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09/10/2020 | FRANCE | N°20NT00417

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 2ème chambre, 09 octobre 2020, 20NT00417


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. F... B... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler les décisions par lesquelles la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours formé contre la décision du 21 décembre 2018 des autorités consulaires françaises en Centrafrique refusant de délivrer à Mme E... I... et à la jeune G... L... D... des visas de long séjour au titre de la réunification familiale, d'abord implicitement, puis par une décision explicite du 29 mars 2019.>
Par un jugement n° 1903842 et 1905684 du 26 septembre 2019, le tribunal adminis...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. F... B... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler les décisions par lesquelles la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours formé contre la décision du 21 décembre 2018 des autorités consulaires françaises en Centrafrique refusant de délivrer à Mme E... I... et à la jeune G... L... D... des visas de long séjour au titre de la réunification familiale, d'abord implicitement, puis par une décision explicite du 29 mars 2019.

Par un jugement n° 1903842 et 1905684 du 26 septembre 2019, le tribunal administratif de Nantes a rejeté ses demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 6 février 2020, M. F... B..., représenté par Me H..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 25 septembre 2019 ;

2°) d'annuler la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France du 29 mars 2019 ;

3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur, à titre principal, de délivrer les visas sollicités pour Mme E... I... et G... Cécilia D... ou, subsidiairement, de procéder au réexamen des demandes de visa dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros qui sera versée à Me H... en application des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

* la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France était irrégulièrement composée ;

* les articles L. 752-1 et L. 411-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ont été méconnus ;

* une erreur manifeste a été commise dans l'appréciation de sa situation ;

* l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales a été méconnu ;

* l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant a été méconnu.

Par un mémoire en défense enregistré le 16 juin 2020, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'aucun moyen n'est fondé.

Par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du 2 décembre 2019, M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale des droits de l'enfant ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la Cour a désigné Mme A..., président-assesseur, pour présider les formations de jugement en cas d'absence ou d'empêchement de M. Pérez, président de la 2ème chambre en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de Mme A... a été entendu au cours de l'audience publique.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme A...,

- et les observations de Me H..., représentant M. B... et Mme I....

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant centrafricain, né le 10 octobre 1976, bénéficiaire de la protection subsidiaire par une décision de la Cour nationale du droit d'asile du 12 mai 2017, a épousé le 3 novembre 2017, par procuration, Mme E... I..., ressortissante centrafricaine, née le 18 septembre 1989. Il a sollicité en faveur de son épouse et de sa fille, la jeune G... L... D..., ressortissante centrafricaine, née le 14 janvier 2012, ainsi que pour deux neveux, les jeunes Morgane-K... B...-D... né le 11 octobre 2002 et Gaspary Octave Nogode Let Ngbaih né le 8 avril 1999, des visas de long séjour au titre de la procédure de réunification familiale. Les autorités consulaires françaises en Centrafrique ayant refusé, par une décision du 21 décembre 2018, de délivrer les visas sollicités par Mme E... I... et par G... D..., un recours a été formé, le 6 février 2019, devant la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France. M. B... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision implicite par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours contre la décision des autorités consulaires françaises en Centrafrique. Le ministre ayant, au cours de l'instance devant le tribunal, produit la décision expresse prise par la commission de recours le 29 mars 2019 qui s'y est substituée, le requérant doit être regardé comme dirigeant ses conclusions contre cette dernière décision. Par un jugement du 26 septembre 2019, le tribunal administratif de Nantes a rejeté ses demandes. M. B... relève appel de ce jugement.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. Pour rejeter la demande de délivrance de visas de long séjour sollicitée au titre de la réunification familiale, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France s'est fondée d'une part, sur la circonstance que le mariage de l'intéressé ayant été célébré postérieurement à la demande de protection internationale, seule la procédure de regroupement familial pouvait être mise en oeuvre et d'autre part, sur le caractère partiel de la demande de réunification.

3. Le principe d'unité de la famille, principe général du droit applicable aux réfugiés résultant notamment des stipulations de la convention de Genève du 28 juillet 1951, impose, en vue d'assurer pleinement au réfugié la protection prévue par cette convention, que la même qualité soit reconnue au conjoint ou au concubin et aux enfants mineurs de ce réfugié. Aux termes de l'article L. 752-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I. - Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, le ressortissant étranger qui s'est vu reconnaître la qualité de réfugié ou qui a obtenu le bénéfice de la protection subsidiaire peut demander à bénéficier de son droit à être rejoint, au titre de la réunification familiale : 1° Par son conjoint (...), si le mariage (...) est antérieur à la date d'introduction de sa demande d'asile ;/ 2° Par son concubin, âgé d'au moins dix-huit ans, avec lequel il avait, avant la date d'introduction de sa demande d'asile, une vie commune suffisamment stable et continue ; / 3° Par les enfants non mariés du couple, âgés au plus de dix-neuf ans ". Aux termes du II de l'article L. 752-1 du même code : " (...) / Les membres de la famille d'un réfugié (...) sollicitent, pour entrer en France, un visa d'entrée pour un séjour d'une durée supérieure à trois mois auprès des autorités diplomatiques et consulaires, qui statuent sur cette demande dans les meilleurs délais. / (....) et aux termes de l'article L 411-4 de ce code : " L'enfant pouvant bénéficier du regroupement familial est celui qui répond à la définition donnée au dernier alinéa de l'article L. 314-11. / Le regroupement familial est sollicité pour l'ensemble des personnes désignées aux articles L. 411-1 à L. 411-3. Un regroupement partiel peut être autorisé pour des motifs tenant à l'intérêt des enfants. ".

4. En premier lieu, le mariage de M. B... a été célébré, par procuration, le 3 novembre 2017, après obtention du bénéfice de la protection subsidiaire, de sorte que seule la procédure de regroupement familial et non de la réunification aurait, en principe, eu vocation à être mise en oeuvre. Toutefois, la procédure de réunification peut également être mise en oeuvre lorsque la demande concerne une concubine avec laquelle le demandeur avait, avant la date d'introduction de sa demande d'asile, une vie commune suffisamment stable et continue.

5. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier et en particulier des témoignages fournis, qu'une relation de concubinage existait entre Mme I... et M. B... avant même le départ de ce dernier de Centrafrique, la jeune G... étant d'ailleurs née de leur union le 14 janvier 2012.

6. Par suite, c'est à la suite d'une erreur de droit que la commission s'est fondée, pour prendre sa décision, sur la circonstance que le mariage de l'intéressé a été célébré postérieurement à l'introduction de la demande d'asile.

7. En second lieu alors même que la demande de réunification familiale présentée par M. B... concernait également ses deux neveux J... né le 18 avril 1999 et K... B... D... né le 11 janvier 2005, tous deux de nationalité centrafricaine, il ressort des pièces du dossier d'une part, que le jeune J... avait plus de 19 ans à la date du 2 novembre 2018 à laquelle la demande de réunification familiale a été présentée et d'autre part, que si par un jugement du 18 septembre 2017, le tribunal de grande instance de Bimbo a désigné M. B... en qualité de tuteur du jeune K... B... D..., il n'est pas établi que cette décision juridictionnelle lui aurait accordé une délégation d'autorité parentale ou aurait conféré à la mesure de tutelle les effets d'une adoption.

8. Dans ces conditions, alors qu'aucun visa ne pouvait être délivré pour les jeunes Gaspary et K..., la commission de recours contre les refus d'entrée en France ne pouvait, sans faire une inexacte application des dispositions précitées, se fonder sur le motif tiré de ce que les demandes de visas auraient pour effet de ne permettre qu'une réunification partielle de la famille dès lors queseule la jeune G... est la fille de M. B....

9. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête, que M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté ses demandes.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

10. Sous réserve d'un changement dans les circonstances de fait ou de droit, l'exécution du présent arrêt implique nécessairement eu égard aux motifs sur lesquels il se fonde d'une part que le ministre de l'intérieur délivre à Mme E... I... un visa de long séjour et d'autre part, procède au réexamen de la demande présentée pour G... D.... Il y a lieu d'enjoindre au ministre d'y procéder dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt, sans qu'il soit besoin d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les frais du litige :

11. M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Son avocat peut, par suite, se prévaloir des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, en l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 200 euros à Me C... dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et à l'article 108 du décret du 19 décembre 1991.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nantes du 26 septembre 2019 est annulé.

Article 2 : Il est enjoint au ministre de l'intérieur de délivrer à Mme E... I... un visa de long séjour et de réexaminer la demande présentée pour G... Cécilia D..., dans le délai d'un mois suivant la notification du présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera à Me H... la somme de 1 200 euros dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et à l'article 108 du décret du 19 décembre 1991.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. F... B..., à Mme I... et au ministre de l'intérieur.

Délibéré après l'audience du 22 septembre 2020, à laquelle siégeaient :

- Mme A..., président,

- Mme Douet, président-assesseur,

- Mme Bougrine, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 9 octobre 2020.

L'assesseur le plus ancien

H. DOUET Le rapporteur,

C. A...

Le greffier,

A. BRISSETLa République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 20NT00417


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 20NT00417
Date de la décision : 09/10/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme BRISSON
Rapporteur ?: Mme Christiane BRISSON
Rapporteur public ?: M. GIRAUD
Avocat(s) : ROULLIER

Origine de la décision
Date de l'import : 24/10/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2020-10-09;20nt00417 ?
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