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05/11/2020 | FRANCE | N°18NT03337

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 1ère chambre, 05 novembre 2020, 18NT03337


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société par actions simplifiée (SAS) SERAP Finances a demandé au tribunal administratif de Nantes de prononcer la décharge, en droits, intérêts et pénalités, des rappels de taxe sur les salaires dont elle est redevable au titre des années 2010, 2011 et 2012 et de la période du 1er janvier au 30 septembre 2013.

Par un jugement n° 1505918 du 5 juillet 2018, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enreg

istrés les 4 septembre 2018, 23 octobre 2018 et 9 octobre 2020, la SAS SERAP Finances, représent...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société par actions simplifiée (SAS) SERAP Finances a demandé au tribunal administratif de Nantes de prononcer la décharge, en droits, intérêts et pénalités, des rappels de taxe sur les salaires dont elle est redevable au titre des années 2010, 2011 et 2012 et de la période du 1er janvier au 30 septembre 2013.

Par un jugement n° 1505918 du 5 juillet 2018, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 4 septembre 2018, 23 octobre 2018 et 9 octobre 2020, la SAS SERAP Finances, représentée par Me E..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de prononcer cette décharge ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- son président n'étant pas M. A... C... mais la société Financière Groupe SERAP, qui est son mandataire social, les rémunérations de l'intéressé, qui ne dispose pas des pouvoirs les plus étendus et dont les fonctions étaient totalement étrangères à celles exercées au sein de la société Financière Groupe SERAP, ne devaient pas être incluses dans l'assiette de la taxe sur les salaires ;

- le directeur administratif et financier n'avait pas d'attributions dans le secteur financier ; les décisions financières étaient prises par le comité de direction, organe dirigeant de la société Financière Groupe SERAP ; les rémunérations de ce directeur doivent être exclues de l'assiette de la taxe sur les salaires ;

- la comptable, Mme B..., n'est intervenue que dans le cadre de l'exploitation des sociétés du groupe SERAP dans des activités situées dans le champ d'application de la taxe sur la valeur ajoutée ; ses rémunérations sont à exclure.

Par un mémoire en défense et un mémoire, enregistrés les 6 mars 2019 et 15 octobre 2020, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par la SAS Serap Finances ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de commerce ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. D...,

- et les conclusions de Mme Chollet, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. A la suite d'une vérification de comptabilité de la société par actions simplifiée (SAS) SERAP Finances portant sur la période du 1er septembre 2009 au 31 août 2012, étendue à la taxe sur les salaires jusqu'au 30 septembre 2013, l'administration a procédé, dans sa proposition de rectification du 13 décembre 2013, à des rappels de cette taxe au titre des années 2010 à 2012 et de la période du 1er janvier au 30 septembre 2013, en estimant que les rémunérations versées à M. C..., président de la société Financière groupe Serap, elle-même personne morale présidente de la société SERAP Finances, à M. F... et Mme B..., respectivement directeur administratif et financier et cadre comptable de la société SERAP Finances, devaient être soumises à la taxe sur les salaires. Par un jugement du 5 juillet 2018, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à la décharge de ces rappels.

2. Aux termes du 1 de l'article 231 du code général des impôts, les employeurs doivent payer une taxe sur les salaires sur les rémunérations qu'ils versent " lorsqu'ils ne sont pas assujettis à la taxe sur la valeur ajoutée ou ne l'ont pas été sur 90 % au moins de leur chiffre d'affaires au titre de l'année civile précédant celle du paiement desdites rémunérations. L'assiette de la taxe due par ces personnes ou organismes est constituée par une partie des rémunérations versées, déterminée en appliquant à l'ensemble de ces rémunérations le rapport existant, au titre de cette même année, entre le chiffre d'affaires qui n'a pas été passible de la taxe sur la valeur ajoutée et le chiffre d'affaires total (...) ". Il résulte des travaux parlementaires de l'article 10 de la loi du 30 décembre 2000 de finances pour 2001, dont sont issues ces dispositions, qu'en alignant l'assiette de la taxe sur les salaires sur celle des cotisations de sécurité sociale, le législateur a entendu y inclure les rémunérations des dirigeants de sociétés visés à l'article L. 311-3 du code de la sécurité sociale et notamment celles des présidents et dirigeants des sociétés par actions simplifiées.

3. Lorsque les activités d'une entreprise sont, pour l'exercice de ses droits à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée, réparties en plusieurs secteurs distincts au sens de l'article 213 de l'annexe II au code général des impôts alors en vigueur, la taxe sur les salaires doit être déterminée par secteur, en appliquant aux rémunérations des salariés affectés spécifiquement à chaque secteur le rapport d'assujettissement propre à ce secteur. Toutefois, la taxe sur les salaires des personnels concurremment affectés à plusieurs secteurs doit être établie en appliquant à leurs rémunérations le rapport existant pour l'entreprise dans son ensemble entre le chiffre d'affaires qui n'a pas été passible de la taxe sur la valeur ajoutée et le chiffre d'affaires total.

4. Les fonctions de directeur général d'une société anonyme ou d'une société par actions simplifiée confèrent à leurs titulaires, en vertu de l'article L. 225-56 du code de commerce, les pouvoirs les plus étendus dans la direction de la société et le président du conseil d'administration est investi, aux termes de l'article L. 225-51 du même code, d'une responsabilité générale. S'agissant d'une société holding, ces pouvoirs s'étendent en principe au secteur financier, même si le suivi des activités est sous-traité à des tiers ou confié à des salariés spécialement affectés à ce secteur et si le nombre des opérations relevant de ce secteur est très faible. Toutefois, s'il résulte des éléments produits par l'entreprise que certains de ses dirigeants n'ont pas d'attribution dans le secteur financier, notamment lorsque, compte tenu de l'organisation adoptée, l'un d'entre eux est dépourvu de tout contrôle et responsabilité en la matière, la rémunération de ce dirigeant doit être regardée comme relevant entièrement des secteurs passibles de la taxe sur la valeur ajoutée et, par suite, comme placée hors du champ de la taxe sur les salaires.

5. La SAS SERAP Finances, qui, en tant que société holding, avait deux secteurs d'activité dont l'un, à caractère financier, comprenait la gestion des placements financiers, la gestion des titres de participations et des dividendes et l'autre, à caractère administratif, avait pour objet la réalisation de prestations de services, était soumise au titre de ce second secteur à la taxe sur la valeur ajoutée pour moins de 90 % de son chiffre d'affaires et était, de ce fait, passible de la taxe sur les salaires.

6. En premier lieu, la société requérante soutient qu'elle est dirigée par une personne morale, la société Financière groupe Serap, représentée par M. C... qui n'agit que conformément à un acte de délégation et n'exerce aucun pouvoir en son nom propre, que la rémunération de M. C... correspond seulement à une activité de management commercial et technique de ses équipes conformément au contrat de travail signé avec la société Serap Finances, laquelle est soumise à la taxe sur la valeur ajoutée, et que le centre décisionnel du groupe Serap et de sa société est un comité de direction composé de trois à huit membres.

7. Aux termes de l'article L. 227-7 du code de commerce : " Lorsqu'une personne morale est nommée président ou dirigeant d'une société par actions simplifiée, les dirigeants de ladite personne morale sont soumis aux mêmes conditions et obligations et encourent les mêmes responsabilités civile et pénale que s'ils étaient président ou dirigeant en leur nom propre, sans préjudice de la responsabilité solidaire de la personne morale qu'ils dirigent ". Il résulte de ces dispositions qu'une personne morale, présidente d'une société par actions simplifiée, doit être regardée comme disposant des pouvoirs les plus étendus dans la direction de la société par actions simplifiée.

8. En l'espèce, d'une part, l'article 17 des statuts de la société Serap Finances prévoit que le président représente celle-ci à l'égard des tiers, qu'il est investi des pouvoirs les plus étendus pour agir en toutes circonstances au nom de la société dans la limite de l'objet social, sous réserve des pouvoirs expressément attribués par la loi et les statuts aux associés et que, dans les rapports avec les tiers, la société est engagée même par les actes du président qui ne relèvent pas de l'objet social et que les dispositions statutaires limitant les pouvoirs du président sont inopposables aux tiers. Ainsi, le président de la Serap Finances, qui est la société Financière Groupe Serap, exerce des fonctions transversales qui lui attribuent un pouvoir d'initiative et de contrôle sur l'ensemble des activités de la société, y compris dans le secteur financier. D'autre part, l'article 15 des statuts de la Financière Groupe Serap prévoit des attributions et des fonctions similaires qui sont exercées par son président, M. C.... Au demeurant, celui-ci a notamment représenté la société requérante et la société Financière Groupe Serap dans le cadre de la signature, le 30 juin 2009, d'une convention intra-groupe dont l'objet était notamment la prise en charge, par la société requérante, d'une mission d'assistance à l'établissement des budgets et à la définition des politiques financières des sociétés du groupe Serap. De plus, son contrat de travail prévoit que, dans le cadre de ses fonctions de salarié, M. C... assure également la fonction de représentant de la société Serap Finances en tant que président de la société Serap Industrie et met en oeuvre les décisions prises par Serap Finances concernant les moyens humains, financiers, techniques et les plans d'actions au sein de la société Serap Industries. Ainsi, M. C... est présumé affecté au secteur financier. La société requérante n'apporte pas d'éléments de nature à établir que la société Financière Groupe Serap et M. C... en tant que dirigeants n'avaient pas d'attribution dans ce secteur. Dans ces conditions, la rémunération que percevait M. C... devait être soumise à la taxe sur les salaires.

9. En deuxième lieu, les fonctions de directeur administratif et financier confèrent, en principe, à leur titulaire des pouvoirs qui s'étendent au secteur financier d'une société holding.

10. En l'espèce, le contrat de travail de M. F..., directeur administratif et financier, du 5 janvier 2006 prévoit notamment ses attributions dans le secteur financier, soit la production des résultats financiers du groupe, la mise en place de politiques de couverture de risque de change ou de taux des filiales, la négociation avec les banques des emprunts bancaires du groupe ou le contrôle des placements du groupe. Ainsi, il résultait de son contrat de travail qu'il est chargé de la stratégie financière du groupe et exerce la direction de la gestion comptable et financière de la société et de toutes les sociétés du groupe pour lesquelles sa rémunération est refacturée. La société requérante n'apporte aucun élément contraire. Dans ces conditions, M. F... doit être regardé comme ayant été concurremment affecté aux deux secteurs d'activité de la société requérante et sa rémunération ne saurait être regardée comme placée hors du champ de la taxe sur les salaires.

11. Enfin, Mme B... exerce des attributions dans le secteur financier conformément à son contrat de travail, notamment en produisant des états financiers mensuels et annuels des sociétés du groupe, en préparant les éléments de flux intra-groupe nécessaires à la réalisation des comptes consolidés et en suivant les crédits des clients. Dès lors, sa rémunération doit être incluse dans le champ de la taxe sur les salaires.

12. Il résulte de tout ce qui précède que la SAS SERAP Finances n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions relatives aux frais liés au litige doivent être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la SAS SERAP Finances est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société par actions simplifiée SERAP Finances et au ministre des comptes publics

Délibéré après l'audience du 22 octobre 2020, à laquelle siégeaient :

- M. Bataille, président de chambre,

- M. D..., président assesseur,

- M. Brasnu, premier conseiller.

Lu en audience publique le 5 novembre 2020.

Le rapporteur,

J.-E. D...Le président,

F. Bataille

Le greffier,

A .Rivoal La République mande et ordonne au ministre des comptes publics, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 18NT03337


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 18NT03337
Date de la décision : 05/11/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. BATAILLE
Rapporteur ?: M. Jean-Eric GEFFRAY
Rapporteur public ?: Mme CHOLLET
Avocat(s) : FIDAL SOCIETE D'AVOCATS LE MANS

Origine de la décision
Date de l'import : 21/11/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2020-11-05;18nt03337 ?
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