Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B... D... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 21 septembre 2018 par lequel le préfet de Maine-et-Loire a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination vers lequel elle pourra être reconduite d'office lorsque le délai sera expiré.
Par un jugement n° 1902062 du 4 juillet 2019, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 4 novembre 2019, Mme D..., représentée par Me A..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler cet arrêté ;
3°) d'enjoindre au préfet de Maine-et-Loire, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, de lui délivrer un titre de séjour ou, à défaut, de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois suivant la notification de l'arrêt à intervenir et, dans l'attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 1 800 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- la décision refusant la délivrance d'un titre de séjour est insuffisamment motivée, est entachée d'irrégularités dans la procédure suivie devant le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration dès lors qu'elle été privée de la garantie tirée du débat collégial de médecins de l'Office, méconnaît les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences sur sa situation personnelle ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale du fait de l'illégalité de la décision refusant la délivrance d'un titre de séjour, est insuffisamment motivée, méconnaît les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de sa situation personnelle ;
- la décision fixant le pays de destination est illégale du fait de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français, est insuffisamment motivée et méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Par un mémoire en défense, enregistré le 10 mars 2020, le préfet de Maine-et-Loire conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par Mme D... ne sont pas fondés.
Mme D... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 2 octobre 2019.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. C... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme D..., ressortissante du Monténégro, née le 5 novembre 1976, a demandé le 15 novembre 2017 au préfet de Maine-et-Loire le renouvellement de son titre de séjour en tant qu'étranger malade. Par un arrêté du 21 septembre 2018, le préfet a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être reconduite d'office lorsque le délai sera expiré ou tout autre pays pour lequel elle établit être admissible. L'intéressée relève appel du jugement du 4 juillet 2019 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la légalité de la décision refusant la délivrance d'un titre de séjour :
2. Pour refuser le renouvellement du titre de séjour à Mme D..., le préfet de Maine-et-Loire vise notamment l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et s'est fondé notamment sur l'avis du 1er juillet 2018 par lequel le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a estimé que son état de santé nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner de conséquences d'une exceptionnelle gravité mais qu'elle peut bénéficier d'un traitement approprié à son état de santé dans son pays d'origine. Dès lors, cette décision comporte l'énonciation des considérations de droit et de fait qui la fondent et est donc suffisamment motivée.
3. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction applicable au litige : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (...) ". Aux termes de l'article 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016 : " (...) un collège de médecins désigné pour chaque dossier (...) émet un avis (...) précisant : a) si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale ; b) si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé ; c) si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont le ressortissant étranger est originaire, il pourrait ou non y bénéficier effectivement d'un traitement approprié (...) ".
4. Lorsque l'avis émis par le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration porte la mention " Après en avoir délibéré, le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration émet l'avis suivant ", cette mention du caractère collégial de l'avis fait foi jusqu'à preuve du contraire. Il ressort des pièces du dossier que l'avis du 1er juillet 2018 concernant Mme D..., signé par les trois médecins composant le collège, porte cette mention. Pour contester la régularité de cet avis, Mme D... a produit des captures d'écran tirées du logiciel de traitement informatique faisant apparaître des mentions " donner avis " à des dates et heures différentes pour chacun des trois médecins. Ces mentions, qui concernent au demeurant d'autres étrangers dont les noms ont été raturés, ne sauraient, compte tenu de leur caractère équivoque, constituer la preuve contraire. Par suite, Mme D... n'est pas fondée à soutenir qu'elle a été privée de la garantie tirée du débat collégial du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration.
5. La partie qui justifie d'un avis du collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'accès effectif ou non à un traitement approprié dans le pays de renvoi. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires.
6. Par un avis rendu le 1er juillet 2018, le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a estimé que si l'état de santé de Mme D... nécessite une prise en charge médicale et que le défaut de prise en charge médicale peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, elle peut, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont elle est originaire, y bénéficier effectivement d'un traitement approprié et qu'au vu des éléments du dossier et à la date de l'avis, l'état de santé de l'intéressée peut lui permettre de voyager sans risque vers le pays d'origine.
7. Si Mme D..., qui souffre d'un syndrome post-traumatique sévère, verse en appel un rapport d'expertise d'un psychiatre du 22 juillet 2019 et un certificat d'un médecin du 30 septembre 2019, ces deux documents sont largement postérieurs à la date de l'arrêté contesté. Ils ne peuvent pas remettre en cause l'appréciation portée par le préfet de Maine-et-Loire, qui s'est approprié l'avis du collège de médecins et qui a procédé à un examen particulier de la situation de Mme D..., sur l'existence d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressée et d'un accès effectif à ce traitement. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté alors même que le rapport du médecin instructeur comporterait des erreurs sur le suivi de son état de santé et sur l'offre de soins dans son pays d'origine.
8. Mme D... reprend en appel, sans apporter aucun élément nouveau en droit et en fait, les moyens soulevés en première instance et tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences de la décision refusant la délivrance d'un titre de séjour sur sa situation personnelle et familiale. Il y a lieu, par adoption des motifs retenus à bon droit par le tribunal administratif, d'écarter ces moyens.
Sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :
9. Il résulte de ce qui précède que la décision refusant à Mme D... le titre de séjour qu'elle sollicitait n'est pas entachée d'illégalité. L'intéressée ne saurait, par suite, soutenir que la décision portant obligation de quitter le territoire français serait illégale en conséquence de l'illégalité du refus de séjour.
10. En vertu du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la décision énonçant l'obligation de quitter le territoire français n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de la décision relative au séjour dans le cas prévu au 3° où elle fait suite à un refus de titre de séjour. Dans ces conditions, compte tenu de ce qui a été dit au point 2, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation doit être écarté.
11. Pour les mêmes motifs que ceux énoncés respectivement aux points 7 et 8, la décision portant obligation de quitter le territoire français ne méconnaît pas les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et n'est pas entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de sa situation personnelle.
Sur la légalité de la décision fixant le pays de destination :
12. Il résulte de ce qui précède que la décision portant obligation de quitter le territoire français n'est pas entachée d'illégalité. L'intéressée ne saurait, par suite, soutenir que la décision fixant le pays de destination est illégale en conséquence de l'illégalité de cette obligation.
13. La décision fixant le pays de destination a été prise au visa de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Elle mentionne la nationalité de la requérante et précise qu'il ne ressort pas de la situation de l'intéressée que celle-ci serait personnellement exposée à des traitements contraires à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en cas de retour dans son pays d'origine, Le préfet de Maine-et-Loire a énoncé les considérations de fait et de droit sur lesquelles la décision litigieuse est fondée. Le moyen tiré de l'insuffisance de motivation ne peut, dès lors, qu'être écarté comme manquant en fait.
14. Il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de Maine-et-Loire n'a pas procédé à un examen particulier de la situation de Mme D... avant de prendre sa décision.
15. Si Mme D... soutient que la décision contestée méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des fondamentales et les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, elle n'apporte aucun élément à l'appui de ces moyens permettant d'en apprécier le bien-fondé.
16. Il résulte de tout ce qui précède que Mme D... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fin d'injonction et d'astreinte et celles relatives aux frais liés au litige doivent être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de Mme D... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... D... et au ministre de l'intérieur.
Une copie sera transmise au préfet de Maine-et-Loire.
Délibéré après l'audience du 10 septembre 2020, à laquelle siégeaient :
- M. Bataille, président de chambre,
- M. C..., président assesseur,
- M. Brasnu, premier conseiller.
Lu en audience publique le 24 septembre 2020.
Le rapporteur,
J.-E. C...Le président,
F. Bataille
La greffière,
E. Haubois
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 19NT04249