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09/10/2020 | FRANCE | N°19NT00404

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 3ème chambre, 09 octobre 2020, 19NT00404


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... C... a demandé au tribunal administratif d'Orléans de condamner le centre hospitalier de Chartres à lui verser la somme de 91 708,91 euros en réparation du préjudice qu'il estime avoir subi du fait des conditions de sa prise en charge le 14 août 2009 par cet établissement de santé.

Par un jugement n° 1702078 du 22 novembre 2018, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande après avoir constaté que la somme perçue à titre provisionnel par le requérant était supérieure à

celle à laquelle il avait droit.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mé...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... C... a demandé au tribunal administratif d'Orléans de condamner le centre hospitalier de Chartres à lui verser la somme de 91 708,91 euros en réparation du préjudice qu'il estime avoir subi du fait des conditions de sa prise en charge le 14 août 2009 par cet établissement de santé.

Par un jugement n° 1702078 du 22 novembre 2018, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande après avoir constaté que la somme perçue à titre provisionnel par le requérant était supérieure à celle à laquelle il avait droit.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires enregistrés les 25 janvier 2019, 20 février et

23 juin 2020 M. C..., représenté par Me A..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif d'Orléans du 22 novembre 2018 ;

2°) de condamner le centre hospitalier de Chartres à lui verser la somme totale de 81 887,04 euros, au besoin après avoir ordonné une nouvelle expertise médicale ;

3°) de mettre à la charge du centre hospitalier de Chartres la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement attaqué est irrégulier, dès lors qu'il ne vise pas les articles du code de la santé publique et du code de justice administrative sur lesquels il se fonde et qu'il n'est pas possible à sa seule lecture de vérifier que les magistrats présents à l'audience sont ceux qui ont participé au délibéré ;

- la responsabilité du centre hospitalier de Chartres est engagée en raison d'une erreur de diagnostic ;

- le taux de perte de chance doit être porté de 50% à 85 % ;

- il a droit aux indemnités suivantes : 3 083,39 euros au titre de la perte de gains professionnels passés, 5 211,69 euros au titre du besoin en assistance par une tierce personne, 1 844,16 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire, 2 428 euros au titre des souffrances endurées, 382,50 euros au titre du préjudice esthétique temporaire, 1 500 euros au titre du préjudice esthétique permanent, 4 250 euros au titre du préjudice d'agrément, 4 250 euros au titre du déficit fonctionnel permanent et 58 937,30 euros au titre de la perte de gains professionnels futurs.

Par des mémoires en défense enregistrés les 20 décembre 2019 et 16 mars 2020 le centre hospitalier de Chartres, représenté par Me F..., conclut au rejet de la requête et demande à la cour de condamner M. C... à lui rembourser la somme de 470 euros, correspondant à la différence entre l'indemnité allouée par les premiers juges et la somme qu'il a perçue à titre provisionnel, et de mettre à la charge de M. C... la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que les moyens soulevés par M. C... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de la sécurité sociale ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. E...,

- les conclusions de M. Gauthier, rapporteur public,

- et les observations de Me D..., pour le centre hospitalier de Chartres.

Considérant ce qui suit :

1. M. C... a été victime d'un accident de moto le 14 août 2009 et admis le même jour dans le service des urgences du centre hospitalier de Chartres. Un diagnostic de contusion du rachis lombaire a été posé et un traitement anti-inflammatoire et antalgique administré. Le

3 septembre 2009, un scanner a mis en lumière l'existence d'une fracture des vertèbres L1 et L2. M. C... a saisi la commission de conciliation et d'indemnisation (CCI) du Centre, qui a désigné un médecin expert, lequel a remis son rapport le 26 mai 2011. La commission a écarté l'engagement de la solidarité nationale par un avis du 7 juillet 2011. Un accord transactionnel d'indemnisation provisionnelle a été conclu le 25 septembre 2012 entre le requérant, le centre hospitalier de Chartres et l'assureur de ce dernier pour un montant de 1 920 euros. M. C... a saisi le tribunal administratif d'Orléans d'une demande indemnitaire complémentaire. Par un jugement du 22 novembre 2018, ce tribunal a évalué ses préjudices à la somme totale de

1 450 euros puis, constatant que cette somme était inférieure à l'indemnité provisionnelle déjà accordée, a rejeté sa demande. M. C... relève appel de ce jugement.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. D'une part, le jugement attaqué, qui vise le code de justice administrative et le code de la santé publique et cite dans ses motifs l'article applicable de ce dernier code, est suffisamment motivé. D'autre part, M. C... n'établit pas que d'autres magistrats que ceux qui ont siégé à l'audience auraient ensuite délibéré. Le jugement attaqué est donc régulier.

Sur la responsabilité :

3. Aux termes du I de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique : " Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute. ".

4. Il résulte de l'instruction et n'est pas sérieusement contesté que les clichés radiologiques réalisés lors de l'admission de M. C... au centre hospitalier de Chartres permettaient de diagnostiquer sans difficulté la fracture de la vertèbre L1 dont il souffrait et de suspecter une atteinte identique à la vertèbre L2. Le centre hospitalier de Chartres a donc commis une erreur de diagnostic fautive de nature à engager sa responsabilité.

Sur les préjudices :

En ce qui concerne le taux de perte de chance :

5. Il résulte de l'instruction que le retard avec lequel le diagnostic de fracture des vertèbres L1 et L 2 a été posé a accentué le tassement vertébral dont souffrait déjà M. C... et a majoré l'intensité des douleurs lombaires et dorsales résultant de ce tassement. Les premiers juges ont estimé que la faute du centre hospitalier de Chartres avait fait perdre à M. C... une chance d'éviter cette aggravation de son état de santé, qu'ils ont évaluée à 50%. M. C... demande que ce taux soit porté à 85%. Toutefois, l'expert mandaté par la CCI, qui n'a pas retenu de taux de perte de chance, a indiqué dans son rapport qu'un bon diagnostic aurait conduit à prescrire à M. C... une longue période de repos qui lui aurait permis d'éviter totalement les douleurs supplémentaires dont il a souffert en raison de sa prise en charge fautive. Par suite, il y a lieu d'indemniser intégralement les préjudices de M. C... en lien direct et exclusif avec la faute du centre hospitalier de Chartres.

En ce qui concerne les préjudices à caractère patrimonial :

Quant aux frais liés au handicap :

6. Lorsque le juge administratif indemnise dans le chef de la victime d'un dommage corporel la nécessité de recourir à l'aide d'une tierce personne, il détermine le montant de l'indemnité réparant ce préjudice en fonction des besoins de la victime et des dépenses nécessaires pour y pourvoir. Il doit à cette fin se fonder sur un taux horaire permettant, dans les circonstances de l'espèce, le recours à l'aide professionnelle d'une tierce personne d'un niveau de qualification adéquat, sans être lié par les débours effectifs dont la victime peut justifier.

7. Le besoin de M. C... en assistance par une tierce personne non spécialisée doit être évalué à 30 minutes par jour pendant trois mois, ainsi qu'il résulte de l'expertise du

2 octobre 2013 réalisée par un chirurgien orthopédique et traumatologique à la demande de l'assureur de l'intéressé. Sur la base d'un taux horaire moyen de rémunération tenant compte des charges patronales et des majorations de rémunération pour travail du dimanche fixé à 13 euros et d'une année de 412 jours pour tenir compte des congés payés et des jours fériés, le préjudice de M. C... s'élève à la somme de 675 euros.

Quant à la perte de gains professionnels :

8. M. C..., qui était manipulateur en imagerie radiologique au centre hospitalier de Chartres depuis 1991, n'a pas pu reprendre son travail après son accident de moto. Il a été placé en retraite pour invalidité le 1er septembre 2012. Il résulte toutefois de l'instruction que l'incapacité professionnelle de M. C... ne peut être imputée aux séquelles résultant de la faute du centre hospitalier, dont l'expert mandaté par la CCI a d'ailleurs relevé qu'elles étaient limitées, mais qu'elle est la conséquence exclusive de l'état antérieur de l'intéressé et de l'accident de moto lui-même. Par suite, M. C... n'est fondé à demander aucune réparation au titre de la perte de gains professionnels actuels ou futurs.

En ce qui concerne les préjudices personnels temporaires :

9. L'expert a évalué le déficit fonctionnel temporaire de M. C... à 25% entre le

14 décembre 2009 et le 6 mai 2010. Sur cette base, il y a lieu de lui accorder une indemnité de 500 euros.

10. Il résulte de l'instruction que les souffrances endurées par M. C... en raison de son état antérieur et de l'accident du 14 août 2009 sont passées de 3/7 à 4/7 en raison de l'erreur de diagnostic du centre hospitalier de Chartres. Il sera fait une juste évaluation de ce chef de préjudice en l'arrêtant à la somme de 3 500 euros. La somme de 3 000 euros versée à M. C... par son assureur le 2 novembre 2010 ne peut être déduite de ce montant, dès lors qu'elle ne couvre que les souffrances endurées résultant de l'état antérieur et de l'accident du 14 août 2009 à hauteur de 3/7.

11. L'expert a évalué à 0,5/7 le préjudice esthétique temporaire subi par M. C... en lien direct avec la faute du centre hospitalier de Chartres, en raison d'une limitation de la marche et d'une raideur rachidienne. Une somme de 700 euros pourra être accordée à M. C... en réparation de ce préjudice.

En ce qui concerne les préjudices personnels permanents :

12. Il résulte de l'instruction que le déficit fonctionnel permanent de 6% dont est atteint M. C... est entièrement imputable à son état antérieur et à l'accident du 14 août 2009. Le requérant n'est donc pas fondé à demander la réparation de ce préjudice.

13. Il ne résulte pas de l'instruction que M. C... subirait un préjudice esthétique permanent ou un préjudice d'agrément en lien avec la faute du centre hospitalier de Chartres.

14. Il résulte de ce qui précède que la somme de 1 450 euros que le tribunal administratif d'Orléans a condamné le centre hospitalier de Chartres à verser à M. C... doit être portée à 5 375 euros.

Sur les conclusions du centre hospitalier de Chartres aux fins de remboursement de la somme de 470 euros :

15. Il résulte de ce qui a été dit au point précédent que les conclusions du centre hospitalier de Chartres tendant au remboursement par M. C... de la somme de 470 euros à valoir sur la somme retenue par le tribunal administratif sont dépourvues d'objet et doivent, en tout état de cause, être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

16. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que M. C... verse au centre hospitalier de Chartres une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de ce centre hospitalier la somme de 1000 euros à verser à M. C... au même titre.

DÉCIDE :

Article 1er : Le centre hospitalier de Chartres est condamné à verser à M. C... la somme de 5 375 euros, sous déduction de l'indemnité provisionnelle de 1 920 euros déjà accordée.

Article 2 : Le jugement n° 1702078 du tribunal administratif d'Orléans du 22 novembre 2018 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête et les conclusions présentées par le centre hospitalier de Chartres au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetés.

Article 4 : Le centre hospitalier de Chartres versera la somme de 1000 euros eu titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C..., au centre hospitalier de Chartres, à la caisse des dépôts et consignations et à la caisse primaire d'assurance maladie de Loir-et-Cher.

Délibéré après l'audience du 17 septembre 2020, à laquelle siégeaient :

- Mme Perrot, président de chambre,

- Mme Brisson, président assesseur,

- M. E..., premier conseiller.

Lu en audience publique, le 9 octobre 2020.

Le rapporteur

E. E...Le président

I. Perrot

Le greffier

R. Mageau

La République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 19NT00404


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 19NT00404
Date de la décision : 09/10/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme PERROT
Rapporteur ?: M. Eric BERTHON
Rapporteur public ?: M. GAUTHIER
Avocat(s) : SCP MERY et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 18/10/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2020-10-09;19nt00404 ?
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