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06/11/2020 | FRANCE | N°18NT04221

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 3ème chambre, 06 novembre 2020, 18NT04221


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par une requête enregistrée sous le n° 1601954, le Fonds pour le développement durable de la pêche a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler la décision contenue dans le courrier du préfet de la région Bretagne du 1er mars 2016 et déclarant irrecevable son dossier de demande d'indemnités pour 2012, de constater la validité de la convention n°38335/2012 du 14 décembre 2012 relative à l'attribution d'une aide financière du Fonds Européen pour la Pêche (FEP) au titre des actions collec

tives " contrats bleus 2012 et 2013 " et l'inexécution de son obligation contrac...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par une requête enregistrée sous le n° 1601954, le Fonds pour le développement durable de la pêche a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler la décision contenue dans le courrier du préfet de la région Bretagne du 1er mars 2016 et déclarant irrecevable son dossier de demande d'indemnités pour 2012, de constater la validité de la convention n°38335/2012 du 14 décembre 2012 relative à l'attribution d'une aide financière du Fonds Européen pour la Pêche (FEP) au titre des actions collectives " contrats bleus 2012 et 2013 " et l'inexécution de son obligation contractuelle par l'Etat, pris en la personne du préfet de la région Bretagne, de condamner le préfet de la région Bretagne, " en exécution forcée " de cette convention, à lui verser la somme de 1 222 709,04 euros, à charge pour lui de répartir cette somme entre les navires armateurs, à défaut d'ordonner l'exécution forcée de la convention et de condamner le préfet de la région Bretagne à l'indemniser au titre de la résiliation unilatérale de la même convention résultant de la décision du 1er mars 2016, en lui versant la même somme de 1 222 709,04 euros.

Par une requête enregistrée sous le n° 1604452, le Fonds pour le développement durable de la pêche a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler la décision de déchéance de droits prise conjointement le 4 août 2016 par les préfets des régions Bretagne et Pays de la Loire et de confirmer l'attribution de l'aide dans son intégralité pour l'année 2012 en application des dispositions de la convention n° 38335/2012.

Par un jugement n° 1601954, 1604452 du 1er octobre 2018, le tribunal administratif de Rennes a rejeté ces demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 30 novembre 2018 le Fonds pour le développement durable de la pêche (F2DP) et son liquidateur judiciaire Me D... B..., représentés par Me A..., demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 1er octobre 2018 ;

2°) d'annuler la décision du 4 août 2016 de résiliation de la convention n°38335/2012 du 14 décembre 2012 ;

3°) de constater la validité de la convention et l'inexécution de son obligation contractuelle par l'Etat, de confirmer l'attribution de l'intégralité de l'aide au titre des " contrats bleus 2012 et 2013 " et d'ordonner la reprise des relations contractuelles ;

4°) à titre subsidiaire, de condamner l'Etat à lui verser la somme de 1 222 709,04 euros en réparation du préjudice subi ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- le juge administratif est compétent pour connaître du litige lié à la convention conclue ;

- en déclarant irrecevables les conclusions dirigées contre la décision de résiliation, le tribunal a commis une erreur de droit ;

- la décision de résiliation du 4 août 2016 est insuffisamment motivée ;

- l'Etat n'a pas exécuté ses obligations alors que le F2DP a satisfait aux siennes ; il était possible contractuellement de ne déposer un dossier qu'au titre d'une année ;

- l'obligation d'information a été respectée par le F2DP ;

- ce dernier est en droit de demander la reprise et l'exécution des obligations contractuelles de l'Etat ;

- il est subsidiairement en droit d'obtenir l'indemnisation du préjudice résultant de la résiliation unilatérale du contrat.

Par un mémoire enregistré le 10 janvier 2020 le ministre de l'agriculture et de l'alimentation conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que :

- les conclusions tendant à la reprise des relations contractuelles et celles tendant à la réparation du préjudice lié à la résiliation unilatérale sont irrecevables, le F2DP ne se trouvant pas en situation contractuelle vis-à-vis de l'Etat ;

- aucun moyen dirigé contre la décision du 4 août 2016 n'est fondé.

Vu, en application de l'article R 611-7 du code de justice administrative la communication aux parties d'un moyen susceptible d'être soulevé d'office et tiré de l'irrégularité du jugement attaqué dès lors que le recours dirigé contre une décision de déchéance d'aide européenne présente le caractère d'un recours pour excès de pouvoir.

En réponse à ce moyen d'ordre public, des mémoires ont été présentés le 26 août 2020 par le ministre de l'agriculture et le 28 août 2020 par le Fonds pour le développement durable de la pêche.

Vu les autres pièces du dossier

Vu :

- le traité sur l'Union européenne et le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;

- le règlement (CE, Euratom) n° 2988/95 du Conseil, du 18 décembre 1995, relatif à la protection des intérêts financiers des Communautés européennes ;

- le règlement (CE) n° 1198/2006 du Conseil du 27 juillet 2006 relatif au Fonds européen pour la pêche ;

- le règlement (CE) n° 498/2007 de la Commission du 26 mars 2007 portant modalités d'exécution du règlement européen n° 1198/2006 relatif au Fonds européen pour la pêche ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le décret n° 2008-1088 du 23 octobre 2008 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme C...,

- et les conclusions de M. Gauthier, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Le Fonds pour le développement durable de la pêche (F2DP), syndicat professionnel constitué à cette fin, s'est vu attribuer le 14 décembre 2012 par l'Etat, représenté par les préfets des régions Bretagne et Pays de la Loire, sous la forme d'une convention n°38335/2012, une subvention relative à l'aide financière du Fonds européen pour la Pêche (FEP) au titre des actions collectives "contrats bleus 2012 et 2013". La convention prévoyait le versement d'une somme de 260 400 euros par l'Union européenne et de 1 041 600 euros par l'Etat en contrepartie de la réalisation par les armateurs de diverses actions dans le cadre de programmes devant être réalisés entre le 1er janvier 2012 et le 31 décembre 2013. Pour l'exécution de cette convention, le Fonds pour le développement durable de la pêche était en charge du pilotage et du contrôle de la mise en oeuvre des mesures de développement durable par les professionnels de la pêche, ainsi que du versement des subventions à ces derniers. Un premier avenant à la convention a été conclu le 30 décembre 2013 afin de porter le montant des subventions aux sommes de 410 000 euros pour l'Union européenne et 1 641 600 euros pour l'Etat. Par un second avenant, la période des opérations éligibles aux aides engagées par la structure porteuse a été prolongée jusqu'au 31 mai 2015 et la date limite de demande de paiement du solde reportée au 30 juin 2015. Le Fonds pour le développement durable de la pêche a présenté le 24 juin 2015 un dossier de liquidation de la subvention au titre de l'année 2012. Par une lettre du 1er mars 2016 le préfet de la région Bretagne l'a informé qu'une décision de déchéance de droits lui serait bientôt transmise. Cette décision a été prise le 4 août 2016 par les préfets des régions Pays de la Loire et Bretagne. Par un jugement du 1er octobre 2018, le tribunal administratif de Rennes a rejeté la demande présentée par le F2DP tendant au versement de la subvention prévue pour l'année 2012. Ce dernier relève appel de ce jugement.

Sur le cadre juridique :

2. Indépendamment des actions indemnitaires qui peuvent être engagées contre la personne publique, les recours relatifs à une subvention, qu'ils aient en particulier pour objet la décision même de l'octroyer, quelle qu'en soit la forme, les conditions mises à son octroi par cette décision ou par une convention conclue ou encore les décisions de la personne publique auxquelles elle est susceptible de donner lieu, notamment les décisions par lesquelles la personne publique modifie le montant ou les conditions d'octroi de la subvention, cesse de la verser ou demande le remboursement des sommes déjà versées, ne peuvent être portés que devant le juge de l'excès de pouvoir, par le bénéficiaire de la subvention ou par des tiers qui disposent d'un intérêt leur donnant qualité à agir.

3. Par suite, seules étaient recevables devant le tribunal administratif de Rennes et seules sont recevables devant la cour les conclusions présentées par le F2DP tendant à l'annulation des décisions des 1er mars et 4 août 2016, sous réserve de leur irrecevabilité pour d'autres motifs. Les conclusions des requérants tendant à constater la validité de la convention et l'inexécution de son obligation contractuelle par l'Etat, à confirmer l'attribution de l'intégralité de l'aide au titre des " contrats bleus 2012 et 2013 " et ordonner la reprise des relations contractuelles, rejetées au fond, n'étaient pas recevables.

Sur la régularité du jugement attaqué :

4. Aux termes de la lettre qu'il lui a adressée le 1er mars 2016, le préfet de la région Bretagne a porté à la connaissance du F2DP que sa demande de versement de la subvention, qui ne portait que sur l'année 2012, n'était pas recevable et lui a rappelé que, faute d'avoir fourni les informations mentionnées à l'article 8 de la convention conclue le 14 décembre 2012, il allait, en application de l'article 10, mettre fin à cette même convention. Cette lettre mentionnait en outre qu'une décision de déchéance des droits à l'aide lui serait transmise prochainement.

5. Ainsi cette mesure présentait un caractère préparatoire et n'était pas en elle-même susceptible de faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir. Par voie de conséquence, c'est à juste titre que le tribunal administratif de Rennes a rejeté comme irrecevables les conclusions à fin d'annulation dirigées contre cet acte.

Sur la légalité de la décision du 4 août 2016 :

6. L'attribution d'une subvention par une personne publique crée des droits au profit de son bénéficiaire dans la mesure où le bénéficiaire de la subvention respecte les conditions mises à son octroi, notamment lorsque ces conditions ont fait l'objet d'une convention signée avec le bénéficiaire.

7. En premier lieu, aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : (...) 6° Refusent un avantage dont l'attribution constitue un droit pour les personnes qui remplissent les conditions légales pour l'obtenir ; (...) " Aux termes de l'article L. 211-5 de ce code : " La motivation exigée (...) doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ".

8. Il ressort de ses termes mêmes que la décision en litige vise les textes de droit communautaire et interne qui en constituent la base légale et énonce, de manière circonstanciée, les motifs ayant conduit l'autorité administrative à estimer que le F2DP n'avait pas rempli les obligations fixées pour lui dans la convention du 14 décembre 2012. Ainsi la décision de déchéance des droits énonce avec précision les considérations de droit et de fait sur lesquelles elle repose. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation ne peut qu'être écarté.

9. En deuxième lieu, il ressort des articles 2 et 4 de la convention conclue le 14 décembre 2012 que le paiement de la subvention intervient sur justification de la réalisation effective des mesures des contrats bleus auxquels les bénéficiaires de l'aide (navires des armements ou armateurs) se sont engagés et de la production de pièces justificatives après contrôle de la structure porteuse. L'article 3 de la convention intitulé " calendrier de réalisation de l'opération " précise que si, à l'expiration du délai de réalisation prévu la mise en oeuvre des mesures par les navires n'est pas achevée, le bénéficiaire devra présenter à l'administration un dossier de liquidation correspondant aux mesures effectivement mises en oeuvre et aux contrôles réalisés, que la liquidation de la subvention interviendra alors sur justification des mesures effectivement exécutées par les navires et contrôlées par le bénéficiaire, ainsi que sur justification des dépenses de pilotage et de contrôle effectivement supportées par le bénéficiaire à cette date, et prévoit que le montant initial de la subvention sera réduit à due proportion. Le 3ème alinéa de l'article 6 prévoit que le paiement des sommes dues s'effectue sur la base du service fait.

10. Il ressort également de cette convention, et notamment de son article 6, que la subvention porte sur deux années et que le bénéficiaire doit obligatoirement présenter un dossier de liquidation récapitulatif pour 2012 et un autre pour 2013. En outre, en application de l'article 8 de la convention, le bénéficiaire s'engage à informer régulièrement le service instructeur de l'avancement de l'opération et, en cas d'abandon, il doit en aviser le service instructeur pour permettre la clôture de l'opération. L'article 10 prévoit quant à lui que la résiliation intervient en cas de non-respect des clauses de la convention et, en particulier, en cas de non-exécution totale ou partielle de l'opération et que le bénéficiaire qui souhaite abandonner son projet peut demander la résiliation de la décision et reverse alors les sommes indument perçues.

11. En l'espèce, il est constant que si le Fonds a mis en oeuvre au titre de l'année 2012 les actions prévues par la convention du 14 décembre 2012, en revanche, le programme prévu au titre de 2013 n'a pas été exécuté et aucun dossier de liquidation n'a été adressé aux autorités administratives au titre de cette année. Par suite, le F2DP ne peut soutenir avoir rempli ses obligations à cet égard.

12. Par ailleurs, si le Fonds requérant fait valoir qu'il a informé le service instructeur du caractère partiel de l'exécution de ses obligations, il n'en apporte pas la preuve en se bornant à invoquer la circonstance que tous les justificatifs ne lui auraient pas été fournis par les professionnels et les nombreux échanges qu'il a poursuivis avec ce service au cours des années concernées.

13. Dans ces conditions, c'est sans commettre d'erreur de droit ni d'erreur d'appréciation que les préfets de la région Bretagne et Pays-de-la-Loire ont, par la décision du 4 août 2016, prononcé la déchéance totale du droit à perception de l'aide prévue au titre des années 2012 et 2013 au bénéfice du F2DP.

Sur les conclusions indemnitaires :

14. Compte tenu de ce qui précède, en l'absence de tout droit à perception par le F2DP de la subvention sollicitée au titre de l'année 2012, les conclusions tendant à ce que l'Etat soit condamné à verser à celui-ci la somme de 1 222 709,04 euros ne peuvent, en tout état de cause, pas être accueillies.

15. Il résulte de tout ce qui précède que le F2DP et son mandataire liquidateur M. B... ne sont pas fondés à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté leurs demandes.

Sur les frais du litige :

16. Les dispositions de l'article L 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de l'Etat, lequel n'est pas en l'espèce, la partie perdante.

DECIDE :

Article 1er : La requête du Fonds pour le développement durable de la pêche et de Me B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié au Fonds pour le développement durable de la pêche et au ministre de l'agriculture et de l'alimentation.

Délibéré après l'audience du 15 octobre 2020, à laquelle siégeaient :

- Mme Perrot président de chambre,

- Mme C..., président-assesseur,

- M. Berthon premier conseiller.

Lu en audience publique le 6 novembre 2020.

Le rapporteur

C. C...

Le président

I. Perrot

Le greffier

R. Mageau

La République mande et ordonne au ministre de l'agriculture et de l'alimentation, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 18NT04221


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 18NT04221
Date de la décision : 06/11/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme PERROT
Rapporteur ?: Mme Christiane BRISSON
Rapporteur public ?: M. GAUTHIER
Avocat(s) : DELSOL AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 17/11/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2020-11-06;18nt04221 ?
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