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23/10/2020 | FRANCE | N°19NT00995

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 6ème chambre, 23 octobre 2020, 19NT00995


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société par actions simplifiée (SAS) Platinium coiffure a demandé au tribunal administratif de Rennes l'annulation des titres de perception émis à son encontre le 7 novembre 2016 par le directeur départemental des finances publiques du Finistère et de la décharger de l'obligation de payer la somme de 7 040 euros au titre de la contribution spéciale visée à l'article L. 8253-1 du code du travail et la somme de 2 124 euros au titre de la contribution forfaitaire visée à l'article L. 626-1 du code de

l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, mises à sa charge ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société par actions simplifiée (SAS) Platinium coiffure a demandé au tribunal administratif de Rennes l'annulation des titres de perception émis à son encontre le 7 novembre 2016 par le directeur départemental des finances publiques du Finistère et de la décharger de l'obligation de payer la somme de 7 040 euros au titre de la contribution spéciale visée à l'article L. 8253-1 du code du travail et la somme de 2 124 euros au titre de la contribution forfaitaire visée à l'article L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, mises à sa charge par les titres de perception en cause.

Par un jugement n°1701616 du 21 janvier 2019, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 7 mars 2019, la SAS Platinium coiffure, représentée par Me B..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Rennes du 21 janvier 2019 ;

2°) d'annuler les titres de perception émis à son encontre le 7 novembre 2016 par le directeur départemental des finances publiques du Finistère et de la décharger de l'obligation de payer la somme de 7 040 euros au titre de la contribution spéciale visée à l'article L. 8253-1 du code du travail et la somme de 2 124 euros au titre de la contribution forfaitaire visée à l'article L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, mises à sa charge par les titres de perception en cause ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 800 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le Conseil constitutionnel n'a pas tranché la question prioritaire de constitutionnalité que le Conseil d'Etat lui a renvoyée par un arrêt n° 404240 du 28 décembre 2016, relative à la conformité aux droits et libertés du régime de la double sanction pénale et administrative, notamment au regard du principe posé par l'article 8 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, il y a donc lieu de surseoir à statuer jusqu'à la décision du Conseil constitutionnel ;

- les titres en cause sont entachés de vices de procédure :

* la décision implicite de rejet de son recours préalable du 19 décembre 2016 dirigé contre les titres de perception en cause n'est pas motivée, en méconnaissance notamment de l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union Européenne ;

* ils méconnaissent les garanties des droits de la défense et du contradictoire, dès lors qu'ils ont été notifiés avant la fin du délai de deux mois de réponse implicite de son recours contre la décision de l'Office français de l'immigration et de l'intégration ;

- la procédure de notification préalable de la sanction est viciée et porte atteinte aux droits de la défense dès lors qu'elle n'était pas en mesure de répondre à la lettre du 8 août 2016 du directeur général de l'Office l'informant que les dispositions de l'article L. 8253-1 étaient susceptibles de lui être appliquées et qu'elle pouvait présenter des observations dans un délai de quinze jours, en raison de la fermeture annuelle en août du salon de coiffure pour congés ;

- elle n'a pas eu connaissance du procès-verbal d'infraction et des pièces de la procédure ;

- il ne suffit pas de constater, comme l'a fait le tribunal, la matérialité des faits dès lors que c'est la qualification de ces faits qui doit être retenue pour être poursuivie et sanctionnée tant au pénal qu'administrativement. En effet, en l'absence d'infraction caractérisée, les faits relevés ne sont pas constitués et ne peuvent être poursuivis, les faits s'ils existent matériellement ne sont pas qualifiables de faute ou d'infraction ;

- en l'absence d'infraction, l'office ne peut infliger les contributions contestées, les titres de perception sont illégaux en ce qu'ils sont pris pour l'exécution d'une sanction illégale ;

- elle n'a commis aucune infraction, le procureur de la République ayant décidé de classer sans suite les poursuites judiciaires engagées à son encontre ;

- le calcul des contributions est erroné en ce qu'il ne respecte pas le minimum de 1000 fois le taux minimum lorsque l'infraction constatée porte sur un unique salarié et qu'il a fait l'objet du versement de ses salaires.

Par un mémoire en défense, enregistré le 8 juillet 2019, l'Office français de l'immigration et de l'intégration conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la SAS Platinium coiffure au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que les moyens soulevés par la société requérante ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code du travail ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. A...,

- les conclusions de M. Lemoine, rapporteur public,

Considérant ce qui suit :

1. A l'occasion d'un contrôle effectué le 4 novembre 2015 dans le salon de coiffure exploité par la SAS Platinium coiffure à Quimper, les services de police ont constaté la présence d'un ressortissant marocain travaillant au sein du salon, titulaire d'un titre de séjour espagnol ne l'autorisant pas à travailler en France. Par une décision du 13 septembre 2016, le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a mis à la charge de la société requérante la contribution spéciale visée à l'article L. 8253-1 du code du travail et la contribution forfaitaire visée à l'article L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour des montants respectifs de 7 040 et 2 124 euros. Deux titres de perception correspondant à chacun de ces montants ont été émis le 7 novembre 2016 à l'encontre de la société intéressée. Par sa requête, la SAS Platinium coiffure demande à la cour l'annulation du jugement du 21 janvier 2019 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à l'annulation des titres de perception émis à son encontre le 7 novembre 2016 et à la décharge de l'obligation de payer la somme de 7 040 euros au titre de la contribution spéciale visée à l'article L. 8253-1 du code du travail et la somme de 2 124 euros au titre de la contribution forfaitaire visée à l'article L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, mises à sa charge par les titres de perception en cause.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. En premier lieu, l'insuffisance de motivation de la décision de rejet de la réclamation préalable formée par la société contre les titres de perception en cause tendant à la décharge des sommes mises à sa charge par lesdits titres est sans incidence sur la régularité de la procédure de liquidation des contributions en question, comme sur leur bien-fondé. En tout état de cause, il n'est ni soutenu ni même allégué que la société requérante ait demandé communication des motifs de la décision implicite de rejet de son recours préalable du 19 décembre 2016, conformément aux dispositions de l'article L. 232-4 du code des relations entre le public et l'administration, applicables à la décision en question. Par suite, le moyen tiré du vice de procédure tenant à l'absence de motivation de la décision implicite de rejet de la réclamation préalable formée contre les titres de perception contestés doit être écarté, l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union Européenne n'étant, par ailleurs, pas applicable en l'espèce.

3. En deuxième lieu, aux termes de l'article R. 8253-3 du code du travail : " Au vu des procès-verbaux qui lui sont transmis en application de l'article L. 8271-17, le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration indique à l'employeur, par lettre recommandée avec avis de réception ou par tout autre moyen permettant de faire la preuve de sa date de réception par le destinataire, que les dispositions de l'article L. 8253-1 sont susceptibles de lui être appliquées et qu'il peut présenter ses observations dans un délai de quinze jours. ". Aux termes de l'article R. 8253-4 du même code : " A l'expiration du délai fixé, le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration décide, au vu des observations éventuelles de l'employeur, de l'application de la contribution spéciale prévue à l'article L. 8253-1, la liquide et émet le titre de perception correspondant. (...). ".

4. Le recours gracieux formé contre la décision du directeur général de l'Office mettant à la charge de la société concernée les contributions en cause n'a aucun caractère suspensif. De même, aucune disposition législative ou règlementaire, ni aucun principe général du droit n'impose d'attendre l'expiration du délai de deux mois de rejet implicite de ce recours gracieux pour émettre les titres de perception tendant au recouvrement des contributions dont il s'agit. Par suite, la circonstance que les titres de perception ont été émis avant qu'il ait été statué sur le recours gracieux de la société requérante est sans incidence sur la procédure d'émission des titres en question.

5. En troisième lieu, l'article L. 8271-17 du code du travail, dans sa rédaction applicable à la procédure d'édiction des sanctions litigieuses, dispose que : " Outre les agents de contrôle de l'inspection du travail mentionnés à l'article L. 8112-1, les agents et officiers de police judiciaire, les agents de la direction générale des douanes sont compétents pour rechercher et constater, au moyen de procès-verbaux transmis directement au procureur de la République, les infractions aux dispositions de l'article L. 8251-1 relatif à l'emploi d'un étranger non autorisé à travailler et de l'article L. 8251-2 interdisant le recours aux services d'un employeur d'un étranger non autorisé à travailler. Afin de permettre la liquidation de la contribution spéciale mentionnée à l'article L. 8253-1 du présent code et de la contribution forfaitaire mentionnée à l'article L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration reçoit des agents mentionnés au premier alinéa du présent article une copie des procès-verbaux relatifs à ces infractions. ". Aux termes de l'article R. 8253 3 de ce code : " Au vu des procès-verbaux qui lui sont transmis en application de l'article L. 8271-17, le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration indique à l'employeur, par lettre recommandée avec avis de réception ou par tout autre moyen permettant de faire la preuve de sa date de réception par le destinataire, que les dispositions de l'article L. 8253-1 sont susceptibles de lui être appliquées et qu'il peut présenter ses observations dans un délai de quinze jours ". Enfin, l'article R. 626-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose que : " I. - Au vu des procès-verbaux qui lui sont transmis en application de l'article L. 8271-17 du code du travail, le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration indique à l'employeur, par lettre recommandée avec avis de réception ou par tout autre moyen permettant de faire la preuve de sa date de réception par le destinataire, que les dispositions de l'article L. 626-1 sont susceptibles de lui être appliquées et qu'il peut présenter ses observations dans un délai de quinze jours. / II. - A l'expiration du délai fixé, le directeur général décide, au vu des observations éventuelles de l'employeur, de l'application de la contribution forfaitaire prévue à l'article L. 626-1, la liquide et émet le titre de perception correspondant. (...) ".

6. S'agissant des mesures à caractère de sanction, le respect du principe général des droits de la défense, applicable même sans texte, suppose que la personne concernée soit informée, avec une précision suffisante et dans un délai raisonnable avant le prononcé de la sanction, des griefs formulés à son encontre et puisse avoir accès aux pièces au vu desquelles les manquements ont été retenus, à tout le moins lorsqu'elle en fait la demande. L'article L. 122-2 du code des relations entre le public et l'administration, entré en vigueur le 1er janvier 2016, précise d'ailleurs désormais que les sanctions " ne peuvent intervenir qu'après que la personne en cause a été informée des griefs formulés à son encontre et a été mise à même de demander la communication du dossier la concernant ".

7. Si les dispositions législatives et réglementaires relatives à la contribution spéciale mentionnée à l'article L. 8253-1 du code du travail et à la contribution forfaitaire mentionnée à l'article L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne prévoient pas expressément que le procès-verbal transmis au directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration en application de l'article L. 8271-17 du code du travail, constatant l'infraction aux dispositions de l'article L. 8251-1 relatif à l'emploi d'un étranger non autorisé à exercer une activité salariée en France, soit communiqué au contrevenant, le silence de ces dispositions sur ce point ne saurait faire obstacle à cette communication, en particulier lorsque la personne visée en fait la demande, afin d'assurer le respect de la procédure contradictoire préalable à la liquidation de ces contributions, qui revêtent le caractère de sanctions administratives. Il appartient seulement à l'administration, le cas échéant, d'occulter ou de disjoindre, préalablement à la communication du procès-verbal, celles de ses mentions qui seraient étrangères à la constatation de l'infraction sanctionnée par la liquidation des contributions spéciale et forfaitaire et susceptibles de donner lieu à des poursuites pénales.

8. D'une part, la circonstance que la société requérante n'ait pas, en raison de la fermeture annuelle en août du salon de coiffure pour congés, répondu à la lettre du 8 août 2016 du directeur général de l'Office, régulièrement notifiée, l'informant que les dispositions de l'article L. 8253-1 étaient susceptibles de lui être appliquées et qu'il pouvait présenter des observations dans un délai de quinze jours, est sans incidence sur la régularité de la procédure. D'autre part, il ne résulte pas de l'instruction que la société requérante a explicitement sollicité, avant l'intervention de la décision de liquidation, la communication du procès-verbal de l'inspection du travail constatant l'infraction. Par suite, la SAS Platinium coiffure n'est pas fondée à soutenir que l'Office aurait méconnu le caractère contradictoire de la procédure préalable à la liquidation des contributions et le principe général des droits de la défense.

9. En quatrième lieu, et d'une part, aux termes du premier alinéa de l'article L. 8251-1 du code du travail : " Nul ne peut, directement ou indirectement, embaucher, conserver à son service ou employer pour quelque durée que ce soit un étranger non muni du titre l'autorisant à exercer une activité salariée en France ". Aux termes de l'article L. 8253-1 du même code, dans sa rédaction applicable aux faits de l'espèce : " Sans préjudice des poursuites judiciaires pouvant être intentées à son encontre, l'employeur qui a employé un travailleur étranger en méconnaissance des dispositions du premier alinéa de l'article L. 8251-1 acquitte, pour chaque travailleur étranger sans titre de travail, une contribution spéciale. Le montant de cette contribution spéciale est déterminé dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat. Il est, au plus, égal à 5 000 fois le taux horaire du minimum garanti prévu à l'article L. 3231-12. Ce montant peut être minoré en cas de non-cumul d'infractions ou en cas de paiement spontané par l'employeur des salaires et indemnités dus au salarié étranger sans titre mentionné à l'article R. 8252-6. Il est alors, au plus, égal à 2 000 fois ce même taux. Il peut être majoré en cas de réitération et est alors, au plus, égal à 15 000 fois ce même taux. / L'Office français de l'immigration et de l'intégration est chargé de constater et de liquider cette contribution. (...) ". Aux termes de l'article L. 8271-17 du même code, dans sa rédaction alors applicable : " Outre les inspecteurs et contrôleurs du travail, les agents et officiers de police judiciaire, les agents de la direction générale des douanes sont compétents pour rechercher et constater, au moyen de procès-verbaux transmis directement au procureur de la République, les infractions aux dispositions de l'article L. 8251-1 relatif à l'emploi d'un étranger sans titre de travail et de l'article L. 8251-2 interdisant le recours aux services d'un employeur d'un étranger sans titre. / Afin de permettre la liquidation de la contribution spéciale mentionnée à l'article L. 8253-1 du présent code et de la contribution forfaitaire mentionnée à l'article L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration reçoit des agents mentionnés au premier alinéa du présent article une copie des procès-verbaux relatifs à ces infractions ". Enfin, aux termes de l'article R. 8253-2 du même code : " I.- Le montant de la contribution spéciale prévue à l'article L. 8253-1 est égal à 5 000 fois le taux horaire, à la date de la constatation de l'infraction, du minimum garanti prévu à l'article L. 3231-12. II.- Ce montant est réduit à 2 000 fois le taux horaire du minimum garanti dans l'un ou l'autre des cas suivants : 1° Lorsque le procès-verbal d'infraction ne mentionne pas d'autre infraction commise à l'occasion de l'emploi du salarié étranger en cause que la méconnaissance des dispositions du premier alinéa de l'article L. 8251-1 ; 2° Lorsque l'employeur s'est acquitté des salaires et indemnités mentionnés à l'article L. 8252-2 dans les conditions prévues par les articles R. 8252-6 et R. 8252-7. III.- Dans l'hypothèse mentionnée au 2° du II, le montant de la contribution spéciale est réduit à 1 000 fois le taux horaire du minimum garanti lorsque le procès-verbal d'infraction ne mentionne l'emploi que d'un seul étranger sans titre l'autorisant à exercer une activité salariée en France. IV.-Le montant de la contribution spéciale est porté à 15 000 fois le taux horaire du minimum garanti lorsqu'une méconnaissance du premier alinéa de l'article L. 8251-1 a donné lieu à l'application de la contribution spéciale à l'encontre de l'employeur au cours de la période de cinq années précédant la constatation de l'infraction. ".

10. D'autre part, aux termes de l'article L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction applicable aux faits de l'espèce : " Sans préjudice des poursuites judiciaires qui pourront être engagées à son encontre et de la contribution spéciale prévue à l'article L. 8253-1 du code du travail, l'employeur qui aura occupé un travailleur étranger en situation de séjour irrégulier acquittera une contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement de l'étranger dans son pays d'origine. / Le montant total des sanctions pécuniaires pour l'emploi d'un étranger en situation de séjour irrégulier ne peut excéder le montant des sanctions pénales prévues par les articles L. 8256-2, L. 8256-7 et L. 8256-8 du code du travail ou, si l'employeur entre dans le champ d'application de ces articles, le montant des sanctions pénales prévues par le chapitre II du présent titre. / L'Office français de l'immigration et de l'intégration est chargé de constater et de liquider cette contribution. (...) ". Selon l'article R. 6261 du même code : " I.- La contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement de l'étranger dans son pays d'origine prévue à l'article L. 626-1 est due pour chaque employé en situation irrégulière au regard du droit au séjour. / Cette contribution est à la charge de l'employeur qui, en violation de l'article L. 8251-1 du code du travail, a embauché ou employé un travailleur étranger dépourvu de titre de séjour. / II-Le montant de cette contribution forfaitaire est fixé par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé du budget, en fonction du coût moyen des opérations d'éloignement vers la zone géographique de réacheminement du salarié, dans la limite prescrite à l'alinéa 2 de l'article L. 626-1 ". Il résulte de ces dispositions que la contribution forfaitaire est due par l'employeur qui a embauché, conservé à son service ou employé pour quelque durée que ce soit un travailleur étranger dépourvu de titre de séjour et de titre l'autorisant à exercer une activité salariée en France.

11. Il appartient au juge administratif, saisi d'un recours contre une décision mettant à la charge d'un employeur la contribution spéciale prévue par les dispositions précitées de l'article L. 8253-1 du code du travail, pour avoir méconnu les dispositions de l'article L. 8251-1 du même code et la contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement prévue par les dispositions précitées de l'article L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de vérifier la matérialité des faits reprochés à l'employeur et leur qualification juridique au regard de ces dispositions. Il lui appartient également de décider, après avoir exercé son plein contrôle sur les faits invoqués et la qualification retenue par l'administration, soit de maintenir la sanction prononcée, soit d'en diminuer le montant jusqu'au minimum prévu par les dispositions applicables au litige, soit d'en décharger l'employeur.

12. D'une part, la circonstance que les faits en cause n'ont pas donné lieu à des poursuites judiciaires et que le procureur de la République a décidé de classer sans suite les poursuites judiciaires engagées à l'encontre de la société intéressée, ne fait pas obstacle à la mise à sa charge des contributions en litige. D'autre part, il ressort du procès-verbal du 4 novembre 2015, établi par les services de la police aux frontières que M. C..., seulement titulaire d'un titre de séjour espagnol, a été trouvé en situation de travail au sein du salon de coiffure et qu'il s'est présenté aux enquêteurs comme un employé de ce salon. Ces faits ne sont pas contestés par la société requérante. La circonstance que le salarié en cause a régularisé sa situation postérieurement au contrôle est sans incidence sur la matérialité de l'infraction. Par suite, les faits à l'origine des sanctions prononcées sont établis et caractérisent une méconnaissance des dispositions de l'article L. 8251-1 du code du travail.

13. En dernier lieu, aux termes de l'article L. 8252-2 du code du travail, applicable à la procédure d'édiction des sanctions litigieuses : " Le salarié étranger a droit au titre de la période d'emploi illicite : 1° Au paiement du salaire et des accessoires de celui-ci, conformément aux dispositions légales, conventionnelles et aux stipulations contractuelles applicables à son emploi, déduction faite des sommes antérieurement perçues au titre de la période considérée. A défaut de preuve contraire, les sommes dues au salarié correspondent à une relation de travail présumée d'une durée de trois mois. Le salarié peut apporter par tous moyens la preuve du travail effectué ; 2° En cas de rupture de la relation de travail, à une indemnité forfaitaire égale à trois mois de salaire, à moins que l'application des règles figurant aux articles L. 1234-5, L. 1234-9, L. 1243-4 et L. 1243-8 ou des stipulations contractuelles correspondantes ne conduise à une solution plus favorable. 3° Le cas échéant, à la prise en charge par l'employeur de tous les frais d'envoi des rémunérations impayées vers le pays dans lequel il est parti volontairement ou a été reconduit. Lorsque l'étranger non autorisé à travailler a été employé dans le cadre d'un travail dissimulé, il bénéficie soit des dispositions de l'article L. 8223-1, soit des dispositions du présent chapitre si celles-ci lui sont plus favorables. (...) ". Aux termes de l'article L. 8252-4 de ce code : " Les sommes dues à l'étranger non autorisé à travailler, dans les cas prévus aux 1° à 3° de l'article L. 8252-2, lui sont versées par l'employeur dans un délai de trente jours à compter de la constatation de l'infraction. (...) Lorsque l'employeur ne s'acquitte pas des obligations mentionnées au premier alinéa, l'organisme recouvre les sommes dues pour le compte de l'étranger. (...) "

14. Il résulte de l'instruction que si M. C... n'était pas autorisé à travailler en France, il avait fait l'objet d'une déclaration préalable à l'embauche. Cette circonstance a permis à la société requérante de bénéficier du montant de contribution spéciale réduit à 2 000 fois le taux horaire du minimum garanti. La SAS Platinium coiffure ne saurait se prévaloir du taux réduit de la contribution spéciale fixé à 1 000 fois le taux horaire du minimum garanti lorsque l'infraction constatée porte sur un unique salarié et qu'il a fait l'objet du versement de ses salaires, dès lors que la société requérante n'établit pas avoir versé à son salarié, dans le délai de trente jours prévu par les dispositions précitées, l'intégralité des salaires, accessoires, indemnités de rupture, solde de tout compte prévus par l'article L. 8252-2 du même code. Il ne ressort pas, en outre, de l'instruction que le montant de la contribution spéciale contestée, fixée à 2 000 fois le taux horaire minimum garanti applicable, à la date de commission de l'infraction, soit entaché d'une erreur matérielle.

15. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de surseoir à statuer, que la SAS Platinium coiffure n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

Sur les frais liés au litige :

16. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la SAS Platinium coiffure demande au titre des frais liés au litige. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la SAS Platinium coiffure la somme de 2 000 euros au titre des mêmes frais.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la SAS Platinium coiffure est rejetée.

Article 2 : La SAS Platinium coiffure versera à l'Office français de l'immigration et de l'intégration la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le surplus des conclusions de l'Office français de l'immigration et de l'intégration est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la SAS Platinium coiffure et à l'Office français de l'immigration et de l'intégration.

Délibéré après l'audience du 9 octobre 2020, où siégeaient :

- M. Gaspon, président de chambre,

- M. Coiffet, président-assesseur,

- M. A..., premier conseiller.

Lu en audience publique, le 23 octobre 2020.

Le rapporteur,

F. A...Le président,

O. GASPON

La greffière,

P. CHAVEROUX

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N°19NT00995


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 19NT00995
Date de la décision : 23/10/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. GASPON
Rapporteur ?: M. François PONS
Rapporteur public ?: M. LEMOINE
Avocat(s) : GARET

Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2020-10-23;19nt00995 ?
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