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05/11/2020 | FRANCE | N°19NT01824

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 1ère chambre, 05 novembre 2020, 19NT01824


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 6 novembre 2018 par lequel le préfet de la Mayenne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office lorsque le délai sera expiré et l'a astreint à se présenter au commissariat de police de Laval afin d'y justifier ses diligences dans la préparation de son départ.

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r un jugement n° 1811025 du 18 avril 2019, le président du tribunal administratif de N...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 6 novembre 2018 par lequel le préfet de la Mayenne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office lorsque le délai sera expiré et l'a astreint à se présenter au commissariat de police de Laval afin d'y justifier ses diligences dans la préparation de son départ.

Par un jugement n° 1811025 du 18 avril 2019, le président du tribunal administratif de Nantes a annulé l'arrêté du 6 novembre 2018 en tant qu'il a refusé de délivrer un titre de séjour à M. C... (article 1er), enjoint au préfet de procéder à un nouvel examen de la demande de titre de séjour de M. C... dans le délai de deux mois à compter de la notification du jugement (article 2), mis à la charge de l'Etat le versement à Me A..., avocate de M. C..., de la somme de 1 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 (article 3) et rejeté le surplus de sa demande (article 4).

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 14 mai 2019, le préfet de la Mayenne demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de rejeter la demande présentée devant le tribunal administratif de Nantes ;

3°) de rembourser les frais liés au litige de première instance.

Il soutient que :

- le jugement attaqué est irrégulier dès lors qu'il est entaché d'un vice de procédure lié à la longueur de l'instruction ; la demande de première instance a été enregistrée le 18 novembre 2018 et le jugement prononcé le 18 avril 2019, soit six mois après l'enregistrement au lieu de six semaines prévues par l'article R. 776-13-3 du code de justice administrative ;

- contrairement à ce qu'a décidé le tribunal administratif, il n'a pas fait une inexacte application des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, indépendamment de la production d'un visa d'entrée de long séjour en France ;

- son arrêté est suffisamment motivé au regard de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le jugement est insuffisamment motivé en ce qui concerne l'annulation du refus de séjour au regard du 4° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- compte tenu du rejet du surplus de la demande de M. C... en première instance, l'Etat n'est pas la partie perdante pour l'essentiel ; sa demande de remboursement des frais liés au litige en première instance est justifiée.

Par un mémoire en défense, enregistré le 14 novembre 2019, M. C..., représenté par Me A..., conclut au rejet de la requête et à ce que soit mis à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 800 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.

Il soutient que les moyens soulevés par le préfet de la Mayenne ne sont pas fondés.

M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 25 juin 2019.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention d'application de l'accord de Schengen, signée le 19 juin 1990 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. D... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Le préfet de la Mayenne relève appel du jugement du 18 avril 2019 par lequel le président du tribunal administratif de Nantes a annulé son arrêté du 6 novembre 2018 en tant qu'il a refusé de délivrer un titre de séjour à M. C..., ressortissant pakistanais, né le 29 mars 1985 (article 1er), enjoint au préfet de procéder à un nouvel examen de la demande de titre de séjour de M. C... dans le délai de deux mois à compter de la notification du jugement (article 2), mis à la charge de l'Etat, à verser à Me A..., conseil de M. C..., la somme de 1 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 (article 3) et rejeté le surplus de sa demande (article 4).

2. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction applicable : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) / 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. (...). ". Aux termes de l'article L. 313-2 du même code : " Sous réserve des engagements internationaux de la France et des exceptions prévues par les dispositions législatives du présent code, la première délivrance de la carte de séjour temporaire et celle de la carte de séjour pluriannuelle mentionnée aux articles L. 313-20, L. 313-21, L. 313-23 et L. 313-24 sont subordonnées à la production par l'étranger du visa de long séjour mentionné aux 1° ou 2° de l'article L. 311-1. (...). ". Aux termes du sixième alinéa de l'article L. 211-2-1 de ce code : " Lorsque la demande de visa de long séjour émane d'un étranger entré régulièrement en France, marié en France avec un ressortissant de nationalité française et que le demandeur séjourne en France depuis plus de six mois avec son conjoint, la demande de visa de long séjour est présentée à l'autorité administrative compétente pour la délivrance d'un titre de séjour. ".

3. En vertu des stipulations de l'article 5 de la convention signée à Schengen le 19 juin 1990, pour un séjour n'excédant pas trois mois, l'entrée sur les territoires des Parties contractantes peut être accordée à l'étranger qui possède un document permettant le franchissement de la frontière et qui est en possession d'un visa si celui-ci est requis. Aux termes de l'article 22 de cette convention : " I - Les étrangers entrés régulièrement sur le territoire d'une des Parties contractantes sont tenus de se déclarer, dans des conditions fixées par chaque Partie contractante, aux autorités compétentes de la Partie contractante sur le territoire de laquelle ils pénètrent (...) 3° - Chaque Partie contractante arrête les exceptions aux dispositions des paragraphes 1 et 2 et les communique au Comité exécutif ". Aux termes de l'article R. 212-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger non ressortissant d'un Etat membre de la Communauté européenne n'est pas astreint à la déclaration d'entrée sur le territoire français : 1° S'il n'est pas assujetti à l'obligation du visa pour entrer en France en vue d'un séjour d'une durée inférieure ou égale à trois mois (...) ". Il est constant par ailleurs que les ressortissants pakistanais sont assujettis à l'obligation de présentation d'un visa pour une durée inférieure ou égale à trois mois.

5. Le préfet de la Mayenne, qui était implicitement saisi d'une demande de visa d'entrée de long séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 211-2-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, par l'effet de la demande de carte de séjour en qualité de conjoint d'une ressortissante française présentée par M. C..., a estimé que l'intéressé ne remplissait pas les conditions posées par cet article pour prétendre au dépôt sur place d'une demande d'un tel visa à l'appui de sa demande de titre de séjour, faute de justifier être entré régulièrement sur le territoire français. Si M. C... a produit la copie de son visa de long séjour délivré par les autorités italiennes, valable du 8 septembre 2010 au 19 juin 2011, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il a effectué une déclaration d'entrée sur le sol français ainsi qu'il y était tenu. Par suite, ne justifiant pas d'une entrée régulière sur le territoire français, il ne remplissait pas les conditions prévues par les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, combinées à celles de l'article L. 211-2-1 du même code, pour solliciter un tel titre, malgré son mariage, le 30 septembre 2017, avec une ressortissante française.

6. Par ailleurs, le préfet de la Mayenne, en précisant que la demande de M. C... ne fait apparaître ni circonstances exceptionnelles ni motifs humanitaires au sens de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile a suffisamment motivé son arrêté sur ce point.

7. Il suit de là que le préfet de la Mayenne est fondé à soutenir que c'est à tort que le président du tribunal administratif de Nantes s'est fondé, pour annuler l'arrêté litigieux, sur le moyen tiré de ce qu'il a commis une erreur de droit et sur celui tiré d'une insuffisance de motivation.

8. Toutefois, il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens invoqués par M. C... devant le tribunal administratif de Nantes.

9. Lorsqu'un étranger présente une demande de délivrance d'un titre de séjour fondée sur les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour et du droit d'asile en tant que conjoint d'un ressortissant français, il doit apporter tout élément permettant au préfet de constater l'existence d'une communauté de vie. C'est au vu des éléments produits que l'appréciation du préfet doit être établie. Dès lors, M. C... n'est pas fondé à soutenir qu'il incombe au préfet de la Mayenne de démontrer l'absence d'une communauté de vie avec une ressortissante française.

10. M. C... s'est marié le 30 septembre 2017 avec une ressortissante française, soit dix mois et demi avant la date de l'arrêté contesté. Les attestations qu'il produit ne sont pas suffisamment probantes pour démontrer l'existence d'une vie privée et familiale en France entre la date de son entrée en France en 2010 selon ses déclarations et celle de son mariage. Alors qu'il soutient que le centre de ses intérêts est situé en France, qu'il est dépourvu d'attaches familiales au Pakistan et qu'il bénéficie d'une promesse d'embauche, la décision contestée n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels elle a été prise, en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

11. M. C... a fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français en 2012 qu'il n'a pas exécutée. Son séjour en France n'a pas été régulier depuis 2012. Dès lors, la décision refusant la délivrance d'un titre de séjour n'est pas entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.

12. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les moyens relatifs à la régularité du jugement attaqué, que le préfet de la Mayenne est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le président du tribunal administratif de Nantes a annulé son arrêté du 6 novembre 2018 en tant qu'il a refusé de délivrer un titre de séjour à M. C... (article 1er), enjoint au préfet de procéder à un nouvel examen de la demande de titre de séjour de M. C... dans le délai de deux mois à compter de la notification du jugement (article 2), mis à la charge de l'Etat le versement à Me A..., avocate de M. C..., de la somme de 1 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 (article 3). Par voie de conséquence, les conclusions de M. C... relatives aux frais liés au litige en appel doivent être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : Les articles 1er, 2 et 3 du jugement du tribunal administratif de Nantes du 18 avril 2019 sont annulés.

Article 2 : La demande présentée par M. C... devant le tribunal administratif de Nantes tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de la Mayenne du 6 novembre 2018 et ses conclusions en appel au titre des frais liés au litige sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur, à M. B... E... C... et à Me A....

Une copie sera transmise au préfet de la Mayenne.

Délibéré après l'audience du 22 octobre 2020, à laquelle siégeaient :

- M. Bataille, président de chambre,

- M. D..., président assesseur,

- M. Brasnu, premier conseiller.

Lu en audience publique le 5 novembre 2020.

Le rapporteur,

J.-E. D...

Le président,

F. Bataille Le greffier,

A. Rivoal

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 19NT01824


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 19NT01824
Date de la décision : 05/11/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. BATAILLE
Rapporteur ?: M. Jean-Eric GEFFRAY
Rapporteur public ?: Mme CHOLLET
Avocat(s) : CABINET GOUEDO

Origine de la décision
Date de l'import : 21/11/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2020-11-05;19nt01824 ?
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