Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... E... A... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler l'arrêté du 5 août 2019 du préfet d'Ille-et-Vilaine l'obligeant à quitter le territoire français sans délai, fixant le pays de destination et lui interdisant un retour sur le territoire français pour une durée de deux ans.
Par un jugement n° 1904080 du 9 août 2019 le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 4 décembre 2019 M. A..., représenté par Me D..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Rennes du 9 août 2019 ;
2°) d'annuler cet arrêté du 5 août 2019 ;
3°) de mettre à la charge de l'État, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la somme de 1 500 euros à verser à son conseil dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et à l'article 108 du décret du 19 décembre 1991.
Il soutient que :
- le jugement est irrégulier en ce qu'il a omis de se prononcer sur le moyen tiré du défaut d'examen de sa situation ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français comporte des erreurs de fait et est par suite entachée d'une insuffisance de motivation et d'un défaut d'examen de sa situation ;
- elle a été prise en méconnaissance du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle a été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
- la décision portant interdiction de retour sur le territoire français est entachée d'une insuffisance de motivation qui repose sur des éléments erronés ;
- elle est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;
- elle porte une atteinte excessive à son droit au respect de sa vie privée et familiale et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
La requête a été communiquée le 14 février 2020 au préfet d'Ille-et-Vilaine, qui n'a pas produit de mémoire en défense.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 4 novembre 2019.
Par un courrier du 4 juin 2020, les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative de ce que la cour était susceptible de substituer d'office les dispositions du 3°du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile à celles du 1° du même article comme base légale de la décision contestée portant obligation de quitter le territoire français.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme C... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A... relève appel du jugement du 9 août 2019 par lequel le magistrat désigné du tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 5 août 2019 du préfet d'Ille-et-Vilaine l'obligeant à quitter le territoire français sans délai, fixant le pays de destination et lui interdisant un retour sur le territoire français pour une durée de deux ans.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Si M. A... soutient que le premier juge a omis de répondre au moyen tiré du défaut d'examen particulier de sa situation, il ne ressort pas des pièces du dossier, et notamment des termes de sa demande de première instance, que l'intéressé devait être regardé comme ayant invoqué un tel moyen. Par suite, le moyen tiré de ce que le jugement attaqué serait entaché d'irrégularité pour ce motif doit être écarté.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire :
3. Aux termes du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa version alors en vigueur : " L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : / 1° Si l'étranger ne peut justifier être rentré régulièrement sur le territoire français, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité ; (...) / 3° Si la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé à l'étranger ou si le titre de séjour qui lui avait été délivré lui a été retiré (...) / La décision énonçant l'obligation de quitter le territoire français est motivée. Elle n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de la décision relative au séjour dans les cas prévus aux 3° et 5° du présent I, sans préjudice, le cas échéant, de l'indication des motifs pour lesquels il est fait application des II et III (...) ".
4. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que M. A... s'est maintenu sur le territoire en dépit du refus de titre de séjour, assorti d'une obligation de quitter le territoire, dont il avait fait l'objet par un précédent arrêté du 28 août 2018 du préfet de la Seine-Saint-Denis. Si l'arrêté contesté du préfet d'Ille-et-Vilaine, en tant qu'il porte obligation de quitter le territoire français, est fondé sur l'irrégularité du séjour de l'intéressé et vise à tort le 1° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il y a toutefois lieu de substituer à ces dispositions, qui ne pouvaient fonder régulièrement cette décision d'éloignement, les dispositions du 3° de ce même article dès lors que le requérant se trouvait dans la situation où, en application ces dispositions, le préfet pouvait, avec le même pouvoir d'appréciation, décider de son éloignement, et dès lors que M. A... n'a été privé d'aucune garantie de procédure.
5. En deuxième lieu, contrairement à ce que soutient M. A..., il ressort des pièces du dossier que la décision faisant obligation à l'intéressé de quitter le territoire comporte l'exposé des motifs de droit et de fait qui en constituent le fondement, alors même que la base légale de cette décision se trouve, comme il a été dit ci-dessus, non pas dans les dispositions du 1° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile mais dans celles du 3° de ce même article. Au surplus, l'appréciation supposée erronée qu'aurait portée le préfet sur les éléments relatifs à la situation personnelle et familiale de l'intéressé n'affecte pas la motivation de la décision contestée. Dès lors, le moyen tiré de l'insuffisante motivation de cette décision doit être écarté.
6. En troisième lieu, l'arrêté contesté, qui cite les dispositions des deux premiers alinéas du III de l'article L. 511-1, indique notamment que M. A... ne peut se prévaloir de circonstances humanitaires et comporte ainsi les considérations de droit et de fait qui fondent la décision portant interdiction de retour pour une durée de deux ans. Si cette décision indique à tort que l'intéressé est entré irrégulièrement en France et qu'il ne justifie pas d'attaches familiales en France, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet d'Ille-et-Vilaine, qui a par ailleurs fait état du maintien irrégulier de l'intéressé en France et de la présence de sa soeur, aurait pris une décision différente en ne retenant pas ces éléments erronés. Par suite, les moyens tirés de ce que cette décision serait entachée d'une insuffisance de motivation, d'un défaut d'examen particulier de sa situation et d'erreur de fait doivent être écartés.
7. En quatrième lieu, M. A... soutient qu'il souffre de troubles psychiatriques et que son état de santé nécessite son maintien en France. Toutefois, alors que l'intéressé n'a pas évoqué son état de santé lors de son audition préalable à la décision contestée, les justificatifs qu'il produit, constitués de deux ordonnances médicales et de certificats établis postérieurement à cette décision et faisant état du suivi du requérant par un psychiatre depuis 2016 et de son hospitalisation au cours de la rétention administrative dont il a fait l'objet, ne permettent pas d'établir, eu égard aux termes dans lesquels ils sont rédigés, qu'en l'obligeant à quitter le territoire français, le préfet d'Ille-et-Vilaine aurait méconnu les dispositions du 10° de l'article L.511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
8. En dernier lieu, M. A..., ressortissant kényan entré en France en 2015 sous couvert d'un visa de long séjour en qualité d'étudiant, soutient qu'il a des attaches fortes en France, où réside notamment l'une de ses soeurs, qu'il est en couple avec une compatriote titulaire d'une carte de résident et qu'il gère une microentreprise dans le domaine de l'informatique. Il ressort toutefois des pièces du dossier que l'intéressé ne justifie ni de l'ancienneté ni de stabilité de la relation qu'il invoque et n'est pas dépourvu de toute attache dans son pays d'origine où il a vécu jusqu'à l'âge de vingt-cinq ans et où résident, selon ses déclarations, ses parents et d'autres membres de sa fratrie. En outre, le requérant, qui ne dispose pas d'un logement autonome et n'établit pas la viabilité de son activité professionnelle, ne justifie pas davantage d'une particulière intégration, alors qu'il a fait l'objet d'une précédente mesure d'éloignement et qu'il ne conteste pas s'être soustrait à la mesure d'assignation à résidence dont il a fait l'objet. Compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, et notamment de la durée de séjour en France de M. A..., la décision contestée portant obligation de quitter le territoire français n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise. Dès lors, en prenant cette décision, le préfet d'Ille-et-Vilaine n'a ni méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni commis d'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de cette décision sur sa situation personnelle.
En ce qui concerne l'interdiction de retour sur le territoire français :
9. Compte tenu de ce qui précède, M. A... n'est pas fondé à exciper, à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision portant interdiction de retour pour une durée de deux ans, de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français.
10. Pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 8, le moyen tiré de ce que la décision portant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans porterait une atteinte excessive à son droit au respect de sa vie privée et familiale et serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation, doit être écarté.
11. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions tendant à l'application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent également être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... E... A... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet d'Ille-et-Vilaine.
Délibéré après l'audience du 17 septembre 2020, à laquelle siégeaient :
- Mme Perrot, président,
- Mme C..., président-assesseur,
- M. Berthon, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 9 octobre 2020.
Le rapporteur
C. C...
Le président
I. Perrot
Le greffier
R. Mageau
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 19NT046442