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10/09/2020 | FRANCE | N°18NT02846

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 1ère chambre, 10 septembre 2020, 18NT02846


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... a demandé au tribunal administratif de Nantes de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et des pénalités y afférentes auxquelles il a été assujetti au titre des années 2008 à 2012, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels il a été assujetti au titre de la période du 1er janvier 2008 au 31 décembre 2012, des amendes qui lui ont été infligées au titre des années 2009 à 2013 pour défaut de déclaration de comptes détenus à l'étranger pour

un montant de 32 000 euros ou subsidiairement de les ramener à la somme de 16 000 euros ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... a demandé au tribunal administratif de Nantes de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et des pénalités y afférentes auxquelles il a été assujetti au titre des années 2008 à 2012, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels il a été assujetti au titre de la période du 1er janvier 2008 au 31 décembre 2012, des amendes qui lui ont été infligées au titre des années 2009 à 2013 pour défaut de déclaration de comptes détenus à l'étranger pour un montant de 32 000 euros ou subsidiairement de les ramener à la somme de 16 000 euros et des cotisations supplémentaires de prélèvements sociaux et des pénalités afférentes auxquelles il a été assujetti au titre des années 2008 à 2012.

Par un jugement n° 1602846 du 22 juin 2018, le tribunal administratif de Nantes a prononcé un non-lieu à statuer sur les conclusions de la requête relatives au sursis de paiement (article 1er), déchargé M. E... des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels il a été assujetti au titre de la période du 1er janvier 2008 au 31 décembre 2012 (article 2) et rejeté le surplus de ses demandes (article 3).

Procédure devant la cour :

I. Par une requête et des mémoires, enregistrés sous le n°18NT02846, les 26 juillet et 9 novembre 2018 et 30 avril, 6, 24 et 27 juin 2019, M. E..., représenté par Mes Lièvre-Gravereaux et Haquin, demande à la cour :

1°) d'annuler l'article 3 de ce jugement ;

2°) de prononcer les décharges des impositions restant en litige ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- l'entretien avec l'interlocuteur interrégional comporte des irrégularités dès lors que l'interlocuteur annoncé a été remplacé par une autre personne, que le compte rendu contient des erreurs et que l'entretien n'a porté que sur la question de savoir où était sa résidence fiscale ;

- il a été considéré comme résident par les autorités algériennes ; il dispose d'un bien immobilier en Algérie pour y exercer des activités professionnelles ; il n'est pas fiscalement domicilié en France ;

- même s'il est dans l'impossibilité de justifier concrètement l'existence d'une base fixe au sens des stipulations de l'article 14 de la convention conclue le 17 octobre 1999 entre la France et l'Algérie en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion fiscale qui prévoient une base fixe, son activité en tant que consultant nécessite nécessairement une présence en Algérie afin de mettre à profit son carnet d'adresses algérien et de mener à bien ses missions ;

- le service n'a pas retenu un montant de charges forfaitaire de 30 % pour déterminer le bénéfice imposable ;

- il détient un seul compte bancaire en Suisse, lequel est sous-divisé en deux sous-comptes pour gérer les dépôts en devises différentes ;

- il a satisfait à l'ensemble de ses obligations fiscales en Algérie ; il a payé l'impôt sur les sommes litigieuses dans ce pays ; le taux de pénalités est inférieur à celui de la France ; la méconnaissance de ses obligations déclaratives en France procédait ainsi d'une erreur.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 26 septembre 2018 et 10 janvier, 10 mai et 18 juin 2019, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés par M. E... ne sont pas fondés.

II. Par une requête et des mémoires, enregistrés sous le n°18NT03617, les 26 septembre 2018 et 20 février et 10 avril 2019, le ministre de l'action et des comptes publics demande à la cour :

1°) d'annuler l'article 2 de ce jugement ;

2°) de remettre à la charge de M. E... les rappels de taxe sur la valeur ajoutée en droits et pénalités.

Il soutient que :

- l'administration a versé aux débats la partie de la proposition de rectification adressée à la société Pan African Energy Consultants Limited démontrant que le siège de direction effective de celle-ci se situait en France au lieu du domicile de son gérant et non à Gibraltar ;

- M. E... est à même de contester les éléments recueillis dans cette proposition de rectification, indépendamment des informations occultées en application de l'article L. 103 du livre des procédures fiscales qui sont couvertes par le secret professionnel ; en outre, au regard des règles régissant le secret professionnel, l'administration n'est pas en droit d'informer M. E... des suites données au dossier de la société ;

- il résulte notamment des dispositions des articles 256-I, 256 A, 259 et 259 B du code général des impôts que les prestations de conseil sont réputées se situer en France et imposables en France lorsque le prestataire et le preneur y sont établis ou bien sont réputées ne pas se situer en France et ne sont pas imposables en France lorsque le prestataire est établi en France et le preneur est une personne non assujettie établie hors de la Communauté européenne ; dès lors qu'au cours de la période en litige, M. E... avait son domicile fiscal en France et qu'il était établi en France, et non en Algérie comme il le soutient, et que la société avait son siège de direction effective en France, c'est donc à bon droit que le service a procédé à une reconstitution de la base taxable à la taxe sur la valeur ajoutée à partir des versements effectués par la société au profit de M. E... sur ses comptes personnels ;

- les garanties de procédure tenant à la faculté de saisir l'interlocuteur interrégional ont été respectées par le service ;

- la majoration de 80 % pour activité occulte est justifiée ; l'examen des pièces du dossier ne démontre pas davantage que le contribuable a respecté ses obligations déclaratives en Algérie ni fait connaître son activité dans les délais légaux.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 24 décembre 2018, le 5 mars et 24 juin 2019, M.E..., représenté par Mes Lièvre-Gravereaux et Haquin, conclut au rejet de la requête, à la décharge de la majoration pour activité occulte et des amendes pour défaut de déclaration de comptes à l'étranger au titre des années 2009 à 2013 et à ce que soit mis à la charge de l'Etat le versement de la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir que les moyens soulevés par le ministre de l'action et des comptes publics ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- la convention conclue le 17 octobre 1999 entre la France et l'Algérie en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion fiscale ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. D...,

- et les conclusions de Mme Chollet, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. E... a fait l'objet d'un examen de sa situation fiscale personnelle portant sur ses revenus en 2011 et 2012. L'administration a également procédé à la vérification de comptabilité de son activité de consultant pour la période du 1er janvier 2008 au 31 décembre 2013. A l'issue de ces contrôles, elle a évalué d'office, sur le fondement des dispositions du 2° de l'article L. 73 et de l'article L. 68 du livre des procédures fiscales, les revenus issus de cette activité au titre des années 2008 à 2012 qu'elle a regardés comme des bénéfices non commerciaux et les a imposés sur le fondement des dispositions de l'article 92 du code général des impôts. Elle a également appliqué à M. E... la pénalité de 80 % pour activité occulte prévue par les dispositions du c) du 1 de l'article 1728 du code général des impôts. M. E... a été également assujetti à des rappels de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période du 1er janvier 2008 au 31 décembre 2012 ainsi qu'à des amendes prononcées sur le fondement du IV de l'article 1736 du code général des impôts pour ne pas avoir déclaré des comptes bancaires détenus à l'étranger. Par un jugement du 22 juin 2018, le tribunal administratif de Nantes a prononcé un non-lieu à statuer sur les conclusions de la requête relatives au sursis de paiement (article 1er), déchargé M. E... des rappels de taxe sur la valeur ajoutée (article 2) et rejeté le surplus de ses demandes (article 3). Par la requête n°18NT02846, M. E... relève appel de l'article 3 du jugement tandis que, par la requête n°18NT03617, le ministre de l'action et de comptes publics interjette appel de l'article 2 du même jugement

2. La requête de M. E... et celle du ministre de l'action et des comptes publics concernent la situation d'un même contribuable. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.

Sur la domiciliation fiscale de M. E... :

3. Si une convention bilatérale conclue en vue d'éviter les doubles impositions peut, en vertu de l'article 55 de la Constitution, conduire à écarter, sur tel ou tel point, la loi fiscale nationale, elle ne peut pas, par elle-même, directement servir de base légale à une décision relative à l'imposition. Par suite, il incombe au juge de l'impôt, lorsqu'il est saisi d'une contestation relative à une telle convention, de se placer d'abord au regard de la loi fiscale nationale pour rechercher si, à ce titre, l'imposition contestée a été valablement établie et, dans l'affirmative, sur le fondement de quelle qualification. Il lui appartient ensuite, le cas échéant, en rapprochant cette qualification des stipulations de la convention, de déterminer, en fonction des moyens invoqués devant lui ou même, s'agissant de déterminer le champ d'application de la loi, d'office, si cette convention fait ou non obstacle à l'application de la loi fiscale.

En ce qui concerne la loi fiscale française :

4. Aux termes de l'article 4 A du code général des impôts : " Les personnes qui ont en France leur domicile fiscal sont passibles de l'impôt sur le revenu en raison de l'ensemble de leurs revenus (...) ". Le 1 de l'article 4 B du même code dispose que : "Sont considérées comme ayant leur domicile fiscal en France au sens de l'article 4 A : a) Les personnes qui ont en France leur foyer ou le lieu de leur séjour principal ;(...) ". Pour l'application de ces dispositions, le foyer s'entend du lieu où le contribuable habite normalement et a le centre de ses intérêts familiaux, sans qu'il soit tenu compte des séjours effectués temporairement ailleurs en raison des nécessités de la profession ou de circonstances exceptionnelles.

5. Il résulte de l'instruction que M. et Mme E... se sont mariés à Saint-Nazaire en 2005 selon leur déclaration de revenus au titre de cette année et y sont domiciliés depuis dans une maison d'habitation qu'ils ont acquise en 2006. Leurs enfants sont scolarisés dans cette ville et rattachés au foyer fiscal de M. et Mme E... jusqu'en 2011. Ils ont acquitté régulièrement la taxe foncière et la taxe d'habitation de cette propriété de 2008 à 2012 et ont souscrit chaque année depuis 2005 une déclaration à l'impôt sur le revenu en France. Compte tenu de ces éléments, M. E... a donc son foyer en France au sens des dispositions précitées du a) du 1 de l'article 4 B du code général des impôts alors même que M. E... a disposé pendant la période litigieuse d'un bien immobilier en Algérie où il aurait exercé des activités professionnelles et quelle qu'ait été la durée de ses séjours dans ce pays.

En ce qui concerne l'application des stipulations de la convention franco-algérienne du 17 octobre 1999 :

6. Aux termes de l'article 4 de la convention : " 1. Au sens de la présente Convention, l'expression " résident d'un Etat contractant " désigne toute personne qui, en vertu de la législation de cet Etat, est assujettie à l'impôt dans cet Etat, en raison de son domicile, de sa résidence, de son siège de direction, ou de tout autre critère de nature analogue. Toutefois, cette expression ne comprend pas les personnes qui ne sont assujetties à l'impôt dans cet Etat que pour les revenus de sources situées dans cet Etat ou pour la fortune qui y est située. 2. Lorsque, selon les dispositions du paragraphe 1, une personne physique est un résident des deux Etats contractants, sa situation est réglée de la manière suivante : a) Cette personne est considérée comme un résident de l'Etat où elle dispose d'un foyer d'habitation permanent ; si elle dispose d'un foyer d'habitation permanent dans les deux Etats, elle est considérée comme un résident de l'Etat avec lequel ses liens personnels et économiques sont les plus étroits (centre des intérêts vitaux) ; (...) ".

7. M. E... possédait, au cours des années en cause, des résidences tant en France, à Saint-Nazaire, qu'en Algérie, soit un appartement situé sur la commune de Kouba à Alger, et disposait d'un foyer d'habitation permanent dans chacun des deux Etats. Il convient dès lors de rechercher l'Etat avec lequel ses liens personnels et économiques, définissant le centre de ses intérêts vitaux au sens du a. du 2. de la convention, étaient les plus étroits. Il résulte de l'instruction qu'au cours des années litigieuses, M. E... est affilié à la caisse primaire d'assurance maladie de la Loire-Atlantique depuis 2004, ainsi que son épouse et ses enfants depuis juin 2005. Les relevés de prestations indiquent des dates de consultations et de prescriptions régulières notamment pour 2012. Les époux E... disposaient de dix-sept comptes bancaires personnels ou comptes joints ouverts en France entre 2008 et 2012. C'est par l'intermédiaire de trois de ces comptes que le couple a engagé en 2011 et 2012 de nombreuses dépenses courantes avec des mouvements nombreux et réguliers comme les remboursements de leur prêt pour leur résidence principale en France, le paiement des factures courantes françaises ou des remboursements d'autres crédits. En outre, M. E... dispose d'un patrimoine immobilier plus important en France qu'en Algérie dès lors qu'il possède également un autre appartement à Saint-Nazaire situé au 1 rue Georges Sand acquis le 30 janvier 2009, donné en location depuis cette date, et pour lequel il a déclaré des revenus fonciers au titre des années 2010 à 2012. Il n'établit pas que son épouse, ses enfants et lui-même ne résidaient pas en France pendant la période vérifiée. Il disposait en France de l'essentiel de ses revenus. Dès lors, doivent être regardés comme prépondérants les liens personnels et économiques entretenus par M. E... avec la France, où se situait de 2008 à 2012 le centre de ses intérêts vitaux au sens de la convention franco-algérienne. Par suite, M. E... n'est pas fondé à se prévaloir des stipulations de cette convention pour soutenir qu'il n'était pas imposable à l'impôt sur le revenu en France au titre des années en cause.

Sur l'application de l'article 14 de la convention franco-algérienne:

8. Aux termes de cet article 14 de la convention : " 1. Les revenus qu'un résident d'un Etat contractant tire d'une profession libérale ou d'autres activités de caractère indépendant ne sont imposables que dans cet Etat ; toutefois, ces revenus sont aussi imposables dans l'autre Etat contractant dans les cas suivants :a) Si ce résident dispose de façon habituelle, dans cet autre Etat, d'une base fixe pour l'exercice de ses activités ; dans ce cas, seule la fraction des revenus qui est imputable à cette base fixe est imposable dans cet autre Etat ; ou b) Si son séjour dans cet autre Etat s'étend sur une période ou des périodes d'une durée totale égale ou supérieure à 183 jours pendant l'année fiscale considérée ;dans ce cas, seule la fraction des revenus qui est tirée des activités exercées dans cet autre Etat y est imposable. ". Il résulte de ces stipulations qu'une base fixe est une installation dotée d'une certaine permanence et offrant un support pour l'exercice d'activités et disposant d'un minimum d'autonomie de gestion.

9. En l'espèce, d'une part, c'est en exécution du contrat de travail conclu entre M. E... et la société Halliburton que celle-ci lui fournissait logement et nourriture pour ses séjours en Algérie, et ce, au cours de la même période où il exerçait son activité de consultant pour la société Pan African Energy Consultants Limited et, d'autre part, cette dernière société, qui exerce son activité de conseil, d'études de marché, de représentation commerciale au profit de clients essentiellement français à partir de son siège de direction effective qui est situé en France à Mielan (Gers). Les crédits bancaires taxés d'office proviennent de virements effectués par cette société depuis ses comptes bancaires suisses vers des comptes bancaires suisses de M. E.... Celui-ci se borne à affirmer qu'en tant que consultant, il est dans l'impossibilité de justifier concrètement l'existence d'une base fixe mais soutient que son activité nécessite nécessairement une présence en Algérie afin de mettre à profit son carnet d'adresses algérien et de mener à bien ses missions. Toutefois, il n'apporte pas la preuve qui lui incombe de ce que son appartement situé en Algérie aurait comporté des aménagements ou des moyens en matériels ou personnels de nature à lui permettre d'accomplir l'activité pour laquelle il a été commissionné et serait de ce fait une base fixe au sens des stipulations de l'article 14 de la convention. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de ces stipulations doit être écarté.

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

10. Aux termes du dernier alinéa de l'article L. 10 du livre des procédures fiscales dans sa rédaction applicable : " Avant l'engagement d'une des vérifications prévues aux articles L. 12 et L. 13, l'administration des impôts remet au contribuable la charte des droits et obligations du contribuable vérifié ; les dispositions contenues dans la charte sont opposables à l'administration ". En vertu du paragraphe 5 du chapitre III de la charte des droits et obligations du contribuable vérifié, le contribuable peut saisir l'inspecteur principal pour obtenir des éclaircissements supplémentaires sur les redressements envisagés, maintenus par le vérificateur. Si des divergences importantes subsistent, il peut " faire appel à l'interlocuteur départemental ou régional qui est un fonctionnaire de rang élevé spécialement désigné par le directeur dont dépend le vérificateur ". Ces dispositions assurent au contribuable la garantie substantielle de pouvoir obtenir, avant la clôture de la procédure de redressement, un débat avec le supérieur hiérarchique du vérificateur, puis, le cas échéant, dans un second temps, avec un fonctionnaire de l'administration fiscale de rang plus élevé. Ces garanties doivent pouvoir être exercées dans des conditions ne conduisant pas à ce qu'elles soient privées d'effectivité.

11. Le remplacement de Mme A..., initialement désignée, par M. B..., administrateur des finances publiques adjoint et interlocuteur interrégional, soit de rang égal à Mme A... et de rang plus élevé à celui du supérieur du vérificateur, n'a pas eu pour effet d'empêcher le requérant de soumettre le différend à l'interlocuteur interrégional présent à l'entretien.

12. La circonstance que le compte rendu de l'entretien adressé le 15 juillet 2015 au requérant comporterait des erreurs est sans incidence sur la régularité de la procédure.

13. Contrairement à ce que M. E... affirme, il ne résulte pas du compte rendu de l'entretien que celui-ci n'a porté que sur la détermination de sa résidence fiscale.

Sur l'imposition des bénéfices non commerciaux :

14. Si M. E..., qui reconnaît avoir perçu les montants de commissions qui ont été retenus par le service pour évaluer d'office les bénéfices non commerciaux qu'il a tirés de son activité de consultant au cours des années en litige, conteste le fait que le service a retenu un montant de charges forfaitaire de 10 % des recettes et non de 30 %, il n'apporte aucun élément à l'appui de son évaluation de charges. En se bornant à de telles allégations sans les assortir d'éléments concrets, M. E... n'établit pas le caractère exagéré de la reconstitution du résultat imposable de son activité occulte au titre des années 2008 à 2012.

Sur les pénalités :

15. Aux termes de l'article 1728 du code général des impôts : " 1. Le défaut de production dans les délais prescrits d'une déclaration ou d'un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt entraîne l'application, sur le montant des droits mis à la charge du contribuable ou résultant de la déclaration ou de l'acte déposé tardivement, d'une majoration de : (...) / c. 80 % en cas de découverte d'une activité occulte. (...) ". Il résulte de ces dispositions, éclairées par les travaux parlementaires qui ont précédé l'adoption de la loi dont elles sont issues, que, dans le cas où un contribuable n'a ni déposé dans le délai légal les déclarations qu'il était tenu de souscrire, ni fait connaître son activité à un centre de formalités des entreprises ou au greffe du tribunal de commerce, l'administration doit être réputée apporter la preuve, qui lui incombe, de l'exercice occulte de l'activité professionnelle si le contribuable n'est pas lui-même en mesure d'établir qu'il a commis une erreur justifiant qu'il ne se soit acquitté d'aucune de ces obligations déclaratives. S'agissant d'un contribuable qui fait valoir qu'il a satisfait à l'ensemble de ses obligations fiscales dans un État autre que la France, la justification de l'erreur commise doit être appréciée en tenant compte tant du niveau d'imposition dans cet autre État que des modalités d'échange d'informations entre les administrations fiscales des deux États.

16. En l'espèce, l'administration fiscale a fait application de la majoration de 80 % prévue par les dispositions du c du 1 de l'article 1728 du code général des impôts en se fondant sur le caractère occulte de l'activité du requérant.

17. Il est constant que M. E... n'a pas déclaré aux services fiscaux français les commissions qu'il a perçues au titre de son activité de consultant pour la société Pan African Energy Consultants.

18. Pour justifier ne pas s'être acquitté de ses obligations déclaratives en France, M. E... soutient qu'il avait satisfait à l'ensemble de ses obligations fiscales en Algérie et qu'il a payé l'impôt sur le revenu portant sur les sommes litigieuses dans ce pays.

19. Il résulte de l'instruction que M. E... n'a payé en Algérie ses cotisations d'impôt sur le revenu au titre des années 2009 et 2012 que postérieurement au début des opérations de contrôle dont il a fait l'objet en France. En outre, il a été imposé, en droits, pour un montant global de 25 321 290 dinars algériens, soit l'équivalent de 189 360 euros. Ce niveau d'imposition représente seulement 16,33 % de celui en France où M. E... a été assujetti entre 2009 et 2012 à une somme globale de 1 158 972 euros, en droits, en impôt sur le revenu. Compte tenu de cet écart significatif entre les deux niveaux d'imposition, M. E... n'établit pas qu'il a commis une erreur justifiant qu'il ne se soit acquitté d'aucune des obligations déclaratives lui incombant en France. Dès lors, il entrait dans le champ d'application du c du 1 de l'article 1728 du code général des impôts. C'est par suite à bon droit que l'administration a appliqué la majoration de 80 % pour activité occulte.

Sur les amendes pour absence de déclaration de comptes détenus à l'étranger entre 2009 et 2013 :

20. M. E... reprend en appel, sans apporter aucun élément de fait ou de droit nouveau ses moyens invoqués en première instance et tirés de l'absence d'une domiciliation en France et de ce qu'il ne serait en réalité titulaire que d'un seul compte n° 11112171, ouvert à l'étranger, même si ce compte comprend deux sous-comptes n° 2000 et 2001 en devises, l'un libellé en euros et l'autre en dollars américains. Il y a lieu d'adopter les motifs retenus à bon droit par tribunal administratif pour écarter ces moyens.

21. Il résulte de tout ce qui précède que M. E... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par l'article 3 du jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté le surplus de ses demandes.

Sur les rappels de taxe sur la valeur ajoutée :

22. Pour décharger M. E... des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels il a été assujetti pour la période du 1er janvier 2008 au 31 décembre 2012, le tribunal administratif de Nantes s'est fondé sur l'absence de communication par l'administration de l'enquête diligentée par des services de la direction spécialisée de contrôle fiscal Sud Ouest concernant la société Pan African Energy Consultants Limited malgré les demandes clairement formulées en ce sens dans les différents mémoires que le contribuable a présentés pendant l'instance. Il a estimé que, dans ces conditions, M. E... n'a pas été mis à même de contester cet élément et d'apporter la preuve que les rappels de taxe sur la valeur ajoutée en litige n'étaient pas fondés.

23. Toutefois, en premier lieu, la proposition de rectification du 15 décembre 2014 adressée à M. E..., l'administration précise qu'il a été constaté lors d'une opération de visite et de saisie du 19 février 2013 autorisée par une ordonnance délivrée le 18 février 2013 par le juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance d'Auch sur le fondement du L. 16 B du livre des procédures fiscales, préalablement à la vérification de comptabilité de la société Pan African Energy Consultants Limited, que le preneur des prestations de services de M. E..., soit cette société, a son siège de direction effective en France au lieu du domicile de son gérant en France où étaient présents l'ensemble des documents juridiques et de la vie économique de la société, les actes de gestion et ceux nécessités par son activité et non à l'adresse statutaire du siège social à Gibraltar où elle ne disposait pas de moyens matériels et humains lui permettant d'exercer réellement son activité, et exerçait ses prestations au bénéfice de sociétés françaises. Elle est donc suffisamment motivée au sens de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales et a mis à même M. E... de présenter utilement des observations.

24. En deuxième lieu, la proposition de rectification du 15 décembre 2014, après avoir rappelé l'existence de procès-verbaux dans le cadre de la mise en oeuvre de l'article L.16 B du livre des procédures fiscales, a mentionné que la société Pan African Energy Consultants Limited pour laquelle M. E... a exercé une activité de consultant de 2008 à 2012, en étant chargé d'identifier pour cette société des opportunités d'affaires, des partenaires potentiels et des fournisseurs, a fait l'objet d'une enquête diligentée par les services de la direction spécialisée de contrôle fiscal Sud-Ouest et d'une vérification de comptabilité. Elle a reproduit la teneur de la proposition de rectification adressée à cette société, qui est relative à la circonstance que cette société justifie de son siège de direction effective en France et non à Gibraltar. Ainsi, l'administration doit être regardée comme permettant à M. E... de contester ce fait alors même qu'elle n'a pas communiqué à celui-ci des pièces de l'enquête au cours de la première instance.

25. Enfin, aux termes de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales : " L'administration est tenue d'informer le contribuable de la teneur et de l'origine des renseignements et documents obtenus de tiers sur lesquels elle s'est fondée pour établir l'imposition faisant l'objet de la proposition prévue au premier alinéa de l'article L. 57 ou de la notification prévue à l'article L. 76. Elle communique, avant la mise en recouvrement, une copie des documents susmentionnés au contribuable qui en fait la demande. ". Il résulte de ces dispositions que l'administration n'est pas tenue de communiquer d'elle-même, en l'absence de toute demande du contribuable, les documents obtenus de tiers et sur lesquels elle se fonde pour établir les impositions. En l'espèce, M. E... ne fait état dans le dossier d'aucune demande explicite en ce sens avant la mise en recouvrement des impositions litigieuses.

26. Compte tenu de ce qui est dit aux points 23 à 25, le ministre de l'action et des comptes publics est fondé à soutenir que c'est à tort que, par l'article 2 du jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes, pour décharger les rappels litigieux, a retenu le motif pris de ce que l'administration, en ne communiquant les documents de l'enquête malgré les demandes de M. E... en cours d'instance devant lui, a estimé que l'intéressé n'a pu utilement contester l'existence du siège de direction effective de la société Pan African Energy Consultants Limited en France.

27. Il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. E... tant devant le tribunal administratif de Nantes que devant la Cour.

28. Un contribuable ne peut pas contester la régularité de la procédure d'imposition suivie à son encontre en se prévalant des irrégularités ayant affecté la vérification de comptabilité d'un tiers même si ce dernier est son unique client compte tenu du principe de l'indépendance des procédures. Il en découle que les moyens tirés de l'absence de preuve de la notification de la proposition de rectification adressée à la société Pan African Energy Consultants Limited, de l'absence de communication de l'intégralité de la proposition de rectification adressée à la société et de la méconnaissance du principe du contradictoire doivent être écartés.

29. La procédure de taxation d'office ayant été appliquée aux rappels de taxe sur la valeur ajoutée en application des dispositions du 3° de l'article L. 66 du livre des procédures fiscales, il appartient à M E..., en application de l'article L. 193 du même livre, de justifier de l'exagération de ces rappels.

30. Comme l'a dit pour droit la Cour de justice des communautés européennes dans son arrêt du 28 juin 2007, Planzer Luxembourg (C-73/06), la notion de siège de l'activité d'un assujetti pour les besoins de l'imposition à la taxe sur la valeur ajoutée vise le lieu où sont adoptées les décisions essentielles concernant la direction générale de son activité. La détermination de ce lieu implique la prise en considération d'un faisceau d'indices relatifs à l'activité de l'assujetti, tels que le lieu de l'administration centrale et celui, habituellement identique, où il arrête sa politique générale. D'autres éléments tels que le domicile de l'assujetti, le lieu où il tient les documents administratifs et comptables en relation avec son activité et où se déroulent principalement les activités financières, notamment bancaires, liées à cette activité, peuvent également entrer en ligne de compte.

31. Aux termes de l'article 259 du code général des impôts, dans la version applicable au cours de la période du 1er janvier 2008 au 31 décembre 2009 : " Le lieu des prestations de services est réputé se situer en France lorsque le prestataire a en France le siège de son activité ou un établissement stable à partir duquel le service est rendu ou, à défaut, son domicile ou sa résidence habituelle. ".

32. Comme il a été dit au point 9, l'appartement de M. E... situé en Algérie n'a pas comporté des aménagements ou des moyens en matériels ou personnels de nature à lui permettre d'accomplir son activité professionnelle. Ses prestations de consultant étaient en revanche réalisés à partir de son domicile en France, où il a pu tenir des documents administratifs et comptables en relation avec son activité et où ont pu se dérouler principalement les activités financières, notamment bancaires, liées à son activité. C'est dès lors à bon droit que l'administration a assujetti les prestations de services fournies par M. E... à des rappels de taxe sur la valeur ajoutée pour la période du 1er janvier 2008 au 31 décembre 2009.

33. Aux termes de l'article 259 du code général des impôts, dans la version applicable au cours de la période du 1er janvier 2010 au 31 décembre 2012 : " Le lieu des prestations de services est situé en France : / 1° Lorsque le preneur est un assujetti agissant en tant que tel et qu'il a en France : / a) Le siège de son activité économique, sauf lorsqu'il dispose d'un établissement stable non situé en France auquel les services sont fournis ;/ b) Ou un établissement stable auquel les services sont fournis ; / c) Ou, à défaut du a ou du b, son domicile ou sa résidence habituelle ;(...) ".

34. Il résulte de la proposition de rectification du 11 septembre 2014 adressée à la société Pan African Energy Consultants Limited, que cette société ne dispose pas au lieu de son siège statutaire, à Gibraltar, de moyens matériels et humains lui permettant d'exercer son activité de prestations de services de conseil, d'entremise et de représentation commerciale mais exerce d'une manière habituelle et continue depuis 2003, date de sa création, son activité de services de représentation commerciale et de courtier chargé de la recherche et de l'obtention de marchés de matériels de sécurité en Algérie au bénéfice de sociétés françaises. L'exploitation des documents saisis en France dans le cadre de la mise en oeuvre de l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales, sur laquelle s'est fondée la proposition de rectification, a permis de constater que toutes les décisions et tous les actes de gestion et actes nécessités par l'activité de la société sont accomplis depuis le domicile personnel du seul associé de la société, M. C..., à Miélan en France, lequel en outre signe les contrats et dispose d'un compte bancaire ouvert en France sur lesquels des virements réguliers en provenance de la société ont été enregistrés. Compte tenu de ces éléments, la direction effective de la société est située en France et non à Gibraltar. La société, en tant que preneur, devait être regardée comme établie en France au sens des dispositions de l'article 259 du code général des impôts. Par suite, l'administration fiscale avait pu légalement assujettir à la taxe sur la valeur ajoutée les prestations de conseil ou de consultant que lui avait rendues M. E..., au titre de la période du 1er janvier 2010 au 31 décembre 2012.

35. Il résulte de ce qui précède que le ministre de l'action et des comptes publics est fondé à demander l'annulation de l'article 2 du jugement du tribunal administratif de Nantes du 22 juin 2018.

Sur les frais liés au litige :

36. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions relatives aux frais liés au litige présentées par M. E....

DÉCIDE :

Article 1er : La requête n°18NT02846 de M. E... est rejetée.

Article 2 : L'article 2 du jugement du tribunal administratif de Nantes du 22 juin 2018 est annulé.

Article 3 : Les rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels M. E... a été assujetti au titre de la période du 1er janvier 2008 au 31 décembre 2012 sont remis à sa charge.

Article 4 : Les conclusions relatives aux frais liés au litige présentées par M. E... dans le cadre de la requête n°18NT03617 sont rejetées.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. F... E... et au ministre des comptes publics.

Délibéré après l'audience du 27 août 2020, à laquelle siégeaient :

- M. Bataille, président de chambre,

- M. D..., président assesseur,

- M. Brasnu, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 10 septembre 2020.

Le rapporteur,

J.-E. D...Le président,

F. Bataille

Le greffier,

A. Rivoal

La République mande et ordonne au ministre des comptes publics, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 18NT02846


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 18NT02846
Date de la décision : 10/09/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. BATAILLE
Rapporteur ?: M. Jean-Eric GEFFRAY
Rapporteur public ?: Mme CHOLLET
Avocat(s) : LIEVRE-GRAVEREAUX

Origine de la décision
Date de l'import : 22/09/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2020-09-10;18nt02846 ?
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