Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La SCI Choucatruc et la SASU Ben et Fils ont demandé au tribunal administratif d'Orléans de condamner la commune de Mosnes à verser, d'une part, à la SASU Ben et Fils la somme de 97 499 euros, en réparation des préjudices subis du fait de l'abstention fautive du maire de cette commune dans l'exercice de ses pouvoirs de police et, à titre subsidiaire, de condamner la même commune à verser à la SASU Ben et Fils la somme de 82 529 euros au titre de sa perte d'exploitation, non indemnisée par son assureur, et, d'autre part à la SCI Choucatruc la somme de 57 206,27 euros, en réparation des préjudices subis du fait de la même abstention fautive.
Par un jugement n° 1700017 du 4 juillet 2019, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté la demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 20 août et 9 décembre 2019, la SCI Choucatruc et la société Ben et fils, représentés par Me E..., demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 4 juillet 2019 du tribunal administratif d'Orléans ;
2°) de condamner la commune de Mosnes à verser à la société Ben et Fils la somme de 97 499 euros en réparation du préjudice que lui a causé l'abstention fautive de son maire dans l'exercice de ses pouvoirs de police ;
3°) de condamner la commune de Mosnes à verser à la SCI Choucatruc la somme de 57 206,27 euros en réparation du préjudice que lui a causé l'abstention fautive de son maire dans l'exercice de ses pouvoirs de police ;
4°) de mettre à la charge de la commune de Mosnes la somme de 20 570 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
5°) de mettre à la charge de la commune de Mosnes les entiers dépens.
Elles soutiennent que :
- c'est à bon droit que le jugement reconnaît l'existence d'une faute du maire de la commune de Mosnes faute d'avoir mis en oeuvre les pouvoirs qu'il tient des articles L. 511-1 et suivants du code de la construction et de l'habitation dès lors qu'il existait un danger pour la sécurité publique, qu'il avait une obligation de prévention des accidents par la mise en garde de ses administrés et une obligation de réaliser les travaux requis ;
- la faute du maire est directement à l'origine des préjudices subis par les requérantes dès lors que s'il avait satisfait à ses obligations en 2010 lesdits préjudices n'auraient pas existé ;
- la société Ben et Fils sera indemnisée pour 29 000 euros du prix de vente du fond de commerce, pour 4 970 euros des frais liés à cette vente, pour 53 529 euros du préjudice financier né de la découverte tardive des problèmes de sécurité et pour 10 000 euros de son préjudice moral ;
- la société Choucatruc sera indemnisée pour 34 000 euros du prix de vente du bien immobilier, pour 6 177,33 euros des frais liés à cette vente, pour 7 028,94 euros du préjudice financier né de la découverte tardive des problèmes de sécurité et pour 10 000 euros de son préjudice moral ;
- les frais irrépétibles demandés comprennent les honoraires d'avocat engagés dans le cadre des instances de référé et d'expertise judiciaire ;
- la commune sera condamnée au paiement des dépens, comprenant notamment les dépens engagés dans l'instance préparatoire, ainsi que ceux né de l'instance de référé expertise.
Par des mémoires en défense, enregistrés le 19 novembre 2019, 19 décembre 2019 et 18 août 2020, la commune de Mosnes, représentée par Me A..., demande à la cour :
1°) à titre principal, d'annuler ce jugement du 4 juillet 2019 du tribunal administratif d'Orléans et de rejeter la demande de première instance pour irrecevabilité ;
2°) à titre subsidiaire, de rejeter la requête ;
3°) de mettre respectivement à la charge de la société Choucatruc et de la société Ben et Fils une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement sera annulé dès lors que l'action engagée est irrecevable ; la responsabilité de la commune ne peut être engagée dès lors qu'elle ne dispose pas du pouvoir de police et que son maire a agi en sa qualité d'autorité de police administrative ; les époux C... et la société JLV sont dépourvus d'intérêt à agir contre la commune ;
- subsidiairement, les moyens soulevés ne sont pas fondés.
Par une ordonnance du 20 août 2020, la clôture d'instruction a été fixée au 7 septembre 2020.
Les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office tiré de l'irrecevabilité des conclusions de la commune de Mosnes tendant à l'annulation du jugement contesté au motif qu'elles s'analysent comme une requête en appel, qui est tardive.
Un mémoire, présenté pour la commune de Mosnes par Me A... en réponse au moyen d'ordre public, a été enregistré le 28 août 2020.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code de la construction et de l'habitation ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. B...,
- les conclusions de M. Besse, rapporteur public,
- et les observations de Me E..., représentant la SCI Choucatruc et la société Ben et fils.
Considérant ce qui suit :
1. Par un acte de vente du 28 mars 2012, la SCI JLV a vendu à la SCI Choucatruc un bâtiment en partie troglodytique à usage commercial situé au lieu-dit " la Calonnière " à Mosnes (Indre-et-Loire). Par un acte de vente du même jour, M. et Mme C..., cogérants et seuls associés de la SCI JLV, ont vendu à la SASU Ben et Fils la propriété du fonds de commerce de restauration qu'ils exploitaient dans ce bâtiment. Envisageant une extension des espaces ouverts à la clientèle, M. D..., gérant de la SCI Choucatruc et unique associé de la SASU Ben et Fils, a demandé au syndicat intercommunal Cavités 37 de réaliser un diagnostic de stabilité des caves des locaux achetés. Dans son rapport, établi après une visite sur place le 27 avril 2014, l'ingénieur géotechnicien du syndicat intercommunal a relevé l'existence d'une fracturation structurale accompagnée d'un deuxième réseau de fissures traduisant un travail mécanique de la roche sous l'effet de la portée importante des caves. L'auteur du rapport a qualifié cette fissuration de particulièrement inquiétante et estimé qu'elle pouvait conduire à des phénomènes de décompression de voûte pouvant entraîner des éboulements importants. Il a relevé que les fragilités observées avaient déjà été mises en lumière lors d'une précédente expertise, réalisée au mois de décembre 2010, et a jugé dommageable que les travaux alors préconisés n'aient pas été exécutés. Enfin, il a indiqué que l'ouverture du bâtiment au public était déconseillée. A la suite de ce rapport, la SCI Choucatruc et la SASU Ben et Fils ont, par actes des 18 et 19 septembre 2014, saisi le juge des référés du tribunal de grande instance de Tours, qui a ordonné une expertise. L'expert, dans une note adressée aux parties le 16 janvier 2015, au lendemain même de la première réunion d'expertise, a préconisé la fermeture de l'établissement au public tant que les travaux confortatifs n'auraient pas été réalisés. Les requérantes indiquent que l'établissement a été effectivement fermé le 16 janvier 2015, et n'a été de nouveau ouvert au public que le 6 juin suivant, après la réalisation des travaux préconisés par l'expert. La SCI Choucatruc et la SASU Ben et Fils ont alors saisi les 15 septembre et 19 novembre 2016 le maire de la commune de Mosnes, pris en cette qualité, de demandes indemnitaires qui sont restées sans réponse. Ces deux sociétés ont alors présenté au tribunal administratif d'Orléans une requête indemnitaire dirigée contre la commune de Mosnes qui a été rejetée par un jugement du 4 juillet 2019 dont les sociétés Choucatruc et Ben et Fils relèvent appel. La commune de Mosnes demande également, à titre principal, l'annulation de ce jugement.
Sur la recevabilité des conclusions en annulation du jugement présentées par la commune de Mosnes :
2. La commune de Mosnes, alors même qu'elle soutient que son maire n'aurait commis aucune faute, est dénuée d'intérêt à demander l'annulation du jugement attaqué du tribunal administratif d'Orléans du 4 juillet 2019 dès lors que le dispositif de celui-ci lui donne satisfaction puisque la demande de première instance de la SCI Choucatruc et de la SASU Ben et Fils a été rejetée par l'article 1er du jugement. Les conclusions principales de la commune de Mosnes sont donc irrecevables.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
3. Il résulte des dispositions de l'article L. 511-1 du code de la construction et de l'habitation que : " Le maire peut prescrire la réparation ou la démolition des murs, bâtiments ou édifices quelconques lorsqu'ils menacent ruine et qu'ils pourraient, par leur effondrement, compromettre la sécurité ou lorsque, d'une façon générale, ils n'offrent pas les garanties de solidité nécessaires au maintien de la sécurité publique, dans les conditions prévues à l'article L. 511-2. Toutefois, si leur état fait courir un péril imminent, le maire ordonne préalablement les mesures provisoires indispensables pour écarter ce péril, dans les conditions prévues à l'article L. 511-3. (...) ".
4. Il résulte de l'instruction, en particulier du rapport d'expertise effectué le 29 novembre 2015 à la demande du tribunal de grande instance de Tours, que les locaux troglodytiques à usage commercial situés au lieu-dit " la Calonnière " sur le territoire de la commune de Mosnes ont fait l'objet d'une première expertise technique réalisée en 2010 à l'initiative de la commune de Mosnes, suite à une demande en ce sens de leur propriétaire qui envisageait leur vente, afin d'apprécier la stabilité des cavités souterraines. L'expert a alors conclu à un risque d'effondrement de la voute, particulièrement au niveau de la cave abritant le restaurant, et à ce que " des travaux de confortement soient effectués pour que cette cave puisse être maintenue ouverte au public. ". Il est constant que ce rapport a été communiqué à la commune de Mosnes, qui l'a ensuite transmis au propriétaire du bien, lequel a néanmoins continué son exploitation jusqu'à sa vente le 28 mars 2012, sans intervention du maire de la commune. Le maire de Mosnes, en s'abstenant durablement d'user des pouvoirs qu'il tient des articles L. 511-1 et suivants du code de la construction et de l'habitation pour palier les carences du propriétaire de locaux ouverts au public, malgré le risque d'effondrement constaté et dont il avait connaissance, a ainsi commis une faute.
5. Les sociétés Choucatruc et Ben et Fils, acquéreuses en 2012 de ces locaux et du fond de commerce, font valoir que la faute ainsi commise est de nature à engager la responsabilité de la commune de Mosnes. Cependant, celle-ci est sans lien direct avec les préjudices dont ces sociétés se prévalent, qui résultent de l'achat des locaux et du fonds de commerce sans information préalable par les vendeurs des résultats de l'expertise conduite en 2010 et de l'état réel des locaux. Par suite, leurs conclusions indemnitaires, comprenant celles présentées au titre des divers frais qu'elles ont exposés au titre des frais d'expertise, d'huissier et d'avocat dans l'instance qui les a opposés aux vendeurs des locaux et du fonds de commerce devant le tribunal de grande instance de Tours, ne peuvent qu'être rejetées.
6. Il résulte de tout ce qui précède que les sociétés Choucatruc et Ben et Fils ne sont pas fondées à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté leur demande.
Sur les frais d'instance :
7. D'une part, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à l'octroi d'une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens à la partie perdante. Il y a lieu, dès lors, de rejeter les conclusions présentées à ce titre par les sociétés Choucatruc et Ben et Fils. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de ces dernières, sur le fondement des mêmes dispositions, une somme au titre des frais exposés par la commune de Mosnes.
8. D'autre part, il ne résulte pas de l'instruction qu'une somme entrant dans les dépens aurait été exposée dans la présente instance. Par suite, les conclusions des requérantes, au demeurant partie perdante en l'espèce, relatives à la charge des dépens ne peuvent qu'être écartées.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de la société Choucatruc et de la société Ben et Fils est rejetée.
Article 2 : Les conclusions d'appel de la commune de Mosnes et ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SCI Choucatruc, à la société Ben et Fils et à la commune de Mosnes.
Délibéré après l'audience du 29 septembre 2020, à laquelle siégeaient :
- M. Lainé, président de chambre,
- M. B..., président assesseur,
- M. Jouno, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 16 octobre 2020.
Le rapporteur,
C. B...
Le président,
L. Lainé
La greffière,
V. Desbouillons
La République mande et ordonne au préfet d'Indre-et-Loire en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 19NT03414