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24/09/2020 | FRANCE | N°19NT04039

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 1ère chambre, 24 septembre 2020, 19NT04039


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... D... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 24 juin 2019 par lequel le préfet de la Mayenne a rejeté sa demande de délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office lorsque le délai sera expiré

Par un jugement n° 1907310 du 12 décembre 2019, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nante

s a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 11 ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... D... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 24 juin 2019 par lequel le préfet de la Mayenne a rejeté sa demande de délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office lorsque le délai sera expiré

Par un jugement n° 1907310 du 12 décembre 2019, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 11 octobre 2019, M. D..., représenté par Me A..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler cet arrêté ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Mayenne de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de huit jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir et, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- le jugement attaqué est irrégulier dès lors que le mémoire en défense présenté par le préfet de la Mayenne et enregistré le 28 août 2019 ne lui a pas été transmis ; le principe du contradictoire, prévu par l'article R. 611-1 du code de justice administrative, a été méconnu ;

- la procédure suivie devant le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration est irrégulière dès lors que le préfet de la Mayenne a saisi le collège plus d'un an après le dépôt de sa demande de délivrance d'un titre de séjour, que le médecin auteur du rapport médical n'a pas établi de rapport et a siégé au sein du collège et que l'avis du collège ne s'est pas prononcé sur l'ensemble des critères prévus par les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, notamment sur l'effectivité de l'accès aux soins dans son pays d'origine ;

- la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaît les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant ;

- la décision fixant le pays de destination méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense, enregistré le 24 mars 2020, le préfet de la Mayenne conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. D... ne sont pas fondés.

M. D... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 5 décembre 2019.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. C... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Après le rejet de sa demande d'asile par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 6 avril 2017, puis par la Cour nationale du droit d'asile le 16 novembre 2017, M.D..., ressortissant de la République démocratique du Congo, né le 10 octobre 1975, a sollicité du préfet de la Mayenne la délivrance d'un titre de séjour en tant qu'étranger malade. Par un arrêté du 24 juin 2019, le préfet a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office lorsque le délai sera expiré. M. D... relève appel du jugement du 12 septembre 2019 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Il ressort des pièces du dossier que le mémoire unique en défense déposé par le préfet de la Mayenne, qui a été enregistré au greffe du tribunal administratif le 28 août 2019, soit la veille de l'audience, et qui a été visé dans le jugement attaqué, n'a pas été communiqué à M. D.... Ainsi, l'intéressé n'a pu en prendre connaissance et éventuellement y répondre. Dans les circonstances de l'espèce, il est fondé à soutenir que le magistrat désigné a méconnu le principe du caractère contradictoire de la procédure. Par suite, cette irrégularité entache le jugement qui doit être annulé.

3. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. D... devant le tribunal administratif de Nantes.

Sur la légalité de la décision refusant la délivrance d'un titre de séjour :

4. L'article L. 311-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile prévoit que : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : / (...) / 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. (...). ". Aux termes de l'article R. 313-23 du même code : " Le rapport médical visé à l'article R. 313-22 est établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration à partir d'un certificat médical établi par le médecin qui le suit habituellement ou par un médecin praticien hospitalier inscrits au tableau de l'ordre (...) L'avis est rendu par le collège dans un délai de trois mois à compter de la transmission par le demandeur des éléments médicaux conformément à la première phrase du premier alinéa. ". L'article 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile prévoit que : " (...) Le collège peut délibérer au moyen d'une conférence téléphonique ou audiovisuelle. L'avis émis à l'issue de la délibération est signé par chacun des trois médecins membres du collège ".

5. Si les dispositions de l'article R. 313-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile citées au point 4 prévoient que l'avis du collège de médecins est rendu dans un délai de trois mois à compter de la transmission par le demandeur des éléments médicaux adéquats, le respect de ce délai n'est pas prescrit à peine d'irrégularité.

6. Il ressort des pièces versées au dossier par le préfet de la Mayenne, en particulier de l'indication du nom du médecin qui a établi le rapport médical, fourni au préfet par les services de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, que le rapport médical sur l'état de santé de M. D... prévu à l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile a été établi le 22 janvier 2019 par le docteur Catherine Gueguin et transmis à la même date pour être soumis au collège de médecins de l'Office. Ce collège s'est réuni le 7 juin 2019 pour émettre l'avis qui a été transmis au préfet de la Mayenne. Il s'ensuit que l'avis a été émis dans le respect des dispositions des articles R. 313-22 et R. 313-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, notamment dans le respect de la règle selon laquelle le médecin ayant établi le rapport médical ne siège pas au sein du collège. Dès lors, les moyens tirés de ce que cette décision contestée aurait été prise au terme d'une procédure irrégulière faute que soient établis l'existence du rapport médical et le fait que le médecin auteur du rapport médical n'ait pas siégé au sein du collège.

7. La partie qui justifie d'un avis du collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'accès effectif ou non à un traitement approprié dans le pays de renvoi. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires.

8. Par un avis rendu le 7 juin 2019, qui a été versé par le préfet de la Mayenne, le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a estimé que si l'état de santé de M. D... nécessite une prise en charge médicale et que le défaut de prise en charge médicale peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, il peut, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, y bénéficier effectivement d'un traitement approprié et qu'au vu des éléments du dossier et à la date de l 'avis, l'état de santé de l'intéressé peut lui permettre de voyager sans risque vers le pays d'origine.

9. Contrairement à ce que soutient le requérant, le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration qui, ainsi qu'il a été dit au point 8, s'est prononcé sur l'ensemble des critères qui sont prévus par les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'article 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016 susvisé.

10. Les certificats médicaux et les autres pièces versés au dossier par M. D..., qui est atteint d'une hépatite C, ne se prononcent pas sur le fait qu'il ne pourrait pas bénéficier effectivement d'un traitement approprié en cas de retour dans son pays d'origine. Par suite, le moyen tiré de ce que le préfet de la Mayenne a entaché sa décision refusant la délivrance d'un titre de séjour, à cet égard, d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.

Sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

11. Il ressort de la motivation de l'arrêté contesté qu'en application des dispositions du 6° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet de la Mayenne a obligé M. D... à quitter le territoire français dans un délai de trente jours en se fondant sur le rejet de sa demande d'asile et non sur les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du même code.

12. Pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 10, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.

13. M. D..., qui est récemment entré en France, le 27 septembre 2016 selon ses déclarations, ne conteste pas sérieusement le préfet de la Mayenne, lequel mentionne dans son arrêté qu'il a vécu jusqu'à l'âge de 41 ans dans son pays où réside sa fille aînée. Si son ancienne épouse et ses quatre enfants résident en France, il vit isolé en France. Compte tenu des conditions de son entrée et de son séjour, la décision portant obligation de quitter le territoire n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise, en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

14. Il ne ressort pas des pièces du dossier que M. D... contribue à l'entretien et à l'éducation de ses quatre enfants vivant en France. Dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations du 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doit être écarté.

Sur la légalité de la décision fixant le pays de destination :

15. Le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du fait de l'impossibilité d'accéder à des soins effectifs dans son pays d'origine n'est pas assorti des précisions suffisantes pour en apprécier le bien-fondé.

16. Il résulte de tout ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêté du préfet de la Mayenne du 24 juin 2019. Par suite, ses conclusions aux fins d'injonction doivent être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

17. L'Etat n'étant pas partie perdante, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions présentées par M. D... sur ce fondement.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nantes du 12 septembre 2019 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. D... devant le tribunal administratif de Nantes et le surplus de ses conclusions en appel sont rejetés.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... D... et au ministre de l'intérieur.

Une copie sera transmise au préfet de la Mayenne.

Délibéré après l'audience du 10 septembre 2020, à laquelle siégeaient :

- M. Bataille, président de chambre,

- M. C..., président assesseur,

- M. Brasnu, premier conseiller.

Lu en audience publique le 24 septembre 2020.

Le rapporteur,

J.-E. C...Le président,

F. Bataille

La greffière,

E. Haubois

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 19NT04039


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 19NT04039
Date de la décision : 24/09/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. BATAILLE
Rapporteur ?: M. Jean-Eric GEFFRAY
Rapporteur public ?: Mme CHOLLET
Avocat(s) : CABINET GOUEDO

Origine de la décision
Date de l'import : 09/10/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2020-09-24;19nt04039 ?
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