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06/11/2020 | FRANCE | N°19NT00906

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 3ème chambre, 06 novembre 2020, 19NT00906


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler la décision du 4 janvier 2018 par laquelle le directeur général du centre hospitalier universitaire (CHU) de Caen a prononcé son licenciement pour inaptitude physique.

Par un jugement n°1800225 du 31 décembre 2018, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 4 mars 2019 et 17 février 2020 Mme C..., représentée par Me A..., demande à l

a cour :

1°) d'annuler ce jugement du 31 décembre 2018 ;

2°) d'annuler la décision du directeu...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler la décision du 4 janvier 2018 par laquelle le directeur général du centre hospitalier universitaire (CHU) de Caen a prononcé son licenciement pour inaptitude physique.

Par un jugement n°1800225 du 31 décembre 2018, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 4 mars 2019 et 17 février 2020 Mme C..., représentée par Me A..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 31 décembre 2018 ;

2°) d'annuler la décision du directeur général du CHU de Caen du 4 janvier 2018 ;

3°) d'enjoindre au CHU de Caen de la réintégrer dans ses effectifs et de procéder à sa titularisation avec reconstitution de sa carrière ou, à titre subsidiaire, de procéder à un réexamen de sa situation, dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 75 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge du CHU de Caen la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- sa requête n'est pas tardive ;

- la décision prise à son encontre méconnaît les dispositions de l'article 31 du décret du 12 mai 1997 relatif aux agents stagiaires de la fonction publique hospitalière et de l'article 41 de la loi du 9 janvier 1986 ; son inaptitude définitive à exercer ses fonctions aurait dû préalablement être reconnue par la commission de réforme ; l'absence de saisine de la commission de réforme l'a privée d'une garantie ;

- le tribunal administratif s'est mépris en requalifiant la décision contestée en décision de non titularisation et a commis une erreur d'appréciation et une erreur de fait ;

- elle méconnaît les dispositions des articles 7 et 11 du 19 avril 1988 ; la teneur du certificat médical établi par un médecin agréé qu'elle a produit en vue de sa titularisation ne pouvait valablement être remise en cause qu'après un avis du comité médical, que le CHU de Caen s'est abstenu de recueillir ;

- son inaptitude physique à exercer les fonctions d'agent des services hospitaliers n'est pas démontrée ; plusieurs médecins se sont prononcés en faveur de son aptitude à exercer ces fonctions.

Par des mémoires en défense enregistrés les 17 décembre 2019 et 27 février 2020 le CHU de Caen, représenté par Me D..., conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 1 800 euros soit mise à la charge de Mme C... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir que :

- la requête est irrecevable car tardive ;

- les moyens d'annulation soulevés par Mme C... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n°83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n°86-33 du 9 janvier 1986 ;

- le décret n°88-386 du 19 avril 1988 ;

- le décret n°97-487 du 12 mai 1997 ;

- le décret n° 2007-1188 du 3 août 2007 ;

- le décret n°2016-636 du 19 mai 2016 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme F...,

- les conclusions de M. Gauthier, rapporteur public,

- et les observations de Me E..., substituant Me D..., représentant le CHU de Caen.

Considérant ce qui suit :

1. Après avoir été recrutée par le centre hospitalier universitaire (CHU) de Caen en tant qu'agent des services hospitaliers contractuel en 2013, Mme C... a été nommée stagiaire dans cet emploi à compter du 1er décembre 2015. Par une décision du 4 janvier 2018, le directeur du CHU l'a licenciée pour inaptitude physique. Mme C... a contesté la légalité de cette décision devant le tribunal administratif de Caen. Elle relève appel du jugement du 31 décembre 2018 par lequel ce tribunal administratif a rejeté sa demande.

Sur la légalité de la décision du 4 janvier 2018 :

2. En premier lieu, aux termes de l'article 5 de la loi 13 juillet 1983 : " Sous réserve des dispositions de l'article 5 bis, nul ne peut avoir la qualité de fonctionnaire : (...) 5° S'il ne remplit pas les conditions d'aptitude physique exigées pour l'exercice de la fonction (...) ". Aux termes de l'article 37 de la loi du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière : " La titularisation des agents nommés dans les conditions prévues à l'article 29, aux a et c de l'article 32 et à l'article 35 est prononcée à l'issue d'un stage dont la durée est fixée par les statuts particuliers ". Aux termes de l'article 21 de la même loi : " Les commissions administratives paritaires sont consultées sur les projets de titularisation et de refus de titularisation ".

3. Aux termes de l'article 10 du décret du 3 août 2007 portant statut particulier du corps des aides-soignants et des agents des services hospitaliers qualifiés de la fonction publique hospitalière : " Les agents des services hospitaliers qualifiés sont recrutés pour pourvoir les emplois vacants au titre d'une année après inscription sur une liste dans chaque établissement par l'autorité investie du pouvoir de nomination. / Leur recrutement est organisé sans concours selon les modalités prévues aux articles 4-2 à 4-5 du décret du 19 mai 2016 précité. / L'affectation, le stage et la titularisation des candidats admis sont régis par les dispositions du chapitre 1 bis du même décret ".

4. Enfin aux termes de l'article 4-5 du décret du 19 mai 2016 relatif à l'organisation des carrières des fonctionnaires de catégorie C de la fonction publique hospitalière : " Les agents recrutés sans concours sont, pour ce qui concerne les conditions d'aptitude, de nomination, de stage, de titularisation et de classement, soumis aux dispositions du décret n° 97-487 du 12 mai 1997 fixant les dispositions communes applicables aux agents stagiaires de la fonction publique hospitalière et à celles du présent décret ". Aux termes de l'article 33 du décret du 12 mai 1997 fixant les dispositions communes applicables aux agents stagiaires de la fonction publique hospitalière : " Quand, du fait des congés de toute nature autres que le congé annuel, le stage a été interrompu pendant au moins trois ans, l'agent stagiaire doit, à l'issue du dernier congé, recommencer la totalité du stage prévu par le statut particulier du corps dans lequel il a vocation à être titularisé. / Si l'interruption a duré moins de trois ans, l'intéressé ne peut être titularisé, après avis de la commission administrative paritaire compétente, avant d'avoir accompli la période complémentaire de stage qui est nécessaire pour atteindre la durée normale du stage ".

5. Il résulte de la combinaison de ces dispositions que la titularisation d'un stagiaire aide-soignant de la fonction publique hospitalière est subordonnée à son aptitude physique à exercer ses fonctions et ne peut intervenir qu'après accomplissement de la durée réglementaire d'un an du stage probatoire et la consultation de la commission administrative paritaire locale.

6. Il ressort des pièces du dossier que Mme C..., recrutée en qualité de stagiaire au 1er décembre 2015 et placée en congé de maladie à plusieurs reprises après cette date n'avait, à la date de la décision contestée, ni épuisé ses droits à congés avec traitement ni été placée en position de congés sans traitement. Il n'est pas contesté qu'elle avait, à cette même date, accompli l'entièreté de l'année de stage. Si le directeur du CHU de Caen a décidé, le 4 janvier 2018, de licencier Mme C... pour inaptitude physique, cette décision, prise dans les conditions rappelés ci-dessus et après que la commission administrative paritaire locale eut, dans un avis du 18 décembre 2017, donné un avis favorable à sa non titularisation, doit être regardée non comme un licenciement en cours ou fin de stage mais comme une décision de non-titularisation d'un agent stagiaire, le licenciement découlant de la décision de non-titularisation. Il suit de là que le moyen tiré par Mme C... de ce que le centre hospitalier ne pouvait procéder à son licenciement dès lors qu'elle n'avait pas épuisé ses droits à congés et que la commission de réforme n'avait pas été saisie de son dossier sur le fondement du 2° de l'article 31 du décret du 12 mai 1997 relatif aux modalités de licenciement d'un stagiaire qui a épuisé ses droits à congés, ne peut qu'être écarté.

7. En deuxième lieu, aux termes de l'article 7 du décret du 19 avril 1988 relatif aux conditions d'aptitude physique et aux congés de maladie des agents de la fonction publique hospitalière : " Les comités médicaux sont chargés de donner un avis à l'autorité compétente sur les contestations d'ordre médical qui peuvent s'élever à propos de l'admission des candidats aux emplois de la fonction publique hospitalière, de l'octroi et du renouvellement des congés de maladie et de la réintégration à l'issue de ces congés. / Ils sont consultés obligatoirement en ce qui concerne : / 1. La prolongation des congés de maladie au-delà de six mois consécutifs ; / 2. L'octroi des congés de longue maladie et de longue durée ; / 3. Le renouvellement de ces congés ; / 4. La réintégration après douze mois consécutifs de congés de maladie ou à l'issue d'un congé de longue maladie ou de longue durée ; / 5. L'aménagement des conditions de travail du fonctionnaire après un congé de maladie, de longue maladie ou de longue durée ; / 6. La mise en disponibilité d'office pour raisons de santé, son renouvellement et l'aménagement des conditions de travail après la fin de la mise en disponibilité ; / 7. Le reclassement dans un autre emploi à la suite d'une modification de l'état physique du fonctionnaire, ainsi que dans tous les autres cas prévus par des textes réglementaires ". Aux termes de l'article 11 du même décret : " Lorsque les conclusions du ou des médecins sont contestées par l'administration ou par l'intéressé, le dossier est soumis au comité médical compétent ".

8. Si la requérante soutient que le comité médical aurait dû être consulté, il résulte toutefois des dispositions précitées que la consultation de ce comité n'est requise que dans le cas où les conclusions des médecins sollicités dans le cadre de l'instruction du dossier de titularisation sont contestées par l'administration ou bien par l'intéressé lui-même et dans les cas, limitativement énumérés, où sa consultation est obligatoire, cas dont ne fait pas partie la titularisation d'un agent. Il ressort des pièces du dossier que si le directeur du CHU a, après que la commission administrative paritaire se fut réunie, estimé nécessaire d'arbitrer entre des avis médicaux concernant l'aptitude de la requérante à exercer ses fonctions qui étaient soit succincts soit divergents, ces avis d'experts n'ont pas fait l'objet de contestation par les parties. Par suite, le moyen tiré de ce que le comité médical devait être consulté doit être écarté.

9. En dernier lieu, aux termes de l'article 4 du décret du 3 août 2007 : " (...) Les agents des services hospitaliers qualifiés sont chargés de l'entretien et de l'hygiène des locaux de soins et participent aux tâches permettant d'assurer le confort des malades. Ils effectuent également les travaux que nécessite la prophylaxie des maladies contagieuses et assurent, à ce titre, la désinfection des locaux, des vêtements et du matériel et concourent au maintien de l'hygiène hospitalière ".

10. Il ressort des pièces du dossier que le docteur Lefèbvre, médecin agréé sollicité dans le cadre de l'instruction de la titularisation de Mme C..., a conclu, par son avis du 13 octobre 2016, à l'aptitude de l'intéressée, malgré des " antécédents de la lignée lombaire ", que le docteur Ollivier, rhumatologue expert mandaté dans le même cadre, a conclu lui aussi à l'aptitude de l'agent dans son avis, non circonstancié ni motivé, rendu le 10 avril 2017, et que le docteur Tombosco a émis un avis, le 15 novembre 2017, " plutôt défavorable à la titularisation " de Mme C... compte tenu à la fois des pathologies dont elle souffre, notamment une lombarthrose débutante, et des tâches qui sont les siennes en qualité d'agent de service hospitalier, parmi lesquelles certaines nécessiteraient des mesures d'aménagement. La commission administrative paritaire locale a émis, dans sa séance du 18 décembre 2017, un avis défavorable à la titularisation de Mme C....

11. Si la requérante fait valoir que deux des trois avis médicaux portés sur son aptitude à exercer ses fonctions lui étaient favorables, il ressort des pièces du dossier que le dernier avis émis était précis, adapté à l'analyse des missions exigées d'un agent des services hospitaliers, qualifié et circonstancié, mettant précisément en balance les tâches requises par l'exercice de ces fonctions et les pathologies dont souffre l'intéressée, la titularisation dans les fonctions d'agent des services hospitaliers qualifié telles que définies à l'article 4 du décret du 3 août 2007 supposant que l'agent soit capable d'accomplir en autonomie les actes relevant de sa charge et de collaborer aux soins infirmiers. En outre, il n'est pas contesté que Mme C... a été placée en congé de maladie ordinaire, essentiellement pour des problèmes lombaires, pendant 85 jours au cours de la durée de son stage et 97 jours l'année qui l'a précédé. Par suite, le directeur du centre hospitalier a pu, sans commettre d'erreur manifeste d'appréciation, refuser de titulariser Mme C... en raison de son inaptitude physique à l'exercice des fonctions envisagées et la licencier à compter du 4 janvier 2018.

12. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de

non-recevoir opposée en défense, que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

13. Le présent arrêt, qui rejette la requête de Mme C..., n'implique aucune mesure d'exécution. Les conclusions à fin d'injonction sous astreinte présentées par l'intéressée ne peuvent donc qu'être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que le CHU de Caen, qui n'est pas la partie perdante dans la présente audience, verse à Mme C... la somme que celle-ci demande au titre des frais exposés non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu de mettre à la charge de Mme C..., au même titre, la somme de que demande le CHU de Caen.

D E C I D E:

Article 1er : La requête de Mme C... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par le CHU de Caen au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent jugement sera notifié à Mme B... C... et au centre hospitalier universitaire de Caen.

Délibéré après l'audience du 15 octobre 2020, à laquelle siégeaient :

- Mme Perrot, président,

- M. Berthon, premier conseiller,

- Mme F..., premier conseiller.

Lu en audience publique le 6 novembre 2020.

Le rapporteur

M. F...

Le président

I. Perrot

Le greffier

R. Mageau

La République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 19NT00906


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 19NT00906
Date de la décision : 06/11/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme PERROT
Rapporteur ?: Mme Muriel LE BARBIER
Rapporteur public ?: M. GAUTHIER
Avocat(s) : SELARL CHRISTOPHE LAUNAY

Origine de la décision
Date de l'import : 17/11/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2020-11-06;19nt00906 ?
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