaine.

Délibéré après l'audience du 16 octobre 2020, à laquelle siégeaient :

- M. Célérier, président de chambre,

- Mme Buffet, présidente-assesseur,

- M. Frank, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 10 novembre 2020.

Le rapporteur,

A. FrankLe président,

T. CELERIER

Le greffier,

C. GOY

La République mande et ordonne au préfet d'Ille-et-Vilaine, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 19NT03627


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 19NT03627
Date de la décision : 10/11/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. CELERIER
Rapporteur ?: M. Alexis FRANCK
Rapporteur public ?: M. MAS
Avocat(s) : CABINET TROUDE

Origine de la décision
Date de l'import : 24/11/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2020-11-10;19nt03627 ?
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