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01/10/2020 | FRANCE | N°20NT00072

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 2ème chambre, 01 octobre 2020, 20NT00072


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme G... H... épouse E..., agissant en qualité de représentante légale de l'enfant I... D... H... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 20 mars 2019 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours dirigé contre la décision du 27 novembre 2018 par laquelle les autorités consulaires françaises à Madagascar ont refusé de délivrer à sa fille alléguée, Mireille Karine H..., un visa de long séjour dans

le cadre d'une procédure de regroupement familial.

Par un jugement n° 1905511 du ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme G... H... épouse E..., agissant en qualité de représentante légale de l'enfant I... D... H... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 20 mars 2019 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours dirigé contre la décision du 27 novembre 2018 par laquelle les autorités consulaires françaises à Madagascar ont refusé de délivrer à sa fille alléguée, Mireille Karine H..., un visa de long séjour dans le cadre d'une procédure de regroupement familial.

Par un jugement n° 1905511 du 7 novembre 2019, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 8 janvier 2020, Mme G... H... épouse E..., agissant en qualité de représentante légale de l'enfant I... D... H..., représentée par Me B..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 7 novembre 2019 ;

2°) d'annuler la décision du 20 mars 2019 de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France ;

3°) d'enjoindre au ministre de délivrer un visa de long séjour à la jeune I... D... H... ou de réexaminer, sans délai, sa demande de visa ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

­ la décision contestée est entachée d'une erreur d'appréciation dès lors qu'il ne peut être opposé la tardiveté du jugement supplétif rendu le 18 octobre 2011 qui n'a que pour objet de suppléer l'absence de déclaration de l'enfant à la naissance et dont le dispositif a été régulièrement transcrit sur les registres de l'état civil. Il en est de même s'agissant du jugement rectificatif relatif au patronyme rendu le 15 février 2018 ;

­ elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et celles de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

Par un mémoire en défense, enregistré le 27 août 2020, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.

Il s'en remet ses écritures de première instance.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu

­ la convention internationale de New-York du 26 janvier 1990 relative aux droits de l'enfant ;

­ le code civil ;

­ le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

­ le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. A...'hirondel a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme G... H..., née le 16 novembre 1990 à Ialatamaty (Madagascar), alors ressortissante malgache, a épousé le 8 janvier 2011, M. C... E..., de nationalité française. Elle a acquis, le 14 septembre 2017, la nationalité française. Le 30 octobre 2018, Mme E... a déposé une demande de visa de long séjour en faveur de la jeune I... D... H..., née le 7 août 2007 à Tananarive (Madagascar), qu'elle présente comme sa fille, en qualité d'enfant mineur étranger d'une ressortissante française. Cette demande a fait l'objet d'une décision de refus en date du 27 novembre 2018 prise par les autorités consulaires françaises à Madagascar. Le recours présenté le 28 janvier 2019 par Mme E... contre cette dernière décision a été rejeté par la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France par une décision du 20 mars 2019. Mme E... relève appel du jugement du tribunal administratif de Nantes du 7 novembre 2019 qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. Aux termes de l'article 68 du code civil de la République de Madagascar : " Toute personne qui voudra faire suppléer à l'inexistence d'un acte de naissance ou de décès par un jugement peut introduire à cette fin une action devant le tribunal de première instance, de section, de sous-préfecture ou d'arrondissement. Le ministère public peut également agir d'office. / L'action est introduite par simple requête écrite ou verbale. Le tribunal ordonne d'office toutes les mesures d'instruction et de publication qu'il juge nécessaires et la communication de toutes les pièces utiles. / Le tribunal apprécie souverainement les preuves qui lui sont présentées; la preuve testimoniale est admissible, mais les témoignages doivent être concordants et précis. L'enquête a lieu à l'audience publique et en présence de toutes personnes intéressées. (...) ". Aux termes de l'article 69 du même code : " Tout jugement supplétif rendu ensuite d'une telle procédure, doit être transcrit aux registres d'état civil de la résidence de l'impétrant et à ceux du lieu où s'est produit le fait qu'il constate (mariage, naissance, décès, etc.) ". Selon l'article 70 de ce code : " Tout jugement supplétif d'état civil est opposable aux tiers qui pourront toutefois en poursuivre l'annulation en justice. ".

3. La commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a fondé sa décision sur les motifs tirés, d'une part, de ce que l'acte de naissance de l'enfant, établi suivant un jugement supplétif, était tardif pour avoir été délivré quatre ans après la naissance alors que de plus est intervenu, le 15 février 2018, un jugement supplétif de changement de nom patronymique et d'autre part, de ce que le procureur de la République de Nantes s'était opposé, sur le fondement des dispositions de l'article 47 du code civil, à la transcription à l'état civil français de cet acte de naissance.

4. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que pour justifier du lien de filiation entre Mme E... et la jeune I... D... H..., la requérante a notamment produit le jugement supplétif d'acte de naissance du 18 octobre 2011 rendu par le tribunal de première instance de Tananarive déclarant que cet enfant est née le 7 août 2007 à Imerinafovany, commune rurale de Talatamaty et qu'elle est la fille de Donald Antonio Victorien E..., qui déclare la reconnaître, et de G... H.... Il n'appartient pas aux autorités administratives françaises de mettre en doute le bien-fondé d'une décision rendue par une autorité juridictionnelle étrangère, hormis le cas où le document produit aurait un caractère frauduleux. Ce jugement supplétif et, par suite, l'acte de naissance assurant sa transcription dans les registres de l'état civil, dont il n'est pas contesté qu'ils ont été pris conformément aux dispositions des articles 68 et 69 du code civil de la République de Madagascar, n'ayant que pour seul objet de suppléer à l'absence de déclaration au moment de la naissance, la circonstance que ces actes soient intervenus quatre ans après la naissance de l'enfant n'est pas de nature à établir leur caractère frauduleux ou inauthentique. Si au regard des déclarations faites par Mme E... à l'appui de sa requête déposée le 27 septembre 2016 devant le tribunal de première instance de Tananarive un doute sérieux peut subsister quant à l'identité réelle du père bioligique, ni ses déclarations, ni le jugement supplétif rendu le 15 février 2018 suite à sa requête, qui se borne à rectifier le nom patronymique de l'enfant, pour, au surplus, lui faire porter celui de la mère, ne sont de nature à remettre en cause le lien de filiation entre la jeune I... D... H... et Mme G... H..., épouse E.... Le caractère frauduleux de ces jugements ne saurait également résulter des omissions constatées dans l'acte d'état civil, dont l'objet est d'assurer la transcription du jugement supplétif du 18 octobre 2011, s'agissant de l'âge, du lieu de naissance, de la profession et de la résidence habituelle de la mère. De même, la décision, au demeurant non motivée, du procureur de la République s'opposant à la transcription à l'état civil français de cet acte de naissance n'est pas de nature à établir le caractère frauduleux des jugements supplétifs, au moins en tant qu'ils portent sur le lien de filiation maternel. Au surplus, Mme E... produit son carnet de santé mentionnant, à la date du 7 août 2007, qu'elle a accouché d'un enfant portant le nom de D... E....

5. En second lieu, il résulte des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale de New York des droits de l'enfant que, dans son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant. Il résulte de ce qui précède qu'à défaut d'établir le caractère frauduleux des jugements supplétifs, la jeune I... D... H... doit être regardée comme la fille de Mme E.... L'intérêt de l'enfant étant, en principe, de vivre auprès de la personne qui est titulaire à son égard de l'autorité parentale, la requérante est, par suite, fondée à soutenir que la décision contestée a méconnu les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale du 26 janvier 1990 relative aux droits de l'enfant.

6. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que Mme E... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

7. Le présent arrêt implique pour son exécution, eu égard aux motifs d'annulation retenus, qu'il soit enjoint au ministre de l'intérieur de délivrer un visa de long séjour à la jeune I... D... H... dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.

Sur les frais liés au litige :

8. Pour l'application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros au titre des frais exposés par Mme E... et non compris dans les dépens.

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nantes du 7 novembre 2019 et la décision du 20 mars 2019 de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au ministre de l'intérieur de délivrer un visa de long séjour à la jeune I... D... H... dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera à Mme E... la somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme G... H... épouse E... et au ministre de l'intérieur.

Délibéré après l'audience du 8 septembre 2020, à laquelle siégeaient :

­ M. Pérez, président,

­ Mme Douet, président-assesseur,

­ M. A...'hirondel, premier conseiller.

Lu en audience publique le 1er octobre 2020.

Le rapporteur,

M. F...

Le président,

A. PEREZ

Le greffier,

K. BOURON

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 20NT00072


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 20NT00072
Date de la décision : 01/10/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. PEREZ
Rapporteur ?: M. Michel LHIRONDEL
Rapporteur public ?: M. GIRAUD
Avocat(s) : BLANC

Origine de la décision
Date de l'import : 13/10/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2020-10-01;20nt00072 ?
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