Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... F... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 24 août 2018 par lequel le préfet de la Loire-Atlantique a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office lorsque le délai sera expiré.
Par un jugement n° 1900269 du 28 juin 2019, le tribunal administratif de Nantes a annulé l'arrêté (article 1er), enjoint au préfet de la Loire-Atlantique de réexaminer la demande dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement (article 2), mis à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative (article 3) et rejeté le surplus de la demande (article 4).
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 2 juillet 2019, le préfet de la Loire-Atlantique demande à la cour :
1°) d'annuler les articles 1er et 2 de ce jugement ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. F... devant le tribunal administratif de Nantes.
Il soutient que c'est à tort que le tribunal administratif a annulé son arrêté en retenant le moyen tiré d'un défaut de délibération collégiale des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 14 août et 25 septembre 2019, M. F..., représenté par Me C..., conclut au rejet de la requête, à ce qu'il soit enjoint au préfet de la Loire-Atlantique, sous astreinte de 100 jours par jour de retard, de lui délivrer un titre de séjour ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 800 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que les moyens soulevés par le préfet de la Loire-Atlantique ne sont pas fondés.
M. F... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 22 juillet 2019.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour des ressortissants algériens et de leurs familles ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. E... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Le préfet de la Loire-Atlantique relève appel des articles 1er et 2 du jugement du tribunal administratif de Nantes qui, à la demande de M. F..., ressortissant algérien, né le 22 janvier 1955, a, d'une part, annulé son arrêté du 24 août 2018 par lequel il a refusé de lui délivrer un titre de séjour, alors qu'il lui avait demandé le renouvellement de son titre de séjour en tant qu'étranger malade, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination (article 1er) et, d'autre part, lui a enjoint de procéder à un nouvel examen de la situation de l'intéressé dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement (article 2).
2. Aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) / 7) au ressortissant algérien, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse pas effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays (...) ".
3. L'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose que : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé. / Les orientations générales mentionnées à la quatrième phrase du 11° de l'article L. 313-11 sont fixées par arrêté du ministre chargé de la santé ".
4. L'article R. 313-23 du même code dispose que : " Le rapport médical mentionné à l'article R. 313-22 est établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration à partir d'un certificat médical établi par le médecin qui suit habituellement le demandeur ou par un médecin praticien hospitalier inscrits au tableau de l'ordre, dans les conditions prévues par l'arrêté mentionné au deuxième alinéa de l'article R. 313-22. Le médecin de l'office peut solliciter, le cas échéant, le médecin qui suit habituellement le demandeur ou le médecin praticien hospitalier. Il en informe le demandeur. Il peut également convoquer le demandeur pour l'examiner et faire procéder aux examens estimés nécessaires. Le demandeur présente au service médical de l'office les documents justifiant de son identité. A défaut de réponse dans le délai de quinze jours, ou si le demandeur ne se présente pas à la convocation qui lui a été fixée, ou s'il n'a pas présenté les documents justifiant de son identité le médecin de l'office établit son rapport au vu des éléments dont il dispose et y indique que le demandeur n'a pas répondu à sa convocation ou n'a pas justifié de son identité. Il transmet son rapport médical au collège de médecins. / Sous couvert du directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration le service médical de l'office informe le préfet qu'il a transmis au collège de médecins le rapport médical. En cas de défaut de présentation de l'étranger lorsqu'il a été convoqué par le médecin de l'office ou de production des examens complémentaires demandés dans les conditions prévues au premier alinéa, il en informe également le préfet ; dans ce cas le récépissé de demande de première délivrance de carte de séjour prévu à l'article R. 311-4 n'est pas délivré. Lorsque l'étranger dépose une demande de renouvellement de titre de séjour, le récépissé est délivré dès la réception, par le service médical de l'office, du certificat médical mentionné au premier alinéa. / Le collège à compétence nationale, composé de trois médecins, émet un avis dans les conditions de l'arrêté mentionné au premier alinéa du présent article. La composition du collège et, le cas échéant, de ses formations est fixée par décision du directeur général de l'office. Le médecin ayant établi le rapport médical ne siège pas au sein du collège (...) / Le collège peut demander au médecin qui suit habituellement le demandeur, au médecin praticien hospitalier ou au médecin qui a rédigé le rapport de lui communiquer, dans un délai de quinze jours, tout complément d'information. Le demandeur en est simultanément informé. Le collège de médecins peut entendre et, le cas échéant, examiner le demandeur et faire procéder aux examens estimés nécessaires. Le demandeur présente au service médical de l'office les documents justifiant de son identité. Il peut être assisté d'un interprète et d'un médecin. Lorsque l'étranger est mineur, il est accompagné de son représentant légal. / L'avis est rendu par le collège dans un délai de trois mois à compter de la transmission par le demandeur des éléments médicaux conformément à la première phrase du premier alinéa. Lorsque le demandeur n'a pas présenté au médecin de l'office ou au collège les documents justifiant son identité, n'a pas produit les examens complémentaires qui lui ont été demandés ou n'a pas répondu à la convocation du médecin de l'office ou du collège qui lui a été adressée, l'avis le constate. / L'avis est transmis au préfet territorialement compétent, sous couvert du directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration ".
5. L'article 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile précise que : " Au vu du rapport médical mentionné à l'article 3, un collège de médecins désigné pour chaque dossier dans les conditions prévues à l'article 5 émet un avis, conformément au modèle figurant à l'annexe C du présent arrêté, précisant : a) si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale ; b) si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé ; c) si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont le ressortissant étranger est originaire, il pourrait ou non y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ; d) la durée prévisible du traitement. Dans le cas où le ressortissant étranger pourrait bénéficier effectivement d'un traitement approprié, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, le collège indique, au vu des éléments du dossier du demandeur, si l'état de santé de ce dernier lui permet de voyager sans risque vers ce pays. Cet avis mentionne les éléments de procédure. Le collège peut délibérer au moyen d'une conférence téléphonique ou audiovisuelle. L'avis émis à l'issue de la délibération est signé par chacun des trois médecins membres du collège ".
6. Pour annuler l'arrêté contesté, le tribunal administratif de Nantes a considéré que la procédure suivie par le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration était entachée d'irrégularité en raison de l'absence d'un délibéré collégial.
7. Lorsque l'avis porte la mention " Après en avoir délibéré, le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration émet l'avis suivant ", cette mention du caractère collégial de l'avis fait foi jusqu'à preuve du contraire. Il ressort des pièces du dossier que l'avis du 6 avril 2018 concernant M. F..., signé par les trois médecins composant le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, porte la mention " Après en avoir délibéré, le collège des médecins de l'office émet l'avis suivant ". Pour contester la régularité de cet avis, M. F... a produit des captures d'écran tirées du logiciel de traitement informatique faisant apparaître des mentions " donner avis " à des dates et heures différentes pour chacun des trois médecins. Ces mentions, qui concernent au demeurant d'autres étrangers dont le nom a été raturé, ne sauraient, compte tenu de leur caractère équivoque, constituer la preuve contraire. Dès lors, M. F... n'était pas fondé à soutenir qu'il a été privé de la garantie tirée du débat collégial du collège de médecins. Par suite, le préfet de la Loire-Atlantique est fondé soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Nantes, pour annuler son arrêté, a retenu ce vice de procédure.
8. Il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens invoqués par M. F... devant le tribunal administratif de Nantes.
9. Par un arrêté du 9 mai 2018, régulièrement publié au recueil des actes administratifs spécial de l'Etat dans le département le 11 mai 2018, le préfet de la Loire-Atlantique a donné à M. A... D..., directeur de la réglementation et des libertés publiques, délégation de signature pour les décisions portant notamment refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français et fixation du pays de renvoi. Dès lors, le moyen tiré de l'incompétence du signataire manque en fait et doit être écarté.
Sur la légalité de la décision refusant la délivrance d'un titre de séjour :
10. La décision refusant la délivrance d'un titre de séjour, qui vise l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les 5° et 7° de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, dont il est fait application, et qui mentionne notamment l'existence d'un traitement approprié à l'état de santé de M. F... dans son pays d'origine, est suffisamment motivée en fait et en droit
11. Il ne résulte d'aucune des dispositions rappelées aux points 3 à 5, non plus que d'aucun principe, que l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration devrait porter mention du nom du médecin qui a établi le rapport médical, prévu par l'article R. 313-22, qui est transmis au collège de médecins de l'Office.
12. Il ressort des pièces versées au dossier par le préfet de la Loire-Atlantique, en particulier de l'indication du nom du médecin qui a établi le rapport médical, fournie au préfet par voie électronique par les services de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, que le rapport médical sur l'état de santé de M. F... prévu à l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile a été établi par un premier médecin et a été transmis le 12 février 2018 pour être soumis au collège de médecins. Ce collège, au sein duquel ont siégé trois autres médecins s'est réuni le 6 avril 2018 pour émettre l'avis qui a été transmis au préfet. Il s'ensuit que l'avis a été émis dans le respect des dispositions des articles R. 313-22 et R. 313-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, notamment dans le respect de la règle selon laquelle le médecin ayant établi le rapport médical ne siège pas au sein du collège. Par suite, le moyen tiré de ce que cette décision a été prise au terme d'une procédure irrégulière doit être écarté.
13. Il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de la Loire-Atlantique n'a pas procédé à un examen particulier de la situation personnelle de M. F... avant de prendre la décision refusant la délivrance d'un titre de séjour.
14. Alors qu'il ressort de l'avis émis le 6 avril 2018, qui a été produit par le préfet de la Loire-Atlantique en première instance, que le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a estimé que, si l'état de santé de M. F... nécessitait une prise en charge médicale, le défaut de prise en charge ne devrait pas entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, le préfet de la Loire-Atlantique s'est fondé sur l'existence d'un traitement approprié dans son pays d'origine pour refuser la délivrance d'un titre de séjour. M. F... n'établit ni même n'allègue l'absence d'un tel traitement. Il ne démontre aucune circonstance particulière l'empêchant en ce qui le concerne d'avoir effectivement accès aux soins existants. Par suite, le préfet n'a pas méconnu les stipulations du 7° de l'article 6 de l'accord franco-algérien.
15. Il ressort de l'attestation de M. F... du 16 mars 2016 que son épouse et cinq de leurs enfants résident en Algérie où il a vécu près de soixante ans. Dans ces conditions, eu égard au caractère récent de sa présence, depuis 2014, et des conditions de son séjour en France, le préfet de la Loire-Atlantique n'a pas porté au droit au respect de la vie privée et familiale de l'intéressé, garanti par les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et par celles du 5° de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels le refus de séjour a été pris, même si des membres de sa famille résident en France, et n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences de sa décision sur la situation personnelle de l'intéressé.
Sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :
16. La décision de refus de titre de séjour n'étant pas annulée, M. F... n'est pas fondé à soutenir que la décision portant obligation de quitter le territoire français doit être annulée par voie de conséquence.
17. Dès lors que la décision refusant la délivrance d'un titre de séjour à M. F... est suffisamment motivée, ainsi qu'il a été dit au point 10, et que la décision portant obligation de quitter le territoire français n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de la décision de refus d'un titre de séjour, le moyen tiré de l'insuffisance motivation de l'obligation de quitter le territoire français prise à l'encontre de M. F... doit être écarté.
18. Pour les mêmes motifs que ceux exposés respectivement aux points 14 et 15, les moyens tirés de la méconnaissance, d'une part, des dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et, d'autre part, des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation doivent être écartés.
Sur la légalité de la décision fixant le pays de destination :
19. La décision de refus de titre de séjour et celle portant obligation de quitter le territoire français n'étant pas annulées, M. F... n'est pas fondé à soutenir que la décision fixant le pays de destination doit être annulée par voie de conséquence.
20. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de la Loire-Atlantique est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a annulé son arrêté du 24 août 2018. Par voie de conséquence, les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte et celles relatives aux frais liés au litige présentées par M. F... doivent être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : Les articles 1er et 2 du jugement du tribunal administratif de Nantes du 28 juin 2019 sont annulés.
Article 2 : La demande présentée par M. F... devant le tribunal administratif de Nantes et ses conclusions en appel sont rejetées.
Article 3 : Le présent jugement sera notifié à M. B... F..., à Me C... et au ministre de l'intérieur.
Une copie sera transmise au préfet de la Loire-Atlantique.
Délibéré après l'audience du 10 septembre 2020, à laquelle siégeaient :
- M. Bataille, président de chambre,
- M. E..., président assesseur,
- M. Brasnu, premier conseiller.
Lu en audience publique le 24 septembre 2020.
Le rapporteur,
J.-E. E...Le président,
F. Bataille
La greffière,
E. Haubois
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 19NT02568