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03/11/2020 | FRANCE | N°18NT03230

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 6ème chambre, 03 novembre 2020, 18NT03230


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... A... a demandé au tribunal administratif d'Orléans la condamnation du syndicat mixte de l'école supérieure de commerce et de management (SMESCEM) à lui verser la somme de 192 632 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 17 mars 2016, en réparation du préjudice qu'elle estimait avoir subi du fait de son recrutement illégal en qualité de vacataire et du harcèlement moral dont elle a été victime.

Par un jugement n° 1601737 du 28 juin 2018, le tribunal administratif d'Orl

éans a condamné le SMESCEM à verser à Mme A... une somme de 3000 euros et a rejeté le...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... A... a demandé au tribunal administratif d'Orléans la condamnation du syndicat mixte de l'école supérieure de commerce et de management (SMESCEM) à lui verser la somme de 192 632 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 17 mars 2016, en réparation du préjudice qu'elle estimait avoir subi du fait de son recrutement illégal en qualité de vacataire et du harcèlement moral dont elle a été victime.

Par un jugement n° 1601737 du 28 juin 2018, le tribunal administratif d'Orléans a condamné le SMESCEM à verser à Mme A... une somme de 3000 euros et a rejeté le surplus des conclusions de cette dernière.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 22 août 2018 ainsi que des mémoires enregistrés le 14 février 2019, le 13 mai 2019, le 11 juin 2019, le 3 juillet 2019 et le 27 février 2020, Mme A..., représentée par Me Catry, demande à la cour :

1°) de réformer ce jugement en tant qu'il a rejeté le surplus de ses conclusions ;

2°) de condamner le SMESCEM à lui verser une somme de 264 009,86 euros au titre des rémunérations qui ne lui ont pas été versées ou, à titre subsidiaire de la renvoyer devant cet établissement afin que soit calculé le montant des rémunérations qu'elle est en droit de percevoir à raison du complément de rémunération auquel elle est en droit de prétendre pour la période allant de juin 2006 à janvier 2013 ;

3°) de condamner le SMESCEM au versement d'une somme de 5000 euros à raison de la privation de son droit individuel à la formation et aux congés de formation ;

4°) de condamner le SMESCEM au versement d'une somme de 50 000 euros au titre du préjudice moral ;

5°) de majorer l'ensemble de ces sommes des intérêts au taux légal ;

6°) de renvoyer Mme A... devant le SMESCEM afin, d'une part, que soit calculé, dans un délai de trois mois, le montant de l'assurance chômage qui lui est due et d'autre part, qu'il soit procédé à la reconstitution de ses droits sociaux ;

7°) de mettre à la charge du SMESCEM le versement d'une somme de 3000 euros en application de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement est irrégulier en raison d'une omission à statuer s'agissant de sa demande, faite à titre subsidiaire, de renvoi devant le SMESCEM afin que soit établi le montant des rémunérations qui lui sont dues ;

- c'est à tort que les premiers juges ont fait application de la prescription quadriennale dans la mesure où elle devait être considérée comme étant dans l'ignorance de sa créance à l'encontre du SMESCEM ;

- le jugement attaqué doit être confirmé en ce qu'il a considéré que la responsabilité pour faute du SMESCEM devait être engagée en raison de son recrutement irrégulier comme vacataire ;

- en revanche, c'est à tort que les premiers juges ont estimé que son contrat devait être requalifié en contrat d'emploi permanent à temps incomplet alors qu'elle a effectué un service à temps complet et que ses heures supplémentaires n'ont pas été prises en compte ;

- c'est également à tort que les premiers juges ont estimé qu'elle n'avait pas subi de harcèlement moral ;

- c'est également à tort que les premiers juges ont estimé qu'elle n'établissait pas la réalité du préjudice qu'elle alléguait ;

- elle avait droit à réparation intégrale de son préjudice constitué par la différence entre la rémunération qu'elle a effectivement perçue en tant que vacataire et celle qu'elle aurait dû percevoir en étant recrutée sur un emploi à temps complet ;

- elle a également droit au versement de sommes représentant les allocations pour perte d'emploi et d'assurance chômage ainsi que celles dues au titre du droit individuel à formation ;

- c'est à tort que les premiers juges ont limité à 3000 euros la réparation due au titre du préjudice moral ;

- elle a également subi un préjudice au titre des troubles dans ses conditions d'existence ;

- le tribunal administratif d'Orléans était territorialement et matériellement compétent pour statuer sur sa demande ;

- sa demande n'était pas tardive et a été précédée d'une réclamation préalable qui a été reçue par le SMESCEM ;

- ses demandes d'indemnisation ne sont pas nouvelles.

Par des mémoires enregistrés respectivement le 12 novembre 2018, le 9 janvier 2019, le 29 mars 2019, le 30 mai 2019, le 21 juin 2019 et le 17 février 2020, le syndicat mixte de l'école supérieure de commerce et de management, représenté par Me Chanlair, conclut au rejet de la requête, au remboursement des frais d'instance versés en exécution du jugement attaqué, au versement d'une somme de 3000 euros au titre des frais engagés en première instance et à ce que soit mis à la charge de Mme A... le versement de la somme de 5000 euros au titre des frais de l'instance d'appel.

Il soutient que :

- la juridiction administrative est incompétente pour statuer sur ce litige qui relève du droit du travail dès lors que les contrats de Mme A... ont été transférés à France Business School, association de droit privé ;

- le tribunal administratif d'Orléans n'était pas compétent territorialement dès lors que les contrats signés avec Mme A... désignaient comme juridiction compétente pour statuer sur les litiges éventuels le tribunal administratif de Poitiers ; par suite, la cour administrative d'appel de Nantes doit renvoyer ce dossier à la cour administrative d'appel de Bordeaux ou à tout le moins, ne pas faire usage de son pouvoir d'évocation pour renvoyer le litige devant le tribunal administratif de Poitiers ;

- la demande présentée devant le tribunal administratif était irrecevable faute de demande préalable liant le contentieux ;

- cette demande était également irrecevable dès lors que Mme A... conteste la résiliation d'un contrat intervenue plus de deux ans auparavant ;

- la demande était également irrecevable du fait du transfert des contrats à France Business School et de la disparition de cette société ;

- les conclusions d'appel sont irrecevables dès lors qu'elles aboutissent à une réévaluation de l'indemnité demandée en première instance ;

- le litige est mal dirigé dès lors que seul France Business School, qui a repris l'ensemble des contrats de l'ESCEM, peut voir sa responsabilité mise en cause, le SMESCEM ayant perdu sa qualité d'employeur à compter de ce transfert ;

- les moyens soulevés par Mme A... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

- le décret n° 88-145 du 15 février 1988 ;

- l'arrêté du 25 juillet 1997 relatif au statut du personnel de l'assemblée des chambres françaises de commerce et d'industrie, des chambres régionales de commerce et d'industrie et des groupements interconsulaires ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Malingue,

- les conclusions de M. Lemoine, rapporteur public,

- les observations de Me Catry, représentant Mme A... et de Me Henriot, substituant Me Chanlair, représentant le syndicat mixte de l'école supérieure de commerce et de management.

Une note en délibéré a été enregistrée le 12 octobre 2020 pour le SMESCEM.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A..., enseignante d'anglais, a été recrutée, à compter du second semestre de l'année 2006 et jusqu'au 31 janvier 2013, par le syndicat mixte de l'école supérieure de commerce et de management (SMESCEM) afin d'assurer des cours d'anglais aux étudiants de l'Ecole Supérieure de Commerce et de Management (ESCEM), présents sur le site de l'établissement de Tours. Mme A... a ainsi été employée par l'établissement au moyen de contrats de vacation pour délivrer un enseignement dit " en face à face " mais également pour effectuer différentes taches annexes telles que les corrections, les évaluations d'examen, la définition des programmes et de modules d'enseignements, la participation aux réunions pédagogiques et la participation à certains projets pédagogiques de l'école. A la suite de la reprise, en 2012, par l'association France Business School (FBS), des enseignements assurés par l'ESCEM, Mme A... a été recrutée, à partir du 1er février 2013 par cette association, afin d'assurer les mêmes missions dans le cadre d'un contrat à durée déterminée. L'association FBS ayant mis fin à ces relations contractuelles à compter du 1er septembre 2014, Mme A... a initialement saisi le conseil des Prudhommes de Tours du litige résultant de cette résiliation puis, par une demande présentée devant le tribunal administratif d'Orléans, a demandé la condamnation du SMESCEM à l'indemniser du préjudice qu'elle estime avoir subi du fait de son maintien dans une relation de travail précaire entre 2006 et 2014. Elle relève appel du jugement en date du 28 juin 2018 par lequel ce tribunal n'a que très partiellement fait droit à sa demande en lui allouant une indemnité de 3000 euros au titre du préjudice moral et a rejeté le surplus de ses conclusions. La requérante a cependant expressément limité ses prétentions en demandant, dans le dernier état de ses écritures, la réparation du préjudice subi du fait de l'illégalité de son recrutement par le SMESCEM en qualité de vacataire au cours de la période s'étendant du mois de juin 2006 au mois de janvier 2013 ainsi que du fait du harcèlement moral subi dans l'exercice de ses fonctions de professeur d'anglais dans cet établissement.

Sur la régularité du jugement attaqué :

En ce qui concerne la compétence de la juridiction administrative :

2. D'une part, selon les termes de l'article L. 5721-1 du code général des collectivités territoriales : " Le syndicat mixte est un établissement public ". Aux termes de l'article L. 5721-2 du même code : " Un syndicat mixte peut être constitué par accord entre (...) des départements, (...) des communes, (...) des chambres de commerce et d'industrie (...) ". Par suite, le SMESCEM, constitué par la commune de Poitiers, le département de la Vienne, les chambres régionales de commerce et d'industrie de Poitou-Charentes et du Centre et les chambres de commerce et d'industrie de la Vienne et de la Touraine, est, en application des dispositions législatives mentionnées précédemment, un établissement public, peu important la circonstance qu'il soit composé majoritairement d'organismes consulaires. En conséquence, les contrats signés par son président pour l'exécution d'une mission de service public administratif ont le caractère de contrats administratifs.

3. D'autre part, il résulte de la lecture même de l'ensemble des contrats conclus entre Mme A... et le SMESCEM que cette dernière a été recrutée par cet établissement public afin d'assurer, en qualité de vacataire dans le cadre d'une mission d'intérêt général d'enseignement, des cours d'anglais au sein de l'établissement de Tours de l'ESCEM. Par suite, le défendeur ne saurait sérieusement soutenir que les contrats en cause devraient être requalifiés en contrats de prestation de service assurés par un autoentrepreneur alors qu'au demeurant il n'est aucunement établi que la requérante aurait assuré d'autres prestations d'enseignement que celles effectuées au sein de l'ESCEM.

4. Il résulte de ce qui précède que la juridiction administrative est compétente pour statuer sur les conclusions de Mme A... tendant à la mise en jeu de la responsabilité du SMESCEM tant en ce qui concerne son emploi en qualité de vacataire qu'en ce qui concerne les faits de harcèlement qu'elle indique avoir subis.

En ce qui concerne la compétence territoriale :

5. Aux termes de l'article R. 312-2 du code de justice administrative: " Sauf en matière de marchés, contrats ou concessions, la compétence territoriale ne peut faire l'objet de dérogations, même par voie d'élection de domicile ou d'accords entre les parties (...) ". Aux termes de l'article R. 312-12 du même code : " Tous les litiges d'ordre individuel, y compris notamment ceux relatifs aux questions pécuniaires, intéressant les fonctionnaires ou agents de l'Etat et des autres personnes ou collectivités publiques (...) relèvent du tribunal administratif dans le ressort duquel se trouve le lieu d'affectation du fonctionnaire ou agent que la décision attaquée concerne (...) ".

6. Les dispositions de l'article R. 312-12 du code de justice administrative sont applicables à tous les litiges relatifs aux agents employés par une personne publique, qu'ils aient la qualité de fonctionnaires ou d'agents contractuels. Par ailleurs, un contrat par lequel une personne publique recrute et emploie un agent en qualité de vacataire, qui s'assimile à un contrat de louage de services, ne figure pas au nombre des contrats de concession et des contrats et marchés régis par le code des marchés publics mentionnés à l'article R. 312-2 du même code. Par suite, la circonstance que certains contrats de vacation signés par Mme A... aient prévu que les litiges éventuels seraient soumis au tribunal administratif de Poitiers est sans influence sur la détermination du tribunal administratif d'Orléans comme juridiction territorialement compétente pour statuer sur les litiges en question en application des dispositions précitées de l'article R.312-12 du code de justice administrative. Par voie de conséquence, et en l'état de la réglementation applicable à la date à laquelle la cour administrative d'appel de Nantes a été saisie de la requête de Mme A..., cette cour est également compétente pour statuer sur ce litige.

En ce qui concerne l'exercice de son office par le tribunal administratif d'Orléans :

7. Il ressort des motifs énoncés au point 13 du jugement dont il est relevé appel que le tribunal administratif a jugé que Mme A... n'établissait pas devant lui le principe du préjudice de rémunération dont elle demande indemnisation. Le tribunal, ayant ainsi refusé de faire droit à la demande d'indemnisation, n'a pas méconnu son office en n'exerçant pas ses pouvoirs d'instruction pour faire préciser l'étendue du préjudice ou en ne renvoyant pas au syndicat employeur le soin de calculer la liquidation du préjudice de Mme A.... Le jugement n'est, par suite et pour ce motif, pas entaché d'irrégularité.

Sur la recevabilité des conclusions de Mme A... :

8. Aux termes de l'article R. 421-1 du code de justice administrative, dans sa version applicable au litige : " Sauf en matière de travaux publics, la juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée (...) ". Aux termes de l'article R. 421-2 du même code : " Sauf disposition législative ou réglementaire contraire, le silence gardé pendant plus de deux mois sur une réclamation par l'autorité compétente vaut décision de rejet. Les intéressés disposent, pour se pourvoir contre cette décision implicite, d'un délai de deux mois à compter du jour de l'expiration de la période mentionnée au premier alinéa (...) La date du dépôt de la réclamation à l'administration, constatée par tous moyens, doit être établie à l'appui de la requête ". Si ces dispositions imposent au requérant d'établir qu'il a saisi la juridiction dans un délai de deux mois à compter de l'expiration du délai de même durée au terme duquel le silence gardé par la personne publique vaut décision de rejet, elles n'imposent pas, en revanche, au requérant de produire, à l'appui de sa requête initiale et dans le même délai que celui applicable à la saisine de la juridiction, la preuve de cette notification, celle-ci pouvant être produite à tout moment de l'instance sauf demande de régularisation effectuée par le greffe en application de l'article R. 612-1 du code de justice administrative.

9. En premier lieu, il résulte de l'instruction que Mme A... a, le 6 novembre 2017, produit auprès du greffe du tribunal administratif d'Orléans, la copie de l'accusé de réception de la lettre par laquelle elle avait, le 17 mars 2016, saisi le SMESCEM d'une demande d'indemnisation. Par suite, le moyen invoqué par le SMESCEM tiré du non-respect des dispositions du dernier alinéa de l'article R. 421-2 du code de justice administrative doit être écarté.

10. En deuxième lieu, il résulte de l'instruction, et notamment de la lecture de l'accusé de réception mentionné au point précédent, que la lettre du 17 mars 2016 a bien été adressée au directeur de l'ESCEM, à l'adresse de son siège social situé alors au 11, rue de l'Ancienne-Comédie à Poitiers. Par suite, le syndicat défendeur ne peut sérieusement soutenir que cette lettre aurait, pour valoir décision implicite de rejet, dû être envoyée au 7, avenue du tour de France à Chasseneuil du Poitou alors qu'il ressort de la lecture des pièces du dossier que son siège social n'a été transféré à cette adresse que le 27 novembre 2017.

11. En troisième lieu, la circonstance que l'accusé de réception en question aurait été signé par une personne non identifiable est sans influence sur la régularité de la notification effectuée à l'adresse du siège social du syndicat, ce dernier, qui a la responsabilité de l'organisation de la réception des courriers qui lui sont destinés, ne démontrant aucunement que le pli en cause aurait été reçu par une personne étrangère à ses services.

12. En quatrième lieu, si le SMESCEM soutient avoir reçu une enveloppe vide de tout pli, il ne le démontre pas, les seules circonstances que la lettre de Mme A... serait datée du 13 janvier 2016 et ne porterait pas mention du numéro d'accusé de réception ne permettant pas de faire douter de la réalité d'une demande préalable d'indemnisation adressée au syndicat le 17 mars 2016.

13. Enfin, s'il résulte du principe de sécurité juridique que le destinataire d'une décision administrative individuelle qui a reçu notification de cette décision ou en a eu connaissance dans des conditions telles que le délai de recours contentieux ne lui est pas opposable doit, s'il entend obtenir l'annulation ou la réformation de cette décision, saisir le juge dans un délai raisonnable, qui ne saurait, en règle générale et sauf circonstances particulières, excéder un an, cette règle ne trouve pas à s'appliquer aux recours tendant à la mise en jeu de la responsabilité d'une personne publique qui, s'ils doivent être précédés d'une réclamation auprès de l'administration, ne tendent pas à l'annulation ou à la réformation de la décision rejetant tout ou partie de cette réclamation mais à la condamnation de la personne publique à réparer les préjudices qui lui sont imputés. La prise en compte de la sécurité juridique, qui implique que ne puissent être remises en cause indéfiniment des situations consolidées par l'effet du temps, est alors assurée par les règles de prescription prévues par la loi du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l'Etat, les départements, les communes et les établissements publics. En l'occurrence, il résulte de la lecture de la demande initiale de Mme A... devant le tribunal administratif que celle-ci s'est limitée à demander au tribunal la condamnation du SMESCEM à l'indemniser du préjudice résultant des fautes commises par ce dernier. Par suite, le syndicat défendeur n'est pas fondé à soutenir que l'application du principe de sécurité juridique serait de nature à rendre irrecevable la requête de Mme A....

14. En revanche, dès lors que le préjudice de carrière porte sur une période se terminant le 31 janvier 2013 et n'est pas évolutif, le SMESCEM est fondé à soutenir que les conclusions tendant à l'allocation d'une indemnité de 264 009,86 euros, d'un montant supérieur à celui de 192 632 euros demandé en première instance, sont nouvelles et par suite, irrecevables.

Sur l'exception de prescription quadriennale :

15. Aux termes de l'article 1er de la loi du 31 décembre 1968 : " Sont prescrites, au profit de l'Etat, des départements et des communes, sans préjudice des déchéances particulières édictées par la loi, et sous réserve des dispositions de la présente loi, toutes créances qui n'ont pas été payées dans un délai de quatre ans à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis. Sont prescrites, dans le même délai et sous la même réserve, les créances sur les établissements publics dotés d'un comptable public ". Aux termes de l'article 2 de cette même loi : " La prescription est interrompue par (...) Tout recours formé devant une juridiction, relatif au fait générateur, à l'existence, au montant ou au paiement de la créance, quel que soit l'auteur du recours et même si la juridiction saisie est incompétente pour en connaître, et si l'administration qui aura finalement la charge du règlement n'est pas partie à l'instance (...) ". Aux termes de l'article 3 de la même loi : " La prescription ne court ni contre le créancier qui ne peut agir, soit par lui-même ou par l'intermédiaire de son représentant légal, soit pour une cause de force majeure, ni contre celui qui peut être légitimement regardé comme ignorant l'existence de sa créance ou de la créance de celui qu'il représente légalement ".

16. Lorsqu'un litige oppose un agent public à son administration sur le montant des rémunérations auxquelles il a droit, le fait générateur de la créance se trouve en principe dans les services accomplis par l'intéressé. Dans ce cas, le délai de prescription de la créance relative à ces services court, sous réserve des cas prévus à l'article 3 de la loi du 31 décembre 1968, à compter du 1er janvier de l'année suivant celle au titre de laquelle ils auraient dû être rémunérés, y compris lorsque le litige porte sur un prélèvement indu, à la condition qu'à cette date l'étendue de cette créance puisse être mesurée. Lorsque le préjudice allégué résulte non des règles relatives à la rémunération ou de leur application mais d'une décision individuelle explicite illégale, le fait générateur de la créance doit alors être rattaché, sous les mêmes réserves, non à l'exercice au cours duquel la décision a été prise, mais à celui au cours duquel elle a été valablement notifiée.

17. D'une part, il résulte de la lecture des dispositions de l'article 49-5 du statut du personnel de l'ESCEM auquel se réfèrent expressément les contrats conclus par Mme A... que les intervenants vacataires ne peuvent être recrutés que pour l'exécution d'une tâche précise sur un emploi dénué de permanence. En outre, les propres écritures de Mme A... révèlent qu'elle avait dès l'origine conscience de l'irrégularité de cette situation puisqu'elle indique avoir été maintenue en connaissance de cause dans cet état précaire par la direction de l'ESCEM, utilisant comme moyen de pression la possibilité d'obtenir à terme un emploi permanent, et que cette espérance lui a fait accepter cet état durant plusieurs années. Par suite, Mme A... ne pouvait ignorer, au sens de l'article 3 de la loi du 31 décembre 1968, l'existence d'une créance liée à l'irrégularité de son maintien dans un statut de vacataire. Toutefois, elle n'a pu mesurer l'étendue de sa créance liée au maintien irrégulier de manière permanente, durant sept années dans ce statut, que quand cette situation a pris fin ainsi que ses espoirs d'obtenir un emploi permanent, soit le 1er septembre 2014, date à laquelle il a été définitivement mis fin à toute relation de travail.

18. D'autre part, Mme A... a saisi le 17 mars 2015 le conseil des prud'hommes de Poitiers pour obtenir condamnation de l'association FBS à l'indemniser du préjudice subi du fait de son maintien dans une situation précaire liée à son statut de vacataire depuis 2006, y incluant donc la période pendant laquelle elle était recrutée par le SMESCEM. Par suite, conformément aux dispositions de l'article 2 de la loi du 31 décembre 1968 qui prévoient que tout recours formé devant une juridiction, même incompétente, relatif au fait générateur et à l'existence de la créance interrompt la prescription et même si l'administration qui aura finalement la charge du règlement n'est pas partie à l'instance, la prescription quadriennale a été interrompue à la date du 17 mars 2015.

19. Il s'ensuit qu'à la date d'introduction de sa demande préalable, le 17 mars 2016, les créances invoquées par Mme A... n'étaient pas prescrites.

Sur la mise en jeu de la responsabilité du SMESCEM :

S'agissant du régime juridique applicable aux contrats conclus par Mme A... :

20. Aux termes de l'article 3-3 de la loi du 26 janvier 1984 : " Par dérogation au principe énoncé à l'article 3 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 précitée et sous réserve de l'article 34 de la présente loi, des emplois permanents peuvent être occupés de manière permanente par des agents contractuels dans les cas suivants : 1° Lorsqu'il n'existe pas de cadre d'emplois de fonctionnaires susceptibles d'assurer les fonctions correspondantes ; 2° Pour les emplois du niveau de la catégorie A lorsque les besoins des services ou la nature des fonctions le justifient et sous réserve qu'aucun fonctionnaire n'ait pu être recruté dans les conditions prévues par la présente loi (...) Les agents ainsi recrutés sont engagés par contrat à durée déterminée d'une durée maximale de trois ans. Ces contrats sont renouvelables par reconduction expresse, dans la limite d'une durée maximale de six ans. Si, à l'issue de cette durée, ces contrats sont reconduits, ils ne peuvent l'être que par décision expresse et pour une durée indéterminée ". Aux termes du II de l'article 3-4 de la même loi : " Tout contrat conclu ou renouvelé pour pourvoir un emploi permanent en application de l'article 3-3 avec un agent qui justifie d'une durée de services publics de six ans au moins sur des fonctions relevant de la même catégorie hiérarchique est conclu pour une durée indéterminée. La durée de six ans mentionnée au premier alinéa du présent II est comptabilisée au titre de l'ensemble des services accomplis auprès de la même collectivité ou du même établissement dans des emplois occupés sur le fondement des articles 3 à 3-3. (...) Pour l'appréciation de cette durée, les services accomplis à temps non complet et à temps partiel sont assimilés à des services effectués à temps complet. ". Aux termes de l'article 48-7 du statut d'emploi des personnels de l'ESCEM auquel s'est référé le SMESCEM par délibération de son assemblée générale et sur le fondement duquel ont été conclus les contrats signés avec Mme A... : " Sous-titre II Conditions d'emploi des enseignants permanents non titularisables : " Les compagnies consulaires peuvent employer des enseignants non titularisables (accomplissant un service inférieur à la moitié de la durée hebdomadaire du travail d'un agent à temps complet et/ou ressortissant d'un état non membre de la communauté européenne). Ces enseignants seront employés sous contrat non titularisables qui devra obligatoirement fixer : - le contenu de la fonction par référence aux article 48-4 et 48-5 du présent statut et le règlement intérieur du personnel de la compagnie consulaire. - les lieux d'exercice des fonctions. - Le volume d'heures minimum d'activité sur la base duquel la rémunération mensuelle doit être fixée par référence à la grille de classification et déclinée en indice de qualification et de résultat. - le mode de calcul des rémunérations complémentaires versées au titre des heures d'interventions effectuées au-delà du volume prévu. (...) ". Enfin, aux termes de l'article 49-5 du même statut : " Les compagnies consulaires peuvent employer des intervenants vacataires dans les cas suivants : - exécution d'une tâche précise sur un emploi dénué de permanence - exécution d'une tâche spécialisée, d'une expertise, en complément d'une activité professionnelle exercée à titre principal (...) ".

21. En premier lieu, comme indiqué au point 3, le SMESCEM ne peut sérieusement soutenir que, sous couvert de la conclusion de contrats de vacataires, Mme A... aurait en fait été recrutée, dans des conditions irrégulières au regard des dispositions du code des marchés publics, comme prestataire de services en tant qu'autoentrepreneur, alors qu'elle n'a jamais facturé une quelconque prestation. Il n'est en conséquence pas fondé à invoquer la nullité, pour ce motif, des actes contractuels conclus avec Mme A....

22. En deuxième lieu, si compte tenu de leur qualité d'établissement public, les syndicats mixtes mentionnés à l'article L. 5721-1 du code général des collectivités territoriales sont des établissements publics dont les personnels titulaires ont la qualité de fonctionnaires régis par les dispositions applicables à la fonction publique territoriale, aucune disposition légale ou réglementaire ne leur interdit, dès lors qu'ils comptent parmi leurs membres des chambres de commerce et d'industrie, de recruter des agents régis par des contrats faisant référence au statut du personnel des chambres de commerce et d'industrie pour autant que soient respectées les dispositions de l'article 3-3 de la loi du 26 janvier 1984 mentionnées au point 20. En l'occurrence, les dispositions précitées des articles 48-7 et 49-5 du statut des personnels de l'ESCEM, mentionnées au point 20, sont compatibles avec les exigences posées par l'article 3-3 de la loi du 26 janvier 1984. En conséquence, le SMESCEM ne peut utilement soutenir qu'en l'absence de dispositions légales applicables à la situation d'agent contractuel recruté par un syndicat mixte, il ne pouvait régulariser la situation de l'intéressée et était tenu de procéder à son licenciement dès lors qu'elle ne pouvait plus être employée comme vacataire.

S'agissant de la régularité du recrutement de Mme A... en qualité de vacataire :

23. Il résulte de l'instruction, et notamment de la lecture des contrats conclus entre la requérante et le SMESCEM, que Mme A... a été employée par ce dernier au moyen de 42 contrats successifs, pour la période courant du mois de juin 2006 au 31 janvier 2013, afin d'effectuer des enseignements en anglais, complétés par des travaux de préparation de ces enseignements, de correction des épreuves des étudiants et d'évaluation de ces derniers. De plus, Mme A... était tenue d'assister aux réunions pédagogiques et d'organisation des enseignements et a participé à la réalisation de plusieurs modules d'enseignement. Le décompte des heures effectuées par Mme A..., dites heures " en face à face " soit en présence des étudiants, s'établit à 145 heures au cours de l'année 2006, 220 heures au cours de l'année 2007, 401 heures au cours de l'année 2008, 267 heures au cours de l'année 2009, 356 heures au cours de l'année 2010, 382 heures au cours de l'année 2011, 280 heures au cours de l'année 2012 et 128 heures au mois de janvier 2013, soit une moyenne annuelle, hors mois d'été et en excluant les années 2006 et 2013 correspondant au début et à la fin de l'activité de Mme A..., à 300 heures.

24. La circonstance qu'un agent a été recruté plusieurs fois, au cours de différentes années, pour exécuter des actes déterminés n'a pas pour effet, à elle seule, de lui conférer la qualité d'agent contractuel. En revanche, un agent ayant été recruté pour répondre, même à temps non complet et avec un volume horaire variable, à un besoin permanent d'un établissement public pendant plusieurs années doit être regardé comme ayant, alors même qu'il aurait été rémunéré sous forme de vacation, la qualité d'agent non titulaire régi par les dispositions statutaires applicables au personnel de cet établissement public.

25. En l'occurrence, compte tenu du décompte effectué au point 23, les fonctions exercées par Mme A... ne pouvaient être qualifiées de missions d'exécution d'une tâche précise sur un emploi dénué de permanence au sens de l'article 49-5 du statut des personnels du SMESCEM mais correspondaient en réalité à des fonctions d'enseignement justifiant un besoin permanent telles qu'elles sont prévues par l'article 48-7 des statuts des personnels de l'ESCEM mentionné au point 20. La requérante était donc en droit de prétendre, pour la période de juin 2006 à janvier 2013, à être employée par l'ESCEM selon les modalités définies par un contrat établi conformément aux dispositions de l'article 48-7. Dès lors, en la maintenant irrégulièrement dans une situation de vacataire durant toute la période en question, le SMESCEM a commis une faute de nature à engager sa responsabilité.

S'agissant du harcèlement moral :

26. Aux termes de l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. Aucune mesure concernant notamment le recrutement, la titularisation, la rémunération, la formation, l'évaluation, la notation, la discipline, la promotion, l'affectation et la mutation ne peut être prise à l'égard d'un fonctionnaire en prenant en considération : 1° Le fait qu'il ait subi ou refusé de subir les agissements de harcèlement moral visés au premier alinéa ; 2° Le fait qu'il ait exercé un recours auprès d'un supérieur hiérarchique ou engagé une action en justice visant à faire cesser ces agissements ; 3° Ou bien le fait qu'il ait témoigné de tels agissements ou qu'il les ait relatés. Est passible d'une sanction disciplinaire tout agent ayant procédé ou ayant enjoint de procéder aux agissements définis ci-dessus ". Il appartient à un agent public qui soutient avoir été victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence d'un tel harcèlement. Il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile.

27. Mme A... soutient qu'elle a subi un harcèlement moral en raison de l'illégalité de son recrutement en qualité de vacataire, de la situation précaire dans laquelle elle a été maintenue et du harcèlement moral dont elle a été victime de la part de la hiérarchie de l'ESCEM.

28. D'une part, si l'irrégularité commise par le SMESCEM en ce qui concerne l'emploi de l'intéressée comme vacataire de manière permanente et prolongée constitue une faute pouvant donner lieu à indemnisation, elle ne saurait cependant être qualifiée de fait constitutif de harcèlement moral.

29. D'autre part, Mme A... fait valoir que les conditions dégradées à l'extrême dans lesquelles elle devait travailler sont constitutives de faits de harcèlement moral. Elle fait ainsi état de ressources matérielles limitées et défaillantes, du refus de la faire bénéficier des facilités de restauration et de rangement accordées aux enseignants titulaires, de l'interdiction d'avoir recours au service de reprographie, de l'existence d'un climat de travail délétère entre professeurs permanents et vacataires, de la pression à un surcroit de travail à laquelle étaient soumis les vacataires sous couvert de promesses de promotion et d'attribution de nouvelles heures d'enseignement, du favoritisme dans l'attribution des postes de professeurs permanents et de l'existence de remontrances injustifiées de la part de son supérieur. Cependant, ces allégations ne sont pas étayées avec une précision suffisante pour permettre de présumer l'existence d'agissements constitutifs de harcèlement moral à l'encontre de Mme A.... De surcroît, il ne résulte pas de l'instruction que cette dernière aurait fait part à des tierces personnes de faits de harcèlement moral, ni qu'elle ait averti la direction de ses problèmes de santé. Enfin, certains éléments dont elle fait état, tels que ceux relatifs à son état de santé et l'existence de remontrances injustifiées, exprimées en public devant les élèves, sont relatifs à sa situation de professeur en contrat à durée déterminée auprès de l'association FBS, hors du champ du présent litige. Par suite, le harcèlement moral allégué n'est pas établi et, en conséquence, Mme A... n'est pas fondée à demander la condamnation du SMESCEM en raison de ce comportement fautif.

Sur le préjudice :

30. En premier lieu, Mme A... soutient, dans le dernier état de ses écritures, que la différence de rémunération entre celle qu'elle a perçue entre juin 2006 et janvier 2013 et celle qu'elle aurait dû percevoir, en étant recrutée comme enseignant contractuel régi par le statut du personnel du SMESCEM est de 264 009, 86 euros en prenant en compte les salaires de base, les congés payés et le treizième mois. Compte tenu de la faute relevée au point 25 et de l'existence d'une possibilité légale de reclassement, l'intéressée a effectivement subi un préjudice lui ouvrant droit à indemnisation, dans les limites toutefois fixées par les développements du point 14.

31. Comme indiqué au point 17, Mme A... aurait dû, compte tenu de la nature des fonctions exercées et de leur modalités d'exercice, être recrutée comme enseignante relevant de l'article 48-7 du statut des personnels de l'ESCEM. Si la requérante fait référence au contrat d'une autre enseignante, cette référence ne peut suffire pour permettre une évaluation exacte du préjudice qu'elle a subi, notamment compte tenu du fait que cette professeure exerçait à temps partiel pour 4/5eme de l'horaire normal et de l'absence de précision sur ses conditions effectives d'exercice. Il y a lieu, dès lors, de renvoyer Mme A... devant le SMESCEM afin que ce dernier procède au calcul de la rémunération qui aurait dû lui être versée si elle avait été recrutée, pour la période de juin 2006 à janvier 2013, en qualité d'enseignante contractuelle régie par les dispositions de l'article 48-7 du statut des personnels de l'ESCEM, étant précisé que sa charge de travail doit être évaluée selon les modalités définies par les articles 48-4, 48-5 et 48-6 du statut du personnel de l'ESCEM ainsi que selon les modalités définies par l'article 27 du même statut s'agissant des congés payés. Ainsi doit être ajouté à la moyenne de 300 heures mentionné au point 23, un volume équivalent de 300 heures correspondant aux activités pédagogiques et missions spécifiques exercées par Mme A... prévues aux articles 48-4 et 48-5 du statut, dans la limite maximale de la moitié de la durée hebdomadaire de travail prévue à l'article 48-7. Le SMESCEM devra également procéder à nouveau calcul des droits à retraite de la requérante, compte tenu de la référence à un emploi d'enseignant recruté en application du régime de l'article 48-7 déjà cité, et régulariser la situation de l'intéressée dans l'hypothèse où les droits acquis durant la période où elle a été irrégulièrement recrutée comme vacataire seraient moins favorables que ceux auxquels elle aurait pu prétendre si elle avait été régulièrement recrutée comme professeur permanent.

32. En deuxième lieu, en se bornant à solliciter le versement de ses droits sociaux au nombre desquels figurent l'allocation pour perte d'emploi et l'allocation d'assurance chômage et à produire une attestation de Pôle Emploi du 22 novembre 2006 justifiant uniquement de son inscription depuis le 30 novembre 2009, Mme A..., qui n'a pas été privée d'emploi immédiatement après la fin de ses relations contractuelles avec le SMESCEM, n'établit pas, alors qu'il lui appartient de le faire, la réalité du préjudice qu'elle invoque.

33. En troisième lieu, Mme A... fait valoir que, du fait de son maintien irrégulier dans une situation de vacataire, elle a été irrégulièrement privée du bénéfice du droit individuel à la formation et que cette privation a eu des conséquences sur ses démarches tendant à retrouver un emploi. Cette privation implique effectivement que le SMESCEM procède également, à l'occasion du réexamen prévu au point 31, à la reconstitution du crédit d'heures acquis au titre du droit individuel à la formation et établisse une attestation au profit de Mme A... récapitulant ses droits à ce titre. En revanche, elle n'implique pas, en l'absence de précisions sur les raisons pour lesquelles les formations dont elle aurait été privée lui auraient permis de retrouver un emploi plus rapidement, qu'elle doive faire l'objet d'une indemnisation supplémentaire à ce titre.

34. En quatrième lieu, en raison de la situation de précarité et d'incertitude dans laquelle la requérante a été placée durant près de sept années et de dévalorisation ressentie eu égard à ses médiocres conditions d'emploi comme professeur de l'enseignement supérieur, il sera fait une juste appréciation des troubles dans les conditions d'existence et du préjudice moral subis par Mme A..., en prenant également en compte la mauvaise foi du SMESCEM et la méconnaissance par ce dernier de son obligation de loyauté envers ses agents, en lui allouant à ces titres une somme globale de 10 000 euros.

35. Il résulte de tout ce qui précède que, compte tenu de l'indemnité qui doit être mise à la charge du SMESCEM en application des points 31 et 34 du présent arrêt, Mme A... est fondée à demander la réformation du jugement attaqué.

Sur les intérêts :

36. Les sommes allouées à Mme A... telles que liquidées en application des points 31 et 34 du présent arrêt porteront intérêts au taux légal à compter du 17 mars 2016, date de réception de la réclamation préalable de l'intéressée par le SMESCEM.

36bis. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que l'exécution du présent arrêt implique qu'il soit procédé, conformément à ses conclusions, dans un délai de trois mois par le SMESCEM au calcul de l'indemnité due à Mme A... selon les conditions fixées au point 31 et de ses droits à formation selon les conditions fixées au point 33. Cette exécution implique également qu'il soit procédé dans le même délai à la liquidation de l'ensemble de l'indemnité due ainsi qu'à son versement effectif.

Sur les frais d'instance :

37. Les dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de Mme A..., qui n'est pas la partie perdante, le versement de la somme de 6 000 euros que demande l'ESCEM au titre des frais d'instance exposés devant la cour, de la somme de 1000 euros au titre des frais versés au même titre en application du jugement du 28 juin 2018 et de 5000 euros au titre des frais exposés devant le tribunal administratif.

38. Dans les circonstances de l'espèce, et compte tenu de la nécessité pour la requérante de répondre longuement à l'argumentation complexe du SMESCEM, il y a lieu de mettre à la charge de ce dernier le versement à Mme A... d'une somme de 3000 euros au titre des frais d'instance.

DECIDE :

Article 1er : Le SMESCEM est condamné à verser à Mme A..., d'une part, une indemnité de 10 000 euros en réparation des troubles dans les conditions d'existence et du préjudice moral subis par cette dernière et, d'autre part, une indemnité correspondant à la différence entre la rémunération et les accessoires de rémunération perçus par Mme A... en qualité de vacataire s'agissant de la période s'étendant du 1er juin 2006 au 31 janvier 2013 et ceux qu'elle aurait perçus, accessoires compris, si elle avait été recrutée comme enseignant contractuel régi par l'article 48-7 du statut des personnels de l'ESCEM. Ces indemnités porteront intérêts à compter du 17 mars 2016.

Article 2 : Le jugement du tribunal administratif d'Orléans du 28 juin 2018 est réformé en ce qu'il a de contraire à l'article 1er.

Article 3 : Il est mis à la charge du SMESCEM le versement à Mme A... d'une somme de 3000 euros en application de l'article L.761 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus de conclusions de Mme A... et les conclusions du SMESCEM tendant au versement des frais d'instance sont rejetés.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... A... et au Syndicat Mixte de l'Ecole Supérieure de Commerce et de Management.

Délibéré après l'audience du 9 octobre 2020, à laquelle siégeaient :

- M. Gaspon, président de chambre,

- M. Coiffet, président-assesseur,

- Mme Malingue, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 3 novembre 2020.

Le rapporteur,

F. Malingue

Le président,

O. GASPON

Le greffier,

P. CHAVEROUX

La République mande et ordonne au ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 18NT03230


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 18NT03230
Date de la décision : 03/11/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. GASPON
Rapporteur ?: Mme Fanny MALINGUE
Rapporteur public ?: M. LEMOINE
Avocat(s) : CATRY

Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2020-11-03;18nt03230 ?
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