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09/10/2020 | FRANCE | N°20NT00050

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 2ème chambre, 09 octobre 2020, 20NT00050


Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

­ le code de la construction et de l'habitation ;

­ le décret n°2017-831 du 5 mai 2017 ;

­ le règlement général de l'agence nationale de l'habitat approuvé par l'arrêté interministériel du 1er août 2014 ;

­ le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la cour a désigné Mme B..., présidente assesseur, pour présider les formations de jugement en cas d'absence ou d'empêchement de M. Pérez, président de la 2ème ch

ambre en application de l'article R. 222 26 du code de justice administrative.

Ont été entendus au cours de l'audien...

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

­ le code de la construction et de l'habitation ;

­ le décret n°2017-831 du 5 mai 2017 ;

­ le règlement général de l'agence nationale de l'habitat approuvé par l'arrêté interministériel du 1er août 2014 ;

­ le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la cour a désigné Mme B..., présidente assesseur, pour présider les formations de jugement en cas d'absence ou d'empêchement de M. Pérez, président de la 2ème chambre en application de l'article R. 222 26 du code de justice administrative.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. A...'hirondel,

- les conclusions de M. Giraud, rapporteur public,

- et les observations de Me E..., représentant l'agence nationale de l'habitat.

Une note en délibéré, présentée pour l'agence nationale de l'habitat (ANAH), a été enregistrée le 24 septembre 2020.

Considérant ce qui suit :

1. Le 15 mars 2010, M. C... F... a sollicité de l'agence nationale de l'habitat (ANAH) une aide financière pour effectuer des travaux de rénovation sur des immeubles dont il était usufruitier situés aux 13 et 15 rue Schnetz à Flers (Orne). A l'appui de ses demandes, il avait pris l'engagement de les louer pendant neuf ans moyennant le versement de loyers modérés. Lors de sa réunion du 22 juin 2010, la commission d'amélioration de l'habitat a décidé de lui attribuer une subvention de 17 918 euros pour l'immeuble sis 13 rue Schnetz et une subvention de 19 513 euros pour l'immeuble sis 15 rue Schnetz. A la suite du décès de M. F..., intervenu le 31 janvier 2011, ce dont Mme D..., sa fille, a informé l'ANAH par un courrier du 22 mars 2011, cette dernière précisait, en outre, qu'elle était l'unique héritière et que les travaux avaient repris. L'achèvement des travaux a été déclaré le 6 juin 2012. L'ANAH a alors versé à Mme D... l'intégralité des subventions pour ces deux immeubles. Le 12 juillet 2016, Mme D... signait un compromis de vente, réitéré par acte authentique du 31 octobre 2016, avec la SCI A-C-E, pour ces deux immeubles. Par courriers du 5 avril 2018, l'agence informait Mme D... que les subventions versées étaient susceptibles d'être retirées au motif que l'attestation du 31 octobre 2016 de son notaire certifiant la vente de ces biens, ne mentionnait pas la reprise des engagements par l'acquéreur. Par ces courriers, elle était invitée à présenter ses observations. En réponse, Mme D... adressait à l'agence l'attestation de son notaire du 31 octobre 2016. C'est dans ces conditions que la directrice générale de l'ANAH prononçait le retrait des subventions par deux décisions du 30 mai 2018, pour un montant de 10 534 euros pour l'immeuble situé 13 rue Schnetz et de 11 473 euros pour celui situé 15 rue Schnetz. Un état exécutoire concernant les deux immeubles a été émis le 17 juillet 2018 pour la somme globale de 22 007 euros, notifié le 13 août 2018. Mme D... a exercé un recours gracieux le 30 août 2018. Par une décision du 27 septembre 2018 dont l'objet porte sur l'unique immeuble situé 13 rue Schnetz, l'ANAH a rejeté ce recours gracieux. Par un jugement du 6 novembre 2019, le tribunal administratif de Caen a annulé les deux décisions du 30 mai 2018 de retrait des subventions et celle du 27 septembre 2018 rejetant le recours gracieux ainsi que le titre exécutoire. Il a rejeté le surplus des conclusions qui demandaient, à titre subsidiaire, d'annuler les articles 21 et 22 du règlement général de l'ANAH. Par une requête enregistrée le 6 janvier 2020, l'ANAH relève appel de ce jugement.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. En premier lieu, le tribunal administratif pouvait, sans entacher son jugement d'irrégularité, se borner, dans l'analyse des deux mémoires en défense produits devant lui par l'ANAH, à relever que cette dernière faisait valoir que les moyens de la demande de Mme D... n'étaient pas fondés, dès lors que ces mémoires se limitaient à la réfutation des moyens présentés par la requérante.

3. En second lieu, si le jugement attaqué annule le titre exécutoire daté du 17 juillet 2018, en mentionnant comme date le 7 novembre 2018, ce qui correspond à celle des avis à tiers détenteur émis par l'agence, cette erreur de plume est sans incidence sur la régularité de ce jugement qui précise le montant exact du titre exécutoire qui est annulé et dont il ressort des motifs de la décision que son annulation est prononcée par voie de conséquence de l'annulation des décisions de retrait des subventions.

Sur la recevabilité de la demande de première instance :

4. Il résulte de l'instruction que le recours gracieux exercé par Mme D... par courrier du 27 août 2018 ne précisait pas les décisions faisant l'objet de ce recours. Etaient toutefois annexés à son courrier des comptes rendus de gérance de l'agence Sires Nord Ouest qui portent sur les deux immeubles, une attestation de l'agence immobilière Fontenoy et le compromis de vente qui concernent la vente de l'immeuble situé 13-15 rue Schnetz à Flers ainsi que le titre exécutoire du 17 juillet 2018 qui concerne ces deux mêmes immeubles. Par suite, alors même que n'était produite que la seule décision de retrait portant sur l'immeuble situé 13 rue Schnetz, Mme D... doit être regardée comme ayant contesté les deux décisions de retrait de subvention ainsi que le titre exécutoire. Par suite, ce recours gracieux a été de nature à proroger les délais de recours contentieux concernant l'ensemble de ces décisions. Il suit de là que la décision rejetant le recours gracieux étant intervenue le 27 septembre 2018, le recours formé devant le tribunal administratif de Caen, enregistré le 26 novembre 2018, n'était pas tardif pour l'ensemble de ces décisions.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

5. Les décisions de retrait contestées ont été prises par la directrice de l'agence nationale de l'habitat sur le fondement des dispositions de l'article R.321-21 du code de la construction et de l'habitation.

6. Aux termes de l'article L.321-1 du code de la construction et de l'habitation dans sa rédaction alors applicable : " I. - L'Agence nationale de l'habitat a pour mission, dans le respect des objectifs définis à l'article L. 301-1, de promouvoir le développement et la qualité du parc existant de logements privés ainsi que de participer à la lutte contre l'habitat indigne et à l'amélioration des structures d'hébergement. A cet effet, elle encourage et facilite l'exécution de travaux de réparation, d'assainissement, d'amélioration et d'adaptation d'immeubles d'habitation, ainsi que l'exécution de travaux de transformation en logements de locaux non affectés à l'habitation, dès lors que ces logements sont utilisés à titre de résidence principale, ainsi que l'exécution d'opérations de résorption d'habitat insalubre et de requalification d'immeubles d'habitat privé dégradé. Elle peut mener des actions d'assistance, d'étude ou de communication ayant pour objet d'améliorer la connaissance du parc privé existant et des conditions de son occupation et de faciliter l'accès des personnes défavorisées et des ménages à revenus modestes ou intermédiaires aux logements locatifs privés. (...) ". Aux termes de l'article R. 321-2 du même code : " Dans le cadre de sa mission définie à l'article L. 321-1, l'agence apporte son aide financière sous forme de subventions aux bénéficiaires mentionnés à l'article R. 321-12 (...) ". L'article R. 321-12 du ce code dans sa rédaction applicable au présent litige dispose que " L'Agence peut accorder des subventions : / 1° Aux propriétaires ou à tout autre titulaire d'un droit réel conférant l'usage des locaux pour des logements qu'ils donnent à bail ou, dans des conditions fixées par le règlement général de l'agence, qu'ils mettent à disposition d'autrui et qui sont occupés dans les conditions prévues à l'article R. 321-20 (...) ". L'article R.321-21 de ce code dans sa rédaction issue du décret du 5 mai 2017 relatif à l'organisation et aux aides de l'Agence nationale de l'habitat, publié au journal officiel du 7 mai 2017 applicable aux dates de décision de retrait des subventions et qui concerne les compétences du conseil d'administration de l'agence nationale de l'habitat ou, par délégation, du directeur général de l'agence dispose que: " I. - En ce qui concerne les aides versées par l'agence : / (...) Le retrait et le reversement total ou partiel peuvent également être prononcés en cas de non-respect des prescriptions de la présente section ou des conventions conclues en application des articles L. 321-4 et L. 321-8, ou de toute autre convention liée au bénéfice des aides de l'agence, selon les modalités fixées par le règlement général de l'agence.. (...) ". L'article 21 du règlement général de l'agence nationale de l'habitat approuvé par l'arrêté interministériel du 1er août 2014 alors en vigueur prévoit qu' " En cas de non-respect des prescriptions relatives aux aides de l'ANAH (articles R. 321-12 à R. 321-21 du CCH, engagements conventionnels, présent règlement général...), la décision de subvention sera retirée et tout ou partie des sommes perçues devra être reversé, en application du I de l'article R. 321-21 du CCH et dans les conditions précisées au présent article. / (...) 3°) Les décisions de retrait et de reversement sont prises après avis : / - pour les territoires concernés par une convention de gestion prévue à l'article L. 321-1-1 du CCH, de la CLAH mentionnée au II de l'article R. 321-10 du CCH ; (...) ".

7. Il résulte de ces dispositions que lorsque la décision de retrait d'une subvention est prononcée par le directeur de l'agence nationale de l'habitat, elle doit être prise en suivant les modalités prévues par le règlement général de l'agence lequel prévoit, en son article 21, l'avis préalable de la commission locale pour l'amélioration de l'habitat. L'agence ne saurait utilement se prévaloir de l'intervention du décret précité du 5 mai 2017 qui vient modifier, en son article 8, l'article R. 321-10-1 du code de la construction et de l'habitation dès lors qu'il n'a pour effet que de supprimer la consultation de cette commission lorsque la décision est prise, selon le cas, par le président du conseil départemental ou par le président de l'établissement public de coopération intercommunale. Il est constant, en l'espèce, que les décisions de retrait de subvention et de demande de remboursement ont été prises par la directrice de l'ANAH. Elles nécessitaient, par suite, la consultation préalable de la commission locale pour l'amélioration de l'habitat. Dans ces conditions, Mme D... est fondée à soutenir que ces décisions ont été prises à l'issue d'une procédure irrégulière en l'absence de consultation de cette commission.

8. Si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d'une procédure administrative préalable, suivie à titre obligatoire ou facultatif, n'est de nature à entacher d'illégalité la décision prise que s'il ressort des pièces du dossier qu'il a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou qu'il a privé les intéressés d'une garantie. L'application de ce principe n'est pas exclue en cas d'omission d'une procédure obligatoire, à condition qu'une telle omission n'ait pas pour effet d'affecter la compétence de l'auteur de l'acte.

9. La consultation obligatoire de la commission locale pour l'amélioration de l'habitat a pour objet d'éclairer l'autorité administrative, qui n'est pas dans une situation de compétence liée, sur la possibilité de prononcer le retrait ainsi que le reversement total ou partiel de l'aide versée au bénéficiaire de la décision de subvention et constitue pour ce dernier une garantie. Dans ces conditions, l'absence de consultation de la commission locale de l'habitat entache d'illégalité les décisions de la directrice générale de l'ANAH du 30 mai 2018 procédant au retrait des subventions perçues par Mme D.... L'illégalité de ces décisions entache également, par voie de conséquence, la légalité du titre exécutoire émis par l'agence le 17 juillet 2018, qui manque de base légale.

10. Il résulte de tout ce qui précède que l'agence nationale de l'habitat n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a annulé les décisions du 30 mai 2018 de la directrice générale de l'ANAH, la décision du 27 septembre 2018 rejetant le recours gracieux et le titre exécutoire du 17 juillet 2018.

Sur les frais liés au litige :

11. Les dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de Mme D..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que l'agence nationale de l'habitat demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de l'agence nationale de l'habitat une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par Mme D... et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de l'agence nationale de l'habitat est rejetée.

Article 2 : L'agence nationale de l'habitat versera à Mme D... une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à l'agence nationale de l'habitat et à Mme G... D....

Délibéré après l'audience du 22 septembre 2020, à laquelle siégeaient :

- Mme B..., présidente de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,

- M. A...'hirondel, premier conseiller,

- Mme Bougrine, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 9 octobre 2020.

Le rapporteur,

M. H... La présidente,

H. B...

Le greffier,

A. BRISSET La République mande et ordonne au ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

7

N° 20NT00050


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 20NT00050
Date de la décision : 09/10/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme DOUET
Rapporteur ?: M. Michel LHIRONDEL
Rapporteur public ?: M. GIRAUD
Avocat(s) : POUILHE

Origine de la décision
Date de l'import : 24/10/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2020-10-09;20nt00050 ?
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