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09/10/2020 | FRANCE | N°19NT04738

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 2ème chambre, 09 octobre 2020, 19NT04738


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... E... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 28 février 2019 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté son recours formé contre une décision des autorités consulaires françaises à Genève refusant de lui délivrer un visa de long séjour en France.

Par un jugement n° 1904476 du 10 octobre 2019, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par

une requête enregistrée le 9 décembre 2019, Mme E..., représentée par Me D..., demande à la cour...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... E... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 28 février 2019 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté son recours formé contre une décision des autorités consulaires françaises à Genève refusant de lui délivrer un visa de long séjour en France.

Par un jugement n° 1904476 du 10 octobre 2019, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 9 décembre 2019, Mme E..., représentée par Me D..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 10 octobre 2019 ;

2°) d'annuler la décision du 28 février 2019 ;

3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de lui délivrer le visa sollicité dans le délai de dix jours à compter de la notification du jugement à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement est insuffisamment motivé ;

- la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France est entachée d'erreur manifeste d'appréciation dès lors que son parcours scolaire n'est pas incohérent ;

- la décision méconnaît les stipulations du paragraphe 1 de l'article 2 du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense, enregistré le 21 février 2020, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par Mme E... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la cour a désigné Mme F..., président assesseur, pour présider les formations de jugement en cas d'absence ou d'empêchement de M. Pérez, président de la 2ème chambre en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme B... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme E..., ressortissante ivoirienne, relève appel du jugement du 10 octobre 2019 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 28 février 2019 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté son recours formé contre une décision des autorités consulaires françaises à Genève refusant de lui délivrer un visa de long séjour en France.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ". Il ressort des termes mêmes du jugement attaqué que celui indique en son point 7 que le refus de visa ne porte pas, en lui-même, atteinte aux stipulations du paragraphe 1 de l'article 2 du premier protocole additionnel de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Par suite, le jugement est suffisamment motivé.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

3. Pour rejeter le recours de l'intéressée contre la décision des autorités consulaires, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a estimé que Mme E..., déjà scolarisée au sein d'une école à Paris pour l'année 2018-2019, a détourné l'objet de son titre de séjour délivré par les autorités helvétiques et qu'au surplus elle ne justifiait pas de ressources suffisantes pour couvrir l'ensemble de ses frais en France. Il ressort toutefois des pièces du dossier que l'intéressée ne résidait pas en France à la date de sa demande, a seulement obtenu une inscription à une formation de styliste d'intérieur-décoration pour l'année 2018-2019, dans le cadre de ses démarches, ne dispose pas d'attaches familiales en France, alors que la formation de courte durée qu'elle a suivie en janvier 2018 n'a pas excédé un mois et affirme, sans être contredite, souhaiter retourner dans son pays d'origine à l'issue de ses études. Dès lors, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a entaché le premier motif de sa décision d'erreur d'appréciation en estimant que l'intéressée avait détourné l'objet du titre de séjour délivré par les autorités helvétiques.

4. Toutefois le ministre a demandé au tribunal de substituer le premier motif initial tiré du détournement de l'objet du titre de séjour délivré par les autorités helvétiques le motif tiré de ce qu'il existe un doute sérieux quant à la cohérence et le sérieux du projet d'études de Mme E... en France.

5. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier qu'après avoir obtenu un baccalauréat option littéraire en 2015, Mme E... s'est inscrite, d'abord, dans une école de journalisme audiovisuel à Abidjan, puis, dans un centre suisse afin de poursuivre des études de marketing digital et de communication en 2016, sans toutefois valider ces deux parcours. Elle a, ensuite, obtenu une attestation de formation aux techniques du métier d'organisateur de mariage (wedding planner) en janvier 2018 auprès d'un institut privé d'études à distance, laquelle ne sanctionne qu'une formation de courte durée sans diplôme. Si Mme E... soutient que son inscription dans une formation de styliste d'intérieur d'une durée d'un an à l'école Jaëlys est complémentaire et nécessaire pour son projet professionnel, elle n'assortit cette allégation d'aucun élément permettant d'apprécier tant le contenu de la formation envisagée que la cohérence de cette nouvelle orientation. Les liens allégués par la requérante entre cette formation, le marketing et le métier d'organisatrice de mariages ne sont pas assortis d'éléments précis qui permettraient, au-delà de formules vagues, d'établir la cohérence du parcours de la requérante, laquelle, à la date de la décision contestée, n'a validé aucune formation diplômante reconnue. Il y a lieu d'écarter le moyen tiré de l'illégalité du motif substitué comme non fondé, la substitution n'ayant pas eu pour effet de priver la requérante d'une garantie procédurale.

6. En deuxième lieu, si Mme E... fait valoir qu'elle sera hébergée à titre gracieux, et que son séjour et ses frais d'inscription d'un montant de 9 250 euros par an seront pris en charge par son père, il ressort des pièces du dossier que ce dernier perçoit un salaire d'environ 2 540 euros mensuels environ et est père de cinq enfants. Par suite, eu égard aux charges du père de la requérante, et alors qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que Mme E... disposerait d'autre source de revenus pérenne et stable, l'administration n'a pas fait une inexacte application des circonstances de l'espèce en opposant également l'insuffisance des ressources de l'intéressée pour financer un séjour de longue durée en France.

7. En troisième lieu, aux termes du paragraphe 1 de l'article 2 du premier protocole additionnel de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales: " Nul ne peut se voir refuser le droit à l'instruction. L'Etat, dans l'exercice des fonctions qu'il assumera dans le domaine de l'Education et de l'enseignement, respectera le droit des parents d'assurer cette Education et cet enseignement conformément à leurs convictions religieuses et philosophiques ".

8. La circonstance que la décision en litige empêcherait l'intéressée de bénéficier des enseignements dispensés dans le cadre de la formation de styliste d'intérieur et d'obtenir les compétences indispensables afin de se distinguer sur le marché du travail ivoirien ne porte pas, par elle-même, atteinte à son droit à l'éducation et à l'instruction. Dès lors, Mme E... n'est pas fondée à soutenir que la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France aurait méconnu les stipulations du paragraphe 1 de l'article 2 du premier protocole additionnel de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

9. En dernier lieu, comme il a été dit au point 3 le ministre a sollicité devant le tribunal administratif la substitution du motif tiré du détournement de l'objet du titre de séjour délivré par les autorités helvétiques par celui de l'absence de cohérence et de sérieux du projet d'études de Mme E... en France. Ainsi, le moyen soulevé par Mme E... tiré de ce que le ministre aurait commis une erreur d'appréciation quant au détournement de l'objet du titre de séjour précédemment délivré ne peut qu'être écarté comme inopérant.

10. Il résulte de ce qui précède que Mme E... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

11. Le présent arrêt, qui rejette la requête de Mme E..., n'appelle aucune mesure d'exécution. Par suite, les conclusions de l'intéressée tendant à ce qu'il soit enjoint au ministre de l'intérieur de lui délivrer le visa sollicité, doivent être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement de la somme que le conseil de Mme E... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme E... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... E... et au ministre de l'intérieur.

Délibéré après l'audience du 22 septembre 2020 à laquelle siégeaient :

- Mme F..., présidente de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,

- Mme B..., président-assesseur,

- M. A...'hirondel, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 9 octobre 2020.

Le rapporteur,

H. B...

La présidente,

C. F...

Le greffier,

A. BRISSET

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 19NT04738


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 19NT04738
Date de la décision : 09/10/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme BRISSON
Rapporteur ?: Mme Hélène DOUET
Rapporteur public ?: M. GIRAUD
Avocat(s) : DALMAS

Origine de la décision
Date de l'import : 24/10/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2020-10-09;19nt04738 ?
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