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10/09/2020 | FRANCE | N°19NT02643

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 1ère chambre, 10 septembre 2020, 19NT02643


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... B... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 11 décembre 2018 par lequel le préfet de la Loire-Atlantique a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office à l'expiration de ce délai.

Par un jugement n° 1902257 du 3 juillet 2019, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure

devant la cour :

Par une requête, un mémoire et des pièces complémentaires, enregistrés les...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... B... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 11 décembre 2018 par lequel le préfet de la Loire-Atlantique a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office à l'expiration de ce délai.

Par un jugement n° 1902257 du 3 juillet 2019, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, un mémoire et des pièces complémentaires, enregistrés les 5 juillet 2019, 9 janvier 2020 et 20 janvier 2020, M. B..., représenté par Me C..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler ces décisions ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Loire-Atlantique, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois ;

4°) d'enjoindre au préfet de la Loire-Atlantique, à titre subsidiaire, de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " salarié " dans un délai d'un mois ;

5°) d'enjoindre au préfet de la Loire-Atlantique, à titre infiniment subsidiaire, de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

6°) d'enjoindre au préfet de la Loire-Atlantique de lui délivrer un récépissé valant autorisation de séjour et de travail le temps de la fabrication de son titre de séjour ou du réexamen de sa situation ;

7°) de mettre à la charge de l'Etat, au bénéfice de son conseil, la somme de 2 000 euros en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 34 et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- la décision refusant la délivrance d'un titre de séjour aurait dû être prise sur le fondement du 2 bis de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et non sur le fondement de l'article L. 313-15 du même code ;

- c'est à tort que le préfet de la Loire-Atlantique a estimé qu'il ne justifiait pas de son identité ;

- la décision refusant la délivrance d'un titre de séjour méconnaît le 2° bis et le 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; elle méconnaît l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est fondée sur une décision illégale de refus de titre de séjour ; elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision fixant son pays de renvoi d'office est insuffisamment motivée.

Par un mémoire en défense enregistré le 6 janvier 2020, le préfet de la Loire-Atlantique conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que :

- le jugement supplétif ainsi que l'acte de naissance doivent mentionner les dates et lieux de naissance, ainsi que la profession et le lieu de domiciliation des parents ; ces mentions sont nécessaires pour que ces actes puissent être regardés comme authentiques ;

- il s'en remet pour le reste à ses écritures de première instance.

Par une décision du 5 août 2019, M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code civil ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. A... ;

- et les observations de Me E..., substituant Me C..., représentant M. B....

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant guinéen, se disant né le 14 janvier 2000, déclare être entré en France en juillet 2015. Il a été confié aux services de l'aide sociale à l'enfance du département de la Loire-Atlantique, par une ordonnance du juge des tutelles du tribunal de grande instance de Nantes du 14 décembre 2015. Le 26 juillet 2017, il a sollicité la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement du 2° bis de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 11 décembre 2018, le préfet de la Loire-Atlantique a pris à son encontre un refus de titre de séjour, assorti d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office lorsque le délai sera expiré. M. B... relève appel du jugement du 3 juillet 2019 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la décision refusant la délivrance d'un titre de séjour :

2. En premier lieu, l'arrêté contesté du 11 décembre 2018 rappelle expressément que M. B... a sollicité un titre de séjour sur le fondement du 2 bis de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. L'arrêté cite en outre, dans ses visas, ces mêmes dispositions. Dans ces conditions, il ne fait aucun doute que le préfet de la Loire-Atlantique a bien examiné la demande de M. B... sur le fondement du 2 bis de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ainsi que le confirme d'ailleurs le courrier du 18 octobre 2017 adressé à M. B.... La mention de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans le premier considérant de l'arrêté constitue ainsi une simple erreur de plume qui est sans incidence sur la légalité de cet arrêté.

3. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : / 2° bis A l'étranger dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire ou entrant dans les prévisions de l'article L. 311-3, qui a été confié, depuis qu'il a atteint au plus l'âge de seize ans, au service de l'aide sociale à l'enfance et sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de la formation, de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. ". L'article R. 311-2-2 de ce code prévoit que : " L'étranger qui demande la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour présente les documents justifiant de son état civil et de sa nationalité (...) ". L'article L. 111-6 du même code dispose que : " La vérification de tout acte d'état civil étranger est effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil. ". L'article 47 du code civil précise que : " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité. ".

4. Il résulte de ces dispositions que la force probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger peut être combattue par tout moyen susceptible d'établir que l'acte en cause est irrégulier, falsifié ou inexact. En cas de contestation par l'administration de la valeur probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger, il appartient au juge administratif de former sa conviction au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties.

5. Pour justifier de son identité, M. B... a produit une carte consulaire, un jugement supplétif d'acte de naissance tenant lieu d'acte de naissance rendu le 29 mars 2016 par le tribunal de première instance de Conakry II et un extrait d'acte de naissance établi par transcription de ce jugement supplétif. Toutefois, s'agissant de la carte consulaire de M. B..., celle-ci a pour seule vocation d'établir la preuve de résidence à l'étranger d'un ressortissant, ne saurait permettre de justifier de l'identité de M. B.... S'agissant du jugement supplétif et de l'acte de naissance qui en découle, l'agent de la section consulaire de l'ambassade de France en Guinée, interrogé par les services de la préfecture de la Loire-Atlantique, a clairement indiqué, dans son courriel du 25 juin 2018, que les actes d'état civil présentés étaient apocryphes. En outre, le jugement supplétif, qui a été rendu le lendemain de l'introduction de la requête, exclut toute possibilité d'enquête réelle sur les déclarations du requérant. De plus, ce jugement n'indique pas les dates et lieux de naissance des père et mère de M. B..., mentions qui doivent figurer dans les actes de naissances, en application de l'article 175 du code civil guinéen. S'agissant de la légalisation de ces actes, et ainsi que l'a rappelé l'agent de la section consulaire de l'ambassade de France en Guinée, l'attachée consulaire auprès de l'ambassade de Guinée à Paris qui a procédé à cette légalisation n'avait aucune compétence à ce faire. Au regard de l'ensemble de ces éléments, le préfet de la Loire-Atlantique a pu légalement estimer que les documents d'état civil présentés à l'appui de la demande de titre de séjour n'étaient pas authentiques et, pour ce motif, refuser de délivrer à l'intéressé un titre de séjour sur le fondement du 2 bis de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

6. En troisième lieu, M. B... ayant formulé sa demande de titre de séjour uniquement sur le fondement des dispositions du 2 bis de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il n'est pas fondé à se prévaloir du 7° de l'article L.313-11 de ce code, de l'article L. 313-14 de ce code et de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Au demeurant, si M. B... fait valoir qu'il a noué des liens amicaux avec l'équipe éducative qui l'a suivi et qu'il s'est investi dans son parcours éducatif, il ressort cependant des pièces du dossier qu'il est arrivé récemment en France, n'y a aucune attache familiale et a dans son pays d'origine des membres de sa famille. Il n'est donc pas fondé à invoquer la méconnaissance de ces dispositions. Pour les mêmes raisons, M. B... n'est pas fondé à soutenir que le préfet a entaché sa décision de refus de titre de séjour d'une erreur manifeste d'appréciation.

Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :

7. En premier lieu, la décision refusant la délivrance d'un titre de séjour n'étant pas annulée, M. B... n'est pas fondé à demander l'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire français par voie de conséquence de l'annulation de cette décision.

8. En deuxième lieu, il ressort de la décision portant obligation de quitter le territoire français que le préfet de la Loire-Atlantique a procédé à un examen particulier de la situation de l'intéressé.

9. En dernier lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 6, M. B... n'est pas fondé à soutenir que la décision portant obligation de quitter le territoire français est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

Sur la décision fixant le pays de renvoi :

10. Le moyen tiré du défaut de motivation de cette décision, que M. B... reprend en appel sans apporter d'élément de droit ou de fait nouveau, doit être écarté par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges.

11. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles tendant à l'application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... B... et au ministre de l'intérieur.

Copie sera adressée, pour information, au préfet de la Loire-Atlantique.

Délibéré après l'audience du 27 août 2020, à laquelle siégeaient :

- M. Bataille, président de chambre,

- M. Geffray, président assesseur,

- M. A..., premier conseiller.

Lu en audience publique le 10 septembre 2020.

Le rapporteur,

H. A...Le président,

F. Bataille

Le greffier,

A. RivoalLa République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 19NT02643


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 19NT02643
Date de la décision : 10/09/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. GEFFRAY
Rapporteur ?: M. Harold BRASNU
Rapporteur public ?: Mme CHOLLET
Avocat(s) : REGENT

Origine de la décision
Date de l'import : 22/09/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2020-09-10;19nt02643 ?
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