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06/11/2020 | FRANCE | N°19NT01091

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 3ème chambre, 06 novembre 2020, 19NT01091


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... D... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler la décision implicite par laquelle le directeur du centre hospitalier de Saint-Malo a refusé de lui accorder la protection fonctionnelle et de réparer le préjudice qu'il estime avoir subi en raison du harcèlement moral dont il a fait l'objet.

Par un jugement n° 1700347 du 31 décembre 2018, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires enregistr

s les 18 mars 2019, 12 février 2020 et

1er septembre 2020 (ce dernier n'ayant pas été comm...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... D... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler la décision implicite par laquelle le directeur du centre hospitalier de Saint-Malo a refusé de lui accorder la protection fonctionnelle et de réparer le préjudice qu'il estime avoir subi en raison du harcèlement moral dont il a fait l'objet.

Par un jugement n° 1700347 du 31 décembre 2018, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires enregistrés les 18 mars 2019, 12 février 2020 et

1er septembre 2020 (ce dernier n'ayant pas été communiqué) M. D..., représenté par

Me A..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Rennes du 31 décembre 2018 ;

2°) d'annuler la décision implicite litigieuse du directeur du centre hospitalier de

Saint-Malo ;

3°) d'enjoindre au directeur du centre hospitalier de Saint-Malo de lui accorder la protection fonctionnelle ;

4°) de condamner le centre hospitalier de Saint-Malo à lui verser les sommes de 20 000 euros en réparation de son préjudice moral et de 26 970,97 euros au titre de son préjudice professionnel ;

5°) de mettre à la charge du centre hospitalier de Saint-Malo la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- les premiers juges n'ont pas répondu à l'ensemble des moyens dont ils étaient saisis ;

- le jugement attaqué est insuffisamment motivé ;

- c'est à tort que le tribunal administratif de Rennes n'a pas retenu la réalité du harcèlement moral dont il a fait l'objet.

Par des mémoires en défense enregistrés les 11 février et 31 juillet 2020 le centre hospitalier de Saint-Malo, représenté par Me F..., conclut au rejet de la requête et demande à la cour de mettre à la charge de M. D... la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- les conclusions aux fins d'annulation présentées par M. D... devant le tribunal administratif de Rennes étaient tardives et donc irrecevables ; les conclusions aux fins d'injonction, présentées à titre principal, sont également irrecevables ;

- les moyens soulevés par M. D... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- la loi n°83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. B...,

- les conclusions de M. Gauthier, rapporteur public,

- et les observations de Me C..., représentant le centre hospitalier de Saint-Malo.

Considérant ce qui suit :

1. M. D..., praticien hospitalier titulaire, spécialisé en hygiène hospitalière, a occupé à partir de 2004 les fonctions de responsable du département d'information médicale (DIM) du centre hospitalier de Saint-Malo, poste sur lequel il a été officiellement nommé à compter du 5 septembre 2011. Il a été placé en congé pour longue maladie du 28 juin 2012 au

28 juin 2013 puis affecté, à son retour, sur le poste de chef du service d'hygiène hospitalière. Par un courrier du 18 décembre 2014, M. D..., estimant avoir été victime de harcèlement moral, a demandé le bénéfice de la protection fonctionnelle à son employeur. Une décision implicite de rejet est née du silence gardé par celui-ci. M. D... a réitéré sa demande par des courriers adressés les 1er mars et 30 septembre 2016, ce dernier étant en outre assorti d'une demande indemnitaire. En l'absence de réponse du centre hospitalier de Saint-Malo,

M. D... a saisi le tribunal administratif de Rennes d'un recours tendant à l'annulation de la décision implicite lui refusant la protection fonctionnelle et à la condamnation du centre hospitalier à réparer ses préjudices. Par un jugement du 31 décembre 2018, le tribunal a rejeté ce recours. M. D... relève appel de ce jugement.

Sur les conclusions aux fins d'annulation de la décision implicite du centre hospitalier de Saint-Malo refusant à M. D... le bénéfice de la protection fonctionnelle :

2. Lorsqu'un agent public est mis en cause par un tiers à raison de ses fonctions, il incombe à la collectivité publique dont il dépend de le couvrir des condamnations civiles prononcées contre lui, dans la mesure où une faute personnelle détachable du service ne lui est pas imputable, de lui accorder sa protection dans le cas où il fait l'objet de poursuites pénales, sauf s'il a commis une faute personnelle, et, à moins qu'un motif d'intérêt général ne s'y oppose, de le protéger contre les menaces, violences, voies de fait, injures, diffamations ou outrages dont il est l'objet.

3. Si la protection résultant du principe rappelé au point précédent n'est pas applicable aux différends susceptibles de survenir, dans le cadre du service, entre un agent public et l'un de ses supérieurs hiérarchiques, il en va différemment lorsque les actes du supérieur hiérarchique sont, par leur nature ou leur gravité, insusceptibles de se rattacher à l'exercice normal du pouvoir hiérarchique.

4. Aux termes de l'article 11 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires: " I.- A raison de ses fonctions et indépendamment des règles fixées par le code pénal et par les lois spéciales, le fonctionnaire ou, le cas échéant, l'ancien fonctionnaire bénéficie, dans les conditions prévues au présent article, d'une protection organisée par la collectivité publique qui l'emploie à la date des faits en cause ou des faits ayant été imputés de façon diffamatoire. (...) IV.- La collectivité publique est tenue de protéger le fonctionnaire contre les atteintes volontaires à l'intégrité de la personne, les violences, les agissements constitutifs de harcèlement, les menaces, les injures, les diffamations ou les outrages dont il pourrait être victime sans qu'une faute personnelle puisse lui être imputée. Elle est tenue de réparer, le cas échéant, le préjudice qui en est résulté. (...) ". Aux termes de l'article 6 quinquies de la même loi : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. (...) ".

5. Il appartient à un agent public qui soutient avoir été victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence d'un tel harcèlement. Il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile. Pour apprécier si des agissements dont il est allégué qu'ils sont constitutifs d'un harcèlement moral revêtent un tel caractère, le juge administratif doit tenir compte des comportements respectifs de l'agent auquel il est reproché d'avoir exercé de tels agissements et de l'agent qui estime avoir été victime d'un harcèlement moral.

6. Il ressort des pièces du dossier qu'en 2012 M. D..., alors qu'il était responsable du DIM, s'est fermement opposé à la décision du directeur du centre hospitalier de Saint-Malo de faire intervenir une société privée au sein de son service pour optimiser le codage des actes médicaux et a été placé, à la suite de cet épisode, en congé pour longue maladie. M. D... soutient avoir été victime de la part de son employeur d'un harcèlement moral, qui se serait en particulier traduit par le refus de celui-ci de le réaffecter sur le poste de responsable du DIM après son congé pour longue maladie. Il établit ainsi l'existence d'une suspicion de harcèlement.

7. Il ressort toutefois des pièces produites par le centre hospitalier de Saint-Malo qu'une affectation sur le poste de responsable du DIM, devenu en 2013 un service communautaire après la constitution d'un groupement de coopération sanitaire entre les centres hospitaliers de

Saint-Malo et de Dinan, aurait été contraire aux recommandations émises par le directeur général de l'ARS dans un courrier du 17 juin 2013 mentionnant qu'une reprise d'activité devait être envisagée " dans une nouvelle affectation qui ne puisse s'avérer pathogène pour l'intéressé ni générer de tensions ", afin de tenir compte du conflit qui opposait M. D... à une partie de ses confrères en raison des vives critiques qu'il avait émises, parfois publiquement, à l'encontre du fonctionnement de ce service. Le centre hospitalier de Saint-Malo établit également avoir organisé plusieurs réunions en présence de M. D... entre le 27 juin 2013 et le 28 janvier 2015 pour tenter de trouver une solution à sa situation, lui avoir fait plusieurs propositions d'affectation, y compris sur un poste de responsable de DIM à temps partiel, qu'il a toutes refusées, alors même qu'elles étaient accompagnées d'un engagement écrit de prise en charge du coût complet des formations qui se révéleraient, le cas échéant, nécessaires pour lui permettre de s'adapter à un nouveau poste. Il est également établi par le centre hospitalier de Saint-Malo que M. D..., pendant la période durant laquelle il estime avoir été victime de harcèlement moral, a bénéficié d'un avancement de carrière normal. Enfin, le comportement de M. D..., en particulier l'expression publique de critiques sévères du fonctionnement de son ancien service et la mise en cause de la déontologie de certains de ses collègues, qui lui ont d'ailleurs valu, le 10 avril 2015, un avertissement de la chambre disciplinaire de première instance de l'ordre des médecins du Centre-Val de Loire pour manquement à son devoir de confraternité, et son obstination déraisonnable à vouloir redevenir responsable du DIM de

Saint-Malo en dépit d'un contexte défavorable, expliquent pour l'essentiel ses difficultés. Dans ces circonstances, les faits de harcèlement moral dont M. D... prétend avoir été victime ne sont pas établis.

8. Il découle de ce qui a été dit au point 7 que les actes du supérieur hiérarchique de M. D... ne sont pas en l'espèce insusceptibles de se rattacher à l'exercice normal du pouvoir hiérarchique. Par suite, la demande de l'intéressé tendant au bénéfice de la protection fonctionnelle était irrecevable. C'est, par voie de conséquence, à bon droit que le directeur du centre hospitalier de Saint-Malo n'y a pas donné suite.

Sur les conclusions indemnitaires présentées par M. D... :

9. Il résulte de ce qui a été dit au point 5 que le centre hospitalier de Saint-Malo n'a commis aucune faute de nature à engager sa responsabilité à l'égard de M. D.... Les conclusions indemnitaires présentées par celui-ci doivent donc être rejetées.

10. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité de la demande présentée par M. D... devant les premiers juges, que celui-ci n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, qui est suffisamment motivé et a répondu à tous les moyens soulevés, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

Sur les conclusions à fin d'injonction présentées par M. D... :

11. Le présent arrêt n'implique aucune mesure d'exécution. Les conclusions présentées en ce sens par M. D... doivent donc être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que le centre hospitalier de Saint-Malo, qui n'est pas la partie perdante à l'instance, verse à M. D... la somme qu'il demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. D... la somme de 800 euros au même titre.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. D... est rejetée.

Article 2 : M. D... versera au centre hospitalier de Saint-Malo la somme de 800 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... D... et au centre hospitalier de Saint-Malo.

Délibéré après l'audience du 15 octobre 2020, à laquelle siégeaient :

- Mme Perrot, président de chambre,

- Mme Brisson, président-assesseur,

- M. B..., premier conseiller.

Lu en audience publique, le 6 novembre 2020.

Le rapporteur

E. B...Le président

I. Perrot

Le greffier

R. Mageau

La République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 19NT01091


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 19NT01091
Date de la décision : 06/11/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme PERROT
Rapporteur ?: M. Eric BERTHON
Rapporteur public ?: M. GAUTHIER
Avocat(s) : MAZZA

Origine de la décision
Date de l'import : 17/11/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2020-11-06;19nt01091 ?
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