La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

29/09/2020 | FRANCE | N°19NT00524

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 6ème chambre, 29 septembre 2020, 19NT00524


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... D... a demandé au tribunal administratif d'Orléans, d'une part, d'annuler la décision du 24 novembre 2016 du chef d'Etat-major de l'armée de terre rejetant son recours gracieux portant demande de révision de son indice relatif interarmées (IRIS) au titre de l'année 2016 et, d'autre part, d'annuler la décision du 7 mars 2017 du ministre de la défense rejetant son recours gracieux dirigé contre sa notation 2016.

Par un jugement nos 1700395, 1701774 du 4 décembre 2018, le tribunal administra

tif d'Orléans a rejeté ses demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... D... a demandé au tribunal administratif d'Orléans, d'une part, d'annuler la décision du 24 novembre 2016 du chef d'Etat-major de l'armée de terre rejetant son recours gracieux portant demande de révision de son indice relatif interarmées (IRIS) au titre de l'année 2016 et, d'autre part, d'annuler la décision du 7 mars 2017 du ministre de la défense rejetant son recours gracieux dirigé contre sa notation 2016.

Par un jugement nos 1700395, 1701774 du 4 décembre 2018, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté ses demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 4 février 2019, M. D..., représenté par la SCP Chaton-Grillon-Brocard-Gire, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif d'Orléans du 4 décembre 2018 ;

2°) d'annuler, d'une part, la décision du 24 novembre 2016 du chef d'Etat-major de l'armée de terre rejetant son recours gracieux portant demande de révision de son IRIS au titre de l'année 2016 et, d'autre part, la décision du 7 mars 2017 du ministre de la défense rejetant son recours gracieux dirigé contre sa notation 2016 ;

3°) d'enjoindre à la ministre des armées de procéder au réexamen de sa situation dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

En ce qui concerne la décision du 24 novembre 2016 du chef d'Etat-major de l'armée de terre :

- c'est à tort que le tribunal a estimé que l'IRIS aurait une fonction purement indicative et serait pris en compte uniquement au stade de l'élaboration du tableau d'avancement, et que, par suite, elle serait constitutive d'une simple mesure préparatoire insusceptible de recours :

* l'instruction ministérielle du 14 mars 2014 n'est pas limitée à l'avancement des officiers, mais s'étend à l'évaluation de leur potentiel ;

* l'ensemble des officiers font l'objet de l'attribution d'un IRIS, cotation chiffrée constituant un des éléments de l'appréciation du potentiel des officiers et si l'IRIS n'était qu'un élément pris en compte dans le cadre des travaux liés à l'avancement, l'évaluation du potentiel des officiers ne pouvant bénéficier d'un avancement au choix, à travers cette cotation chiffrée, n'aurait aucun sens ;

* l'attribution de l'IRIS dépasse le cadre strict des travaux liés à l'avancement, il s'agit d'une cotation chiffrée servant à évaluer annuellement le potentiel de l'officier et pouvant directement ou indirectement être prise en compte dans certains travaux de gestion et de sélection, autres que ceux liés à l'avancement ;

* l'IRIS attribué à l'officier figure dans son dossier individuel et il est susceptible d'affecter plus globalement la carrière du militaire, au même titre que la notation annuelle.

En ce qui concerne la décision du 7 mars 2017 du ministre de la défense :

- c'est à tort que le tribunal a écarté le moyen tiré de l'incompétence du signataire de la décision attaquée ;

- sa notation millésime 2016 repose sur une appréciation manifestement erronée de sa manière de servir et comporte des contradictions entre certaines des notes chiffrées et les appréciations littérales qui y sont portées ;

- elle est entachée d'un détournement de pouvoir.

Par un mémoire en défense, enregistré le 25 octobre 2019, la ministre des armées conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que les moyens soulevés par M. D... sont infondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la défense ;

- le décret n° 2005-850 du 27 juillet 2005 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. B... ;

- les conclusions de M. Lemoine, rapporteur public ;

- et les observations de M. D....

Une note en délibéré et une pièce complémentaire, présentées pour M. D..., ont été enregistrées les 21 et 23 septembre 2020.

Considérant ce qui suit :

1. M. D..., officier de l'armée de Terre, a exercé du 12 juillet 2014 au 15 juin 2016 les fonctions de commandant d'escadron blindé. Depuis le 15 juin 2016, il exerce les fonctions d'instructeur à l'école du train et du matériel de Bourges. Il a pris connaissance de son bulletin de notation du millésime 2016 tel qu'établi par son chef de corps, premier notateur, et formulé un recours hiérarchique rejeté par le dernier notateur par une décision notifiée le 7 juillet 2016. M. D... a également pris connaissance, le 12 juillet 2016, de son " indice relatif interarmées " (IRIS) qui lui attribue un indice 4 sur une échelle de 1 à 7. Il a formé contre l'IRIS attribué et contre sa notation 2016 des recours auprès de la commission des recours des militaires. Par décisions du 24 novembre 2016 du chef d'Etat-major de l'armée de terre et du 7 mars 2017 du ministre de la défense, ses recours ont été rejetés. Saisi par M. D... d'une demande d'annulation de ces décisions, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté ses demandes.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne la décision du 24 novembre 2016 du chef d'Etat-major de l'armée de terre :

2. Aux termes de l'instruction du 14 mars 2014 du ministre de la défense relative à l'avancement des officiers et à l'évaluation de leur potentiel : " Cette instruction interarmées a pour objet de définir les règles relatives à l'avancement des officiers ainsi que les modalités d'évaluation de leur potentiel (...) Cette évaluation du potentiel se traduit notamment par l'attribution d'un indice relatif interarmées. Cet indice constitue l'un des critères pris en compte dans le cadre des travaux préparatoires à l'avancement (...) Indice variable attribué annuellement, l'IRIS est directement ou indirectement pris en compte dans certains travaux de gestion et de sélection, dont ceux liés à l'avancement. (...) L'IRIS est une cotation indépendante de la notation, cette dernière sanctionnant la qualité des services rendus par l'officier tout au long de l'année. (...) L'IRIS est une cotation comprise entre l et 7, la valeur 7 représentant la cotation la plus élevée (...) ". Il résulte des termes mêmes de l'instruction en cause que la décision d'attribution d'un IRIS, qui a le caractère d'une mesure préparatoire à la procédure d'élaboration des décisions relatives à la sélection et à l'avancement des officiers, ne constitue pas, en elle-même, une décision susceptible de faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir. Les circonstances que l'ensemble des officiers fasse l'objet de l'attribution d'un IRIS ou que l'IRIS figure dans le dossier individuel de l'officier sont, à cet égard, sans incidence sur la nature de la cotation en question. Par suite, le requérant n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal a estimé que l'IRIS était constitutive d'une simple mesure préparatoire insusceptible de recours.

En ce qui concerne la décision du 7 mars 2017 du ministre de la défense :

3. D'une part, aux termes de l'article 1er du décret du 27 juillet 2005 relatif aux délégations de signature des membres du Gouvernement : " A compter du jour suivant la publication au Journal officiel de la République française de l'acte les nommant dans leurs fonctions ou à compter du jour où cet acte prend effet, si ce jour est postérieur, peuvent signer, au nom du ministre ou du secrétaire d'Etat et par délégation, l'ensemble des actes, à l'exception des décrets, relatifs aux affaires des services placés sous leur autorité : (...) 2° Les chefs de service, directeurs adjoints, sous-directeurs, les chefs des services à compétence nationale mentionnés au deuxième alinéa de l'article 2 du décret du 9 mai 1997 susvisé ainsi que les hauts fonctionnaires et les hauts fonctionnaires adjoints mentionnés aux articles R. 1143-1 et R. 1143-2 du code de la défense ; (...) ". Aux termes de l'article 2 du même décret : " I. - Les ministres et secrétaires d'Etat peuvent, par un arrêté publié au Journal officiel de la République française, donner délégation pour signer tous actes, à l'exception des décrets, au directeur et au chef de leur cabinet, ainsi qu'à leurs adjoints, en ce qui concerne les affaires pour lesquelles délégation n'est pas donnée à l'une des personnes mentionnées à l'article 1er. Cette délégation prend fin en même temps que les pouvoirs du ministre ou du secrétaire d'Etat qui l'a donnée. Les actes relevant, dans un même ministère, des attributions de plusieurs responsables de directions ou services mentionnés à l'article 1er peuvent également être signés conjointement par ceux-ci au nom du ministre. (...) ". D'autre part, aux termes de l'article 1er de l'arrêté du 6 décembre 2016 du ministre de la défense portant délégation de signature : " Délégation permanente est donnée à l'effet de signer, au nom du ministre de la défense, tous actes, à l'exclusion des décrets, en ce qui concerne les affaires pour lesquelles délégation n'est pas donnée aux personnes mentionnées à l'article 1er du décret du 27 juillet 2005 susvisé, à : (...) M. A... C..., directeur adjoint du cabinet civil et militaire ; (...) "

4. En l'espèce, il n'est pas contesté que M. C... était directeur adjoint du cabinet civil et militaire du ministre de la défense à la date de la décision attaquée. Cette dernière a été prise après avis de la commission des recours des militaires placée sous l'autorité directe du ministre de la défense. Dans ces conditions, M. C... disposait, en vertu des dispositions de l'article 2 du décret du 27 juillet 2005 et de l'article 1er de l'arrêté du 6 décembre 2016 précités, d'une délégation de signature régulière pour signer, au nom du ministre, la décision en cause, dès lors qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le ministre aurait expressément donné délégation en matière de notation et d'évaluation des officiers à l'une des personnes mentionnées à l'article 1er du décret du 27 juillet 2005 précité.

5. Aux termes de l'article R. 4135-1 du code de la défense : " La notation est une évaluation par l'autorité hiérarchique des qualités morales, intellectuelles et professionnelles du militaire, de son aptitude physique, de sa manière de servir pendant une période déterminée et de son aptitude à tenir dans l'immédiat et ultérieurement des emplois de niveau plus élevé. ". Aux termes de l'article R. 4135-2 du même code : " La notation est traduite :/ 1° Par des appréciations générales, qui doivent notamment comporter les appréciations littérales données par l'une au moins des autorités chargées de la notation ;/ 2° Par des niveaux de valeur ou par des notes chiffrées respectivement déterminés selon une échelle ou selon une cotation définie, dans chaque force armée ou formation rattachée, en fonction des corps qui la composent./ La notation est distincte des propositions pour l'avancement. ". Enfin, aux termes de l'article R. 4135-3 du même code : " (...) Pour établir la notation du militaire, ces autorités doivent prendre en considération l'ensemble des activités liées au service exécutées par l'intéressé au cours de la période de notation, à l'exception de celles exercées en tant que représentant de militaires auprès de la hiérarchie ou au sein d'un organisme consultatif ou de concertation. (...) ". Il résulte de ces dispositions que la notation d'un militaire constitue une appréciation par l'autorité hiérarchique des qualités et des aptitudes dont il a fait preuve pendant la période de notation.

6. Il ne ressort pas des pièces du dossier que la notation millésime 2016 de l'intéressé reposerait sur une appréciation manifestement erronée de sa manière de servir au cours de la période considérée. Ainsi, la notation étant annuelle et destinée à apprécier le comportement professionnel et les compétences des agents sur une période déterminée, le requérant ne peut utilement se prévaloir des évaluations établies au titre des années précédentes ni d'un droit acquis au maintien de ses précédentes notations. S'il est constant que M. D... est noté globalement " très bon ", qu'il possède des capacités intellectuelles de haut niveau et a obtenu des résultats satisfaisants à la tête de son escadron, notamment dans le cadre de l'opération Sentinelle, le ministre relève sans être utilement contredit sur ces points que l'intéressé a été convoqué six fois au rapport hiérarchique entre le 18 novembre 2015 et le 27 mai 2016, pour notamment des faits relatifs à l'absence de contrôle de la tenue de ses subordonnés à l'occasion d'une cérémonie ouverte au public, pour un manque de rigueur dans la préparation d'un défilé motorisé et pour une absence injustifiée lors de la visite d'une autorité et des négligences dans la mise à jour des pièces administratives et du suivi personnalisé du personnel relevant de son commandement. Les affirmations du requérant selon lesquelles la dépréciation de sa manière de servir ne serait liée qu'aux difficultés relationnelles entretenues avec son chef de corps ne repose sur aucun élément probant. De même, il ne ressort pas du bulletin de notation en cause des contradictions entre certaines notes chiffrées et les appréciations littérales qui y sont portées, s'agissant notamment de la marge de progression relevée en tant que commandant d'unité.

7. Enfin, il n'est pas établi que la décision en cause serait entachée d'un détournement de pouvoir.

8. Il résulte de ce qui précède que M. D..., par les moyens qu'il invoque, n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

9. Le présent arrêt qui rejette les conclusions à fin d'annulation de la requête n'implique aucune mesure d'exécution. Il y a lieu, par suite, de rejeter les conclusions à fin d'injonction présentées par M. D....

Sur les frais liés au litige :

10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme réclamée par M. D... au titre des frais liés au litige.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. D... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... D... et à la ministre des armées.

Délibéré après l'audience du 11 septembre 2020, à laquelle siégeaient :

- M. Lenoir, président de chambre,

- M. Coiffet, président-assesseur,

- M. B..., premier conseiller.

Lu en audience publique, le 29 septembre 2020.

Le rapporteur,

F. B...Le président,

H. LENOIR

La greffière,

E. HAUBOIS

La République mande et ordonne à la ministre des armées en ce qui la concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision

2

N° 19NT00524


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 19NT00524
Date de la décision : 29/09/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LENOIR
Rapporteur ?: M. François PONS
Rapporteur public ?: M. LEMOINE
Avocat(s) : SCP CHATON GRILLON BROCARD GIRE

Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2020-09-29;19nt00524 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award