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23/10/2020 | FRANCE | N°20NT01821

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 6ème chambre, 23 octobre 2020, 20NT01821


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... A... a demandé au tribunal administratif d'Orléans l'annulation des décisions du directeur général adjoint du département de Loir-et-Cher des 21 octobre 2019, 18 novembre 2019 portant radiation des cadres et du 25 octobre 2019 portant rejet de son recours gracieux dirigé contre la décision du 21 octobre 2019 et à ce qu'il soit enjoint au département de Loir-et-Cher de faire droit à sa demande de maintien en activité jusqu'à l'âge de 70 ans et de procéder à sa réintégration à compter du 30

octobre 2019 ou au réexamen de sa demande sous astreinte de 200 euros par jour d...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... A... a demandé au tribunal administratif d'Orléans l'annulation des décisions du directeur général adjoint du département de Loir-et-Cher des 21 octobre 2019, 18 novembre 2019 portant radiation des cadres et du 25 octobre 2019 portant rejet de son recours gracieux dirigé contre la décision du 21 octobre 2019 et à ce qu'il soit enjoint au département de Loir-et-Cher de faire droit à sa demande de maintien en activité jusqu'à l'âge de 70 ans et de procéder à sa réintégration à compter du 30 octobre 2019 ou au réexamen de sa demande sous astreinte de 200 euros par jour de retard.

Par jugement n° 1903931 du 9 juin 2020, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 30 juin 2020 et 21 septembre 2020, M. A..., représenté par la S.E.L.A.F.A. Cabinet Cassel (société d'avocats), demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler ces décisions ;

3°) d'enjoindre au département du Loir-et-Cher de faire droit à sa demande tendant à être maintenu en activité jusqu'à l'âge de 70 ans et de procéder à sa réintégration à compter du 30 octobre 2019 ou, à défaut, de réexaminer sa situation, sous astreinte de 200 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge du département du Loir-et-Cher le versement d'une somme de 6000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement attaqué est irrégulier dès lors que le tribunal s'est fondé, pour rejeter ses demandes, sur les moyens relevés d'office tenant à la tardiveté de sa demande et au caractère inopérant de son argumentation sans avoir préalablement informé les parties de ce qu'il se proposait de relever d'office les moyens en question et sans les avoir mises à même d'en discuter ;

- de surcroit, cette décision aurait dû être prise par un juge statuant seul ;

- c'est en méconnaissance des stipulations des articles 6-1, 13 et 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales qu'il n'a pu bénéficier des dispositions de l'article L.112-1 du code des relations entre le public et l'administration prévoyant la délivrance d'un accusé de réception ;

- il n'était pas possible de constater l'existence d'une décision implicite de rejet opposée à sa demande faite par courriel le 29 décembre 2017 compte tenu de la suite favorable qui lui a été implicitement donnée par le département qui ne l'a pas radié des cadres en juillet 2018 et a prolongé son contrat par un avenant du 27 février 2019 ;

- il était donc bien recevable à contester devant le tribunal, le 7 novembre 2019, les décisions explicites prises par le département les 21 octobre et 18 novembre 2019 ;

- les décisions en cause ont été signées par une autorité incompétente ;

- ces décisions constituent des sanctions déguisées irrégulières dès lors qu'elles sont fondées sur des faits prétendument fautifs ;

- ces décisions sont entachées d'erreur de droit dès lors que la prolongation d'activité était de droit en application du paragraphe III de l'article 6-1 de la loi n°84-834 du 13 septembre 1984, la condition de délai fixée par le département pour présenter une demande de prolongation ne reposant sur aucun fondement légal ;

- les manquements qui lui sont reprochés ne sont pas établis ;

- ces décisions sont également entachées d'erreurs en ce qui concerne le délai raisonnable dans lequel il a présenté sa demande, l'appréciation de son aptitude physique ainsi que l'intérêt du service à le maintenir en activité.

Par des mémoires, enregistrés les 18 septembre 2020 et 5 octobre 2020, le département du Loir-et-Cher, représenté par Me C..., conclut au rejet de la requête et demande que soit mise à la charge de M. A... une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir que :

- les moyens relatifs à la régularité du jugement ne sont pas fondés ;

- les moyens dirigés contre la décision du 18 novembre 2018 sont inopérants dès lors qu'il se trouvait en situation de compétence liée ;

- les autres moyens soulevés ne sont pas fondés.

Par un courrier du 22 septembre 2020, les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, que la cour était susceptible de soulever d'office l'irrégularité du jugement du 9 juin 2020 en tant que le tribunal administratif a omis de prononcer un non-lieu à statuer sur les conclusions aux fins d'annulation des décisions des 21 et 25 octobre 2019.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des relations entre le public et l'administration;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-834 du 13 septembre 1984 ;

- la loi n° 2010-1330 du 9 novembre 2010;

- le décret n°2011-2103 du 30 décembre 2011 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme D...,

- les conclusions de M. Lemoine, rapporteur public,

- et les observations de Me B..., substituant Me C..., représentant le département de Loir-et-Cher.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., né le 29 octobre 1952, a été recruté par le département du Loir-et-Cher sur un emploi contractuel en qualité de rédacteur afin d'exercer des missions de contrôle des allocations versées aux bénéficiaires de l'allocation personnalisée d'autonomie puis aux bénéficiaires du revenu de solidarité active. Par courriel du 29 décembre 2017, le requérant a informé le service de gestion des ressources humaines du département du Loir-et-Cher de son souhait de continuer à collaborer avec cette collectivité " au-delà de l'âge légal de la retraite ". Aucune réponse expresse n'a été apportée à cette demande. Par la suite, M. A... et le département ont signé, le 27 février 2019, un contrat à durée indéterminée recrutant à nouveau cet agent à compter du 1er janvier 2019 afin d'exercer les fonctions de rédacteur principal de première classe au sein de la structure intitulée " Pole Lutte contre la Fraude RSA ". Cependant, par une décision du 21 octobre 2019, le président du conseil départemental du Loir-et-Cher a notifié à M. A... qu'il serait mis à la retraite d'office à compter du 1er janvier 2020. Saisi d'un recours de l'intéressé, il a confirmé cette décision par courrier du 25 octobre 2019. Puis, par un arrêté du 18 novembre 2019, le président du conseil départemental du Loir-et-Cher a retiré les décisions des 21 et 25 octobre 2019, rejeté la demande de prolongation d'activité au-delà de la limite d'âge présentée par M. A..., l'a radié des cadres du département et a prononcé sa mise à la retraite d'office à compter du 30 octobre 2019. M. A... relève appel du jugement du 9 juin 2019 par lequel le tribunal administratif d'Orléans, qu'il avait saisi d'une demande d'annulation de la décision mentionnée précédemment du 18 novembre 2019 ainsi que d'une demande d'annulation de deux décisions du 21 et du 25 octobre 2019 prononçant sa radiation des cadres à compter du 1er janvier 2020 et rejetant le recours gracieux présenté contre cette première décision, a rejeté ces demandes.

2. D'une part, il ressort de l'article 1er de la décision contestée du 18 novembre 2019 que le président du conseil départemental du Loir-et-Cher a retiré les décisions des 21 octobre et 25 octobre 2019 faisant l'objet du recours en annulation de M. A.... Il ne ressort pas des pièces du dossier que la décision du 21 octobre 2019, qui fixait au 1er janvier 2020 la date de cessation des fonctions de M. A..., ait reçu un commencement d'exécution. Alors qu'il a mentionné, au point 9 de son jugement, que ces décisions avaient été rapportées et qu'il n'y avait pas lieu de les examiner, le tribunal administratif a omis de prononcer un non-lieu à statuer sur les conclusions aux fins d'annulation de ces deux décisions. Il y a lieu d'annuler sur ce point le jugement attaqué, d'évoquer les conclusions de la demande devenues sans objet au cours de la procédure de première instance et de décider qu'il n'y a pas lieu d'y statuer.

3. D'autre part, il ressort des pièces du dossier que, pour rejeter la demande de M. A..., les premiers juges ont d'office relevé que cet agent ne pouvait prétendre à continuer son activité au-delà de la limite d'âge de son emploi, laquelle devait être fixée au 30 juillet 2018. Il ressort également de la lecture des mêmes pièces que les premiers juges ont, d'office, relevé qu'il avait été opposé une décision implicite de refus à la demande de prolongation présentée le 29 décembre 2017 par le requérant, qui s'était alors prévalu, par courriel, des dispositions, dans leur rédaction issue de l'article 115 de la loi du 12 mars 2012, modifiant l'article 6-1 de la loi du 13 septembre 1984 relative à la limite d'âge dans la fonction publique et le secteur public. Cependant, si, effectivement, les parties avaient été informées par le greffe, par une lettre du 20 février 2020, que le tribunal était susceptible de relever d'office le moyen tiré de " (la) compétence liée du département pour prononcer, à la date du 18/11/2019, la mise à la retraite d'office du requérant pour limite d'âge ", les parties n'ont, en revanche, été informées ni de de la circonstance que le tribunal estimait qu'en fait cette limite d'âge devait être prononcée à compter du 30 juillet 2018 ni de la circonstance que la décision implicite refusant la demande de maintien de M. A... en activité au-delà de la limite d'âge serait devenue définitive. En rejetant d'office les moyens développés devant eux par M. A... sans permettre aux parties de présenter leurs observations, les premiers juges ont méconnu le principe du caractère contradictoire de la procédure et entaché leur jugement d'irrégularité, alors surtout qu'il n'était aucunement établi que M. A... avait nécessairement connaissance du refus implicite opposé à sa demande faite le 29 décembre 2017, la preuve d'une telle connaissance ne résultant pas du seul écoulement du temps depuis la présentation de la demande en question. Par suite, M. A... est fondé à demander l'annulation du jugement du tribunal administratif d'Orléans du 9 juin 2020 en tant qu'il a rejeté les conclusions de sa demande dirigées contre la décision du 18 novembre 2019 du président du conseil du département de Loir-et-Cher. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de renvoyer l'affaire devant ce tribunal afin qu'il statue à nouveau sur cette demande.

4. Les dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de M. A... le versement de la somme demandée par le département de Loir-et-Cher au titre des frais de l'instance. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de cette collectivité le versement à M. A... de la somme de 1500 euros en application des mêmes dispositions.

DECIDE

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif d'Orléans en date du 9 juin 2020 est annulé.

Article 2 : Il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions de M. A... tendant à l'annulation des décisions des 21 et 25 octobre 2019 du président du conseil départemental de Loir-et-Cher fixant sa radiation des cadres à la date du 1er janvier 2020 et rejetant le recours gracieux présenté contre cette décision.

Article 3 : M. A... est renvoyé devant le tribunal administratif d'Orléans pour qu'il soit statué sur sa demande d'annulation de la décision du 18 novembre 2019.

Article 4 : Il est mis à la charge du département de Loir-et-Cher le versement à M. A... d'une somme de 1500 euros en application de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions de M. A... ainsi que les conclusions du département de Loir-et-Cher tendant à l'application de l'article L.761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... A... et au département de Loir-et-Cher.

Délibéré après l'audience du 9 octobre 2020 à laquelle siégeaient :

-M. Gaspon, président de chambre,

-M. Coiffet, président-assesseur,

-Mme D..., premier conseiller.

Lu en audience publique, le 23 octobre 2020.

Le rapporteur, Le président,

F. D... O. GASPON

La greffière,

P. CHAVEROUX

La République mande et ordonne à la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, en ce qui la concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun entre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente ordonnance. .

N° 20NT01821 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 20NT01821
Date de la décision : 23/10/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. GASPON
Rapporteur ?: Mme Fanny MALINGUE
Rapporteur public ?: M. LEMOINE
Avocat(s) : CABINET CASSEL

Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2020-10-23;20nt01821 ?
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