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09/10/2020 | FRANCE | N°18NT03424

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 3ème chambre, 09 octobre 2020, 18NT03424


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... a demandé au tribunal administratif d'Orléans, à titre principal, de déclarer l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) débiteur des sommes destinées à indemniser le préjudice résultant de sa contamination par le virus de l'hépatite C, d'ordonner une expertise médicale aux fins d'évaluer son préjudice et, à titre subsidiaire, de condamner l'ONIAM à lui verser la somme de 128 227,30 euros.

Par un jugemen

t n° 1601565 du 12 juillet 2018, le tribunal administratif d'Orléans a mis à la charg...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... a demandé au tribunal administratif d'Orléans, à titre principal, de déclarer l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) débiteur des sommes destinées à indemniser le préjudice résultant de sa contamination par le virus de l'hépatite C, d'ordonner une expertise médicale aux fins d'évaluer son préjudice et, à titre subsidiaire, de condamner l'ONIAM à lui verser la somme de 128 227,30 euros.

Par un jugement n° 1601565 du 12 juillet 2018, le tribunal administratif d'Orléans a mis à la charge de l'ONIAM le versement de la somme de 18 000 euros majorée des intérêts au taux légal et de leur capitalisation

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 7 septembre 2018 et des mémoires enregistrés les

11 décembre 2018 et 13 novembre 2019 M. E..., représenté par Me A..., demande à la cour :

1°) de réformer ce jugement du 12 juillet 2018 en tant qu'il n'a pas fait droit à la totalité de ses conclusions indemnitaires ;

2°) d'ordonner une expertise médicale aux fins d'évaluation de son préjudice, et de surseoir à statuer dans l'attente du dépôt de ce rapport d'expertise ;

3°) à titre subsidiaire, de rouvrir les débats pour statuer sur la liquidation de ses préjudices ;

4°) de mettre à la charge de l'ONIAM le versement de la somme de 4 000 euros au titre de l'article L 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le principe de réparation intégrale de son préjudice a été méconnu faute pour les premiers juges d'avoir disposé de tous les éléments propres à permettre une réparation totale du dommage subi ; une expertise médicale s'impose ;

- les principes du contradictoire et du droit à un procès équitable ont été méconnus dès lors que les juges étaient dans l'impossibilité de procéder à une évaluation précise de ses préjudices ;

- il est dans l'impossibilité de chiffrer lui-même ses préjudices.

Par un mémoire en défense enregistré le 9 novembre 2018 l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux des affections iatrogènes, représenté par Me C..., conclut au rejet de la requête et à ce que les dépens soient mis à la charge de tout succombant.

Il soutient que :

- aucune obligation de diligenter une expertise médicale ne s'impose ;

- aucune difficulté particulière n'existait en l'espèce.

Par un courrier enregistré le 8 novembre 2019 la CPAM de Loir-et-Cher, agissant pour le compte de la CPAM d'Indre-et-Loire, déclare ne pas intervenir dans la présente instance.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de la sécurité sociale ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme D...,

- et les conclusions de M. Gauthier, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. E..., né le 12 janvier 1974, est atteint d'hémophilie B majeure diagnostiquée à la naissance pour le traitement de laquelle il a reçu de multiples transfusions sanguines. En décembre 1991, il a été diagnostiqué chez l'intéressé une contamination par le virus de l'hépatite C. Après une surveillance médicale, M. E... a bénéficié du 31 janvier au 26 décembre 2005 d'un traitement qui a permis la négativation du virus. Il a saisi en 2014 l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) d'une demande d'indemnisation tendant à la réparation des préjudices qu'il impute à sa contamination par le virus de l'hépatite C consécutivement aux transfusions sanguines reçues depuis son enfance. Par un courrier du 29 mars 2016, l'ONIAM a estimé que M. E... apportait un faisceau d'indices précis et concordant permettant de faire présumer que sa contamination trouvait son origine dans les produits sanguins transfusés et lui a, en conséquence, fait une offre d'indemnisation partielle pour un montant de 5 500 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire et des souffrances endurées, réservant l'indemnisation du déficit fonctionnel permanent et de la perte de gains professionnels à l'obtention des créances des organismes sociaux et à la production de pièces justificatives. Estimant cette offre insuffisante, M. E... a demandé au tribunal administratif d'Orléans de reconnaître l'obligation de l'ONIAM et d'ordonner une mesure d'expertise médicale aux fins d'évaluer ses préjudices. Par un jugement du 12 juillet 2018, le tribunal administratif d'Orléans a mis à la charge de l'ONIAM le versement à M. E... de la somme de 18 000 euros. M. E... relève appel de ce jugement en tant qu'il n'a pas ordonné la mesure d'expertise sollicitée et n'a pas fait droit à la totalité de ses conclusions indemnitaires.

Sur l'obligation de l'ONIAM :

2. En application de l'article L. 1221-14 du code de la santé publique, les victimes de préjudices résultant de la contamination par le virus de l'hépatite C causée par une transfusion de produits sanguins sont indemnisées au titre de la solidarité nationale par l'ONIAM.

3. Il ne résulte pas de l'instruction, ni d'ailleurs n'est contesté en appel par les parties ou l'ONIAM, que les conditions permettant de mettre à la charge de ce dernier le versement d'une somme destinée à réparer le préjudice subi par M. E... ne seraient pas remplies ainsi qu'en a décidé le tribunal administratif dans son jugement du 12 juillet 2018. Dans ces conditions, il y a lieu de confirmer sur ce point le tribunal et de ne se prononcer que sur l'étendue des préjudices subis par M. E....

Sur les préjudices :

4. Après que l'ONIAM eut établi son offre d'indemnisation sans recourir à une expertise contradictoire, le tribunal, s'estimant suffisamment informé pour statuer sans ordonner un supplément d'instruction à fin d'expertise, a arrêté au montant total de 18 000 euros la réparation des différents préjudices supportés par M. E... consécutivement à sa contamination par le virus de l'hépatite C.

5. Toutefois, devant la cour, les parties persistent à s'opposer quant à la nature et l'étendue des conséquences de la contamination de M. E... par le virus de l'hépatite C. En l'état de l'instruction, et en l'absence de toute expertise médicale à un quelconque stade de la procédure, la cour ne s'estime pas en mesure de déterminer de manière éclairée l'étendue des conséquences dommageables de cette contamination. Il y a, dès lors, lieu d'ordonner une expertise aux fins précisées ci-après et de réserver jusqu'en fin d'instance les droits et moyens des parties sur lesquels il n'est pas expressément statué par le présent arrêt.

DECIDE :

Article 1er : Il sera, avant de statuer sur les conclusions de M. E... tendant à la réparation définitive des préjudices résultant de sa contamination par le virus de l'hépatite C, procédé, par un expert désigné par le président de la cour administrative d'appel, à une expertise médicale contradictoire en présence de l'ensemble des parties à la présente instance.

Article 2 : L'expert aura pour mission, après avoir convoqué, interrogé, examiné M. E..., pris connaissance, avec son autorisation, de son entier dossier médical, consulté tout document, même détenu par un tiers, et recueilli tout renseignement utile à l'expertise :

1) de décrire l'état de santé passé et actuel de M. E... ;

2) de fixer une date de consolidation ;

3) de déterminer, en les chiffrant précisément, les préjudices subis par M. E... du fait de son état de santé depuis sa contamination par le virus de l'hépatite C, notamment et le cas échéant :

- les préjudices patrimoniaux, temporaires et permanents, soit les dépenses de santé et frais futurs restés à sa charge, l'assistance par une tierce personne, les répercussions sur l'activité professionnelle ;

- les préjudices extrapatrimoniaux, temporaires et permanents, soit le déficit fonctionnel temporaire et permanent, total et partiel, la durée de la période d'incapacité temporaire totale ou partielle, les souffrances endurées et le préjudice spécifique de contamination ;

- tous autres préjudices pouvant être constatés ;

4) de distinguer, parmi ces préjudices, ceux imputables de manière directe, certaine et exclusive à l'hépatite C, et ceux imputables, dans les mêmes conditions, à d'autres causes ; dans le cas où les préjudices auraient plusieurs causes ou/et où M. E... aurait perdu une chance de les éviter, indiquer la part de ces préjudices ou/et le taux de perte de chance de les éviter imputable à chacune des circonstances en présence.

5) de fournir toutes précisions complémentaires que l'expert jugera utile à la solution du litige et de nature à permettre d'apprécier l'étendue des préjudices subis

Article 3 : L'expert accomplira sa mission dans les conditions prévues par les articles R. 621-2 à R. 621-14 du code de justice administrative. Il prêtera serment par écrit devant le greffier en chef de la cour. L'expert déposera son rapport au greffe de la cour en deux exemplaires et en notifiera copie aux parties dans le délai fixé par le président de la cour dans sa décision le désignant. Avec leur accord, cette notification pourra s'opérer sous forme électronique.

Article 4 : Les frais d'expertise sont réservés pour y être statué en fin d'instance.

Article 5 : Tous droits et moyens des parties, sur lesquels il n'est pas expressément statué par le présent arrêt sont réservés jusqu'en fin d'instance.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... E..., à la CPAM de Loir-et-Cher et à l'ONIAM.

Délibéré après l'audience du 17 septembre 2020, à laquelle siégeaient :

- Mme Perrot président de chambre,

- Mme D..., président-assesseur,

- M. Berthon premier conseiller.

Lu en audience publique, le 9 octobre 2020.

Le rapporteur

C. D...

Le président

I. Perrot

Le greffier

R. Mageau

La République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 18NT03424


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 18NT03424
Date de la décision : 09/10/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme PERROT
Rapporteur ?: Mme Christiane BRISSON
Rapporteur public ?: M. GAUTHIER
Avocat(s) : BOYER

Origine de la décision
Date de l'import : 18/10/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2020-10-09;18nt03424 ?
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