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29/09/2020 | FRANCE | N°19NT00377

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 6ème chambre, 29 septembre 2020, 19NT00377


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... D... a demandé au tribunal administratif d'Orléans, d'une part, de condamner l'Université d'Orléans à lui payer la somme de 1 457, 23 euros, majorée des intérêts de retard à compter de septembre 2014, en réparation de son préjudice financier lié aux retenues sur son traitement effectuées en juillet, août, septembre et octobre 2014 et, d'autre part, de condamner l'Université d'Orléans à lui payer la somme de 1 500 euros, majorée des intérêts au taux légal, en réparation des préjudices

subis du fait du non-paiement de sa rémunération.

Par un jugement n° 1701041 du 20 s...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... D... a demandé au tribunal administratif d'Orléans, d'une part, de condamner l'Université d'Orléans à lui payer la somme de 1 457, 23 euros, majorée des intérêts de retard à compter de septembre 2014, en réparation de son préjudice financier lié aux retenues sur son traitement effectuées en juillet, août, septembre et octobre 2014 et, d'autre part, de condamner l'Université d'Orléans à lui payer la somme de 1 500 euros, majorée des intérêts au taux légal, en réparation des préjudices subis du fait du non-paiement de sa rémunération.

Par un jugement n° 1701041 du 20 septembre 2018, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 24 janvier 2019, M. D..., représenté par Me E..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif d'Orléans du 20 septembre 2018 ;

2°) à titre principal, de condamner l'Université d'Orléans à lui verser la somme de 6 303,54 euros en réparation de son préjudice financier lié aux retenues sur son traitement au titre des mois de juillet, août, septembre et octobre 2014 et de condamner l'Université d'Orléans à lui verser la somme de 1 500 euros en réparation de son préjudice moral, majorées des intérêts au taux légal à la date de sa première demande indemnitaire, soit le 4 octobre 2014, avec capitalisation des intérêts ;

3°) à titre subsidiaire, de condamner l'Université d'Orléans à lui verser la somme de 1 453,23 euros en réparation de son préjudice financier lié aux retenues sur son traitement au titre des mois de juillet, août, septembre et octobre 2014 et de condamner l'Université d'Orléans à lui verser la somme de 1 500 euros en réparation de son préjudice moral, majorées des intérêts au taux légal à la date de sa première demande indemnitaire, soit le 4 octobre 2014, avec capitalisation des intérêts ;

4°) de mettre à la charge de l'Université d'Orléans le versement à son conseil d'une somme de 2 500 euros au titre des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

Sur la régularité du jugement :

- malgré une mise en demeure de produire des observations en défense, l'Université n'a adressé aucun mémoire, elle aurait donc dû être regardée comme ayant acquiescé aux faits concernant la réalité des retenues dont il réclame le paiement, conformément aux dispositions de l'article R. 612-6 du code de justice administrative, et le tribunal n'était pas fondé à considérer qu'il n'établissait pas la réalité de ses prétentions.

Sur les conclusions indemnitaires :

- c'est à tort que l'université ne lui a versé aucun traitement au titre des mois de juillet, août, septembre et octobre 2014 :

* même s'il a exercé son droit de retrait à compter du 4 juin 2014, il est fondé à bénéficier de ses jours de congés sur la période en cause, dès lors que ces jours de congés sont constitutifs d'un service fait ;

* l'application des règles de décompte des retenues sur le traitement mensuel de l'agent exerçant son droit de retrait ne saurait porter atteinte à son droit au congé annuel lorsque cet agent a été au préalable autorisé par le chef de service à prendre ses congés au cours d'une période déterminée ;

- en tout état de cause, il était présent à son poste du 1er juin 2014 au 3 juin 2014 et du 25 août 2014 au 27 août 2014 et ces six journées constituent des services faits qui ne peuvent être retenues sur son traitement ;

- il est fondé à percevoir trois mois de traitement en réparation de son préjudice, soit 6 303,54 euros, ou, à tout le moins, 1 453,23 tenant compte d'un trop perçu de traitement équivalant à 30 jours ;

- cette situation lui a causé un préjudice moral dont il est fondé à demander réparation.

Par un mémoire en défense, enregistré le 20 mars 2019, l'université d'Orléans conclut au rejet de la requête et de mettre à la charge de M. D... la somme de 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que la requête est non-fondée.

Par lettre du 19 décembre 2019, les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, que la cour était susceptible de soulever d'office un moyen d'ordre public tiré de l'irrecevabilité des conclusions présentées devant la cour tendant à ce que l'indemnité réclamée soit portée à la somme de la somme de 6 303,54 euros, en tant qu'elles constituent une demande nouvelle en appel.

M. D... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 29 novembre 2018.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi de finances n° 61-825 du 29 juillet 1961, modifiée notamment par la loi n° 77-826 du 22 juillet 1977 ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

- le décret n° 62-765 du 6 juillet 1962 ;

- le décret n°82-453 du 28 mai 1982 ;

- le décret n° 84-972 du 26 octobre 1984 ;

- le décret n°86-83 du 17 janvier 1986 ;

- le décret n°94-874 du 7 octobre 1994 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. A... ;

- les conclusions de M. Lemoine, rapporteur public.

Une note en délibéré, présentée pour M. D..., a été enregistrée le 14 septembre 2020.

Considérant ce qui suit :

1. M. D..., lauréat du concours de technicien d'exploitation, de maintenance et de traitement des données, organisé par le ministère de l'éducation nationale au titre de l'année 2012, a été affecté au service informatique de l'institut universitaire de technologie de l'université d'Orléans, sur un poste de technicien de maintenance, en qualité de stagiaire, à compter du 1er octobre 2012. Par arrêté du 27 novembre 2013, le ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche a prorogé son stage pour une durée d'un an. A l'issue de sa seconde année de stage, le ministre a refusé de prononcer sa titularisation et, par arrêté du 19 novembre 2014, a prononcé sa radiation des cadres à compter du 1er janvier 2015. Le tribunal administratif d'Orléans a, par un jugement du 5 juillet 2016, rejeté les conclusions tendant à l'annulation notamment de l'arrêté du 19 novembre 2014 et la cour administrative d'appel de Nantes a, par un arrêt en date du 6 juillet 2017, confirmé ce jugement. M. D... a demandé au tribunal administratif d'Orléans de condamner l'université d'Orléans à lui payer la somme de 1 457,23 euros en réparation de son préjudice financier lié aux retenues sur son traitement effectuées en juillet, août, septembre et octobre 2014 ainsi que la somme de 1 500 euros de dommages et intérêts. Par sa requête, M. D... relève appel du jugement du 20 septembre 2018 par lequel le tribunal administratif d'Orléans a rejeté ses demandes.

Sur la recevabilité des conclusions de la requête :

2. Devant le tribunal administratif, M. D... avait limité ses conclusions à la condamnation de l'université d'Orléans à lui allouer une indemnité de 1 457, 23 euros, majorée des intérêts de retard à compter de septembre 2014. Il ne se prévaut en appel d'aucun chefs de préjudice autre que ceux pour la réparation desquels cette somme avait été réclamée non plus que d'une aggravation du préjudice subi. Par suite, les conclusions présentées par l'intéressé devant la cour administrative d'appel tendant à ce que cette indemnité soit portée à la somme de 6 303,54 euros, intégrant la période pendant laquelle l'intéressé a exercé sont droit de retrait, constituent ainsi une demande nouvelle et ne sont, dès lors, pas recevables.

Sur la régularité du jugement :

3. Aux termes de l'article R. 612-6 du code de justice administrative : " Si, malgré une mise en demeure, la partie défenderesse n'a produit aucun mémoire, elle est réputée avoir acquiescé aux faits exposés dans les mémoires du requérant ". Si, lorsque le défendeur n'a produit aucun mémoire, le juge administratif n'est pas tenu de procéder à un telle mise en demeure avant de statuer, il doit, s'il y procède, en tirer toutes les conséquences de droit et il lui appartient seulement, lorsque les dispositions précitées sont applicables, de vérifier que l'inexactitude des faits exposés dans les mémoires du requérant ne ressort d'aucune pièce du dossier.

4. Il ressort des pièces du dossier qu'à l'appui de sa demande présentée devant le tribunal, M. D... soutenait, d'une part, qu'il était présent du 1er au 3 juin 2014 et du 25 au 27 août 2014 et que ces six jours ne pouvaient donner lieu à retenue sur son traitement et, d'autre part, qu'il avait été autorisé à prendre des congés pour un total de 48,5 jours au cours des mois de juin, juillet et septembre 2014 qui ont également fait l'objet d'une retenue sur traitement, soit un total de 54,5 jours à payer par l'université pour la période de juin à octobre 2014, et que compte tenu du paiement de son traitement du mois de juin 2014 représentant 30 jours, il lui était dû 24,5 jours de rémunération, soit la somme de 1 457,23 euros. Mis ultérieurement en demeure de produire ses observations par un courrier mentionnant les dispositions de l'article R. 612-6 du code de justice administrative, l'université d'Orléans n'a pas produit de défense et ne s'est pas fait représenter à l'audience. Dans ces conditions, en estimant que les documents fournis par M. D... pour justifier des retenues sur traitement alléguées n'étaient pas suffisamment probants, sans tenir compte de ce que, en raison de l'acquiescement aux faits par l'université, il lui appartenait seulement de vérifier que la situation de fait invoquée par le demandeur n'était pas contredite par les pièces du dossier, le tribunal a méconnu les dispositions précitées. M. D... est dès lors fondé à demander, pour ce motif, l'annulation du jugement du 20 septembre 2018 du tribunal administratif d'Orléans.

5. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. D... devant le tribunal administratif d'Orléans tendant à la condamnation de l'Université d'Orléans à lui verser la somme de 1 457,23 euros, majorée des intérêts de retard à compter de septembre 2014, en réparation de son préjudice financier lié aux retenues sur son traitement effectuées en juillet, août, septembre et octobre 2014 et, d'autre part, de condamner l'Université d'Orléans à lui payer la somme de 1 500 euros, majorée des intérêts au taux légal, en réparation des préjudices subis du fait du non-paiement de sa rémunération.

Sur les conclusions indemnitaires :

6. D'une part, aux termes de l'article 1er du décret du 6 juillet 1962 : " Les traitements et les émoluments assimilés aux traitements (...) se liquident par mois et sont payables à terme échu. Chaque mois, quel que soit le nombre de jours dont il se compose, compte pour trente jours. Le douzième de l'allocation annuelle se divise, en conséquence, par trentième ; chaque trentième est indivisible ". L'absence de service fait due notamment à une absence irrégulière, pendant une fraction quelconque de la journée, donne lieu à une retenue dont le montant est égal à la fraction du traitement frappé d'indivisibilité en vertu des dispositions précitées, c'est à dire au trentième de la rémunération mensuelle. Eu égard au caractère mensuel et forfaitaire du traitement tel que défini à l'article 1er du décret du 6 juillet 1962, en cas d'absence de service fait pendant plusieurs jours consécutifs, le décompte des retenues à opérer sur le traitement mensuel d'un agent public s'élève en principe à autant de trentièmes qu'il y a de journées comprises du premier jour inclus au dernier jour inclus où cette absence de service fait a été constatée, même si durant certaines de ces journées, cet agent n'avait aucun service à accomplir.

7. D'autre part, aux termes de l'article 17 du décret du 7 octobre 1994 visé fixant les dispositions communes applicables aux stagiaires de l'Etat et de ses établissements publics : " Le fonctionnaire stagiaire a droit à un congé annuel dont la durée et les conditions d'attribution sont identiques à celles du congé annuel qui est prévu pour les fonctionnaires titulaires par le décret n° 84-972 du 26 octobre 1984 relatif aux congés annuels des fonctionnaires de l'Etat. ". Aux termes de l'article 4 de la loi du 11 janvier 1984, le fonctionnaire en activité a droit à un congé annuel. En vertu de l'article 1er du décret du 26 octobre 1984, ce congé annuel est égal à cinq fois les obligations hebdomadaires de service du fonctionnaire et en vertu de l'article 3 du même décret, le calendrier des congés est fixé par le chef de service. L'application des règles de décompte des retenues sur le traitement mensuel de l'agent en absence irrégulière ne saurait porter atteinte à son droit au congé annuel lorsque cet agent a été au préalable autorisé par le chef de service à prendre ses congés au cours d'une période déterminée.

8. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que M. D... était présent à son poste du 1er juin au 3 juin 2014, dès lors qu'il n'est pas contesté que ce dernier a exercé son droit de retrait à compter du 4 juin 2014. Il ressort également du courriel du 29 septembre 2014 de M. B... chef du service des personnels BIATSS (Bibliothèques, Ingénieurs, Administratifs, Techniques, Sociaux et de Santé) que M. D... était présent à son poste du 25 août 2014 au 27 août 2014.

9. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier que le calcul des droits à congé de l'intéressé doit s'apprécier sur la période comprise entre septembre 2014 et septembre 2015, correspondant à la période universitaire. Eu égard à la circonstance que par arrêté du ministre chargé de l'éducation nationale du 19 novembre 2014, M. D... a été radié des cadres à compter du 1er janvier 2015, le calcul des droits à congé de l'intéressé doit s'apprécier sur la période comprise entre septembre 2014 et décembre 2014. Compte tenu de ces éléments, l'administration soutient sans être contredite que M. D... pouvait se prévaloir, au plus, de 13 jours de congés sur la période considérée.

10. Cependant, il n'est pas contesté par M. D... qu'il a perçu indûment son entier traitement au titre du mois de juin 2014, représentant 30 jours de service, dont il demande d'ailleurs la déduction de ses prétentions indemnitaires. Dans ces conditions, les 19 jours pendant lesquels les retenues sur traitement auraient été appliquées à tort à l'intéressé ont été largement compensés par le versement de son traitement au titre du mois de juin 2014, dont il n'est ni soutenu ni même allégué qu'un recouvrement aurait été engagé par l'université. Par suite, M. D... n'établit la réalité d'aucun préjudice financier au titre des retenues sur salaire contestées.

11. Il résulte de ce qui précède que M. D... ne peut se prévaloir d'aucun préjudice moral lié au non-paiement de sa rémunération.

12. Il résulte de tout ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à demander la condamnation de l'université d'Orléans à lui verser la somme de 1 457, 23 euros.

Sur les frais liés au litige :

13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge de l'université d'Orléans, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme réclamée par M. D... au titre des frais liés au litige. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. D... la somme réclamée par l'université d'Orléans au titre des mêmes frais.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif d'Orléans du 20 septembre 2018 est annulé

Article 2 : La demande de M. D... est rejetée.

Article 3 : Les conclusions de l'université d'Orléans sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... D... et à l'université d'Orléans.

Délibéré après l'audience du 11 septembre 2020, à laquelle siégeaient :

- M. Lenoir, président de chambre,

- M. Coiffet, président-assesseur,

- M. A..., premier conseiller.

Lu en audience publique, le 29 septembre 2020.

Le rapporteur,

F. A...

Le président,

H. LENOIR

La greffière,

E. HAUBOIS

La République mande et ordonne au ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision

2

N° 19NT00377


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 19NT00377
Date de la décision : 29/09/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. LENOIR
Rapporteur ?: M. François PONS
Rapporteur public ?: M. LEMOINE
Avocat(s) : CHENEVAL

Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2020-09-29;19nt00377 ?
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