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29/09/2020 | FRANCE | N°18NT02863

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 6ème chambre, 29 septembre 2020, 18NT02863


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... F... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 4 février 2016 par lequel le président de Nantes Métropole a mis fin à son stage et l'a radié des effectifs de cet établissement.

Par un jugement n° 1602610 du 11 juillet 2018, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires enregistrés les 27 juillet 2018, 21 mai 2019 et 15 janvier 2020, M. F..., représenté par Me B..., demande

la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 11 juillet 2018 ;

2...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... F... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 4 février 2016 par lequel le président de Nantes Métropole a mis fin à son stage et l'a radié des effectifs de cet établissement.

Par un jugement n° 1602610 du 11 juillet 2018, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires enregistrés les 27 juillet 2018, 21 mai 2019 et 15 janvier 2020, M. F..., représenté par Me B..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 11 juillet 2018 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 4 février 2016 ;

3°) d'enjoindre, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, à Nantes Métropole de le réintégrer, de le titulariser en qualité d'agent de maîtrise et de reconstituer sa carrière ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de Nantes Métropole le versement d'une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la décision contestée est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors qu'il n'a pas fait preuve d'une insuffisance professionnelle et que la collectivité n'a pas pris toutes les mesures nécessaires pour qu'il accomplisse son stage dans de bonnes conditions ;

- elle repose sur des faits matériellement inexacts et est entachée d'une erreur de fait ;

- cette décision est entachée d'un détournement de pouvoir dès lors qu'initialement, la collectivité avait simplement envisagé la prolongation de son stage et que la formation " management agents de maîtrise " ne lui a été dispensée qu'en février 2016 ; cette décision a été prise pour mettre fin à une contestation syndicale.

Par des mémoires, enregistrés les 30 avril et 25 novembre 2019 et 24 janvier 2020, Nantes Métropole, représentée par Me D..., conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 2 500 euros soit mise à la charge de M. F... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens soulevés par M. F... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le décret n°88-547 du 6 mai 1988 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme C...,

- les conclusions de M. Lemoine, rapporteur public ;

- les observations de Me B..., avocat de M. F... ;

- et les observations de Me E..., substituant Me D..., avocat de Nantes Métropole.

Considérant ce qui suit :

1. Après avoir travaillé dans le secteur privé, M. F... a été reçu au concours externe d'agent de maîtrise de la fonction publique territoriale. A compter du 2 janvier 2015, il a été nommé stagiaire en qualité de chef d'équipe du pôle de nettoiement " Loire-Chézine " de Nantes Métropole. Par un arrêté du 4 février 2016, la présidente de cet établissement public a mis fin à son stage à compter du 6 février et l'a radié de ses effectifs. M. F... relève appel du jugement du 11 juillet 2018 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision.

Sur les conclusions à fin d'annulation de la décision du 4 février 2016 :

2. Aux termes de l'article 10 du décret susvisé du 6 mai 1988 portant statut particulier du cadre d'emplois des agents de maîtrise territoriaux, dans sa rédaction en vigueur à la date de la décision contestée : " La titularisation des stagiaires intervient à la fin du stage par décision de l'autorité territoriale au vu notamment d'une attestation de suivi de la formation d'intégration établie par le Centre national de la fonction publique territoriale. Lorsque la titularisation n'est pas prononcée, le stagiaire est soit licencié, soit, s'il avait préalablement la qualité de fonctionnaire, réintégré dans son grade d'origine. / Toutefois, l'autorité territoriale peut, à titre exceptionnel, décider que la période de stage est prolongée d'une durée maximale d'un an. ".

3. Un agent public ayant, à la suite de son recrutement ou dans le cadre de la formation qui lui est dispensée, la qualité de stagiaire se trouve dans une situation probatoire et provisoire. La décision de ne pas le titulariser en fin de stage est fondée sur l'appréciation portée par l'autorité compétente sur son aptitude à exercer les fonctions auxquelles il peut être appelé et, de manière générale, sur sa manière de servir, et se trouve ainsi prise en considération de sa personne.

4. L'autorité compétente ne peut donc prendre légalement une décision de refus de titularisation, qui n'est soumise qu'aux formes et procédures expressément prévues par les lois et règlements, que si les faits qu'elle retient caractérisent des insuffisances dans l'exercice des fonctions et la manière de servir de l'intéressé. Cependant, la circonstance que tout ou partie de tels faits seraient également susceptibles de caractériser des fautes disciplinaires ne fait pas obstacle à ce que l'autorité compétente prenne légalement une décision de refus de titularisation, pourvu que l'intéressé ait alors été mis à même de faire valoir ses observations.

5. Il résulte de ce qui précède que, pour apprécier la légalité d'une décision de refus de titularisation, il incombe au juge de vérifier qu'elle ne repose pas sur des faits matériellement inexacts, qu'elle n'est entachée ni d'erreur de droit, ni d'erreur manifeste dans l'appréciation de l'insuffisance professionnelle de l'intéressé, qu'elle ne revêt pas le caractère d'une sanction disciplinaire et n'est entachée d'aucun détournement de pouvoir et que, si elle est fondée sur des motifs qui caractérisent une insuffisance professionnelle mais aussi des fautes disciplinaires, l'intéressé a été mis à même de faire valoir ses observations.

6. En premier lieu, aux termes de l'article 2 du décret visé ci-dessus du 6 mai 1988, dans sa rédaction en vigueur à la date de la décision contestée : " Les agents de maîtrise sont chargés de missions et de travaux techniques comportant notamment le contrôle de la bonne exécution de travaux confiés à des entrepreneurs ou exécutés en régie, l'encadrement de fonctionnaires appartenant au cadre d'emplois des adjoints techniques territoriaux, ainsi que la transmission à ces mêmes agents des instructions d'ordre technique émanant de supérieurs hiérarchiques./ Ils peuvent également participer, notamment dans les domaines de l'exploitation des routes, voies navigables et ports maritimes, à la direction et à l'exécution de travaux, ainsi qu'à la réalisation et à la mise en oeuvre du métré des ouvrages, des calques, plans, maquettes, cartes et dessins nécessitant une expérience et une compétence professionnelle étendues. ". Il ressort de la fiche de poste communiquée par Nantes Métropole, que les chefs d'équipe " nettoiement " ont en charge l'animation et la supervision des activités des équipes de la régie " nettoiement ". Outre des connaissances techniques, ces postes exigent notamment une capacité à animer une équipe, des qualités relationnelles d'écoute et d'animation, le sens du travail en équipe et une aptitude à l'encadrement. Si M. F... dénonce un service difficile à gérer, avec des agents en arrêt de travail et un renouvellement important des agents de maîtrise qui l'ont précédé, il est constant que les fonctions qui lui ont été attribuées correspondaient à celles qui étaient susceptibles d'être confiées à un agent de maîtrise. Par ailleurs, il ressort des pièces du dossier que l'intéressé a suivi une formation d'intégration de trente heures ainsi que le prévoit l'article 8 du décret du 6 mai 1988, laquelle s'est déroulée du 4 au 13 mai 2015. Enfin, s'il soutient qu'il n'a pas bénéficié de la formation de " professionnalisation au premier emploi " avant la fin de son stage, l'article 10-1 du même décret prévoit que cette formation est dispensée aux agents de maîtrise dans un délai de deux ans suivant leur nomination, de sorte que Nantes Métropole n'était pas tenue de l'inscrire à cette formation avant la fin de son stage. Par suite, M. F... n'est pas fondé à soutenir que son employeur n'aurait pas pris toutes les mesures nécessaires pour qu'il accomplisse son stage dans de bonnes conditions. Il ressort, d'autre part, des pièces du dossier et notamment des entretiens d'évaluation réalisés au terme des 4ème et 8ème mois que si M. F... avait accompli des progrès en s'appropriant les missions qui lui étaient confiées, en revanche, sa posture managériale jugée " parfois abrupte " et l'imprécision de ses consignes étaient à l'origine d'incompréhensions de la part des agents qu'il encadrait. Le rapport du 15 décembre 2015 de sa hiérarchie s'opposait à sa titularisation au terme d'un an et proposait la prolongation de son stage de six mois avec un accompagnement renforcé. De plus, le 15 janvier 2016, le responsable " propreté urbaine " de Nantes Métropole a reproché à M. F... de s'être endormi dans son véhicule à l'arrêt à l'occasion d'opérations de nettoyage des trottoirs alors qu'il lui avait été demandé de sécuriser et de ralentir la circulation des véhicules en attendant l'arrivée de la balayeuse. Contrairement à ce que soutient le requérant, qui atteste de problèmes de santé graves tout en indiquant qu'ils étaient résolus depuis le mois de mars 2015, Nantes Métropole n'a pas mis en avant le caractère fautif de cet incident mais le discrédit qui en est résulté vis-à-vis de ses subordonnés présents sur les lieux. Dans son avis du 2 février 2016, la commission administrative paritaire (CAP) a tenu compte du fait que la crédibilité et la légitimité de M. F... était " largement entamée " tant auprès de son équipe que de sa hiérarchie. Compte tenu de l'ensemble de ces éléments, Nantes Métropole a pu estimer, sans entacher sa décision ni d'une erreur de fait, ni d'une erreur manifeste d'appréciation, que l'insuffisance professionnelle de M. F... " caractérisée par sa posture managériale inadéquate, les difficultés relationnelles entretenues avec son équipe, ses homologues et sa hiérarchie, préjudiciables au bon fonctionnement du service " justifiait qu'il soit mis fin à son stage et qu'il soit radié de ses effectifs.

7. En second lieu, M. F... se prévaut de la circonstance qu'initialement la collectivité avait envisagé la prolongation de son stage. Toutefois, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, elle pouvait tenir compte des faits postérieurs au 15 décembre 2015, sans que ce changement d'attitude puisse être regardé comme une sanction déguisée. De même, si la formation initialement prévue en octobre et novembre 2015, à laquelle il devait participer a été reportée en février 2016, le requérant n'apporte aucun élément de nature à établir le caractère intentionnel de ce report. Enfin, M. F... affirme que la décision litigieuse a été prise pour mettre fin à une contestation syndicale organisée la veille de la réunion de la CAP pour faire pression sur ses membres. Il précise cependant lui-même que seulement deux agents de son équipe sur quatre étaient syndiqués ou membres d'un syndicat qui lui était hostile, et n'apporte aucun commencement de preuve à l'appui de ses allégations. Par suite et compte tenu de ce qui a été dit au point 7, le détournement allégué par M. F... n'est pas établi.

8. Il résulte de ce qui précède, que M. F... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande. Pour les mêmes motifs, ses conclusions à fin d'injonction présentées en appel doivent être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de Nantes Métropole, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement à M. F... de la somme qu'il demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de M. F... le versement à Nantes Métropole de la somme qu'elle sollicite au titre des mêmes frais.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. F... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de Nantes Métropole tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... F... et à Nantes Métropole.

Délibéré après l'audience du 11 septembre 2020, à laquelle siégeaient :

- M. Lenoir, président de chambre,

- M. Coiffet, président-assesseur,

- Mme C..., premier conseiller.

Lu en audience publique, le 29 septembre 2020.

Le rapporteur,

V. GELARDLe président,

H. LENOIR

La greffière,

E. HAUBOIS

La République mande et ordonne à la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales en ce qui la concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 18NT02863


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 18NT02863
Date de la décision : 29/09/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LENOIR
Rapporteur ?: Mme Valérie GELARD
Rapporteur public ?: M. LEMOINE
Avocat(s) : SELARL MRV

Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2020-09-29;18nt02863 ?
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