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23/10/2020 | FRANCE | N°19NT04950

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 6ème chambre, 23 octobre 2020, 19NT04950


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... G... C... F... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 6 août 2019 par lequel le préfet de Maine-et-Loire a décidé son transfert aux autorités allemandes, responsables de l'examen de sa demande d'asile, ainsi que l'arrêté du même jour l'assignant à résidence.

Par un jugement n° 1909232 du 4 septembre 2019, le magistrat désigné du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire

enregistrés les 21 décembre 2019 et 17 septembre 2020, M. G... C... F..., représenté par Me Guinel-...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... G... C... F... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 6 août 2019 par lequel le préfet de Maine-et-Loire a décidé son transfert aux autorités allemandes, responsables de l'examen de sa demande d'asile, ainsi que l'arrêté du même jour l'assignant à résidence.

Par un jugement n° 1909232 du 4 septembre 2019, le magistrat désigné du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 21 décembre 2019 et 17 septembre 2020, M. G... C... F..., représenté par Me Guinel-Johnson, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 4 septembre 2019 ;

2°) d'annuler les arrêtés du 6 août 2019 ;

3°) d'enjoindre, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, au préfet de Maine-et-Loire de l'autoriser à solliciter l'asile en France et de lui délivrer une attestation de demandeur d'asile dans le délai de 5 jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil, qui renonce à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle, d'une somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- le magistrat désigné a omis de répondre au caractère disproportionné de l'arrêté d'assignation à résidence et à son défaut de base légale en ce qui concerne l'obligation de pointage avec ses effets personnels ;

- les décisions contestées ont été signées par une autorité incompétente dès lors que seuls les membres du pôle régional Dublin de la préfecture du Maine-et-Loire peuvent recevoir une délégation de signature ;

- l'arrêté de transfert est insuffisamment motivé ; il ne mentionne ni le " hit 1 " en Italie du 30 mai 2011, ni celui de la Suisse du 6 juin 2011 et ne précise pas pourquoi ces Etats ne seraient pas responsables de sa demande d'asile ; il ne mentionne pas le d) de l'article 18-1 du règlement du 26 juin 2013 ;

- cette décision a été prise en méconnaissance de l'article 4 du règlement du 26 juin 2013 ; il a reçu l'information prévue par ces dispositions après l'entretien individuel ;

- les dispositions de l'article 5 du règlement ont été méconnues ; il n'a pas été informé de la possibilité de consulter un médecin conformément à ce que prévoit l'alinéa 4 de l'article L. 744-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- il n'a pas été procédé à un examen complet de sa situation, au regard notamment de son état de santé ;

- il ne pouvait faire l'objet d'un arrêté de transfert vers l'Allemagne alors qu'il possède le statut de réfugié en Italie depuis le 23 avril 2012 ;

- cette décision est contraire aux dispositions de l'article 17 du règlement du 26 juin 2013 ;

- la décision d'assignation à résidence est insuffisamment motivée ;

- cette décision est illégale à raison de l'illégalité de la décision de transfert ;

- cette décision présente un caractère disproportionné.

Par un mémoire en défense, enregistré le 6 février 2020, le préfet de Maine-et-Loire conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. G... C... F... ne sont pas fondés.

M. G... C... F... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 28 novembre 2019.

Vu les autres pièces du dossier et notamment celles communiquées le 24 février 2020 par le préfet de Maine-et-Loire indiquant que l'intéressé doit être regardé comme étant en fuite de sorte que le délai de transfert le concernant est prorogé jusqu'au 5 mars 2021.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, modifiée, relative à l'aide juridique ;

- le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 modifié ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Gélard,

- les conclusions de M. Lemoine, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. G... C... F..., ressortissant tchadien, relève appel du jugement du 4 septembre 2019 par lequel le magistrat désigné du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 6 août 2019 par lequel le préfet de Maine-et-Loire a décidé son transfert aux autorités allemandes, responsables de l'examen de sa demande d'asile, ainsi que de l'arrêté du même jour l'assignant à résidence.

Sur les conclusions à fin d'annulation des décisions contestées :

2. En application de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la décision de transfert dont fait l'objet un ressortissant de pays tiers ou un apatride qui a déposé auprès des autorités françaises une demande d'asile dont l'examen relève d'un autre Etat membre ayant accepté de le prendre ou de le reprendre en charge doit être motivée, c'est-à-dire qu'elle doit comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement.

3. Pour l'application de ces dispositions, est suffisamment motivée une décision de transfert qui mentionne le règlement du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 et comprend l'indication des éléments de fait sur lesquels l'autorité administrative se fonde pour estimer que l'examen de la demande présentée devant elle relève de la responsabilité d'un autre Etat membre, une telle motivation permettant d'identifier le critère du règlement communautaire dont il est fait application.

4. L'arrêté portant transfert de M. G... C... F... vers l'Allemagne indique que M. A... se disant Saleh I... B..., ressortissant tchadien né le 30 décembre 1986 alias G... C... F... B... né le 29 mars 1987 au Tchad, alias G... C... F... B... né le 29 mars 1987 alias F... B... G... C... né le 29 mars 1987 alias C... F... B... né le 29 mars 1987 au Tchad, a déclaré être entré irrégulièrement en France le 12 juin 2019 et s'y est maintenu sans être muni des documents et visa exigés par les textes en vigueur. Il précise que l'intéressé a sollicité l'asile auprès des autorités allemandes préalablement au dépôt de sa demande d'asile en France et que ses empreintes ont été enregistrées en Allemagne les 13 juin 2013 et 9 février 2018. Si cet arrêté n'avait pas à faire mention du fait qu'il avait séjourné précédemment en Suisse et en Italie, il est constant que l'intéressé a obtenu la qualité de réfugié en Italie ainsi qu'un permis de résidence italien valable jusqu'au 14 juin 2022. Lors de son entretien individuel, qui s'est tenu avec l'assistance d'un interprète en langue arabe, il a précisé avoir déposé une demande d'asile en Italie et avoir obtenu la protection internationale tout en évoquant des difficultés financières et d'intégration dans ce pays. Par un courrier du 24 juillet 2019, les autorités italiennes ont refusé de reprendre en charge l'intéressé au motif qu'il avait déjà obtenu la protection internationale en Italie. Par suite, en ne mentionnant pas cette qualité et en indiquant à tort que M. G... C... F... était entré irrégulièrement en France, le préfet de Maine-et-Loire a insuffisamment motivé sa décision et n'a pas procédé à un examen particulier suffisant de la situation de l'intéressé.

5. Il résulte de ce qui précède et sans qu'il soit besoin d'examiner la régularité du jugement attaqué et les autres moyens de la requête, que M. G... C... F... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 6 août 2019 portant transfert vers l'Allemagne et, par voie de conséquence, de l'arrêté du même jour l'assignant à résidence.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

6. Eu égard au motif de l'annulation des décisions de transfert vers l'Allemagne et d'assignation à résidence de M. G... C... F..., le présent arrêt implique nécessairement que sa demande d'asile en France soit réexaminée. Par suite, il y a lieu d'enjoindre au préfet de Maine-et-Loire, dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, de réexaminer la situation de l'intéressé. Il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les frais d'instance :

7. M. G... C... F... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale au titre de cette instance. Son avocat peut ainsi se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Guinel-Johnson, avocat du requérant, d'une somme de 1 000 euros dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et à l'article 108 du décret du 19 décembre 1991.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1909232 du tribunal administratif de Nantes du 4 septembre 2019 et les arrêtés du 6 août 2019 du préfet de Maine-et-Loire portant transfert vers l'Allemagne et assignation à résidence de M. G... C... F... sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet de Maine-et-Loire de réexaminer la situation de M. G... C... F... dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera à Me Guinel-Johnson, conseil de M. G... C... F..., la somme de 1 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. G... C... F... est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... G... C... F... et au ministre de l'intérieur. Une copie sera transmise au préfet de Maine-et-Loire.

Délibéré après l'audience du 9 octobre 2020 à laquelle siégeaient :

- M. Gaspon, président de chambre,

- M. Coiffet, président-assesseur,

- Mme Gélard, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 23 octobre 2020.

Le rapporteur,

V. GELARDLe président,

O. GASPON

La greffière,

P. CHAVEROUX

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 19NT04950


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 19NT04950
Date de la décision : 23/10/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. GASPON
Rapporteur ?: Mme Valérie GELARD
Rapporteur public ?: M. LEMOINE
Avocat(s) : GUINEL-JOHNSON

Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2020-10-23;19nt04950 ?
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