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13/10/2020 | FRANCE | N°20NT01668

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 6ème chambre, 13 octobre 2020, 20NT01668


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... A... a demandé au tribunal administratif de Nantes l'annulation des arrêtés du 31 décembre 2019 par lesquels le préfet de Maine-et-Loire a décidé son transfert aux autorités italiennes et l'a assignée à résidence pour une durée de quarante-cinq jours.

Par un jugement n° 2000116 du 14 janvier 2020, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 18 juin 2020, Mme

A..., représentée par Me B..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler les ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... A... a demandé au tribunal administratif de Nantes l'annulation des arrêtés du 31 décembre 2019 par lesquels le préfet de Maine-et-Loire a décidé son transfert aux autorités italiennes et l'a assignée à résidence pour une durée de quarante-cinq jours.

Par un jugement n° 2000116 du 14 janvier 2020, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 18 juin 2020, Mme A..., représentée par Me B..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler les arrêtés du 31 décembre 2019 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros, à verser à son conseil, Me B..., sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

S'agissant de l'arrêté de transfert

- il est entaché d'une incompétence de l'auteur de l'acte dès lors que les dispositions du décret n° 2019-38 du 23 janvier 2019 ne prévoient plus l'intervention d'un arrêté conjoint du ministre de l'intérieur et du ministre chargé de l'asile pour donner compétence à un préfet de département pour exercer ses missions dans plusieurs départements, seul le préfet de la Loire Atlantique étant désormais compétent ;

- cet arrêté est insuffisamment motivé ;

- il n'a pas été précédé d'un entretien individuel mené par un agent qualifié et identifiable ;

- il n'est pas établi que les autorités italiennes ont été saisies d'une requête aux fins de reprise en charge dans les délais impartis par le règlement dit Dublin III en l'absence de production de l'accusé de réception généré par le point national italien ;

- l'Italie présente des défaillances systémiques.

S'agissant de l'arrêté l'assignant à résidence

- cet arrêté est illégal du fait de l'illégalité de l'arrêté de transfert aux autorités italiennes.

Par un courrier du 3 septembre 2020, les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, que la cour était susceptible de soulever d'office un moyen d'ordre public tiré du non-lieu à statuer sur les conclusions de la requête à fin d'annulation de la décision de transfert en raison de l'expiration du délai de six mois prévu au 1 de l'article 29 du règlement n°604/2013 du 26 juin 2013.

Par un mémoire, enregistré le 7 septembre 2020, le préfet de Maine-et-Loire conclut au non-lieu à statuer sur les conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté de tarnsfert et au rejet des autres conclusions.

Il fait valoir que :

- l'arrêté décidant du transfert de Mme A... aux autorités italiennes n'a pas été exécuté ;

- les moyens soulevés par Mme A... ne sont pas fondés.

Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 2 juin 2020.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- l'arrêté du 10 mai 2019 désignant les préfets compétents pour enregistrer les demandes d'asile et déterminer l'Etat responsable de leur traitement (métropole) ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme D... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A..., ressortissante ivoirienne, est entrée irrégulièrement en France le 8 octobre 2019 et a sollicité le 24 octobre 2019 le bénéfice du statut de réfugié auprès de la préfecture de Loire-Atlantique. A la suite de la consultation du fichier Eurodac, il a cependant été constaté qu'elle était d'abord entrée en Italie. Le préfet de Maine et Loire a alors saisi, le 25 octobre 2019, les autorités italiennes afin que celles-ci prennent en charge l'intéressée, ce qui a été implicitement accepté. Par la suite, le même préfet a pris, le 31 décembre 2019, un arrêté portant transfert de Mme A... auprès des autorités italiennes ainsi qu'un arrêté du même jour l'assignant à résidence dans le département de Loire-Atlantique avec obligation de pointage au commissariat central de Nantes les mardis, mercredis et jeudis à 8 h. Mme A... a contesté ces deux arrêtés devant le tribunal administratif par une demande déposée le 20 novembre 2019. Le magistrat désigné a rejeté cette demande par un jugement du 14 janvier 2020. Mme A... relève régulièrement appel de ce jugement.

Sur les conclusions tendant à l'annulation du jugement attaqué en tant qu'il a rejeté les conclusions dirigées contre l'arrêté de transfert :

2. D'une part, aux termes de l'article 29 du règlement n° 604-2013 du Parlement européen et du Conseil en date du 26 juin 2013 : " Le transfert du demandeur ou d'une autre personne visée à l'article 18, paragraphe 1, point c) ou d), de l'Etat membre requérant vers l'Etat membre responsable s'effectue conformément au droit national de l'Etat membre requérant, après concertation entre les Etats membres concernés, dès qu'il est matériellement possible et, au plus tard, dans un délai de six mois à compter de l'acceptation par un autre Etat membre de la requête aux fins de prise en charge ou de reprise en charge de la personne concernée ou de la décision définitive sur le recours ou la révision lorsque l'effet suspensif est accordé conformément à l'article 27, paragraphe 3. /2. Si le transfert n'est pas exécuté dans le délai de six mois, l'Etat membre responsable est libéré de son obligation de prendre en charge ou de reprendre en charge la personne concernée et la responsabilité est alors transférée à l'Etat membre requérant. Ce délai peut être porté à un an au maximum s'il n'a pas pu être procédé au transfert en raison d'un emprisonnement de la personne concernée ou à dix-huit mois au maximum si la personne concernée prend la fuite. ".

3. D'autre part, l'introduction d'un recours devant le tribunal administratif contre la décision de transfert a pour effet d'interrompre le délai de six mois fixé à l'article 29 du règlement (UE) n° 604/2013, qui courait à compter de l'acceptation du transfert par l'Etat requis, délai qui recommence à courir intégralement à compter de la date à laquelle le tribunal administratif statue au principal sur cette demande, quel que soit le sens de sa décision. Ni un appel, ni d'ailleurs le sursis à exécution du jugement accordé par le juge d'appel sur une demande présentée en application de l'article R. 811-15 du code de justice administrative n'ont pour effet d'interrompre ce nouveau délai. Son expiration a pour conséquence qu'en application des dispositions du paragraphe 2 de l'article 29 du règlement, l'Etat requérant devient responsable de l'examen de la demande de protection internationale.

4. Le délai initial de six mois dont disposait le préfet de Maine-et-Loire pour procéder à l'exécution du transfert de Mme A... vers l'Italie a été interrompu par la saisine du magistrat désigné du tribunal administratif de Nantes. Ce délai a recommencé à courir à compter de la notification à l'administration du jugement du 14 janvier 2020 rendu par ce dernier. Il ressort des pièces du dossier que ce délai n'a pas fait l'objet d'une prolongation et que cet arrêté n'a pas reçu exécution pendant sa période de validité. Par suite, la décision de transfert litigieuse est devenue caduque sans avoir reçu de commencement d'exécution à la date du présent arrêt. La France est donc devenue responsable de la demande d'asile sur le fondement des dispositions du 2 de l'article 29 du règlement n° 604/2013 rappelées ci-dessus. Le litige ayant perdu son objet, il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de Mme A... tendant à l'annulation du jugement du 14 janvier 2020 en tant qu'il rejeté ses conclusions dirigées contre l'arrêté du 31 décembre 2019 portant transfert vers l'Italie.

Sur les conclusions tendant à l'annulation du jugement attaqué en tant qu'il a rejeté les conclusions dirigées contre l'arrêté portant assignation à résidence :

5. Mme A... soutient que les arrêtés qu'elle critique seraient entachés d'incompétence dès lors que le préfet de Maine-et-Loire n'était plus habilité à prendre de décision s'agissant des suites à donner aux demandes des étrangers s'étant déclarés comme demandeur d'asile auprès des services de l'Etat en Loire-Atlantique. Il ressort cependant de la lecture de l'arrêté du 10 mai 2019 visé ci-dessus complété par son annexe II que le préfet de Maine-et-Loire est demeuré compétent pour, à la fois, procéder à la détermination de l'Etat responsable de l'examen d'une demande d'asile présentée par les demandeurs domiciliés dans un département de la région des Pays de la Loire, prendre à leur encontre les décisions de transfert en application de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et prendre les décisions d'assignation à résidence en application du I - 1° bis de l'article L. 561-2 du même code et, le cas échéant, les mesures prévues au II de l'article L. 561-2 et aux deuxième et troisième alinéas de l'article L. 742-2 du même code. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté attaqué manque en fait et doit être écarté.

6. Par ailleurs, la requérante se borne à reprendre en appel, sans apporter aucun élément nouveau de fait ou de droit, les moyens invoqués en première instance contre l'arrêté de transfert et tirés de l'insuffisance de sa motivation, de l'absence d'accusé de réception généré par le point d'accès national italien concernant la requête portant sur la demande d'asile de Madame A..., du défaut d'entretien individuel mené en applications de l'article 5 du règlement du 26 juin 2013 et de l'absence de conditions d'accueil suffisantes en Italie. Il y a lieu, en conséquence, d'écarter ces moyens par adoption des motifs, retenus à bon droit par le premier juge qui y a suffisamment et justement répondu, aux termes desquels la décision est suffisamment motivée et ne méconnaît ni les dispositions de l'article 3 ni celles de l'article 5 ni les articles 15, 19 et 25 du règlement du 26 juin 2013.

7. Mme A... n'est pas fondée, compte tenu de ce qui a été dit aux points 5 et 6, à exciper de l'illégalité de la décision de transfert contre la décision l'assignant à résidence.

8. Il résulte de ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 31 décembre 2019 l'assignant à résidence. Par voie de conséquence doivent être rejetées les conclusions de la requérante aux fins d'injonction et celles tendant au bénéfice des dispositions des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L.761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête de Mme A... tendant à l'annulation du jugement du magistrat désigné du tribunal administratif de Nantes du 14 janvier 2020 rejetant sa demande d'annulation de l'arrêté du 31 décembre 2019 par lequel le préfet de Maine-et-Loire a décidé son transfert aux autorités italiennes.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme A... est rejeté.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... A... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera transmise et au préfet de Maine-et-Loire.

Délibéré après l'audience du 25 septembre 2020 à laquelle siégeaient :

- M. Coiffet, président,

- Mme Gélard, premier conseiller,

- Mme D..., premier conseiller.

Lu en audience publique, le 13 octobre 2020.

Le rapporteur,

F. D...Le président,

O. COIFFET

La greffière,

E. HAUBOIS

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 20NT01668
Date de la décision : 13/10/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. COIFFET
Rapporteur ?: Mme Fanny MALINGUE
Rapporteur public ?: M. LEMOINE
Avocat(s) : ROUXEL

Origine de la décision
Date de l'import : 05/11/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2020-10-13;20nt01668 ?
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